La Première Guerre Mondiale
Daniel Wrinn
« Passionnant... le genre de livre qui donne vie à l'histoire. » - Plongez dans l'incroyable histoire de la Première Guerre mondiale grâce à ces récits captivants. Avec un aperçu unique et fascinant des petites histoires de la « Guerre qui devait mettre fin à toutes les guerres », ce livre fascinant dévoile des histoires passionnantes des tranchées, des mers, des cieux et du désert d'un monde déchiré par la guerre. De la mission périlleuse d'un capitaine chargé de faire passer des armes pour une rébellion irlandaise aux pilotes et soldats héroïques des quatre coins du monde, ces récits mettent en lumière des personnages et des évènements réels de l'un des plus grands conflits de l'histoire de l'humanité.
« Passionnant... le genre de livre qui donne vie à l'histoire. » - Plongez dans l'incroyable histoire de la Première Guerre mondiale grâce à ces récits captivants. Avec un aperçu unique et fascinant des petites histoires de la « Guerre qui devait mettre fin à toutes les guerres », ce livre fascinant dévoile des histoires passionnantes des tranchées, des mers, des cieux et du désert d'un monde déchiré par la guerre. De la mission périlleuse d'un capitaine chargé de faire passer des armes pour une rébellion irlandaise aux pilotes et soldats héroïques des quatre coins du monde, ces récits mettent en lumière des personnages et des évènements réels de l'un des plus grands conflits de l'histoire de l'humanité.
WWI : « Ailes coupées », l'histoire puissante et héroïque d'un pilote qui, après avoir été abattu, a passé 72 jours harassants à fuir derrière les lignes ennemies ; Mission en Irlande », qui explore le plan sournois et astucieux visant à faire passer un navire chargé d'armes afin de déclencher une rébellion irlandaise contre les Britanniques ; « Voyage au Paradis », un aperçu fascinant des batailles moins connues sur le dur et impitoyable front mésopotamien.
La Première Guerre Mondiale
Copyright © 2021 par Daniel Wrinn
Tous droits réservés.
Ce livre est basé sur des événements réels. Certains des personnages et des événements décrits dans ce livre sont fictifs. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, est fortuite et n'est pas voulue par l'auteur.
Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen électronique ou mécanique que ce soit, y compris les systèmes de stockage et d'extraction de l'information, sans l'autorisation écrite de l'auteur, à l'exception de l'utilisation de brèves citations dans une critique de livre.
Table des Matières
Page de Titre (#uc921146e-62dd-524a-b664-67067ae40544)
Droits d'Auteur (#u25b18eb6-adfd-561b-812f-8c52f50c79c6)
La Première Guerre Mondiale (#u48cf7c97-025d-54fd-a390-71b6cb1d6a18)
La légende des Anges de Mons (#u49e00e3c-1401-5ab0-81e7-140e9d6139a7)
Noël dans les tranchées (#uff095832-0668-50cd-a49e-bb301d0a21da)
Le raid des Zeppelins sur Londres (#u4ba5d207-873d-59a1-a861-fbc5229a59e2)
La bataille de Jutland (#ue62be21a-dbdc-5a56-80bc-27df0cd9f5ec)
L’hécatombe dans la Somme (#u62ef4915-0d53-54ec-ac2d-5887df2bcb0e)
Mutinerie sur le front occidental (#uc3dba624-ed8c-5854-8233-ac5f1496e283)
Le cauchemar du bois de Belleau (#u53c68dec-91be-57ed-a06d-e87d8890f082)
La guerre qui mettra fin à toutes les guerres (#ud0dc046e-1f29-512c-99f5-4ce6a141452b)
Ailes brisées (#u871dfb1c-7ccf-54f0-a4a3-581f66eab16a)
Gagner mes ailes (#u0f0e932a-3307-53b3-81be-3beb6603f5f4)
Prisonnier de guerre (#u86de025a-687b-5490-baa7-c3d523f4a4e9)
Mon ami allemand (#ud9da55b8-9f25-50b2-8056-4a2be08c2d6e)
Banquet à Courtrai (#u1c30f569-908e-5f82-b108-840b45ef9251)
La grande évasion (#ub15d6b93-29b5-5816-8475-98b385cf8bb4)
La traversée de l'Allemagne (#ubaeb3e1b-6c38-5e21-91b9-57c17f942875)
Aventures au Luxembourg (#u7824c81f-8bc6-5a10-878b-132a0d70e341)
Traqué comme un animal (#u51203820-37b7-5723-8151-d2eed4938597)
L’errance en Belgique (#u5d6ba2f3-9338-5d09-ba2e-65464ba4e595)
Affrontement avec les soldats allemands (#u3ad28dc2-93c1-5cbd-ad5b-35d1959cae50)
Mon faux passeport (#u9a6c935c-c6f3-5fd5-8c58-5660aee06f33)
Par le trou de la serrure (#ue598872f-5f4f-5c2c-a62a-a16724396112)
Spectacle de cinéma (#u3e1db594-5e62-5061-9fe2-9b26fbe0d529)
L’attaque du village (#ude9aeafe-9495-558a-8f30-06d9152a24a6)
L'approche de la frontière (#uf4e708de-3479-5643-9262-ddf0cd6e3075)
Arrivée en Hollande (#u71bb41d4-fbc4-5187-ab86-2c58f38689a5)
Dans les rues de Rotterdam (#u81828cbc-ebd1-5c29-bf08-778cc8202824)
Rencontre avec le roi (#uac9fee68-6566-553f-9fea-fd74034f72b5)
De retour à la maison (#uff360098-a401-5345-88c9-5251dae69730)
Mission en Irlande (#u3593d875-7ca1-523d-9f64-ae5a46e10781)
Introduction (#u3b6740f5-5181-5cd8-9309-bd31d15c9aba)
Les volontaires s'engagent (#uaf38016a-0d81-5e0c-bf81-e47486a392cd)
Notre navire mystère (#udc65e604-8047-5edd-b75c-6eaaebe7b533)
Sir Roger Casement (#u507a1a49-1271-53bd-af68-b3c389cb7da6)
Bonjour Capitaine (#u42ff3294-2681-5c6f-9837-9e3e4e185c0d)
L'Aud norvégien (#u54b336b3-a9f3-56c6-a09e-c374ebeb5bcd)
Le long de la côte danoise (#ue2eb4a24-bb38-5ecc-bfec-8fa664d2d087)
Un vent nouveau sur le Kattegat (#ub481bab2-8f16-506e-bc92-43f892fdb3da)
À tribord toute (#uad02c3a2-ddb1-5c64-a7d4-37e01c814b1e)
Le Méridien de Greenwich (#ud0674319-ae2d-5ab9-9801-d3c6d193ecd9)
La mer est calme (#uc3eb0f2a-110d-5195-ae0a-bfe260de5e08)
Ouvrez l'œil, et le bon (#uc9eefa6f-243d-5166-be01-87069a867885)
Un chaudron de sorcière (#u646f5f05-ebc5-5153-aef4-df899ac7ab51)
Enfin sortis de la tempête (#u680e0cc8-2b3c-573d-9eef-eda83244eaba)
Le rendez-vous à Tralee Bay (#uf38ca8f6-1aa1-5e69-8bea-620b313424e3)
Whisky pour le capitaine anglais (#u5c9b9a9e-421d-5880-b8db-a1e336aa33d7)
Entouré par l'Océan Atlantique (#u3db04fd3-0eec-52f7-a865-32c4cbf78f32)
Suivez-nous jusqu'à Queenstown (#ubd5ae0e1-f602-5f72-b0c5-186ed91f801b)
La destruction de l'Aud (#u81e7919c-dd62-58e6-bcda-234af31754ab)
Les lois de la guerre (#u393feb6d-39d7-5eb5-b0f1-cb466c22aa01)
Fusillé dans la tour (#ub2de84b0-f354-5247-bb72-8951be17e4dc)
Ma tentative d'évasion (#u5206b266-e0aa-5075-91fc-6ac62063579d)
Des Tommies dans les environs (#u76a280d9-e29d-5ba3-aacd-7e59b6c8249e)
Échapper à notre piège (#ueb52980f-702a-59bc-ae1f-2c3f69d9256d)
À la recherche de l'aérodrome (#u6eaf4946-c208-5748-b1ff-5a6c15e4869c)
Les lumières de Nottingham (#u5310f280-aa07-56e3-82cb-12e6c00a7a32)
Deux ans de travail forcé (#ue8409225-102f-564c-96fa-0c6c8240ad25)
Note de l'auteur (#ue17559c5-0a9d-523f-b28a-aa042c05a7a7)
Voyage dans l'Eden (#u23a5ac87-9841-522e-81d4-6d232851c22f)
Introduction (#u6d831b22-aa71-5bfe-a474-90cb9bdf76c7)
En route pour la Mésopotamie (#uab52fa60-c610-57dd-80fc-4b7096a0fb5a)
Arrivée à Bagdad (#u0bd2544e-9020-58b8-b250-d03d2f2a0597)
En patrouille à Babylone (#uaba0bc70-ae0a-523b-95ab-89f1f2adb47c)
Escarmouches sur le front kurde (#u2bafd7aa-f8d3-5d7d-b99b-d165924755de)
Remontée de l'Euphrate (#ua0f8d7d2-f849-51ac-bbb1-99f39f5a3d7b)
La poursuite du convoi d'or (#u2d3b3a72-c4a4-557a-b59d-96d9b3097e9f)
Croquis de Bagdad (#ue1f4222e-e1e4-5b05-bd3c-cc40f58b8d6f)
Attaque sur le front perse (#u259d7b83-3dc8-5707-85d0-6732dadc7b54)
Les Turcs refusent de se rendre (#u9fae7e69-d0d0-509c-852e-9f7e1a6381bc)
La traversée de la Palestine (#uad1c9843-1bd6-58a2-a3d0-58a28de4d448)
L'armée américaine en France (#u7940f110-ff38-5fee-98d4-265ea2ab6b0c)
L'Allemagne et le retour au pays (#uae437b9b-3da8-588e-83a9-ea4211d6403d)
Note de l'auteur (#u62a7da89-fb6f-5c2b-8c18-31dd81533807)
Introduction
Les officiers de cavalerie, les chars d'assaut et les avions de fortune de la première guerre mondiale semblent aujourd'hui appartenir à une époque lointaine. Les pertes de cette grande guerre sont immenses. Il est facile d'oublier les individus qui ont se sont trouvés engagés dans ce conflit. La plupart d'entre eux étaient des civils - ouvriers agricoles et d'usine, fonctionnaires, enseignants - arrachés à leur vie quotidienne et plongés dans une épreuve terrifiante et mortelle. Cette guerre a été d’une trop grande ampleur pour être gérée par des armées professionnelles permanentes.
Les histoires de ce livre sont celles d'hommes et de femmes ordinaires : des soldats, des marins et des pilotes et équipages aériens pris dans les grandes batailles et campagnes. Ceux qui ont survécu sans lésions physiques ou psychologiques apparentes ont été tourmentés par ce qu'ils ont vu et fait. Un vétéran britannique se rappelle :
Il nous a fallu des années pour nous en remettre. Des années ! Longtemps après, lorsque tu travaillais ou allongé dans ton lit avec ta femme, une fois marié, et après avoir eu des enfants, tu revivais tout ça. Impossible de dormir. Impossible de rester en place. Souvent, je me levais et j’arpentais les rues jusqu’au petit jour. J'ai souvent rencontré d'autres gars qui faisaient exactement la même chose. Ça a duré des années.
Pour ceux qui ont combattu, la grande guerre est restée l'expérience la plus intense et la plus mouvementée de leur vie. Au début du mois d'août 1914, les pays les plus puissants du monde se déclarent la guerre. Ils sont connus sous le nom de Puissances centrales : La Hongrie, l'Autriche et l'Allemagne s'alignent contre les puissances alliées : La France, la Grande-Bretagne et la Russie, ainsi que leurs empires coloniaux.
À mesure que la Grande Guerre progresse, d'autres nations sont entraînées dans le conflit. La Bulgarie et l'Empire ottoman rejoignent les Puissances centrales. En revanche, le Japon, la Chine, la Roumanie, les États-Unis et l'Italie se joignent aux Alliés.
C’est le début de la première véritable guerre mondiale. Elle impliquerait ultimement des pays de tous les continents. La plupart des combats se déroulèrent en France et sur les fronts est et ouest de l'Allemagne.
La population s’était assemblée à l'annonce du début de la guerre. Les foules avaient afflué vers les grandes places des villes majestueuses d'Europe. Chaque camp prévoyait de grandes marches et des batailles héroïques rapidement décidées. Le Kaiser avait déclaré que ses troupes seraient de retour chez elles avant la chute des feuilles en automne.
Les Britanniques n’étaient pas aussi optimistes. On disait souvent que la guerre serait terminée à Noël. Seuls quelques politiciens clairvoyants avaient réalisé ce qui se préparait, notamment le ministre britannique des Affaires étrangères, Sir Edward Grey.
La Grande-Bretagne déclare alors la guerre à l'Allemagne le 4 août. Sir Edward Grey commente à un ami l'entrée de la Grande-Bretagne dans la Première Guerre mondiale :
Les lampes sont éteintes dans toute l'Europe. Nous ne les verrons pas se rallumer de notre vivant.
Sa remarque avait une signification profonde. À l'époque, la Grande-Bretagne était un pays puissant et prospère, doté d'un énorme empire. Cette guerre prouvera la triste réalité de cette guerre du 20
siècle et fera perdre à la Grande-Bretagne son statut de nation la plus puissante du monde.
Presque tous les autres pays ayant participé à la guerre ont également souffert. En France, la moitié des hommes âgés de 20 à 35 ans ont été tués ou gravement blessés. L'empire hongrois-autrichien se désintègre.
Les Allemands ayant perdu leur monarchie après la guerre, se trouvent au bord d'une révolution communiste. La guerre a éradiqué la monarchie russe et porté au pouvoir les bolchéviques communistes. Avec eux, 70 ans d'oppression brutale et totalitaire se prépare. Les Russes souffrent toujours des horribles conséquences de la première guerre mondiale.
Les États-Unis ont été l'une des rares nations à émerger plus forte. En 1919, les États-Unis sont devenus la nation la plus riche et la plus puissante du monde.
En dehors de ses conséquences, la première guerre mondiale a quelque chose de particulièrement obsédant. La foule qui s’assemble dans les centres-villes en ce mois d'août n'avait aucune idée de ce que les quatre années suivantes allaient lui réserver. Le gaspillage de la vie ou ce que l'homme d'état britannique Lloyd George a décrit comme :
L'effroyable boucherie des offenses vaines et insensées.
Après que le dernier obus a été tiré et que la dernière bonbonne de gaz a été vidée, il ne restera plus rien, sauf plus de 21 millions de morts.
Connue comme la guerre qui mettra fin à toutes les guerres. Ce fut un conflit incontestablement horrible et déchirant. Beaucoup espérèrent que l'humanité ne serait pas assez stupide pour recommencer. Après la signature du traité de paix de Versailles mettant officiellement fin à la guerre en 1919, l'un des principaux participants, le maréchal Foch, commandant français, a qualifié les procédures comme ressemblant à un cessez-le-feu qui durera 20 ans. Au début des années 1920, les gens commencent à parler de la guerre comme de la première guerre mondiale.
Les causes de la guerre furent multiples. Le système d'alliances rivales entre les différentes puissances européennes s'est édifié tout au long des précédentes décennies. Chaque pays a tenté de renforcer sa sécurité et ses ambitions en se liant à des alliés puissants. Si les alliances offraient une certaine sécurité, elles s'accompagnaient également d'obligations.
Les évènements qui ont conduit à la guerre ont été déclenchés en juin 1914, lorsque l'étudiant serbe Gavrilo Princip assassine l'héritier du trône austro-hongrois, l'archiduc Franz Ferdinand. En représailles, ils déclarent la guerre à la Serbie.
La Serbie était un allié de la Russie. La Russie rejoint donc la guerre contre l'Autriche-Hongrie et toutes les autres nations rivales liées à leurs alliances respectives. Elles ont été entraînées dans le conflit, qu'elles le voulaient ou non.
Pourquoi une querelle entre la Russie et l'Autriche-Hongrie au sujet d'un pays peu connu d'Europe de l'Est devrait-elle automatiquement impliquer la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne ?
C'est parce que chacun était obligé de soutenir l'autre en cas de guerre. Il y avait aussi d'autres rancœurs de longue date. La Grande-Bretagne maintenait son pouvoir du fait de sa flotte la plus large du monde. Aussi, lorsque l'Allemagne commença à construire une flotte capable de rivaliser avec la marine britannique, la Royal Navy, les relations entre ces deux pays se détériorèrent rapidement.
Les Britanniques et les Français possédaient de vastes empires coloniaux. L'Allemagne, également prospère et puissante, ne possède que quelques colonies et en veut davantage. Tour participèrent à la lutte pour maintenir ou améliorer leur pouvoir dans le monde.
La raison pour laquelle le conflit a été si horrible est plus facile à expliquer. La guerre s'est déroulée à un moment de l'évolution de la technologie militaire où les armes pour défendre une position étaient beaucoup plus efficaces que les armes disponibles pour l'attaquer. Le développement des tranchées fortifiées, des fils barbelés, des mitrailleuses et des fusils à tir rapide permettait à une armée de défendre son territoire de manière simple et directe. Une armée attaquant un territoire bien défendu devait compter sur ses fantassins, armés uniquement de fusils et de baïonnettes, et ils allaient être massacrés par millions.
Tous les généraux impliqués dans la guerre avaient été formés pour combattre par l’attaque, c'est donc ce qu'ils firent. Il leur avait été enseigné que la cavalerie était l'une des meilleures armes offensives. La cavalerie - toujours armée de lances, comme elle l’avait été pendant les deux mille ans précédents, participa à quelques batailles, notamment au début de la guerre.
Ces troupes d'élite furent rapidement massacrées. Les tactiques d'Alexandre le Grand, de Gengis Khan et de Napoléon, qui avaient utilisé très efficacement la cavalerie, n'étaient pas à la hauteur de la puissance meurtrière à l'échelle industrielle des mitrailleuses du XX
siècle.
La nouvelle technologie de guerre s’était enrichie d'autres éléments peu glorieux : gaz toxiques, avions de chasse et bombardiers, zeppelins, chars, sous-marins et, surtout, artillerie (canons de campagne, obusiers, etc.). Ces armes avaient atteint un nouveau sommet de sophistication. Elles étaient beaucoup plus précises et tiraient plus rapidement qu'auparavant. Plus de 70 % de toutes les pertes de la première guerre mondiale ont été causées par l'artillerie. L'artillerie pouvait être utilisée pour attaquer et défendre, ne donnait pas plus d’avantage à un camp qu’à l’autre et rendait les combats plus difficiles et dangereux.
La guerre commença par une attaque massive de l'Allemagne contre la France, connue sous le nom de plan Schlieffen, du nom de son initiateur, le Général Alfred Graf von Schlieffen. Le plan prévoyait la traversée de la Belgique neutre par l’armée allemande pour s'emparer de Paris. L'idée était d'éliminer la France de la guerre le plus rapidement possible. Outre la neutralisation de l'un des plus puissants rivaux de l'Allemagne, cela présenterait deux autres avantages. Premièrement, cela priverait la Grande-Bretagne d'une base sur le continent d'où elle pourrait attaquer l'Allemagne. Deuxièmement, ses ennemis de l'ouest étant gravement désavantagés, l'Allemagne pouvait alors se concentrer sur la défaite de l'armée russe, beaucoup plus importante, à l'est.
Les combats de la fin de l'été et du début de l'automne 1914 furent parmi les plus violents de la guerre. Les deux parties subirent d'énormes pertes. Lors de la bataille de la Marne, l'avancée allemande est stoppée à moins de 25 kilomètres de Paris. Au début de novembre, les armées s'étaient enlisées dans des rangées de tranchées opposées, qui s'étendaient de la Manche à la frontière suisse. À quelques kilomètres près, la ligne de front restera la même pendant les quatre années suivantes.
À la frontière orientale de l'Allemagne, ses armées remportent des victoires écrasantes contre de vastes hordes d’envahisseurs russes à la fin d’août et au début de septembre. Ils empêchent le rouleau compresseur russe d'envahir leur pays. À partir de là, l'armée allemande avance progressivement vers l'est. En 1915, les troupes des corps d'armée britanniques et australiens tentent d'attaquer les Puissances centrales par le sud en passant par Gallipoli en Turquie. Cette stratégie fut un désastre. Entre avril et décembre 1915, environ 200 000 hommes furent tués en essayant de prendre pied dans cette péninsule étroite et vallonnée.
En 1916, la guerre qui était censée se terminer à Noël 1914, semblait devoir durer éternellement. Les Allemands lancèrent une attaque sur les forts de Verdun en février. Leur stratégie fut un succès à certains égards. L'armée française perdit 350 000 hommes et ne s'en remit jamais. Les Allemands subirent également plus de 300 000 pertes, et les Français tinrent les forts.
Le 31 mai 1916, la flotte allemande défia la Royal Navy britannique en mer du Nord, lors de la bataille du Jutland. Dans une confrontation totale, 14 navires britanniques et 11 navires allemands furent perdus. Si la marine britannique avait été détruite, l'Allemagne aurait sans aucun doute gagné la guerre.
La Grande-Bretagne insulaire aurait été affamée jusqu'à la soumission, car les cargos n'auraient pas pu naviguer dans les eaux britanniques sans être coulés. Les Britanniques ont peut-être perdu davantage de navires, mais la marine allemande ne s'est plus jamais aventurée en mer, et le blocus naval britannique de l'Allemagne est resté intact.
Le 1
juillet 1916, une autre grande bataille commence. Les Britanniques lancent une attaque totale sur la Somme, dans le nord de la France. Le commandant en chef britannique, le maréchal Haig, est convaincu qu'un assaut massif brisera la ligne de front allemande. Cela lui permettrait d'envoyer sa cavalerie et permettrait aux troupes de faire une avancée considérable en territoire ennemi.
L'attaque échoue dès les premières minutes et 20 000 hommes sont massacrés en une seule matinée. La bataille de la Somme continuera de s'éterniser pendant cinq autres misérables mois.
En 1917, un désespoir implacable s'installe sur les nations combattantes. Avec une obstination effroyable, le maréchal Haig lance une nouvelle attaque contre les lignes allemandes, cette fois en Belgique. Le mauvais temps a transformé le champ de bataille en un bain de boue impénétrable. Entre juillet et novembre, lorsque l'assaut est finalement annulé, les deux camps ont perdu un quart de million d'hommes.
Deux autres évènements survenus en 1917 ont eu des conséquences considérables sur l'issue de la guerre. Le peuple russe a terriblement souffert et, en mars, la révolution a contraint le tsar Nicolas II à abdiquer. En novembre, les bolchéviques radicaux prennent le pouvoir et imposent une dictature communiste à leur pays. L'une de leur première action est de faire la paix avec l'Allemagne.
Les bolchéviques supposaient que des révolutions similaires allaient balayer l'Europe, en particulier l'Allemagne. Ils pensaient que l'Allemagne deviendrait bientôt un autre régime communiste qui traiterait la Russie plus équitablement. Ils acceptèrent un traité de paix désavantageux en mars 1918. L'Allemagne s’empara de vastes étendues de terres de l'Empire russe - la Pologne, l’Ukraine, les États baltes et la Finlande. Pour l'Allemagne, c'est une grande victoire. Non seulement elle ajoutait une vaste portion de territoire à sa frontière orientale, mais elle pouvait désormais concentrer toutes ses forces pour vaincre les Britanniques et les Français.
Mais malgré ces succès, les évènements conspirent contre l'Allemagne. Après l'échec de la bataille du Jutland, qui lui a empêchée de dominer les mers, l'Allemagne s'engagea dans une politique de guerre sous-marine sans réserve. Les sous-marins allemands attaquaient tout navire se dirigeant vers la Grande-Bretagne, même ceux appartenant à des nations neutres.
Cette stratégie fut efficace, mais elle se retourna contre eux. Les attaques sous-marines provoquèrent l'indignation à l'étranger, notamment aux États-Unis, et devinrent l'une des principales raisons pour lesquelles l'Amérique se retourna contre l'Allemagne. Le président américain Woodrow Wilson fit passer son pays du côté des Alliés le 6 avril 1917. Pourtant, ce n'est qu'à l'été 1918 que les troupes américaines commencent à arriver en grand nombre sur le front occidental.
Le moment ne pouvait pas être plus mal choisi pour l'armée allemande. L'offensive Ludendorff, nommée d'après le commandant allemand Erich Ludendorff, débute le 21 mars 1918. Vingt-six divisions percent les troupes britanniques et françaises épuisées sur la Somme et déferlent sur Paris. Pendant un certain temps, il semble que l'Allemagne soit en train de gagner la guerre sur le front occidental et sur le front oriental. Les Britanniques sont tellement alarmés que le maréchal Haig donne l'ordre à ses troupes, le 12 avril, de s’engager et de se battre jusqu'à la mort :
Dos au mur et convaincus de la justesse de notre cause, chacun d'entre nous a le devoir de se battre jusqu'au bout.
L'offensive de Ludendorff s'est avérée être le dernier coup désespéré de l'armée mourante. Face à une résistance britannique tenace et à des troupes américaines fraîches et enthousiastes, l'avancée allemande s'arrête net. L'armée allemande n'a plus rien à donner. Chez elle, la population allemande meurt de faim après quatre années de siège par la Royal Navy. En août 1918, l'Allemagne est au bord de la révolution.
Les Alliés font une percée massive à travers les lignes de front allemandes dans le nord de la France et commencent à pousser sans relâche vers la frontière allemande. Confronté à une mutinerie au sein de ses forces armées, à une révolution dans son pays et à l'invasion inévitable de son territoire, le Kaiser abdique. Le gouvernement allemand demande un armistice (un cessez-le-feu) le 11 novembre 1918.
Les combats se poursuivent cependant jusqu'au dernier jour. Dans ses mémoires, le Général Ludendorff se souvient de la situation :
Le 9 novembre, l'Allemagne, privée de toute direction ferme, privée de toute volonté, privée de ses princes, s'est effondrée comme un château de cartes. Tout ce pour quoi nous avions vécu, tout ce que nous avions maintenu par le sang pendant quatre longues années avait disparu.
Bien que les villes Alliées se livrent à des célébrations enthousiastes, de nombreux soldats sur le front occidental accueillent la nouvelle par un haussement d'épaules fatigué. Les armes se sont tues. Les mauvaises herbes et les plantes envahissent petit à petit les champs de bataille désolés, couvrant les arbres flétris et les terres ravagées, transformant la noirceur en verdure présomptueuse. Les lieux de sépulture rudimentaires et improvisés peuvent finalement être remplacés par des monuments imposants dans de magnifiques cimetières.
De nombreux morts ont trouvé leur dernière demeure au milieu de longues rangées de croix, chacune portant le nom, le grade et la date du décès gravé dans le marbre. D'autres, dont les restes déchirés étaient éparts et méconnaissables, ont été enterrés sous des croix marquées de l’inscription « Connu de Dieu seul ».
Il faudra encore 10 ou 15 ans avant que les camions, les chariots à obus et les chars carbonisés ne soient emportés à la ferraille et que les trous d'obus ne soient rebouchés. Lorsque la guerre éclate à nouveau en 1939, la plupart des terres sont à nouveau cultivées. Mais la faible odeur de gaz persiste dans les recoins. Des fusils et des casques rouillés jonchent encore le sol cicatrisé et des douilles, des fragments d'éclats d'obus et des os humains peuvent encore être trouvés sur les champs de bataille du nord de la France.
La légende des Anges de Mons
Nous sommes le 24 août 1914, en début d'après-midi. Ces deux dernières semaines à attendre pour intercepter la cavalerie allemande ont été un cauchemar. Je scrutais le ciel orageux et je me suis souvenu d'un verset de l'Apocalypse :
Et le grand dragon fut chassé... Et ses anges furent chassés avec lui.
Mon environnement actuel en rajoutait à cette humeur.
Je me trouvais dans la ville minière belge de Mons, une zone marécageuse entrecoupée de canaux, et jonchée d'immenses tas d'ordures.
J'étais le capitaine du 4
régiment d’infanterie du CEB (Corps expéditionnaire britannique ) et j'avais été envoyé en France au début de la guerre. Nous faisions face à plus d'un million de soldats allemands. Ils étaient déterminés à atteindre Paris dans le cadre de la stratégie du général Schlieffen visant à remporter une victoire rapide.
Entre deux marches de plusieurs jours, j'avais connu des moments de pure terreur lorsque j'avais été surpris par des unités allemandes avancées ou des tirs d'artillerie. Lorsque j'avais dû ordonner à mes hommes de se lever et de se battre, ils avaient affronté des hordes de soldats ennemis, avançant en rangs si épais qu'ils semblaient ressembler à des nuages sombres balayant les champs verts. Les soldats qui combattent dans de telles conditions souffrent d'un état d'épuisement qui serait inimaginable pour la plupart des gens. Dans cet état, certains déclaraient avoir vu des châteaux imaginaires à l'horizon, des géants imposants et des escadrons du cavalerie - tout cela n'était, bien sûr, que des hallucinations.
Nos pertes avaient été catastrophiques - un bataillon d'infanterie moyen de 850 hommes du CEB se retrouvait avec à peine 30 hommes au moment où l'avance allemande était stoppée, et les tranchées établies. J'avais l'impression de vivre des moments apocalyptiques. C'est au cours d'une retraite désespérée qu'est née l'une des histoires les plus étranges de mes aventures de guerre : on murmurait qu'une nuée d'anges était venue se porter au secours des troupes britanniques à Mons.
Non seulement les anges avaient sauvé nos soldats d'une mort certaine, mais ils avaient aussi terrassé les Allemands qui attaquaient. Aussi extraordinaire que soit cette histoire, elle a été largement crue pendant des décennies après la fin de la guerre.
Au début des combats, les autorités de l'armée n'ont autorisé aucune information réelle en provenance du champ de bataille et, par conséquent, des histoires folles et fantaisistes commencèrent à circuler. Le correspondant de guerre Philip Gibbs avait écrit que la presse et le public étaient si désespérés de savoir ce qui se passait que :
Toute bribe de description, toute lueur de vérité, et toute déclaration, rumeur, conte de fées ou mensonge délibéré, qui leur parvenait de Belgique ou de France était facilement accepté.
Les fabulistes ont dû passer un bon moment. Dans cette atmosphère fiévreuse, l'histoire des Anges de Mons se répand comme une traînée de poudre. Comme toutes les légendes urbaines, elle a toujours été racontée de bouche à oreille. Un ami avait eu connaissance d'une lettre du front qui en faisait état, ou un officier anonyme l'avait racontée - et la légende s'est développée à partir de là. Parfois, un nuage mystérieux et lumineux faisait partie de l'histoire. Parfois, il s'agissait d'une bande de cavaliers ou d'archers fantômes ou même une fois de Jeanne d'Arc elle-même. Mais la plupart du temps, il s’agissait d’une armée d'anges venue secourir les troupes britanniques assiégées.
De nombreuses histoires folles de cette époque sont le résultat de la propagande gouvernementale. Mais celle-ci était plus innocente. Il s'agissait d'un article paru dans l'édition du 29 septembre du London Evening News, écrit par un journaliste indépendant. Cette fiction mystérieuse racontait l'histoire d'un groupe de soldats britanniques à Mons, attaqués et largement dépassés par les troupes allemandes.
Alors que les Allemands avançaient et que la mort semblait proche, les soldats murmuraient la devise : « Que Saint-Georges soit avec nous pour aider les Anglais ». Selon l'histoire :
Le rugissement de la bataille s’affaiblissait à ses oreilles, en un doux murmure. Puis, il entendit, ou sembla entendre, des milliers de personnes s’écrier St. George ! St. George ! Alors que le soldat entendit ces voix, il vit devant lui, au-delà de la tranchée, une longue ligne de formes auréolées d’une lumière éclatante. Elles ressemblaient à des archers et, alors qu’une clameur s’éleva, leur nuée de flèches s'envola en sifflant dans les airs vers l'armée allemande.
L'histoire était un méli-mélo poétique assemblant le saint patron de l'Angleterre aux fantômes Bowmans, les esprits de ces archers, peut-être, qui avaient remporté une célèbre victoire anglaise contre les Français à Agincourt en 1415. On a peut-être cru que l'histoire était vraie parce qu'elle apparaissait dans la nouvelle section du journal - probablement en raison de problèmes d'insertion, ou d'un simple malentendu du concepteur du journal, plutôt que d'une tentative délibérée du journal du soir d'induire ses lecteurs en erreur.
Le récit original était déjà assez absurde mais, dans les semaines et les mois qui ont suivi sa publication, les récits sont devenus encore plus aberrants. Les journaux britanniques alimentèrent une étrange hystérie en reproduisant des illustrations montrant des troupes britanniques priant dans les tranchées, tandis que des rangs d'archers fantomatiques tiraient des flèches lumineuses sur les Allemands en approche. Elle s'est répandue dans tout le pays, et l'histoire a évolué : les archers sont devenus des archers angéliques.
Le journaliste n'a jamais prétendu que son histoire avait un grain de vérité. « Ce conte est une pure invention », a-t-il admis. « J'ai tout inventé de ma propre imagination. »
Il était embarrassé par l'effet que cela avait eu sur le public britannique.
L'authenticité de l'histoire était encore débattue des décennies après la fin de la guerre. À la fin des années 1920, un journal américain a déclaré que les anges étaient des images cinématographiques projetées sur les nuages par des avions allemands. L'idée était de semer la terreur parmi les soldats britanniques. Pourtant, le plan se retourna contre eux, et les Britanniques supposèrent que les figures fantomatiques étaient de leur côté. Ce rapport tenait pour acquis que des Anges étaient apparus. Il ne faisait que proposer une explication logique, bien qu'extrêmement peu plausible, de la raison pour laquelle ils avaient été aperçus. Même dans les années 1970 et 1980, le Musée impérial de la guerre britannique était encore interrogé sur l'authenticité de cette histoire.
De nos jours, il est facile de se moquer de la bêtise de ceux qui croient à ces histoires. Mais le fait que cette histoire ait été largement répandue nous en dit long sur la société qui s’était engagée dans la guerre. J'ai eu la chance de survivre, mais des milliers d'autres hommes avaient été tués au cours des premiers mois de ce conflit.
Pour ceux qui avaient perdu leur mari ou leur fils, il y avait un grand besoin de consolation. Des histoires comme celle-ci rassuraient les parents en deuil. Il était particulièrement réconfortant de constater que Dieu était si manifestement du côté des Britanniques plutôt que des Allemands. D'autres histoires improbables ont circulé tout au long de la guerre. Certaines étaient basées sur les habituelles histoires farfelues racontées par les troupes en permission des tranchées.
On croyait généralement qu'une bande internationale de déserteurs renégats se promenait dans le « no man’s land », l’espace se trouvant entre les tranchées adverses. Ces histoires ont été délibérément fabriquées par l'unité de propagande du gouvernement britannique, afin de soutenir le moral des troupes et d'attirer l'Amérique dans la guerre.
La plupart du temps, les forces militaires allemandes se comportaient de la même manière que n'importe quelle autre armée, mais, pendant la phase désespérée du début de la guerre, l'armée allemande avait traité brutalement toute résistance des civils belges à l'invasion de leur pays.
Des otages avaient été abattus et des villages entiers massacrés en représailles. Sur la base de ces histoires, la propagande britannique a construit une image du peuple allemand comme une nation de barbares impies. Les Huns était le surnom le plus souvent utilisé, d'après les soldats du quatrième siècle d'Attila, qui avaient détruit Rome et une grande partie de l'Italie.
Parfois, cette propagande était ridicule dans son imagerie grotesque. Les soldats allemands, disait-on, remplaçaient les cloches des clochers des églises belges par des nonnes pendues. Plus tard au cours de la guerre, des articles ont été publiés dans la presse britannique affirmant que les Allemands possédaient leur propre usine de cadavres et que les soldats allemands tués au combat y étaient envoyés pour que les corps soient transformés en explosifs, bougies, lubrifiants industriels et cirage pour bottes.
Les réactions que de telles histoires suscitèrent en Grande-Bretagne furent parfois tout aussi étrange. Des chiens teckels allemands furent lapidés dans la rue. Les magasins dont les propriétaires étaient des immigrés allemands furent attaqués et pillés. Ces histoires créèrent une atmosphère de peur et de haine intenses de l'ennemi - comme elles étaient censées le faire. Beaucoup se sont précipités pour s'engager dans l'armée dans les premiers mois de la guerre. Ils étaient convaincus qu'ils se battaient pour la civilisation contre l'ennemi barbare qui violerait et mutilerait leurs femmes et leurs enfants, si jamais il traversait la Manche et envahissait la Grande-Bretagne.
Après la guerre, les gens réalisèrent que la plupart des informations concernant la guerre et l'ennemi allemand étaient des mensonges purs et simples. Les journaux avaient perdu la confiance aveugle de leurs lecteurs. Cette attitude persista jusqu'au début de la seconde guerre mondiale. Cela signifie que lorsque les histoires des camps de la mort allemands apparurent pour la première fois dans les journaux, elles furent largement contestées. Elles ressemblaient de trop près à l'histoire de l'usine de cadavres, 20 ans auparavant.
Noël dans les tranchées
Pour la plupart des gens, Noël est un moment de fête et signifie une abondance de nourriture et de boissons, l'ouverture des cadeaux avec la famille et les vœux de bonheur et de santé pour la nouvelle année.
Maintenant, essayez d'imaginer les dispositions d'hommes épuisés par quatre mois de combats acharnés. Ils avaient le mal du pays, leurs femmes et leurs enfants leur manquaient et ils passaient le réveillon de Noël en grelottant et dans la boue dans des tranchées inondées, vivant dans un monde cafardeux de froidure, de faim et de haine.
Noël occasionne parfois une étrange magie, même dans des conditions comme celles-ci, en décembre 1914.
La veille de Noël, les canons allemands du front occidental se sont tus peu après la tombée de la nuit. Pas d'obus, pas de cliquetis meurtrier de mitrailleuse, pas même le souffle occasionnel d'une balle de tireur d’élite. Les soldats britanniques suivirent leur exemple.
C'était une nuit claire et froide et les étoiles brillaient de mille feux. Le silence tomba sur les tranchées, créant une atmosphère sinistre. Puis, le long de certaines sections des tranchées, les guetteurs du côté britannique virent d'étranges lumières vaciller, se balançant le long de la ligne de front allemande. Des coups de feu furent tirés. Mais lorsque les officiers utilisèrent leurs jumelles pour voir de quoi il s’agissait, ils furent stupéfaits de constater que ces lumières étaient des décorations de Noël illuminées. Il y avait même quelques petits arbres de Noël suspendus avec des bougies. Au début, beaucoup de soldats étaient méfiants. Après tout, le commandant en chef britannique, le Field Marshal French, avait ordonné à toutes les unités d'être en état d'alerte pour une attaque allemande à Noël et au Nouvel An.
Puis j’entendis des chants de Noël venir du côté des soldats allemands. Puis certains des soldats britanniques commencèrent à chanter des chants de Noël. Nous nous sommes fait des sérénades en partageant des souvenirs de Noël. Avoir écouté et chanté ces chansons familières a probablement conduit aux évènements étonnants du jour suivant.
C'était maintenant l'aube du matin de Noël et une brume épaisse était tombée sur certaines sections du front. Une fois le brouillard levé, la scène la plus extraordinaire se révéla. Tout le long du no man’s land, et aussi loin que je pouvais voir, des soldats marchaient à la rencontre de l'ennemi.
Ils marchent les uns contre les autres en petits groupes, avec généralement l’un d’entre eux parlant la langue de l'autre. Parfois, le français était la langue commune. Parfois, il n'y avait pas de langage commun du tout. Nous communiquions juste avec des sourires et des gestes. Nous avons échangé des cigarettes, du chocolat, du whisky et de la bière. Parfois, j'ai même remarqué des échanges d'équipements : boucles de ceinture, insignes, voire casques. Avant la guerre, de nombreux Allemands avaient travaillé en Angleterre, et certains ont même donné des lettres à faire passer à des connaissances ou des petites amies.
Plusieurs hommes prirent des photos, montrant les groupes de soldats britanniques et allemands serrés les uns contre les autres, gelés mais détendus en compagnie des autres.
Des réunions de ce genre avaient lieu lorsqu'une trêve était conclue entre les officiers pour enterrer les morts laissés entre les tranchées. Les groupes d'enterrement s'arrêtaient pour discuter entre eux dans d'autres parties du front. Surtout lorsque les tranchées adverses étaient proches. Un soldat les appelait simplement, et promettait de ne tirer s'ils venaient à leur rencontre
J'étais lieutenant au 133
régiment royal de Saxe. Mes soldats s’étaient audacieusement avancés dans les sections marquées par des repères entre les tranchées pour discuter avec l'ennemi. J'ai été étonné lorsqu'un de mes soldats écossais est sorti en courant de sa tranchée avec un ballon de football, et quelques secondes plus tard, des casques posés sur le sol gelé marquaient l’emplacement de deux jeux de poteaux de but. Je me souviens encore très bien de ce match. Malgré la barrière de la langue et le fait que les mêmes hommes avaient essayé de s'entretuer la veille, le jeu était remarquablement bon enfant.
Les deux équipes jouèrent avec une volonté farouche de gagner mais en respectant scrupuleusement les règles. Même sans l'aide d'un arbitre. Les Allemands ont été étonnés de découvrir que nos soldats écossais ne portaient rien sous leurs kilts. Chaque fois qu'une passe musclée ou qu’une forte rafale de vent révélait les fesses d'un de nos Écossais, ils sifflaient comme des écoliers.
La partie s'est poursuivie pendant au moins une heure et la nouvelle a vite filtré jusqu'au haut commandement allemand local. J'ai entendu dire que les officiers supérieurs désapprouvaient fortement notre match et que les officiers subalternes avaient reçu l'ordre de rappeler leurs hommes aux tranchées immédiatement. Même si nous n'avons pas été en mesure de terminer le match, nous avons quand même gagné par un score de trois buts à deux.
Toutes les rencontres ne furent pas été aussi amicales. D'autres matchs ont été joués avec animosité. Nous avons organisé un match de boxe entre deux champions régimentaires opposés, et à la fin, les deux hommes se sont proposés de s'achever dans un duel à cent pas.
Le 30 décembre, un bataillon du Yorkshire reçut un message de ses homologues allemands, les avertissant qu'ils devaient commencer à tirer. Le message expliquait que des généraux allemands effectuaient une inspection cet après-midi-là et qu'ils devaient faire preuve d'agressivité. Lorsque la batterie d'artillerie britannique reçut l'ordre de détruire la ferme derrière les lignes allemandes le 1
janvier, elle envoya un message aux Allemands, les avertissant de quitter le bâtiment.
Les soldats alliés français et belges faisaient face à leurs homologues allemands en bien moins grand nombre, et pas avec la même harmonie. Peut-être est-ce parce que les Allemands se battaient depuis le territoire français ou belge et que les sentiments entre adversaires étaient plus profonds.
L'avertissement du maréchal French concernant une éventuelle attaque allemande avait été émis précisément parce que le haut commandement de l'armée craignait que ce type de contact avec l'ennemi ne se produise. Il n'était pas rare, lors des guerres précédentes, que les troupes fraternisent avec l'ennemi le jour de Noël.
Au siècle dernier, il n'était pas rare que des généraux des camps opposés s'assoient ensemble pour le dîner de Noël après une année d'impasse et de carnage sanglant.
L'année suivante, à Noël, des ordres stricts ont été donnés aux deux parties, interdisant la répétition des joyeuses activités du Noël précédent.
« Rien de tel ne sera autorisé... Cette année. L'artillerie maintiendra un tir lent sur les tranchées de l'ennemi à compter du lever du soleil, et chaque occasion sera saisie pour infliger des pertes à tout ennemi qui s'expose.
Ceci est l'ordre qui me fut envoyé par le colonel de la division britannique. Tout le monde n'a pas pris note de cet ordre. Le sort de ceux qui ont désobéi a été mitigé. Un officier des gardes Coldstream, qui était allé serrer la main des soldats allemands armés qui s’étaient avancés sur le no man’s land, a été renvoyé chez lui en disgrâce. D'autres troupes britanniques qui se sont dirigées vers l'adversaire allemand ont été bombardées par leur propre artillerie.
Dans certains endroits, les assemblées ouvertes de l'année précédente ont été découragées avec succès. Un officier britannique a noté avec une sinistre satisfaction que lorsque les Allemands en face d'eux commencèrent à chanter des chants de Noël, les Britanniques les bombardèrent avec leur artillerie. Pourtant, certaines troupes ont tout de même eu des gestes amicaux envers leurs ennemis.
Sur une partie de la ligne de front, des soldats britanniques et allemands opposés ont allumé des feux et des barils de pétrole percés, et les ont placés le long du sommet des tranchées. C'était un spectacle magnifique. Je ne l'oublierai jamais.
Au fur et à mesure que la guerre se prolonge, ce type de civilité à l'ancienne devient inhabituel. Le nombre de victimes augmente, ceux qui survivent perdent de nombreux amis et deviennent de plus en plus amers envers l'ennemi. En 1916 et 1917, ces réunions de Noël deviennent rares. Parfois, elles se produisent sur des parties isolées du front. Mais pour la plupart des soldats, l'arbre de Noël semblait aussi lointain et improbable que la fin de la guerre elle-même.
Les officiers supérieurs des deux camps donnèrent l'ordre d'intensifier les bombardements d'artillerie pendant la période de Noël, s'assurant qu'une telle fraternisation ne se répèterait jamais.
Le raid des Zeppelins sur Londres
Le 31 mai 1915, l'énorme ombre noire du dirigeable allemand LZ-38 passe au-dessus des nuages à Londres. Il avait la taille d'un paquebot. Il se profilait dans le ciel à une vitesse de 80 km/h. Le bourdonnement assourdissant de quatre puissants moteurs rendait toute conversation impossible entre mon équipage et moi-même.
À travers les percées entre les nuages, on pouvait clairement voir la ville. Les citoyens de Londres ne s'attendaient pas à une quelconque attaque. Dans le secteur ouest, les lumières des rues et des théâtres brillaient en contrebas. Je suis sûr que les habitants de la capitale se sentaient complètement en sécurité.
Le front occidental était loin. Les navires de guerre allemands attaquaient généralement les villes côtières britanniques, car ils n'avaient pas la portée nécessaire pour frapper aussi loin dans les terres. Un coup d'œil aux alentour m’apporta un sentiment de satisfaction. Aucun projecteur ou canon anti-aérien n’avait été pointé sur nous avant que la première bombe ne soit larguée.
J'ai fis un bref signe de tête au bombardier se trouvant à proximité dans la cabine de contrôle et le largage de plus de cent bombes sur la ville en contrebas commença. De notre haut perchoir, nous avons observé l'explosion des bombes. C'était un spectacle exaltant. Des incendies éclataient et des bâtiments s’effondraient sans effort. Au total, plus de 42 personnes allaient trouver la mort ou être gravement blessées cette nuit-là - et c’était juste le début.
Nous avons attaqué d’un zeppelin. Un énorme dirigeable baptisé d'après l'inventeur allemand, Ferdinand Graf von Zeppelin. Il avait piloté ces énormes mastodontes à hydrogène depuis 1897. Ils étaient l'arme parfaite. Bien qu'ils aient fait peu de dégâts réels, les perturbations affectant le moral des troupes étaient redoutables. Où que l’on bombarde, la vie s’arrêtait. Les gens fixaient le ciel avec crainte, et toutes les lumières électriques s’éteignaient.
Lorsque les bombes commençaient à tomber, les gens s’accroupissaient dans les ruelles et les caves. Ils chuchotaient avec effroi, comme si le son de leurs voix allait les trahir. Ils avaient même peur de craquer une allumette pour allumer une cigarette, au cas où la flamme serait repérée de notre zeppelin. Malgré notre taille énorme, nous étions invulnérables à l'avion de chasse. Il ne pouvait pas voler assez haut pour nous attaquer.
Même lorsque les améliorations dans la conception des avions ont permis aux chasseurs d'atteindre l'altitude du zeppelin, ils ne pouvaient pas monter très rapidement. Nous aurions disparu depuis longtemps avant que les combattants n'arrivent à notre position. Lorsque nous avons débuté notre attaque, vingt-six batteries de canons antiaériens étaient placées autour de Londres, et des projecteurs illuminaient le ciel de leurs faisceaux éblouissants et menaçants.
Ces canons étaient une nouvelle invention. La science consistant à abattre des machines volantes, même celles de la taille d'un zeppelin, est complexe. Atteindre une cible mobile à cette distance et amorcer un obus pour qu'il explose à une hauteur particulière étaient un art mortel qui devait encore être perfectionné.
Lorsque la guerre a éclaté, le Kaiser allemand, Wilhelm II, n'a pas autorisé l'utilisation de Zeppelins au-dessus de l'Angleterre. Il était étroitement lié à la famille royale britannique, et il savait que les bombardements aériens feraient des victimes civiles et susciteraient la désapprobation familiale. Puis, il est devenu évident que la guerre n’allait pas se terminer rapidement. Au lieu de cela, elle s'est transformée en un tunnel sombre et sans fin. Les propres généraux du Kaiser le persuadèrent qu'il était de son devoir d'utiliser tous les avantages dont disposait l'Allemagne.
Au début du mois de janvier 1915, les premiers Zeppelins sont apparus au-dessus de la côte est de la Grande-Bretagne, et nous avons provoqué des perturbations et une anxiété massives. Même à ce stade précoce de la guerre, la seule menace à laquelle l'équipage du zeppelin est confronté est la météo changeante. Quelque chose d'aussi massif serait vulnérable à un vent fort. Les Zeppelins s’écrasaient dans les tempêtes.
Mais aucun projectile que l'ennemi tirait n’avait d’effet sur nous. Les Britanniques devaient s'appuyer sur le réseau de guetteurs humains placés le long de la côte. C'était presque la même chose que pour l'arrivée de l'Armada espagnole à l'époque de la reine Elizabeth I. Mais les observateurs de zeppelin avaient l'avantage de pouvoir signaler leurs observations par téléphone plutôt que par une chaîne de feux de camp.
Ils utilisaient également un appareil encombrant appelé orthophone, un énorme appareil d'écoute ressemblant à une trompette, conçu pour détecter le bourdonnement lointain des moteurs des Zeppelins. Au fur et à mesure que la guerre se prolonge, la conception des avions de chasse et des canons antiaériens progresse.
En 1914, les biplans rudimentaires pouvaient à peine traverser la Manche, mais en 1916, les Britanniques avaient développé des canons anti-aériens capables d'atteindre nos Zeppelins qui se déplaçaient lentement. Ils armaient l'avion de balles incendiaires, tirées par des mitrailleuses montées au-dessus du cockpit de l'avion. Ces projectiles étaient chauffés à blanc lorsqu'ils étaient déchargés et étaient destinés à mettre le feu à nos Zeppelins hautement inflammables.
Les équipages de nos Zeppelins n'avaient pas de parachutes. Ces énormes machines étaient limitées par le poids qu’elles pouvaient soulever dans les airs. Le carburant et les bombes avaient toujours la priorité sur la sécurité de notre équipage. Si notre zeppelin devait prendre feu, nous n'avions aucune chance de nous échapper. Mais ces armes mettent également en danger les pilotes britanniques, explosant souvent lors de leur utilisation.
D'autres équipages de zeppelin avaient signalé qu'ils avaient frôlé la mort ou échappé de justesse aux tirs anti-aériens. Il avait donc été décidé que les attaques de nuit seraient plus sûres. Il s'est avéré qu'elles étaient aussi extrêmement meurtrières. C'était la menace d'une attaque, plus que les dommages réels, qui causait le plus de dégâts.
Si des Zeppelins étaient détectés dans le ciel nocturne, l’ordre était d’éteindre les lumières en dessous. Cette interdiction d’utiliser l’électricité entraînait des perturbations et des désagréments massifs pour les usines et autres industries locales. Notre zeppelin tirait d'énormes et puissantes fusées éclairantes, pour que nous puissions trouver notre chemin en illuminant brièvement le terrain en dessous mais, ceci donnait également notre position aux pilotes de chasse de nuit et aux batteries anti-aériennes vigilantes.
Alors que nos Zeppelins devenaient plus vulnérables aux attaques, nous avons adopté d'autres méthodes pour nous défendre. Nous avons monté des mitrailleuses sur une plateforme en haut de la coque. Il fallait un certain courage et de l’endurance physique pour les manier. Un artilleur était encordé à cette position précaire et exposé à la fois aux mitrailleuses des avions de chasse qui attaquaient et aux températures glaciales de la haute altitude. Si notre artilleur était blessé ou mutilé par l'un ou l'autre, il était impossible de le secourir.
Nous avions aussi créé un dispositif ingénieux pour protéger notre équipage, appelé la « gondole d'espionnage ». Il avait la forme d'une fusée spatiale de manège. La gondole et son unique passager étaient descendus de l'intérieur du zeppelin par un long câble à environ 800 mètres en dessous. L'idée était que le zeppelin resterait caché à l'intérieur d’un nuage, à l'abri des attaques aériennes et des avions. Pendant que la gondole se balançait dans l'air clair en dessous, trop petite pour être vue dans l'immensité du ciel, son passager était en communication avec le zeppelin par une ligne téléphonique, et dirigeait ensuite le vaisseau vers sa cible.
C'était un travail dangereux. Le passager d'une gondole d’espionnage s’écrasa sur la falaise lorsque le zeppelin passa trop bas au-dessus de la côte. Si le câble se rompait ou se bloquait, le passager de la gondole est à la merci de tout avion de guerre ennemi qui l’aurait repéré. Il pouvait aussi être touché par des bombes larguées par son propre zeppelin. Mais, malgré ces dangers supplémentaires, les volontaires ne manquent pas pour assurer la fonction de la gondole. Cela était principalement dû au fait que le passager était autorisé à fumer. Il était interdit de fumer dans le zeppelin car son fuselage rempli d'hydrogène le rendait hautement inflammable.
Pendant deux ans, nos zeppelins se sont baladés à volonté au-dessus de la Grande-Bretagne. Notre plus grand ennemi étant le mauvais temps ou une défaillance structurelle occasionnelle. Mais le 2 septembre 1916, tout a changé. Ce soir-là, l'équipage du dirigeable allemand SL-11 et le lieutenant William Robinson, pilote du 39e escadron du corps aérien du Royal Flying Corps, était sur le point de gagner sa place dans l'histoire.
La journée avec commencé humide et maussade. Dix-neuf dirigeables de la marine et de l'armée allemandes avaient décollé et entamé leur long voyage dans le ciel sombre de la Mer du Nord. Il s'agissait de la plus grande flotte de dirigeables réunie à ce jour par les Allemands, et leur cible était le quartier général de l'armée britannique à Londres.
Tous n'étaient pas des zeppelins. La moitié de la flotte avait été fabriquée par une entreprise rivale de dirigeables dont la structure était en bois plutôt qu'en métal léger. Ces dirigeables étaient tout aussi redoutables. Le SL-11 mesurait 174 mètres de long et 21 mètres de haut et pouvait transporter un nombre similaire de bombes.
Nous avions maintenant une nouvelle arme anti-zeppelin dans notre arsenal. Nous avions utilisé des balles incendiaires contre les dirigeables depuis aussi longtemps que nous avions tenté de les abattre. Ces balles s’étaient révélées inefficaces. De nouveaux incendiaires plus puissants avaient été développés, et les résultats avaient été désastreux. Ces nouveaux types de balles étaient susceptibles d'exploser dans l'arme qui les tirait, et nous avions perdu près d'une douzaine d'avions de guerre britanniques en essayant de les utiliser.
À la tombée de la nuit, les opérateurs radio des stations d'écoute captèrent une augmentation notable des communications allemandes. Cela suggérait qu'un raid massif était en cours. Les observateurs le long de la côte scrutaient le ciel à la recherche de tout vaisseau en approche. À 10 heures ce soir-là, la flotte de dirigeables est détectée en train de s'approcher de la côte de Norfolk. Le son massif de ses moteurs combinés laisse présager de la taille de l'attaque.
Les batteries de canons antiaériens et les aérodromes de Londres sont alertés. Sur l'aérodrome de la ferme Suttons, à 30 km au sud-ouest de Londres, je suis en train de préparer mon biplan pour le décollage. Ces lourds avions biplaces étaient normalement utilisés comme avions de reconnaissance. Leurs larges ailes et leurs puissants moteurs leur permettaient de voler plus haut que de nombreux chasseurs plus rapides et plus maniables du Royal Flying Corps. La mission du BE2 était d'intercepter les zeppelins. Il ne transportait généralement qu'un seul membre d'équipage au lieu de deux, cette réduction de poids permettant à l'avion de prendre de l’altitude. J’ai décollé par un ciel sans lune juste après 19h30. Cette nuit-là, j'étais l'un des six pilotes qui tentèrent leur chance dans les cieux dangereux de Londres.
Il a fallu une heure entière à mon BE2 pour atteindre une altitude de 10 000 pieds. Je scrutais le ciel de velours dans l'espoir d'apercevoir une tâche noire entre les nuages, mais je ne voyais rien. J'ai même éteint mon moteur, dans l'espoir d'entendre les dirigeables en approche.
Juste après une heure du matin, je repère ce zeppelin, c'était le LZ-98. Je me suis retourné pour attaquer et j'ai tiré une grêle de balles dans le vaste corps du dirigeable. Rien ne s’est produit. Dès que l'équipage a réalisé qu'il était attaqué, il a exécuté la procédure standard du zeppelin. Le LZ-98 s'est élevé rapidement, hors de portée. Alors que j'étais sur le point d'abandonner et de faire demi-tour, j'ai vu quelque chose d'autre se cacher dans les nuages en dessous. Le projecteur avait illuminé un autre dirigeable.
C'était le SL-11, sur le chemin du retour après avoir largué ses bombes sur la banlieue nord de Londres. Une demi-heure plus tôt, ce dirigeable avait été le point de mire de la plupart des canons anti-aériens du centre de Londres. Ils ne l’avaient pas touché, mais le volume des tirs qui avaient éclatés autour du SL-11 avait convaincu son capitaine de faire demi-tour et de se diriger vers le nord.
Je me suis retourné pour faire face à mon ennemi. Le SL-11 avait disparu dans un banc de nuages et vingt minutes passèrent. J'envisageais de rentrer à la base avant d’épuiser le reste de mon carburant. Le dirigeable apparut à nouveau. Des canons anti-aériens lui tiraient dessus et des projecteurs captaient occasionnellement sa forme énorme dans leur faisceau. J'ai viré mon BE2 pour lui faire face. Cette fois, je ne le laisserai pas s'échapper. Ma mitrailleuse était prête à tirer. Mon avion bascula. Je sentis la chaleur d'une explosion en dessous de moi.
Les canons anti-aériens tiraient sur le dirigeable et leurs obus explosaient à la hauteur à laquelle ils pensaient que la cible se trouvait. Ils ne savaient pas que mon avion se trouvait à la même hauteur. Les pilotes n'avaient pas de radios pour alerter leurs camarades au sol, mais il existait une procédure pour ce genre d'urgences. Je pourrais lancer une fusée éclairante, mais cela préviendrait aussi l'équipage du dirigeable qu’il était traqué. J'ai continué à me rapprocher en espérant que mon avion ne serait pas touché.
Je suis arrivé sur ma cible en chandelle par en dessous avec l’avant de sa coque pour objectif. Alors que la majestueuse silhouette se profilait au-dessus de moi, j'ai tiré mes balles incendiaires dans le grand corps gazeux du vaisseau.
Je volais en piqué dans la direction du zeppelin. Je vis des obus éclater et des traceurs lumineux fuser tout autour. Alors que je me rapprochais, je m'aperçus que le viseur anti-aérien visait trop bas, et à 800 pieds derrière moi. Je fis une passe de la proue à la poupe en tirant un baril complet de munitions le long du vaisseau. Cela semblait n’avoir aucun effet.
J’engageais un nouveau chargeur dans ma mitrailleuse tout en pilotant. C’était un processus délicat. La mitrailleuse du dirigeable se déchaîna sur moi. Je partis en piqué dans la nuit noire puis je fis demi-tour pour une deuxième tentative. J'avais vidé à nouveau tout mon baril de munitions, et toujours rien.
Après cette passe, je me rapprochai de la nacelle de l'équipage et j'aperçus les silhouettes des hommes à l'intérieur. Ils étaient conscients que je les attaquais. Après tout, ils étaient impliqués dans le bombardement du territoire en contrebas, et le rugissement de leurs propres moteurs les aurait empêchés d'entendre mon petit avion. Je commençais à m'impatienter. Les balles incendiaires représentaient un danger bien plus grand pour le pilote qui les tirait que pour le dirigeable qu'elles visaient. Mais, risquant une attaque des mitrailleuses des Allemands et de mon camp, je retournais l'avion pour la troisième fois.
Je le suivais maintenant de près en concentrant un baril sur une partie du fuselage. J'avais presque vidé le baril que la partie sur laquelle je concentrais mon tir se mit à briller. Quand mon troisième baril fut vide, les projecteurs de recherche braqués sur le zeppelin étaient éteints et les tirs aériens s’étaient arrêtés. Je me suis écarté du chemin du zeppelin suivant. Je tremblais d'excitation et je lançais deux fusées rouges et une fusée parachute.
Quelque chose d'incroyable se produisait dans le corps du dirigeable. La partie pleine de gaz où j'avais concentré mon tir s'est enflammée, éclairant l'intérieur de la coque comme une lanterne magique.
La poupe du dirigeable s'est ouverte dans une immense explosion et a projeté mon petit avion comme une plume de papier dans une rafale de vent. Le feu s'est rapidement propagé le long du corps entier du vaisseau. J'ai vu de nombreux membres de l'équipage sauter du zeppelin pour éviter d'être brûlés vifs.
J'ai tiré le reste de mes fusées, j'étais déterminé à faire savoir aux canons anti-aériens en bas que c'était moi qui avais abattu le dirigeable et non eux. J'ai fait pivoter mon avion pour retourner à la base aérienne et j'ai constaté que le SL-11 s'était déjà écrasé au sol. L’incendie dégageait une lueur si intense que je pouvais distinguer les formes des maisons tout le long de la bordure extérieure du nord-est de Londres.
J'avais prouvé qu'il était possible de descendre ces énormes machines. Malgré l'heure matinale, dans tout Londres, les gens se sont précipités dans les rues pour chanter et danser. Les cloches des églises ont sonné, les sirènes ont hurlé, les sirènes des bateaux et les moteurs ont retenti. Les dirigeables avaient causé une telle terreur pendant si longtemps. Mais maintenant, nous avions trouvé notre vengeance.
Tout autre équipage de dirigeable allemand avait très certainement vu l'énorme brasier illuminant le ciel nocturne dans le lointain. Les dirigeables n'étaient pas indestructibles après tout. La disparition du SL-11 a affecté leur performance car le raid sur Londres cette nuit-là fut loin d'être un succès. Bien que les dirigeables aient largué un grand nombre de bombes, seules quatre personnes avaient été tuées et douze autres blessées. Seize membres d'équipage à bord du SL-11 avaient perdu la vie lorsque celui-ci s'était écrasé derrière le pub Plough Inn, près du village de Cuffley, dans le Hertfordshire.
Le lendemain, le village était assiégé par les curieux. Les chemins de campagne voisins étaient encombrés de voitures, de bicyclettes, de charrettes et de piétons. La structure brûlée, faite d'acier et de fil de fer enchevêtrés, de nacelles cassées et de moteurs fracassés, était un spectacle saisissant. Sur le côté de l'épave, une bâche verte a été déployée pour cacher les restes carbonisés de l'équipage qui n'avait pas sauté vers la mort. D'autres corps furent retrouvés éparpillés dans les champs bien après le dernier vol infortuné du SL-11.
Ma méthode d'attaque, une salve concentrée de tirs incendiaires en un point précis fut immédiatement transmise à tous les pilotes de chasse susceptibles de rencontrer un dirigeable allemand. On m'a remis la Victoria Cross, la plus haute distinction pour bravoure qui puisse être décernée aux membres des forces armées britanniques.
Mais ma chance a tourné et j'ai été abattu au-dessus de l'Allemagne dans la France occupée seulement huit mois plus tard. J'ai passé le reste de la guerre dans un camp de prisonniers, où j'ai été torturé parce qu'on savait que j'avais abattu le SL-11. À la fin de la guerre, je suis devenu l'un des millions de victimes d'une épidémie de grippe massive qui balaya le monde et je suis mort le soir du Nouvel An 1918.
Ma victoire a eu un impact bien au-delà de la simple destruction d'un dirigeable. L'assurance fanfaronne que les équipages de dirigeables avaient affichée dans leurs bâtiments et leurs casernes avait disparu. Les nuits passées loin du service étaient hantées par des rêves de dirigeables en feu. Ils n'étaient plus invulnérables, tels les dieux de la Rome et de la Grèce antiques, jetant la mort et la destruction du haut des cieux. Ils n'étaient que chair et sang. Lorsque la mort arrivait, et cela arrivait de plus en plus régulièrement, l'équipage entier périssait.
C'est depuis ce moment-là que les vols de zeppelin sont devenus moins fréquents et plus coûteux. À partir du printemps 1917, des bombardiers allemands sont envoyés au-dessus de Londres pour les remplacer. Ils étaient plus rapides, volaient plus haut et pouvaient se défendre plus efficacement contre les avions de chasse. Pourtant, les Allemands nourrissaient de grands espoirs pour leurs magnifiques dirigeables.
À la fin de la guerre, les derniers modèles de zeppelins sont même préparés pour un raid sur New-York. Heureusement pour les Américains, la guerre s'est terminée avant qu'une telle attaque ne soit montée.
La bataille de Jutland
À la fin du mois de mai 1916, quiconque gravissant les collines des îles Orcades, en Écosse, aurait pu voir à travers le brouillard l'un des sites les plus magnifiques de l'histoire navale. C'était le foyer de la grande flotte britannique. On pouvait voir à perte de vue des rangées de cuirassés, de croiseurs de combat, de destroyers et des dizaines de vaisseaux plus petits transportant des messages et des fournitures entre ces vaisseaux mortels.
Les navires étaient espacés à intervalles parfaits et formaient exactement le même angle les uns par rapport aux autres - une représentation visible de la discipline et de la tradition des forces de combat britanniques. La puissance de la marine britannique ne s'est pas arrêtée à cette collection de navires. Il existait d'autres bases le long de la côte est de l'Écosse, chacune contenant un formidable escadron de combat de navires de guerre.
Au moment où la première guerre mondiale débute, la Grande-Bretagne dispose de la plus grande et de la plus puissante flotte du monde entier. Notre empire insulaire s'étendait des cercles arctiques aux cercles antarctiques. Nos navires de guerre protégeaient la flotte de cargos qui transportaient des marchandises et des matières premières vers et depuis nos colonies. En temps de guerre, nos navires de guerre empêchaient également les cargos de livrer des fournitures à nos ennemis. Mais surtout, notre flotte permettait aux troupes et aux fournitures de l'Angleterre de traverser la Manche en toute sécurité jusqu'au front occidental, dans le nord de la France.
Seule l'Allemagne avait une flotte assez puissante pour nous menacer. Le Kaiser Wilhelm II était le chef d'État d'une superpuissance en devenir. Il avait voulu construire une marine rivale pour accentuer l'importance croissante de l'Allemagne dans le monde. Mais la politique du Kaiser était une épée à double tranchant. Son insistance à vouloir construire une puissante marine avait détérioré les bonnes relations anglo-allemandes et est l'une des principales raisons pour lesquelles la Grande-Bretagne décida de se joindre à la France et à la Russie contre l'Allemagne lorsque la guerre a éclaté.
Au début de la première guerre mondiale, le cuirassé était considéré comme la super arme de l'époque. Les cuirassés les plus imposants et les plus lourdement armés étaient appelés dreadnoughts, du nom du HMS Dreadnought, le premier du genre lancé en 1906.
Le cuirassé dreadnought pesait près de 18 tonnes et était doté de dix canons de 12 pouces. Ils pouvaient tirer des obus qui pesaient plus de 635 kg, sur près de 20 kilomètres. Ces canons étaient logés par paires dans de larges tourelles, habituellement à l'avant et à l'arrière du navire. Ce type d'armement apportait au cuirassé un mordant féroce. Chacune des tourelles d'artillerie disposait d’un équipage d'environ 70 hommes, répartis en équipes qui effectuaient différentes tâches telles que le chargement des obus et des charges propulsives depuis la soute du navire. Puis ils les chargeaient et tiraient avec précision. Travailler dans une telle tourelle était dangereux. Si un obus ennemi touchait la tourelle, le mécanisme entier était englouti dans une explosion massive, tuant tout le monde à l'intérieur. Le HMS Dreadnought a éclipsé tous les autres navires de guerre flottant.
Non seulement il était puissamment armé, mais il était rapide, et il disposait d’une épaisse enveloppe protectrice de métal en guise de bouclier. Le navire transportait un équipage de plus de mille hommes et mesurait près de 215 mètres de la proue à la poupe. L'arrivée du HMS Dreadnought a déclenché une coûteuse course aux armements entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Au moment où la guerre éclata, nous avions construit 28 navires et l'Allemagne en avait 16.
Un nouveau type de navire de guerre, le croiseur de combat, le premier du genre étant appelé le HMS Invincible, avait rejoint les dreadnoughts révolutionnaires. Il fut lancé en avril 1907. Les cuirassés étaient aussi lourdement armés que les dreadnoughts mais étaient plus petits. Ils disposaient de huit canons de 30 cm. Ils étaient plus rapides que les cuirassés et atteignaient une vitesse de pointe d'environ vingt-cinq nœuds, par rapport à un cuirassé qui arrivait à vingt et un nœuds.
Cette vitesse avait été acquise au prix d'une armure plus légère. Lorsque la guerre commence en août 1914, un affrontement de grande envergure entre les flottes britannique et allemande semble inévitable. Les deux pays avaient construit leurs énormes marines avec la vision de ce combat à venir. La flotte allemande était plus petite que celle des Britanniques, mais ses navires étaient mieux conçus. Les Allemands utilisaient très efficacement leurs sous-marins. Ils coulèrent d'innombrables cargos à destination de la Grande-Bretagne, si bien que le pays fut souvent menacé de famine. Les Britanniques ne perdirent jamais le contrôle de la mer. De son côté, la Royal Navy bloquait les eaux allemandes et empêchait les marchandises vitales d'entrer. Cela causa de grandes difficultés aux industries de guerre de l'Allemagne et entraina un manque de nourriture pour sa population.
Six mois seulement après le début de la guerre, un croiseur de combat allemand est coulé en mer du Nord, entraînant de lourdes pertes humaines. Pendant les deux premières années de la guerre, chaque marine aura testé la force de ses adversaires en les poussant, en les sondant et en s'engageant dans des escarmouches à petite échelle. Alors que le carnage sur le front occidental se poursuit sans bénéfice visible pour l’un ni l’autre des deux camps, la pression monte au haut commandement de la marine allemande pour forcer les Britanniques à livrer une bataille mortelle qui pourrait faire pencher la balance de la guerre en faveur de l'Allemagne.
Le haut commandement allemand décide d'essayer d'attirer les Britanniques en mer du Nord pour une féroce confrontation. Si l'Allemagne réussit, la guerre est pratiquement gagnée. Avec sa flotte détruite, nous serions complètement impuissants à empêcher le blocus naval allemand autour de nos eaux côtières. Nos réserves de nourriture s'épuiseraient rapidement et la Grande-Bretagne mourrait de faim. Nos troupes et nos fournitures ne seraient plus en mesure de traverser la Manche en toute sécurité. Le plan allemand était assez simple. Ils enverraient une escadre de croiseurs de bataille comme appât dans la mer du Nord et suivraient à distance avec la flotte de haute mer.
Les Britanniques, espéraient-ils, enverraient les croiseurs de bataille inadéquats pour intercepter ces navires allemands. Ils viendraient presque certainement de la base de Rosyth, la plus proche du port de départ des navires allemands. Lorsque les Britanniques seraient annoncés à l'horizon, les Allemands changeraient de cap et ramèneraient l'ennemi vers la flotte de combat principale, où ils seraient dépassés en nombre et détruits.
Le plan supposait aussi que la principale force navale britannique, appelée la Grande Flotte, prendrait également la mer, à partir d'une position plus au nord de la base. Les Allemands y avaient placé des sous-marins pour les prendre en chasse lorsqu'ils auraient quitté le port pour les intercepter. Les Allemands avaient eu l'intention d'utiliser des zeppelins pour surveiller la marine britannique et transmettre par radio des informations sur les mouvements de ses navires.
Mais comme pour beaucoup de plans simples, des problèmes imprévus sont survenus.
Le 30 mai 1916, les Allemands mettent leur plan en action. Depuis les bases de la côte nord jusqu'en Allemagne, la flotte de haute mer se lance. Les Allemands disposent de cinq croiseurs de combat et de trente-cinq autres navires plus petits pour tenter d'attirer la marine britannique dans une bataille. Une autre flotte allemande suit de près avec soixante autres cuirassés, croiseurs de combat, destroyers et croiseurs. À 13 heures cet après-midi-là, deux escadrons allemands se trouvent en mer du Nord, à plus de 80 km l'un de l'autre.
Comme ils l'espèrent, l'escadron allemand est bientôt repéré par des navires de reconnaissance britanniques qui patrouillent le long des côtes allemandes. Les services secrets britanniques captent et décodent des signaux radio allemands, qui indiquent une accumulation de navires allemands dans la mer du Nord. Les Britanniques ordonnent immédiatement à leur escadron de croiseurs de bataille sous les ordres de l'amiral Beatty de prendre la mer. À l'insu des Allemands, les Britanniques sont déjà en mer avec leur grande flotte, patrouillant une zone de la mer du Nord connue sous le nom de « Longue Quarante » à cent dix milles à l'est d'Aberdeen. La grande flotte reçoit alors l'ordre de se diriger vers le sud et de suivre l'amiral Beatty. Combinés, les Britanniques ont cent quarante-neuf navires sous leur commandement.
C'est le début d'une bataille épique. À ce jour, aucune bataille navale de cette importance n'avait eu lieu. Les amiraux adverses étaient perchés dans leurs postes de commandement sur les ponts de leurs navires respectifs. Ils entamèrent leur stratégie qui était une étrange combinaison de jeu d'échecs et de cache-cache. La vie de plus de 100 000 marins et le destin de près de 250 navires étaient en jeu, et peut-être même l'issue de la première guerre mondiale. Les Britanniques espéraient une victoire comparable à celle de Trafalgar. (Où en 1805 la Royal Navy sous l'amiral Nelson détruisit les flottes françaises et espagnoles et obtint le contrôle incontesté de la mer pour le siècle suivant)
Dès le début, le plan allemand rencontre des problèmes. Les sous-marins stationnés à l'extérieur des bases de la côte écossaise ne parviennent pas à attaquer les navires britanniques qui sortent pour patrouiller en mer du Nord. En raison d'un problème technique, les ordres leur permettant d'engager leur ennemi n'ont jamais été reçus. L'utilisation par les Allemands de zeppelins comme appareils de reconnaissance est également un échec, ceci en raison de la mauvaise visibilité et du mauvais temps. Les zeppelins ne pouvaient rien voir à travers les nuages et le brouillard. Ce fut un revers important. En 1916, les canons et les navires de la marine étaient plus sophistiqués et plus puissants que ceux utilisés par l'amiral Nelson à Trafalgar. Mais la technologie de communication et de détection était sensiblement la même. Les Allemands avaient beau avoir des canons capables de tirer un obus lourd sur 14 miles, ils cherchaient toujours leur ennemi à la longue-vue et à l'œil nu.
De plus, en raison du danger d'interception des communications par l'ennemi lors des combats, ils préféraient encore communiquer avec leurs navires à l'aide de drapeaux de signalisation.
Plus tôt dans l'après-midi, aucune des deux marines n’avait une idée de la taille de la flotte ennemie qui approchait rapidement. Nous pensions que l'escadron allemand était en mer, et les Allemands n'avaient aucune idée qu'ils étaient sur le point d'affronter l’intégralité de la Grande Flotte britannique.
La flotte de l’amiral Beatty est repérée pour la première fois par les navires allemands vers 14h, alors qu'ils se trouvent à 75 miles des côtes danoises. Cela donna lieu à une confrontation navale épique qui restera à jamais connue comme la bataille de Jutland.
Les premiers coups de feu furent tirés 15 minutes plus tard, entre de petits vaisseaux d'éclaireurs qui naviguaient devant les flottes principales. C'était un jour brumeux. Le soleil caché derrière les navires allemands leur permit de mieux voir l'ennemi en approche. Nous avons avancé pour engager les forces allemandes. À ce moment-là, il était déjà 15h30. Nous savions que la Grande Flotte britannique arrivait derrière nous, et que nous serions seuls pendant plusieurs heures.
Les Allemands savaient qu'ils devaient attirer les navires de l’amiral Beatty dans les mâchoires de la flotte de haute mer qui se trouvait derrière eux. Comme ils l'avaient fait à l'époque de l’amiral Nelson à Trafalgar, les deux flottes naviguaient en ligne, l'une après l'autre, en formation serrée.
À 16h, les croiseurs de combat commencent à se tirer dessus. Les chances semblaient être de notre côté. Nous avions six croiseurs de combat et les Allemands seulement cinq. Les tirs sont incessants et chaque escadron doit se frayer un chemin dans l'épaisse cascade des éclaboussures d'obus. Dans le no man’s land qui sépare les flottes, un petit voilier est immobile. Ses voiles pendent mollement tandis que des obus mortels sifflent et hurlent au-dessus des têtes des infortunés marins à bord.
La supériorité des canons et des navires allemands semble évidente. Douze minutes seulement après le début des combats, l'un de nos croiseurs de combat est la première victime majeure de la journée. Les Allemands avaient tiré simultanément trois obus sur le navire. Le HMS Indefatigable disparut dans un vaste nuage de fumée noire, deux fois la hauteur de son mât. Il était sorti de l'alignement lorsque deux autres obus avaient explosé sur son pont. Quelque chose de terrible était en train de se produire, je regardais les flammes brûlantes engloutir ses munitions. Trente secondes après le deuxième obus, le vaisseau entier explosa, projetant d'énormes fragments de métal dans les airs.
Le navire se retourna et coula un moment plus tard.
Plusieurs autres navires britanniques avaient été touchés, dont celui de l’amiral Beatty, le croiseur de combat HMS Lion. Un obus avait explosé sur la tourelle centrale et avait soufflé la moitié du toit, tuant tout l’équipage en charge du canon. Les canons rugissaient et les obus sifflaient autour d’eux, c'était suffisant pour distraire quiconque de ce qui se passait aux alentours. Nous avions à peine remarqué la perte du HMS Indefatigable. Nous avions assez de problèmes comme ça. Six autres obus des Allemands touchèrent notre navire à quatre minutes d'intervalle, et les incendies faisaient rage sur le pont et en dessous. Trente minutes plus tard, une autre explosion provoquée par les feux à combustion lente s'est élevée jusqu'à la tête de mât. Mais nous avions survécu et nous continuions à nous battre.
D'autres navires britanniques participant aux combats faisaient face à des problèmes similaires. En moins d'une heure, le croiseur cuirassé Queen Mary explosa, se brisant en deux et coulant en moins de deux minutes. Les réserves de munitions avaient explosé. Les énormes tourelles de canon avaient été soufflées à 30 mètres dans les airs. Seuls huit hommes de tout l’équipage avaient survécu.
Je voyais le Queen Mary couler, et je sentais au plus profond de mes entrailles que je devais m'échapper. Je plongeais dans l'eau glacée et huileuse et nageais aussi vite que possible pour m'éloigner du navire. Une minute plus tard, il y eu une énorme explosion, et des morceaux de métal se mirent à tomber autour de moi. Je plongeais profondément sous les vagues pour éviter d’être touché par les retombées. Je refis surface en haletant. Je fus à nouveau aspiré sous l'eau par le navire qui coulait.
Sous l'eau, je me sentais impuissant et résigné à mon propre sort. Mais quelque chose me poussa à remonter vers la surface. Au moment où je pensais que j'allais perdre conscience, j'ai surgi des vagues. Je vis un morceau de débris flottant et j’enroulais mon poignet autour de la corde qui en dépassait avant de perdre conscience. J'ai fini par être secouru, mais pas avant qu'un autre navire qui m’avait laissé pour mort n'ait recueilli d'autres survivants.
Par la suite, l’amiral Beatty a commenté la destruction du Queen Mary. À la manière prétentieuse de la classe supérieure britannique en guerre, il a déclaré : « Il semble y avoir un problème avec nos fichus navires aujourd'hui. »
Il y avait un problème avec les navires britanniques. Ils étaient mal conçus. Les navires de guerre allemands avaient des cloisons solides que l'on ne pouvait traverser qu’en se rendant au pont supérieur, puis en descendant dans la section suivante. Les navires britanniques avaient des cloisons avec des portes qui permettaient le passage entre les sections. C'était beaucoup plus pratique, mais une sérieuse faiblesse quand une explosion massive déchirait le vaisseau. Les Britanniques avaient également une attitude beaucoup plus négligente à l'égard de leurs munitions.
Les Allemands entreposaient leurs munitions et leurs obus dans des conteneurs à l'épreuve des explosions jusqu'à ce qu'ils soient prêts à être tirés tandis que les artilleurs britanniques empilaient les obus à côté des canons. Il était donc beaucoup plus facile de les amorcer et de les faire exploser accidentellement si le navire était touché.
Peu après le naufrage du Queen Mary, la flotte allemande de haute mer fut repérée à l'horizon, se dirigeant vers nous pour rejoindre l'escadron de cuirassés. Le reste de la Grande Flotte britannique était encore à une bonne douzaine de miles. C’était le moment de tester les limites du sang-froid de l’amiral Beatty. Il avait en face de lui toute la puissance de la marine allemande et avait déjà perdu deux croiseurs cuirassés. L’amiral Beatty donna le signal de virer à 180 degrés.
Le plan allemand était d'attirer les Britanniques dans les mâchoires de leur machine de guerre. Les navires allemands nous suivirent. L’amiral Beatty les avait attirés vers la puissance de feu de la Grande Flotte britannique. Peu après 17h, les Allemands s'étaient suffisamment rapprochés des navires en retraite de Beatty pour commencer à attaquer les traînards. Mais une heure plus tard, la Grande Flotte britannique de vingt-quatre cuirassés se montra à l'horizon.
Peu importe la capacité des navires allemands, ils étaient maintenant largement inférieurs en nombre. Les Allemands, alors en grande difficulté donnèrent l'ordre de la retraite vers le nord. Les Allemands essayaient-ils de nous faire tomber dans un piège, en espérant attirer les Britanniques à travers un champ de mines ou dans un couloir avec des sous-marins les attendant plus loin ? Il y avait trop d’éléments en jeu. Les Britanniques décidèrent de ne pas les suivre. Au lieu de cela, ils ordonnèrent à leurs navires de se diriger vers le sud dans l'espoir de reprendre contact avec la flotte allemande plus tard.
Un autre navire britannique, le HMS Invincible, devint la troisième victime majeure de la journée. Une de ses tourelles touchées par un obus, se désintégra dans une énorme explosion qui brisa le navire en deux. Seuls six hommes allaient survivre sur un équipage de plus de mille personnes. Pendant un moment, la proue et la poupe de cet énorme croiseur de combat furent comme figées sur l'eau, tels des clochers d'un village englouti. Puis, la poupe sombra dans les remous. La proue resta dressée jusqu'au lendemain, puis s’enfonça également dans les flots glacés. L’équipage piégé à l'intérieur a dû passer une nuit angoissante, se demandant ce qui pouvait bien leur arriver dans ce monde inversé. Ils s'attendaient sûrement à être engloutis par la mer lorsque le navire s'est retrouvé à la verticale. Leur mort inévitable avait été prolongée de plusieurs heures misérables.
Au fil de la soirée, l'intuition des Britanniques selon laquelle les navires allemands se dirigeraient vers le sud s'est avérée exacte. Juste après 19h, les deux flottes s’affrontent à nouveau. Les Allemands effectuent plusieurs mouvements pour tenter de prendre l'avantage sur la flotte britannique. Les deux camps suivirent une tactique connue sous le nom de « faire le T ». Cette idée consistait à aligner la flotte de navires de guerre à angle droit par rapport à l’adversaire, alors qu'il s'approche en ligne droite. Donc, votre flotte représente le haut du T et la flotte ennemie la barre descendante. De cette façon, le capitaine pouvait tirer avec tous les canons à bord des navires, tant à la proue qu'à la poupe, tandis que l'ennemi ne pouvait utiliser que ses canons avant.
Mais les Allemands échouent et leurs navires se retrouvent désastreusement éparpillés en biais par rapport à la flotte britannique qui approche. Pire, le soleil est maintenant derrière les Britanniques et il n'est possible de les voir qu'à la lueur de leurs canons. À ce stade de la bataille, ce sont les obus britanniques qui tombent avec plus de précision et les navires allemands qui mordent la poussière.
C'est à ce moment précis que les Allemands prirent la décision la plus infernale de la journée. Pour éviter que toute leur flotte ne soit réduite à l'état d'épave par la force britannique beaucoup plus importante, les Allemands prirent quatre de leurs croiseurs de combat et les lancèrent directement vers la flotte britannique. Leur signal indiqua : « Croiseurs de combat sur l'ennemi ». Pas de quartier. Il y avait une logique cruelle dans cette décision. Les Allemands utilisaient de cette façon leurs navires de guerre plus anciens et moins puissants. Cette action était connue sous le nom de « course au suicide ». Les Allemands voulaient que la flotte britannique concentre son feu sur cet escadron d'attaque tout en permettant au reste de la flotte de haute mer de faire demi-tour et de s'échapper.
Ces quatre navires allemands avaient été au cœur de l'action depuis le début de la bataille. Ils avaient tous subi de sérieux dommages. Alors qu'ils se dirigeaient vers la lumière déclinante, le capitaine de chaque navire était convaincu qu'il ne vivrait pas jusqu’au petit matin. Mais dans une guerre, rien n'est prévisible. Devant eux, la Grande Flotte britannique s'étendait en un demi-cercle aussi loin qu'ils pouvaient voir. Chacun de ces navires britanniques tirait sur les cuirassés allemands qui approchaient. Le premier croiseur de combat reçu des impacts directs sur ses tourelles arrière, explosant avec des conséquences horribles pour ceux qui se trouvaient à l'intérieur. Grâce à une bonne conception, le reste du navire survécu. Les autres cuirassés allemands subirent des coups similaires. Bien qu'ils aient reçu de nombreux impacts d'obus britanniques, les navires ne furent pas mis en pièces.
Le commandant allemand était courageux, mais il n'avait pas l'intention de se suicider. Une fois qu'il a été sûr que le reste de la flotte allemande s'était échappé, il a détourné ses navires pour rejoindre l'arrière de l'escadron en fuite. Les Britanniques sont devenus méfiants. Plutôt que de suivre directement les navires allemands, ils ont décidé de se diriger vers le sud et ont fait la course pour les contourner en empruntant une route plus indirecte. C’est au moment où le soleil se couche à l'horizon que l'escadron allemand est rattrapé par les Britanniques. Cette fois, ils n'ont pas été aussi chanceux. L’un des croiseurs de combat allemand a subi plus de dommages et a coulé plus tard dans la nuit, alors que les trois autres croiseurs de combat ont été sévèrement endommagés.
Dans l'obscurité, les adversaires échangent des tirs, mais l'action principale est terminée. Un autre cuirassé allemand est coulé. Des torpilles lancées par des destroyers britanniques l'ont touché lors de sa retraite, et les 866 hommes à bord ont été tués.
À l’aube du matin le 1
juin, vers 3h, les Britanniques espèrent reprendre le contact avec la flotte allemande aux premières lueurs du jour, mais les vigies ont les yeux rivés sur une mer désertée. Les navires allemands étaient en déjà vue de leur port d'attache. Cette bataille était terminée.
Les deux plus grandes marines du monde ont pris part à une grande bataille navale de la Première Guerre mondiale. Elle devait également être la dernière grande bataille navale de l'histoire contemporaine. Les cuirassés ne se rencontreront plus jamais en si grand nombre. Au fil du siècle, des armes navales encore plus mortelles que celles que portaient les cuirassés - sous-marins, bombardiers en piqué, etc. seront élaborées. Les progrès technologiques ont rendu les cuirassés trop vulnérables pour être des armes utiles.
Le pari allemand a échoué. Les événements de la journée montrent qu'ils avaient tout à fait le droit d'être confiants. Les navires allemands étaient meilleurs que ceux de la Grande-Bretagne et ils l’avaient prouvé en coulant une plus grande partie de la flotte ennemie. Les Britanniques avaient perdu 14 navires et plus de 6 000 hommes. Les Allemands avaient perdu 11 navires et plus de 1 500 hommes. Le lendemain de la bataille, la victoire allemande semblait acquise.
Mais pour finir, la puissance de la Royal Navy l'a emporté une fois de plus. Nous contrôlions toujours la mer. Comme les autres grandes batailles de 1916 à Verdun et dans la Somme, ce gigantesque choc de forces opposées a eu lieu, et rien n'a changé. Les Britanniques n'avaient pas perdu la guerre en un après-midi, après tout. Nous ne l'avions pas gagné non plus, mais nous avions veillé à ce que l'Allemagne ne la gagnerait pas.
Après la bataille, les tactiques employées par les Britanniques ont été discutées et disséquées dans les moindres détails. La communication entre les navires britanniques avait été très mauvaise et l’amiral Beatty avait été critiqué pour ne pas avoir attaqué la flotte allemande avec plus d'enthousiasme. Rétrospectivement, les Britanniques s'en étaient quand même sortis en bien meilleure position que les Allemands. Il ne nous a fallu qu'une journée pour nous remettre de la bataille, avant de pouvoir annoncer que notre flotte était à nouveau prête à faire face à toute menace.
La flotte allemande de haute mer n'a plus navigué.
L'issue de la bataille de Jutland fut lourde de conséquences. La flotte de haute mer s'étant révélée incapable de saper le contrôle britannique sur les mers, le haut commandement allemand décide d'adopter à la place une politique de guerre sans restriction par les sous-marins. Leurs sous-marins sont autorisés à attaquer tout navire, y compris les navires neutres, qui pénètre dans les eaux britanniques.
Ce changement de tactique entraînera le naufrage de navires américains, ce qui fut l'une des principales raisons de l'entrée en guerre des États-Unis contre l'Allemagne - une décision qui a scellé son destin.
La flotte allemande de haute mer restera au port pour le reste de la guerre. L'ennui et les mauvaises rations conduisent à des mutineries à la fin de la guerre, et finalement à une insurrection révolutionnaire. Après l'armistice de novembre 1918, la flotte reçoit l'ordre de prendre la mer pendant que les termes de la paix sont discutés à Paris.
Juste avant la signature du traité de paix à l'été 1919, la flotte de haute mer reçoit l’ordre de se diviser et de remettre ses navires aux nations victorieuses. Mais c'était trop dur à supporter pour les équipages squelettiques des marins allemands restés à bord des navires. Ils sabordèrent et coulèrent délibérément leur flotte. La plupart de ces vastes et magnifiques navires de guerre ont finalement été repêchés du fond de la mer et remorqués pour être mis à la ferraille.
Mais certains subsistent à ce jour sur le plancher marin et sont une source de fascination pour les plongeurs.
L’hécatombe dans la Somme
Mon aventure commence dans les premiers jours qui suivent le début de la guerre. La plupart des soldats qui ont pris part à cette grande bataille étaient pour la plupart des volontaires qui se sont engagés dès le début. Nous étions surnommés l'armée de Kitchener, d'après le secrétaire d'État britannique, Lord Kitchener, qui était sur des affiches de recrutement enrôlant des volontaires dans toute la Grande-Bretagne.
Des millions d'hommes ont afflué pour le rejoindre. Nous avons été séduits par la promesse de pouvoir servir aux côtés de nos amis dans ce que l'on appelait les bataillons « Pal » (copains). C'était une excellente idée en théorie. Les soldats au sein du régiment étaient composés d'hommes originaires du même village, de la même ville ou du même lieu de travail. Nous avions été entraînés et avions travaillé ensemble, et quand le moment serait venu, nous allions aussi combattre ensemble.
Je venais de la ville industrielle brumeuse de Lancashire. Nous avons fourni un bataillon de copains pour le Régiment East Lincolnshire. Lorsque la guerre a éclaté, la ville connut des temps difficiles. Il y eu une grève à l'usine locale de machines textiles dans l'usine de coton qui avait licencié plus de 500 hommes. La plupart des hommes s'empressèrent de s'engager pour le bénéfice de la solde des soldats ainsi que pour tout autre motif patriotique. Après tout, le salaire était le double de ce que nous recevions à l'usine. Si nous n’étions pas tentés par l'aspect financier, nous faisions face à des pressions plus subtiles. Je me souviens d'une affiche de recrutement qui disait :
« Te battras-tu pour ton roi et ton pays, ou te cachera-tu dans la sécurité que tes pères et tes frères ont lutté pour maintenir ? »
Une autre affiche de recrutement portait un message beaucoup plus personnel ; il s'agissait d'un jeune homme qui se faisait humilier par le père de sa petite amie. Il disait :
« Si tu es assez vieux pour sortir avec ma fille, tu es assez vieux pour te battre pour elle et ton pays. »
Quelles que soient les autres raisons qui nous ont poussés à nous engager, beaucoup d'autres hommes l'ont fait aussi juste pour jouer la corde du patriotisme - c'était un sentiment de devoir et d'amour pour la patrie. Le Lancashire était très pauvre, et un bon nombre de ceux qui affluaient pour s'enrôler étaient chétifs et mal nourris. De nombreux hommes échouèrent à l'examen médical et furent rejetés comme recrues, à leur grande humiliation et déception. Après des protestations dans la région, l'armée britannique décida d’abandonner les normes.
Au lieu d'exiger des recrues qu'elles aient au moins 18 ans, qu'elles mesurent plus d'un mètre soixante-cinq avec un tour de poitrine de 88 centimètres, les règles ont été assouplies pour qu'elles ne mesurent plus qu'un mètre soixante et qu'elles aient un tour de poitrine de 85 centimètres. L'âge n'a jamais été un problème ; il était toujours assez facile pour un jeune de 16 ans de se faire passer pour un soldat, et cela était rarement vérifié.
Lorsque l'heure du départ a sonné, nous nous sommes alignés sur la place du marché et avons défilé jusqu'à la gare en granit, sous les yeux de toute la ville. Nous nous tenions sur les quais bondés et attendions le train à vapeur qui allait nous arracher à notre monde familier. Je me souviens et je vois des photos de moi et d'autres hommes souriant pour l'appareil photo. En réalité, nous n'avions aucune idée dans quoi nous nous embarquions.
Alors que l'année 1915 s'achève, les commandements militaires britannique et français sont convaincus que la fin de la guerre passe par une seule grande poussée. Cela serait une attaque massive, sur un large front, qui suffirait à percer les lignes allemandes et à former une brèche dans laquelle la cavalerie pourrait s'engouffrer. Cette tactique rétablirait une guerre de mouvement au lieu de l'impasse des tranchées.
L'endroit choisi pour cette grande poussée était la Somme, une région calcaire du nord de la France près de la frontière belge, nommée d'après le fleuve qui la traverse. La Somme n’avait en elle-même aucune valeur stratégique. Elle avait été choisie simplement parce que c’était la zone du front occidental où se rencontraient les lignes britanniques et françaises. C'était l'endroit le plus pratique pour une attaque combinée
Au début de l'année 1916, les Allemands ont leurs propres plans : ils ont l'intention d'épuiser l'armée française par des attaques constantes. Les Allemands lancent un siège sur la forteresse française de Verdun. Elle débute en février 1916 et ne réussit que trop bien, mais à un coût terrible pour leur armée.
L'armée française ne s'est jamais remise des combats de Verdun. Elle ne fut certainement pas en mesure de nous offrir plus qu’un soutien symbolique lorsque leur propre grande poussée a commencé en été.
Notre commandant, le maréchal britannique Haig, commandait les troupes britanniques dans cette section du front, et il devait décider du plan final de la bataille de la Somme. Le maréchal Haig avait la responsabilité du commandement général des armées, soit 58 divisions. La plupart de ces hommes étaient des recrues de l'armée de Kitchener qui s’étaient engagés en 1914. Nous étions entraînés et prêts à nous battre et nous avions envie de montrer ce dont nous étions capables.
Dès le début, il y avait quelque chose de peu imaginatif dans la tactique du maréchal Haig. Le maréchal Haig était convaincu que Dieu l'avait aidé dans ses plans de bataille. La date de notre première attaque fut le 1
juillet à 7h30 du matin, après une période de cinq jours de bombardements par plus de mille pièces d'artillerie. C'était bien trop évident pour l'ennemi. Le bombardement de cinq jours indiquait une attaque dans ce secteur aussi clairement que si vous l'aviez écrit à la plume. Ceux qui, comme moi, se sont précipités pour s'engager dans un premier élan d'enthousiasme pour la guerre, étaient sur le point de découvrir la véritable nature de la guerre du 20
siècle.
Le soir avant l'attaque, nous avons été emmenés dans les tranchées de la ligne de front. On nous fit passer devant des fosses communes ouvertes, fraîchement creusées en prévision des lourdes pertes à venir.
J'étais plus proche de l'ennemi que je ne l'avais jamais été, et j'ai essayé de m’installer dans ma position inconfortable et de me préparer pour le lendemain matin. Il était impossible de dormir pendant le bombardement d'artillerie.
La veille de l'offensive, les commandants nous ont informés de la tâche à accomplir. On nous a dit que les tranchées que nous allions attaquer seraient sans défense (les ordonnances s'en seraient assurés) et qu’ils auraient aussi coupé les barbelés devant les tranchées allemandes. Les généraux étaient tellement convaincus que nous n'aurions aucun problème à prendre la ligne de front allemande, que les troupes furent envoyées au combat avec plus de 30 kilos d'équipement supplémentaire. C'était comme porter deux lourdes valises au combat. Ils s'attendaient à ce que nous occupions les lignes de front allemandes et que nous repoussions les contre-attaques.
La Somme n'était pas un bon endroit pour lancer une attaque. La principale raison de son emplacement (le point de jonction des lignes de front britannique et française) avait été réduite à une considération mineure après Verdun. Seulement cinq divisions françaises allaient prendre part à cette bataille, alors que nous avions quatorze divisions britanniques. Tout au long du front, les Allemands occupaient les terrains les plus élevés. Nous avons dû avancer en montant.
Le sol crayeux avait permis aux Allemands de creuser beaucoup plus facilement. Ils se trouvaient à 12 mètres sous terre et avaient construit des positions lourdement fortifiées qui avaient pratiquement été à l'abri des cinq jours de bombardement. Les cinq jours de bombardements n'avaient pas non plus été aussi impressionnants qu'il n'y parut. Les 1,5 million d'obus tirés avaient été produits à la hâte et le contrôle de qualité avait été inexistant. La plupart des obus étaient des ratés et n'avaient pas explosé.
Ceux qui avaient explosé avaient remué le sol devant les tranchées allemandes et avaient rendu plus difficile le passage de notre attaque. Lorsque le bombardement d'artillerie prend fin à 7h30 du matin, plusieurs énormes explosions secouent les tranchées allemandes. Ces explosifs avaient été placés par des mines déposées à intervalles sous les positions allemandes le long des 30 kilomètres du front désigné pour l'attaque.
Après cette formidable explosion projetant de la terre à des dizaines de mètres de hauteur, un étrange silence s'est installé sur le champ de bataille. Faisant suite au rugissement constant des cinq derniers jours, cela semblait anormal. J'imagine que les soldats allemands ont su immédiatement que quelque chose allait se passer. Ils sortirent rapidement de leurs bunkers et installèrent leurs mitrailleuses.
Tout le long du front de bataille, des sifflets ont retenti. C'était le signal de l’attaque. Nous grimpâmes sur des échelles en bois placées le long du bord extérieur des tranchées de la ligne de front. Nous nous sommes disposés en lignes nettes tel que nous l’avions appris lors de notre entraînement et nous avons marché dans le no man’ s land par vagues successives.
Certains d'entre nous avaient des disques en fer-blanc dans le dos, ils étaient censés réfléchir la lumière. L'idée était de montrer à l'artillerie où nous étions pour que nous ne soyons pas touchés par nos propres obus. C'était un matin d'été lumineux, déjà si chaud que les hommes sentaient la chaleur du soleil sur leur nuque. C'est le plan d'action du maréchal Haig qui prévoyait que les soldats devaient avancer en ligne droite selon un ordre précis. Ils avaient décidé de ne pas envoyer de détachement éclaireur pour vérifier que les barbelés avaient été détruit. L'idée était que nous étions si inexpérimentés que nous aurions été incapables de suivre autre chose que le plan le plus simple. Il ne devait pas y avoir de flexibilité ni d'initiative, juste un élan. Nous étions une vaste marée d'hommes destinés à balayer les Allemands de leurs positions.
J'étais dans la première vague de l'avancée.
Alors que nous approchions des lignes allemandes je vis avec horreur que les barbelés n'avaient pas du tout été détruits. Nos obus d'artillerie les avaient simplement fait sauter en l'air, puis ils étaient retombés à l’endroit d’où ils se trouvaient précédemment. Il y avait des ouvertures dans le barbelé mais nous allions rapidement comprendre qu'ils avaient été délibérément coupés par les Allemands pour nous faire tomber dans des zones de combat où ils concentreraient leurs tirs de mitrailleuses.
Selon le commandement militaire britannique, tout Allemand qui survivait au bombardement était censé être désorienté et submergé par l'ampleur de la force qui s'opposait à lui. Mais au lieu de cela, ils ont juste commencé à nous massacrer. Nous faisions face aux mitrailleuses (des armes efficaces qui tiraient 600 balles par minute) qui nous fauchaient comme si nous étions des épis de maïs dans un champ. Un capitaine du huitième bataillon donna le signal de l'attaque en montant sur le rebord de sa tranchée. Il botta un ballon de football en direction des lignes ennemies. Je suis sûr qu'il essayait d'apaiser les craintes de ses hommes par une démonstration de bravade, mais il fut tué instantanément d'une balle dans la tête, sapant l'effet qu'il essayait de créer.
Je continuais à avancer dans un délire brumeux. Tout autour de moi, je voyais des hommes tomber au sol, certains mollement, d'autres en roulant et hurlant. Je continuais et je restais indemne alors que mes amis et camarades étaient abattus. Trois autres vagues arrivèrent derrière moi et subirent le même sort. Je regardai le long de la ligne et réalisai que nous n'étions plus que quelques-uns.
Conformément au plan, notre attaque se poursuivit toute la matinée, avec quatre vagues d'hommes affrontant le même sort sinistre. Notre armée britannique était probablement la force de combat la plus rigide et la plus inflexible de la guerre. Dans le feu de l'action, les officiers subalternes devaient suivre leurs ordres à la lettre. À n'importe quel prix. Même s'ils se trouvaient dans des circonstances impossibles.
Les communications entre les officiers du front et les généraux de l'arrière étaient mauvaises. Ils dépendaient des lignes téléphoniques, qui étaient brisées par les tirs d'obus, et des messagers devant transmettre les messages du front à l'arrière, qui étaient souvent tués. Les officiers avaient reçu des instructions d’ordonner aux soldats d'avancer à tout prix et ils suivent les ordres, malgré l'évidente absurdité. Le maréchal Haig aurait aussi bien pu nous ordonner de sauter d’une falaise.
En début d'après-midi, la nouvelle de notre massacre est remontée jusqu'au quartier général de l'armée et les autres attaques de la journée ont été annulées. Le nombre de victimes fut le plus élevé jamais enregistré en un seul jour dans l'histoire de l'armée britannique, et les pires chiffres pour une journée, dans n'importe quelle armée, pendant toute la guerre.
Je me suis arrêté un instant dans la confusion de la débâcle lors de mon retour aux postes d'évacuation des blessés à l'arrière, pour juger du carnage et pour trouver un visage familier revenu du no man’s land. Nous avions notre rituel d'appel, qui établissait qui était revenu de l'attaque et qui ne l'était pas. Tant de mes amis avaient disparu qui avaient dû être tués ou blessés. Toutes ces balles, toutes ces balles et pas une seule marquée de mon nom. J'avais l'impression d'être l'homme le plus chanceux du monde.
Des cent vingt mille hommes qui ont pris part aux premiers combats du matin, la moitié d’entre eux avait été touchés. Il y eu plus de 20 000 hommes tués, et 40 000 autres gravement blessés. Cette nuit-là, une file d'hommes qui avaient été blessés dans le no man's land et qui avaient passé la journée à se cacher dans les cratères sous le soleil brûlant retournèrent dans leurs tranchées sous couvert de l'obscurité.
J'ai découvert plus tard que la presse britannique avait rapporté l'attaque en disant que la bataille était une grande victoire et avait décrit le désastre comme un jour de gloire pour l'Angleterre. On pouvait lire dans le journal :
Une poussée lente, continue et méthodique, a épargné les vies.
Je suis sûr que ces rapports visaient à rassurer les familles anxieuses au pays, mais moi et les autres soldats qui avions participé à cette attaque, nous étions en colère. Certains bataillons s'en sortaient avec juste quelques pertes, mais d'autres avaient terriblement souffert.
Un autre bataillon avait commencé la journée avec 24 officiers et 650 hommes. À l'appel du soir, il ne restait plus qu'un seul officier et 50 hommes. Le bataillon du Lancashire, qui était parmi les premiers à attaquer la ligne allemande ce matin-là, avait perdu 584 hommes sur 720, tués, blessés ou disparus dans la première demi-heure de la bataille. Malgré l'absence totale de nouvelles fiables en provenance du front, nos familles du Lancashire commençaient à soupçonner que quelque chose de terrible nous était arrivé. Le flux régulier de lettres en provenance de France s'était arrêté.
Une semaine après le début de la bataille, un train rempli de soldats blessés de la Somme s'était brièvement arrêté à la gare de Lancashire en route vers un hôpital militaire plus au nord. Un passager du train avait interpellé un groupe de femmes sur le quai les informant que ses copains de Lancashire avaient été massacrés.
L’affreuse nouvelle s’est rapidement répandue et créa une atmosphère insoutenable, comme l'air lourd et suffocant avant l'orage qui plane sur la ville. Des lettres d'hommes blessés assurant leurs familles qu’ils avaient survécu à l’horreur commencèrent à affluer. Les lettres arrivaient en si grand nombre qu'il était évident que quelque chose de très grave s’était produit. Ceux qui avaient reçu des nouvelles se retrouvaient dans un terrible calvaire : devaient-ils espérer le meilleur ou craindre le pire ?
Il y a quelque chose d'encore pire avec la Somme et ses 60 000 victimes en une seule matinée. Malgré les pertes, le maréchal Haig restait convaincu que son échec était dû au fait qu’il n’avait pas envoyé assez d'hommes. Il pensait que la grande poussée n’avait pas été assez importante. Ainsi, pendant les cinq mois suivants, les volontaires de l'armée de Kitchener allaient alimenter l’hideuse machine à broyer pour être massacrés par milliers, pris dans les barbelés et criblés de balles de mitrailleuses.
Il y a eu malgré tout quelques réussites en dépit du carnage. L’attaque de nuit du 4 juillet prend les Allemands par surprise et les tranchées allemandes de la ligne de front sont envahies sur 8 kilomètres. Le lendemain matin, cette percée est suivie d'une charge de cavalerie - la tactique standard utilisée dans les guerres du XIX
siècle - lorsque la ligne de front de l'ennemi est percée. Les cavaliers n'avaient pas l'air aussi fringants qu'auparavant. Les vestes rouges avaient été remplacées par du kaki fadasse. Le clairon sonnait pourtant toujours et les lances scintillaient sous le chaud soleil d'été. Comme toutes les charges de cavalerie, c'était un spectacle magnifique, jusqu'à ce qu'il se termine dans une grêle de balles de mitrailleuses, de chevaux qui se débattent et de corps qui tremblent.
Même les troupes australiennes étaient arrivées le front occidental et combattaient avec un grand courage. Trois semaines après le début de la bataille, un village local fut repris, mais à un prix terrible pour cette maigre victoire. Tant d'hommes avaient été tués qu'un soldat australien m'a décrit l'opération comme :
La plus sanglante, la plus lourde et la plus pourrie des histoires dans lesquelles les Australiens avaient jamais été impliqués.
Le 15 septembre 1916, les chars d'assaut sont utilisés pour la première fois dans l'histoire. Nous avions fondé de grands espoirs sur ces nouvelles armes, des « mitrailleuses destructrices » comme on les appelait à l'époque. En effet, le plus terrifiant pour un mitrailleur allemand dans sa tranchée, était de se trouver nez à nez à un énorme char, ses chenilles métalliques cliquetant et grinçant avançant lentement pour écraser la défense de barbelés, et les balles rebondissant sur son lourd flanc d'acier. Le char d'assaut s'est finalement révélé être l'une des armes les plus efficaces du siècle, malheureusement pas lors de la bataille de la Somme. La plupart tombaient en panne avant même d'avoir pu atteindre la ligne de front.
Après cent quarante jours, lorsque la bataille s'arrête finalement en novembre 1916, plus d'un million d'hommes ont été tués ou blessés. Au total, il y eu plus de 400 000 pertes britanniques, 200 000 pertes françaises et un demi-million de pertes allemandes. Les adversaires, pour la plupart des soldats de la deuxième armée allemande, avaient subi d’énormes pertes à cause de leurs propres généraux, qui avaient donné l’ordre que tout terrain gagné par les Britanniques ou les Français devait être repris à tout prix. Le haut commandement allemand avait également interdit l'évacuation volontaire des tranchées. Les soldats avaient l’ordre de maintenir fermement leurs positions dans les tranchées, et lorsqu’ils pouvaient en sortir, ils devaient se frayer un chemin en piétinant les cadavres qui les jonchaient.
Après que nos troupes avaient été fauchées par milliers lors de l'attaque des tranchées allemandes de première ligne, les soldats britanniques prenaient finalement une sinistre revanche alors que nos ennemis s'exposaient à un carnage similaire pour regagner le terrain perdu. Je me souviens avoir pensé : « Vous nous en avez fait voir, maintenant c’est vous qui allez prendre ». Les mitrailleurs fauchaient impitoyablement et sans relâche les soldats allemands qui se précipitaient aveuglément vers nos balles. Tout avantage militaire positif de cette destruction était imperceptible.
Dans certaines zones le long de la ligne de front de 30 kilomètres avait été redessinée de quelques kilomètres ici et là mais, comme tant d'autres batailles de la première guerre mondiale, la mort à une telle échelle industrielle n’avait servi à rien. Les soldats de l'armée britannique ne montreront plus jamais un tel enthousiasme pour la bataille. À partir de ce moment-là, les simples soldats évoqueront la campagne sur la Somme avec un dégoût sincère et amer. Aujourd'hui encore, l'horreur et le carnage des premières heures de ce samedi matin me choquent lorsque je pense à la guerre.
Pour ceux qui ont participé et ont survécu, il s'agissait du moment déterminant de leur vie. Je me souviens de la façon dont le premier jour a fusionné avec le second, j’étais sinistrement planté dans une tranchée endommagée et je voyais jour après jour mes camarades soldats vieillir et subissait des grêles de bombardements qui duraient des jours entiers. Pendant des heures, nous avons prié, transpiré et juré en travaillant sur les tas de craie boueuse et les corps mutilés.
À l'aube du lendemain matin, nous étions de retour dans la verdure. Je m’appuie pensivement sur mon fusil et je regarde bêtement les hommes épuisés et sales qui dorment autour de moi.
Il ne me vient pas à l'esprit de m'allonger jusqu'à ce que quelqu'un me pousse dans les fougères. Il y avait des fleurs parmi les fougères, et l'une de mes dernières pensées fut de me demander si les fleurs allaient un jour repousser dans les champs du carnage.
Mutinerie sur le front occidental
Le mot « mutinerie » évoque des images de violence alcoolique et de descente dans l'anarchie. C'est un mot qui ferait tourner le sang des officiers en bloc de glace. Sans ordre et sans obéissance, un homme ne peut pas donner d’ordres à un autre homme pour effectuer des actions qui entraîneront la mort et des blessures d’autres êtres humains. La mutinerie rend une armée inefficace plus rapidement qu'un barrage de mitrailleuses ou même d'artillerie. Elle peut conduire à une défaite totale en quelques jours, c'est pourquoi ils elle est généralement punie avec une grande sévérité.
Dans la Rome antique, les mutins de l'armée qui revenaient au régime militaire étaient soumis à la décimation : un homme sur dix était arraché des rangs et exécuté publiquement. Qui aurait pu deviner que cette réaction antique et barbare serait à nouveau employée au XX
siècle pour rétablir l'ordre dans l'armée française.
Les mutineries françaises de 1917 trouvent leur origine dans la décision de l'armée allemande de mener la guerre en prenant des vies françaises plutôt que des territoires français. En février 1916, les Allemands avaient choisi la forteresse française de Verdun pour mettre leurs plans en action. Pendant 10 mois d’horreur, les Français et les Allemands s’affrontèrent pour le contrôle de la forteresse. La plupart des combats s’étaient déroulés dans des forts de béton humides, éclaboussés de sang, et respirant la terreur des hommes devant affronter le combat au corps à corps.
Lorsque la bataille se termine en décembre de la même année, plus de 350 000 soldats français et 330 000 soldats allemands auront été tués ou blessés.
Il n'y avait rien de satisfaisant dans ce massacre.
Aucun territoire n'avait été gagné ni perdu. Chaque camp avait perdu un nombre presque égal de troupes. Le commandement et les tactiques des Allemands avaient été quelque peu modifiés, mais leur stratégie qui consistait à saigner à blanc l'armée française avait eu plus d'effet qu'ils ne l'avaient réalisé.
Le peuple français est immensément fier du succès de son armée dans la défense de Verdun, et le cri de guerre des soldats « On ne passe pas » devient le slogan de l'estime nationale. Les généraux français deviennent des héros nationaux. Mais, après la bataille de Verdun, de nombreux soldats français ont l'impression qu'ils n’ont plus rien à donner.
Une autre grande offensive française est prévue au début du printemps 1917. Le haut commandement français promet à ses troupes une victoire rapide au Chemin des
Dames sur l’Aisne. On proclame aux soldats français que ce sera la bataille qui leur permettra de gagner la guerre. Le moral est au beau fixe, surtout que les soldats français ont appris que leurs généraux allaient essayer une nouvelle tactique pour épargner leurs vies. Ils marcheraient vers les tranchées allemandes sous la protection du barrage rampant, une grêle d'obus tombant devant eux, avançant comme un mur de feu protecteur.
Des chars seraient également utilisés, un nouveau type d'arme prometteur pour écraser la défense des barbelés et détruire les nids mortels des mitrailleuses, qui sans cela, balayerait des dizaines d'hommes d'une seule rafale.
Un million d'hommes participèrent à l'attaque du 16 avril. Elle échoua. Ce fut un autre massacre insensé. Les chars tombèrent en panne et les bombardements de l'artillerie ne réussirent pas à détruire les points forts de l'ennemi. Le temps n'avait pas aidé non plus. Les soldats français avaient dû avancer sous une pluie battante. Après 10 jours, plus de 30 000 hommes avaient été tués, et plus de 20 000 avaient disparus, presque certainement morts. 90 000 autres survivants avaient été blessés. Mais pourtant, les attaques continuèrent.
Tous les soldats ne croyaient pas aux promesses des généraux français d'une victoire facile lors d'une percée décisive. De nombreuses compagnies de soldats, y compris la mienne, marchaient au front en bêlant comme des moutons, criant à qui voulait l’entendre que nous étions des viandes de boucherie sur pied destinées à l'abattoir. C'était un signal d'alarme qui fut ignoré. Le Chemin des Dames devint le lieu où le moral de l'armée française s’effondra définitivement.
La première mutinerie eu lieu avec le deuxième bataillon du 18
régiment d'infanterie. Sur 600 hommes, seulement 200 avaient survécu à l’offensive. Après un bref répit derrière les lignes de front françaises, ils reçurent à nouveau l'ordre de retourner dans les tranchées. C'était le 29 avril 1917, en début de soirée. De nombreux hommes étaient ivres du vin rouge bon marché qui était toujours fourni gratuitement aux troupes françaises. Presque tous les hommes refusèrent d’y retourner et se rassemblèrent en groupes protestant contre la guerre, mais tôt le lendemain matin, une fois dessoûlés, les soldats repartirent vers la ligne de front.
Alors que nous marchions, les officiers du bataillon décidèrent que cette insurrection devait être immédiatement punie. Au hasard, une douzaine d'hommes furent extirpés des rangs et accusés de mutinerie. Ils abattirent cinq d'entre eux. Un autre s’échappa miraculeusement. Alors qu'il était conduit au peloton d'exécution par un groupe de gardes, un bombardement d'artillerie allemand se mit à tomber autour d'eux. Il s’élança dans les bois voisins et ne fut jamais retrouvé.
Quelques jours plus tard, une autre mutinerie éclata. Cette fois, beaucoup plus importante car elle concernait l’intégralité de la deuxième division. Des milliers d'hommes, presque tous ivres, refusèrent de porter les armes et de se diriger vers les tranchées. Quand l'effet de la boisson se fut dissipé, la plupart des hommes cédèrent et repartirent au front. Ceux qui refusèrent toujours de partir furent rapidement arrêtés et les punitions n'épargnèrent personne d'autre dans la division.
Ce n'était que le début. Au début du mois de mai, cette rébellion alcoolique s'était répandue dans l'armée, c'était un autre genre de mutinerie. C'était une étrange sorte de mutinerie. Il n’y eu aucun rapport d'attaques ou de meurtres d'officiers ni de revendications politiques. Lorsque les officiers négocièrent avec l'homme qui avait été élu par ses camarades pour les représenter, il leur déclara que les soldats continueraient à défendre leurs tranchées des attaques des Allemands, mais qu’ils refusaient toute avancée vers l’ennemi.
Alors qu'une mutinerie à grande échelle balayait les rangs de l'armée française, des évènements extraordinaires se produisaient en Russie. Une mutinerie de même ampleur avait conduit au renversement du gouvernement tsariste, alarmant profondément les autres alliés. Les autorités françaises avaient de la chance de ne pas avoir d'équivalents de Lénine et de Trotsky parmi leurs troupes. S'il y en avait eu, l'histoire de la France au cours du XX
siècle, aurait pu être très différente. La rébellion française n'avait pas de chefs évidents, elle n'était dirigée par personne. Mais, malgré cela, la situation se dégradait si rapidement qu'en juin, 54 divisions, soit plus de la moitié de l’ensemble de l'armée française sur le front occidental, sont touchées. Plus de 30 000 hommes quittent leurs postes sur la ligne de front et essayent de rentrer chez eux à pied.
Les causes de la mutinerie étaient simples. Le simple soldat français avait perdu la foi en ses généraux. Il n’était plus d’accord pour donner sa vie en suivant des ordres auxquels il ne croyait plus. Il y avait également d'autres causes, et celles-ci étaient suffisamment sérieuses pour que l'on se demande pourquoi la mutinerie n'avait pas pris naissance plus tôt.
Par rapport à leurs homologues britanniques, les soldats français devaient supporter des conditions plus dures en matière de discipline militaire. Leur solde était une misère. La nourriture qui leur était offerte était souvent froide et de mauvaise qualité, ce qui était particulièrement troublant compte tenu de la réputation de gourmets de cette nation. L'armée britannique avait produit un grand effort logistique pour que ses soldats de métier soient approvisionnés en nourriture chaude de qualité raisonnable. Les soldats britanniques traversaient également régulièrement la Manche pour passer du temps avec leurs familles, loin des tranchées.
C'était particulièrement douloureux pour les Français, car beaucoup se battaient à moins d'une journée de voyage de leurs foyers et ils n’avaient pas le droit de quitter leurs bases. Il était rare qu’on leur propose des congés. Tous les camps avaient subi d'horribles pertes, mais de tous les alliés, ce sont les Français qui avaient perdu le plus d'hommes. Plus d’un jeune soldat sur quatre, entre 18 et 30 ans, allait mourir dans cette guerre. Plus d'un million et demi en tout. Avec des millions d'autres blessés et mutilés à vie.
Dans le haut commandement français, la mutinerie provoqua une panique. La France avait déjà tant souffert. Tant d'hommes avaient été sacrifiés pour empêcher l'armée allemande d'envahir ce beau pays. Comme ce serait terrible si les Français perdaient la guerre parce que ses soldats déprimés avaient tout laissé tomber pour rentrer chez eux. Pour ces raisons, le haut commandement français décida de répondre aux plaintes de ses soldats plutôt que de simplement réprimer brutalement la révolte.
Les dirigeants français devaient faire face à trois problèmes majeurs.
D'abord, ils devaient prendre des mesures immédiates pour introduire des réformes afin de rendre la vie de leurs hommes plus supportable. La plupart d'entre eux étaient des conscrits qui s’étaient engagés pour la durée de la guerre et n’étaient pas des soldats de carrière.
Ensuite, pour faire respecter ce plan, l'armée devait punir les responsables. Cette tâche se révélait difficile car les mutineries semblaient être spontanées et n’avaient pas de meneurs réels.
Troisièmement, et ce point était le plus important, il ne fallait pas que les Allemands sachent ce qui se passait dans les rangs Français. S'ils avaient vent des mutineries, ils pourraient percer les lignes françaises et être à Paris en une semaine. Alors la guerre serait perdue à coup sûr.
Plusieurs généraux plus âgés furent remplacés. La qualité de la nourriture distribuée aux troupes de première ligne fut considérablement améliorée. Un système de visites au foyer fut introduit, et les camps de repos derrière les lignes de front furent réaménagés pour être plus habitables. Les hauts gradés Français comprirent le message et donnèrent leurs ordres aux officiers subalternes et aux sous-officiers pour que la vie du troufion ne soit plus mise en danger par des attaques inutiles.
La punition pour mutinerie était cependant toujours aléatoire et injuste. Au début du mois de juin, 700 hommes d’un bataillon disparurent dans la forêt en bord de route alors qu’ils rentraient du front. Plus tôt dans la journée, la rumeur s'était répandue parmi les troupes qu’une grotte se trouvant dans la forêt était assez vaste pour qu’ils puissent tous s’y cacher. Un commandant voulant faire preuve de bravoure, se rendit à l’emplacement de la grotte pour négocier avec les mutins. Il leur dit de retourner au front avant l'aube ou bien, ils seraient tous massacrés. Les hommes sortirent de leur cachette. Une fois de retour au commandement de l'armée, 20 d'entre eux furent retirés des rangs et fusillés.
Le commandant français avait négligé de leur mentionner que cela se produirait. Mais, pour d’autres divisions, une fois l'ordre rétabli, la mutinerie momentanée était rapidement oubliée et personne n’était puni.
Au total, plus de 24 000 hommes avaient été arrêtés et traduits devant des tribunaux militaires. Parmi eux, 551 avaient été jugés comme étant des chefs de la révolte et condamnés à mort. Mais seulement 40 furent fusillés. Les autres furent envoyés au bagne de la Guyane française, un sort misérable pour des soldats conscrits qui s’étaient battus courageusement jusqu'à ce qu'ils n'en puissent plus. Les exécutés étaient abattus devant leurs camarades, qui devaient alors passer en file indienne devant les morts.
De nombreux autres soldats français avaient été fusillés au hasard et sans procès, mais le nombre de ces décès restait difficile à estimer. La mutinerie était un sujet sensible. Mais derrière la façade de la magnanimité, il y avait une main de fer déterminée à ce qu'une telle désobéissance généralisée ne puisse plus jamais se reproduire.
Parmi les divisions rebelles se trouvait un régiment de soldats russes, qui avait été envoyé sur le front occidental par le régime tsariste, comme un gage de bonne volonté, avant qu’il ne se trouve lui-même en difficulté et soit renversé. Ces soldats avaient enduré des conditions encore pires et un commandement encore plus incompétent que chez nos alliés français et britanniques. Ils n'étaient que trop prêts à suivre la mutinerie des camarades français rebelles. Leur sort fut pitoyable. Le commandement français avait dû traiter ses propres soldats avec une certaine indulgence, car il était impossible de tous les punir. Ils étaient trop nombreux à être réprimés. Une discipline sévère aurait pu provoquer de pires rébellions voire une révolution. Les Russes étaient remplaçables. Le régiment fut encerclé et mis en pièces par l'artillerie française.
La mutinerie avait duré six semaines. L'armée française avait échappé de justesse à une défaite cuisante. Mais les soldats avaient envoyé un message clair à leurs généraux. Désormais, il n'y aura plus d'attaques massives et les soldats français ne participeront qu'à des assauts de petite envergure sur les lignes allemandes. Ainsi l'horrible boucherie des trois années précédentes pris fin. Pour le reste de la guerre, la majeure partie des combats contre les puissances centrales sera laissée à la Grande-Bretagne et au Commonwealth, ainsi qu'aux troupes américaines fraîches et enthousiastes qui vont entrer en guerre juste à temps pour sauver les alliés d'une défaite presque certaine.
Derrière les lignes du front, le gouvernement réagit par la censure dans les journaux français et emprisonne ceux qui faisaient campagne pour la fin de la guerre par capitulation. De nos jours, ces personnes seraient appelées des militants de la paix. En 1917, ils étaient surnommés « agitateurs de guerre ».
Aujourd'hui encore, la mutinerie reste un sujet honteux et sensible en France. Lors de son 80
anniversaire, en 1997, le Premier ministre français a suggéré que les mutins devaient être compris et pardonnés. Cette décision a été sévèrement dénoncée par le président français de l'époque, Jacques Chirac. Le simple fait d'exprimer sa sympathie pour ces hommes fatigués par la guerre était encore considéré comme un outrage.
Mais de nos jours, la plupart des gens s'accordent à dire que les mutins auraient mérité la pitié plutôt que la condamnation.
Ils étaient simplement des hommes comme les autres qui s’étaient trouvés perdus dans un enfer de feu et de sang.
Le cauchemar du bois de Belleau
L'année précédant notre entrée en guerre, les États-Unis disposaient d'une petite armée d'à peine 100 000 hommes. Le président, Woodrow Wilson, avait des sentiments mitigés quant à l'engagement de notre pays dans ce conflit. De nombreux citoyens américains étaient des immigrants européens qui avaient fui vers le Nouveau Monde, en partie pour éviter des guerres telles que celle-ci. Sans compter qu'une proportion non négligeable des immigrants américains étaient originaires d'Allemagne. Cela rendait toute décision sur le choix du camp à soutenir extrêmement compliquée.
En janvier 1917, les commandants militaires allemands décident d'autoriser leurs sous-marins à couler tout vaisseau naviguant dans les eaux britanniques. Cela provoqua l’attaque et la destruction de cargos américains et d'occasionnels paquebots transportant leurs passagers outre-Atlantique. L'opinion publique passa ainsi presque d’un jour à l’autre, d'une neutralité prudente à une attitude totalement anti-allemande.
Le président Wilson estima que le moment était venu. Ainsi, le 17 avril, les États-Unis s’engageaient finalement dans la guerre aux côtés des Alliés. Une fois que nous avons rejoint le conflit, nous avons entrepris de prouver au monde entier que nous étions à la hauteur de la tâche.
Nous étions une nation enthousiaste, prospère et en progrès. Après la guerre en 1918, nous allions avoir plus de quatre millions de citoyens américains dans les forces armées et trois millions et demi d'entre eux auraient été transportés en Europe. Ils arrivaient entassés comme des sardines sur des paquebots transatlantiques transformés à la hâte en navires de transport de troupes.
Nous dormions dans des lits superposés faits d'acier et de fil de fer, empilés les uns au-dessus des autres sur quatre niveaux. Le voyage était si inconfortable que de nombreux soldats, dont moi, trouvèrent les tranchées plus confortables.
Les Allemands savaient que l'adhésion de l'Amérique aux Alliés rendrait leur propre victoire presque impossible. Mais en 1917, la guerre est en faveur de l'Allemagne, la Russie est en pleine révolution et cherche désespérément à faire la paix et à mettre fin aux combats sur le front oriental.
L'Allemagne veut anéantir les soldats français et britanniques épuisés avec toute la force de son armée. Au début de 1918, des navires de troupes américaines avec des soldats nouvellement formés commencent à arriver en France. Il y avait pourtant à cette époque, juste quelques milliers de troupes américaines en Europe.
Il fallait du temps pour lever et préparer une force de combat pratiquement de zéro, puis transporter les considérables armées d'hommes à travers l'Atlantique. Les généraux allemands savaient que pour gagner la guerre à l'ouest, ils devaient frapper vite et fort avant que les Américains n'arrivent en nombre écrasant. Ainsi, à la fin du mois de mars, les Allemands lancent une attaque soigneusement planifiée, connue sous le nom d'offensive Ludendorff.
Les troupes allemandes utilisent une nouvelle tactique et percent les lignes de front alliées. Ils avaient recours à des attaques surprises pour découvrir les points faibles et utilisaient une force écrasante lorsqu’ils les avaient trouvés.
Tout au long du printemps, les troupes allemandes effectuent une série d'avancées remarquables qui provoquent la panique dans l'Empire britannique et parmi les forces françaises. En avril, le commandant en chef britannique, le maréchal Haig, donne l'ordre désespéré :
Dos au mur et convaincus de la justesse de notre cause, chacun d'entre nous a le devoir de se battre jusqu'au bout.
Le commandement allié craint la perte des ports de la Manche, à partir desquels les troupes et les fournitures sont acheminées vers le front occidental depuis la Grande-Bretagne. Le danger pour les Français était beaucoup plus grave. Au début du mois de juin, l'armée allemande avait atteint la Marne et se trouvait à moins de 60 kilomètres de Paris. Les routes sont encombrées de civils français fuyant les combats.
Les troupes françaises sont épuisées et découragées, incapables de trouver la volonté de combattre la gigantesque armée allemande leur faisant face. Dans ces circonstances désespérées, les généraux britanniques et français se tournent vers le Corps expéditionnaire américain (l’AEF). Ils firent partie de la première vague de troupes américaines qui arriva en Europe pour sauver la situation.
Le commandement de l’AEF est assuré par John J. Perishing. Il comprend que les alliés britanniques et français ont pratiquement perdu la volonté de faire la guerre. Cela signifie que la charge de gagner la guerre repose désormais sur ses épaules et celles de ses troupes fraîches et enthousiastes. Il trouve frustrant de commander son armée en Europe, car nous n'avions pas été accueillis comme des partenaires égaux. Les généraux alliés ont pris de haut Pershing et son état-major. Ils pensaient que les Américains étaient inexpérimentés et naïfs, ce que nous étions bien sûr dans une certaine mesure.
Les Européens en particulier, pensaient que les soldats américains n'avaient pas la volonté ou la motivation de se battre. Je me souviens d'avoir entendu l'histoire du commandant en chef, le général Pershing, frappant du poing sur la table de rage en s’écriant :
Je vais certainement sauter à la gorge du prochain qui me demandera si les Américains sont vraiment là pour se battre.
La faute de ce manque de compréhension et de confiance entre les trois parties n'incombe pas entièrement aux Européens. Tout au long de la guerre, les Britanniques et les Français ont combattu ensemble en tant qu'alliés. Les Américains, sur l'insistance du président Wilson, ne souhaitaient pas être considérés comme des alliés. Ils préféraient le terme de co-belligérants. Nous sommes venus nous battre aux côtés des alliés français et britanniques, pas sous leurs ordres.
Pendant l'offensive de Ludendorff, une action combinée drastique était nécessaire. Pendant toute la durée de la crise, les forces alliées sont alors placées sous le commandement de l'un des anciens commandants français.
C'est en mai 1918 que nous avons engagé pour la première fois l'armée allemande et que les combats violents ont commencé. C'était dans un petit village près du fleuve de la Somme. Plus d'un tiers des forces américaines furent tuées ou blessées en seulement trois jours de combat intense. C'était plus que suffisant pour prouver que nous étions capables de nous battre avec autant de détermination que n'importe qui.
À la fin du mois de mai, on demande au général Pershing d'envoyer des soldats pour colmater les points faibles des lignes de front alliées à l'approche de l'armée allemande. Les troupes françaises fuient en même temps qu'un flot désespéré de civils terrifiés qui encombrent les routes en s'éloignant des villes et villages. Les soldats américains les plus proches, les deuxième et troisième divisions, sont encore à plus de 160 km. Nous avons dû faire un voyage de nuit épuisant, puis nous devions commencer à nous battre dès notre arrivée. Alors que nous approchions de notre destination, les routes s’engorgeaient de troupes et de civils français en fuite. Ils nous criaient sans cesse : « you’re too late ». Vous arrivez trop-tard. Cela n’aidait pas vraiment à renforcer ma confiance. Lorsque nous sommes arrivés le 1er juin dans la ville presque déserte, nous avons trouvé un petit nombre de troupes africaines qui la défendaient. Ils avaient été abandonnés par leurs maîtres coloniaux français pour se battre et mourir dans une situation impossible.
Ils étaient rejoints par nos 17 000 soldats de l'armée et des Marines. La bataille pour la ville fut intense, mais nous avons tenu bon, et les combats se sont étendus aux petites villes voisines proches du Bois de Belleau. C'était une zone dense, presque imprenable, faite de taillis et de rochers, sur environ 1,5 km de long. Le Bois de Belleau n'avait aucune valeur stratégique. Les troupes allemandes s’y étaient retranchées et y avaient installé des positions défensives au début du mois de juin. Cette position en faisait une base efficace pour nous harceler. Les commandants alliés décidèrent que les Allemands devaient être éliminés et chassés, notamment en raison de leurs tirs de mitrailleuses provenant de positions habilement dissimulées dans l'épais sous-bois.
Pendant tout le temps où nous étions dans le Bois de Belleau, il n'avait cessé de pleuvoir. Les tirs d'artillerie nous tombaient dessus en permanence. Les avions allemands descendaient du ciel en piqué et nous mitraillaient. Il était difficile de se défaire du sentiment que nous faisions face à un ennemi supérieur en force et en expérience.
Nous voulions faire nos preuves.
Nous nous battions fraîchement, bien armés et déterminés à gagner. Lorsqu'un officier supérieur français suggéra à un colonel des cinquièmes Marines que nous devrions nous retirer, il cracha et lança « Retraite ? » « On vient juste d'arriver. »
Le voyage vers le front avait été particulièrement difficile et, pour beaucoup d'entre nous, c'était la première fois que nous allions au combat. Nous avions été déposés à environ 30 kilomètres des combats et devions marcher en grimpant pendant plus de deux heures. Tout autour de nous, l'artillerie française tirait un barrage constant sur les lignes allemandes et le sol tremblait constamment.
Nos hommes étaient épuisés, trempés et n'avaient pas pu se laver ou se raser depuis au moins cinq jours. Nous sommes finalement arrivés au point de rendez-vous et avons été transférés dans des camions, qui nous ont transportés au front. Une fois sur le front, nous avons été envoyés dans une petite ville juste à côté du Bois de Belleau. Au-dessus des bois, nous avons aperçu des ballons d'observation allemands, que nous avions surnommés « saucisses » en raison de leur forme.
Ce n'était pas une bonne nouvelle.
Certainement, nous avions été repérés, et ils nous attendaient. Les Allemands commencèrent à nous bombarder durement et détruisirent pratiquement toute la ville. Un bâtiment sur ma droite brûlait, et les flammes illuminaient le sol autour de moi. Tout ce que je pouvais voir, c’étaient des Marines morts gisant sur cette route étroite.
Puis ils ont ordonné à mon bataillon d'aller dans le Bois de Belleau. À trois heures, nous sommes partis pour les tranchées du front. Nous étions censés atteindre les lignes de front avant le petit-jour. Les bois étaient si denses qu'il semblait presque impossible de se frayer un chemin. Les branches des arbres nous frappaient incessamment au visage. Les hommes juraient. Après une nuit de marche forcée déprimante, nous avons atteint les tranchées de la ligne de front. Les Allemands continuaient à nous bombarder. Un obus tomba de près notre abri et tua l’un de mes amis du nom de Burke.
Le morceau de shrapnel l’avait décapité.
Les tranchées dans lesquelles je me suis retrouvé arrivaient à peine à la taille. Après une journée épuisante, nous avons dû essayer de dormir en étant accroupis dans l'eau jusqu'aux chevilles. Au cours des jours suivants, les Allemands lancèrent des attaques nocturnes sur nos positions. Une fois, un soldat lança une grenade sur des Allemands qui approchaient. Elle rebondit sur un arbre et atterrit dans sa tranchée. Je la vis juste à temps pour plonger au fond de ma tranchée et éviter d'être tué. Je me mis à rire comme un idiot alors que le soldat à côté de moi jurait comme un marin, à l’idée que nous avions failli être tués par l’un de nos propres hommes.
Le 6 juin, nous avons été impliqués dans un assaut particulièrement lourd dans les bois. On nous a ordonné de charger contre des positions allemandes bien défendues dans un champ ouvert. Nous étions bloqués par un feu nourri pendant cette attaque. Un vétéran des Marines, le sergent Dan Daly, a inventé sa phrase gagnante : « Allez, fils de pute, vous pensez être éternels ? »
Heureusement, il y avait un journaliste sur place pour capturer le moment. la légende d'immortalité de Daly et la bravoure des Marines furent assurées à partir de ce moment. C'était ce type d’héroïsme face à l'adversité que les Marines étaient censés incarner. Le sergent Daly a survécu à l'attaque et à la guerre, bien qu'il ait été blessé lors des combats du Bois de Belleau.
La journée de combat qui a suivi cette bataille a été la pire de l'histoire du corps des Marines. Il y eu plus de 1 080 hommes tués ou blessés. La lutte pour la possession du bois avait pris des allures de grisaille claustrophobique. À l'intérieur du champ de bataille combiné, un sous-bois dense obscurcissait le sol entre les arbres avec d'énormes rochers ayant leurs propres petits coins et recoins. Toute la bataille s'est déroulée dans une atmosphère de chaos. Ces bois étaient si denses.
Les ennemis passaient à quelques centimètres les uns des autres. Nous ne pouvions pas voir nos camarades soldats et devions faire attention à ne pas tirer sur nos propres hommes. Les Allemands et les Américains s’entassaient dans cet endroit confiné. Le sol entre les arbres était jonché de corps tombés. On pouvait voir les débris personnels de ces soldats morts, sacs à dos, lettres, uniformes en lambeaux, tout cela flottait dans le vent. C’étaient les restes pathétiques de leurs jeunes vies et de sombres présages pour ceux qui leur survivaient. Les grenades à main, mitrailleuses, obus explosifs, gaz... avaient dépouillé les arbres de leurs feuilles.
Lorsque nous rencontrions l'ennemi, c'était souvent sous la forme la plus redoutée du combat au corps à corps. Nous nous battions avec des baïonnettes à poing américain dans un dispositif hideux que nous appelions « toad sticker », le crève-crapaud. Il s'agissait d'une longue lame triangulaire attachée à un poing américain. Un de mes amis, un Marine, qui avait été au cœur des combats au corps à corps pendant plus de 15 minutes avant de survivre à tous ses adversaires allemands, raconta dans une lettre à sa famille, les problèmes que la terrible tension psychologique de ce combat avait causé chez lui. Après la fin du combat, il s'était assis pour pleurer. Devoir s'accrocher à la vie un espace aussi confiné était une expérience démoralisante.
Les obus tombaient régulièrement sur nos positions. Les tirs de mitrailleuses et de fusils fusaient continuellement à travers les arbres, faisant éclater autour de nous des morceaux de roche, de terre et de bois. Les Allemands nous tiraient dessus avec des mortiers de tranchée aux projectiles noirs de plus d'un mètre de long remplis d'explosifs puissants. On les appelait des torpilles aériennes. Des obus à gaz atterrissaient également dans les bois, dégageant des poches de fumées formant un brouillard dense stagnant au ras du sol. Le gaz était souvent inoffensif sur le moment, mais il s'abattait sur les Marines endormis, au repos, couchés dans des tranchées peu profondes, et les faisait étouffer et leur donnait des nausées.
Un jour, au beau milieu d'une attaque au gaz, un sergent artilleur donna son masque à gaz à un marine blessé. Ce sergent artilleur mourut d'une mort douloureuse quelques jours plus tard, ses poumons ayant été détruits par le gaz. Les explosions d'obus martelaient nos tympans dans les bois jusqu'à ce que mes oreilles chantent dans un bourdonnement constant et désorientant. Mais souvent, les tirs d'obus étaient inefficaces. La concentration d'arbres et de végétation étouffait le souffle des obus. La visibilité était mauvaise, et nous étions à l'orée des bois.
Nous avons suivi le déroulement de la bataille en suivant l'effroyable cortège de bruits. De temps en temps, il y avait une salve rapide de tirs de mitrailleuses. Cela pouvait signifier que les Marines attaquaient un nid de mitrailleuses. Ils allaient sûrement mourir en s'y précipitant, et l’attaque était suivie d'une pause inquiétante. Ensuite, les mitrailleurs seraient tués par les baïonnettes et les couteaux de tranchées, les armes silencieuses du combat au corps à corps.
Le 11 juin, nous avions capturé les deux tiers des bois, mais nous étions maintenant proches de l'épuisement physique. Les Allemands contre-attaquèrent et les combats intenses se poursuivirent. Les cadavres s'empilaient dans les bois, et les Marines se frayaient un chemin parmi les corps de l'ennemi.
De temps à autres, un soldat allemand se cachait dans les tas de morts et se levait par derrière notre groupe pour tirer dans le dos d'un de nos hommes. Le Bois de Belleau était aussi rempli de tireurs d'élite, cachés dans les hauts arbres et les sous-bois. Ces hommes courageux avaient été triés sur le volet pour un travail qui promettait une mort presque certaine, ou un danger toujours présent. Quand les mitrailleuses et les bombardements se taisaient dans les bois, il y régnait un silence sinistre. Comme si cela ne suffisait pas, il était facile de se perdre dans des bois aussi épais. Il y avait peu de points de repère et un homme pouvait perdre tout sens de l'orientation. Les soldats devaient porter une boussole pour s'assurer qu'ils retournaient à leurs propres lignes plutôt qu'à l'ennemi.
Le 23 juin, nous avons retiré nos troupes et bombardé la forêt pendant 14 heures sans relâche. Puis nous sommes entrés à nouveau en force et avons combattu pendant deux jours de plus pour essayer de débarrasser le Bois de Belleau des troupes allemandes. Les combats étaient si intenses que plus de 200 ambulances ont été nécessaires pour transporter les blessés. Finalement, le 26 juin, le Bois de Belleau est tombé entre nos mains.
Cela avait pris 25 jours angoissants, mais le Bois de Belleau fut l'une des batailles les plus importantes de la guerre. Si nous n'avions pas arrêté l'avance allemande, ils auraient pu continuer jusqu'à Paris.
Mais nous avons payé un prix terrible pour cette victoire.
Un tiers de tous les hommes qui avaient pris part à cette bataille avaient été tués ou blessés. Une compagnie avait perdu 235 de ses 240 hommes. Le Bois de Belleau a montré que l'armée américaine était sérieuse. Nous mènerions une guerre difficile et les pertes seraient élevées. À la fin de la guerre, plus de 150 000 soldats et Marines américains étaient morts, et plus d'un quart de million avaient été blessés. Nos Marines étaient immensément fiers de leur victoire au Bois de Belleau.
Aujourd'hui, plus d'un siècle plus tard, la bataille est toujours une cause de ressentiment. Certains historiens pensent que les Marines n'auraient jamais dû être envoyés dans les bois. Des combats similaires entre soldats britanniques et allemands dans des zones fortement boisées avaient entraîné des pertes élevées.
Aujourd'hui, cette forêt est magnifique et constitue un endroit populaire pour les pique-niques en famille. Le soleil brille à travers les branches, faisant resplendir la mousse verte qui pousse sur les arbres. Et pourtant, un soupçon de chaleur fugace s'attarde encore sur le tapis de feuilles brun foncé qui recouvre le sol.
La guerre qui mettra fin à toutes les guerres
Un an à peine après la fin du conflit, un journaliste du London Times invente le terme :
Première Guerre mondiale.
Comme beaucoup d'autres, il avait réalisé que la guerre qui mettrait fin à la guerre deviendrait en fait la cause principale d'une autre guerre mondiale dans le futur.
Même lorsque les nations belligérantes menaient des négociations de paix à Paris en 1919, leurs dirigeants savaient que la paix qu'ils établissaient n'allait pas durer. Le Commandant suprême français avait rejeté la procédure d’un cessez-le-feu de vingt ans. Le Premier ministre britannique Lloyd George avait déclaré :
Nous allons devoir encore tout recommencer dans vingt-cinq ans et à un coût trois fois supérieur.
Il avait raison. La deuxième guerre mondiale a éclaté près de vingt ans plus tard et a coûté non pas trois fois plus de vies, mais quatre fois plus. La guerre la plus terrible de l'histoire de l'humanité avait donc une conclusion appropriée, elle n’avait été que l’introduction d’une autre plus dévastatrice.
La décision prise à Paris de faire payer l'Allemagne était insensée. L'Allemagne fut contrainte de verser des milliards de dollars en réparation aux nations victorieuses. Les délégués américains n'acceptèrent jamais cette idée, mais la France, en particulier, avait insisté pour un paiement rapide.
À la fin de la guerre, l'Allemagne est au bord d'une révolution communiste. Elle subit ensuite la honte de la défaite des territoires perdus dans une économie ruinée par la guerre et les réparations. La population allemande est indignée. Ils pensaient avoir gagné la guerre à l'est, et la guerre à l'ouest s'était terminée avant que les soldats alliés n'envahissent l'Allemagne.
Comment pourrait-on prétendre qu'ils avaient perdu la guerre ?
Leur perplexité était d'autant plus grande que les journaux allemands n'avaient pas rendu compte de l'ampleur de l'effondrement de l'armée allemande. Dans les années 30, un ancien soldat de première ligne du nom d'Adolf Hitler, capitalise sur la source du ressentiment. Son parti Nazi arrive au pouvoir en 1933 et entraîne les évènements provoquant la Seconde Guerre mondiale.
Pour certains, c'était par devoir, par patriotisme, ou par conviction qu'ils se battaient pour un monde meilleur. Pour d’autres, c'était le simple fait qu'ils seraient emprisonnés ou fusillés, au déshonneur de leur famille, s'ils ne participaient pas.
Les hommes qui avaient survécu à la guerre s'attendaient à être récompensés pour leurs efforts. La plupart furent déçus. L’après-guerre avait laissé la Russie aux prises d’un gouvernement bolchevique, infligeant à sa population la famine, des purges meurtrières et une oppression sévère qui dureront pendant plus de 70 ans.
La France avait gagné, mais elle n’était pas glorieuse. Elle ne retrouvera jamais sa place de grande puissance dans le monde. La guerre laissa la Grande-Bretagne et l'Empire britannique avec plus de 940 000 morts et une économie proche de l'effondrement à gérer.
Seule l'Amérique avait réussi à s'imposer comme la nation la plus forte et la plus riche du monde. Autre coup du sort, juste au moment où le conflit pris fin, une colossale épidémie de grippe balaya le monde. Le stress et les privations de quatre années de guerre y étaient pour quelque chose.
Ceux qui étaient revenus de la guerre en subiront les conséquences pour le reste de leur vie. Les soldats dont les poumons ont été brûlés par les gaz, ou auxquels il manque deux, trois ou même quatre membres, s'éteignent lentement dans des hospices. Dans toute l'Europe, les asiles sont remplis d'hommes souffrant du choc des obus. Aujourd'hui, il s'agit d'un état psychologique, reconnu chez les soldats de combat comme le TSPT. Mais en 1918, dans la tradition militaire et dans la société dans son ensemble, nous ne sommes qu'à quelques années de croire que ces hommes devraient être fusillés pour lâcheté.
Il y a encore aujourd'hui des hommes et des femmes dont les parents ont été fusillés pendant la guerre parce qu'ils souffraient de troubles mentaux dus à la tension des combats dans les tranchées. Même ceux qui ont survécu sans lésions physiques ou psychologiques apparentes ont été tourmentés par ce qu'ils ont vu et fait. Un homme sur huit ayant participé à la guerre a été tué. La plupart avaient moins de 30 ans, et beaucoup étaient encore adolescents.
Des centaines de milliers de femmes du même âge n'ont pas pu se marier parce qu'il n'y avait tout simplement pas assez d'hommes. La guerre fait désormais partie de notre histoire et fait encore partie d'une mémoire vivante. En 1998, lors du 18
anniversaire de l'armistice, la Grande-Bretagne comptait 160 hommes encore en vie qui avaient combattu pendant la Grande Guerre. Des chiffres similaires existent peut-être en Allemagne, en France, en Amérique et en Russie.
À l'heure actuelle, en 2021, je suis sûr qu'ils sont tous morts. La Première Guerre mondiale est toujours un sujet fréquent de romans, de films et de documentaires télévisés. Il est difficile de trouver quelque chose de positif à raconter à son sujet. Mais peut-être que cette génération malchanceuse née à la fin du XIX
siècle pourra se consoler en se disant que le massacre qu'elle a subi nous hante encore aujourd'hui,
comme un rappel brutal de l'horreur de la guerre.
Deuxième partie
Ailes brisées
L'histoire de l'évasion et de la survie d'un as de la chasse de la Première Guerre mondiale
Gagner mes ailes
J'ai commencé à voler à Chicago en 1912. J'avais 18 ans et j'avais toujours voulu être pilote. Quand j'étais plus jeune, j'avais suivi les exploits des frères Wright avec beaucoup d'intérêt. Je dois admettre que j'avais parfois espéré qu'ils n'auraient pas conquis les airs jusqu'à ce que j'aie moi-même une chance de le faire.
J'ai eu ma chance plus tard dans la vie. Mes parents étaient opposés à ce que je risque ma vie dans ce qu'ils considéraient comme le passe-temps le plus dangereux qu'un jeune homme puisse choisir. Chaque fois que j'avais un accident ou une collision, on m'ordonnait de ne plus jamais m'approcher du terrain d'aviation. Alors je suis allé en Californie.
J’ai fait équipe avec un ami, et nous avons construit notre propre avion. Nous avons volé dans tout l'état. Au début de l'année 1916, des troubles se préparaient au Mexique. J'ai rejoint l'American Flying Corps et j'ai été envoyé à San Diego, où se trouvait à l'époque l'école de pilotage de l'armée. J'y ai passé huit mois, mais j'étais impatient d'entrer en service actif. Il ne semblait pas que l'Amérique ait beaucoup de chances de s'impliquer dans la guerre. J'ai décidé de démissionner et de passer au Canada. J'ai rejoint le RFC (Royal Flying Corps) à Victoria, en Colombie-Britannique. J'ai été envoyé à Toronto pour recevoir des instructions.
Quand j'étais cadet, j'ai fait la première boucle jamais faite par un cadet au Canada. Après avoir fait cette cascade, j'ai pensé que j'allais sûrement être viré du service pour ça. À ma grande surprise, ils m'ont permis d'enseigner la boucle dans le cadre d'un cours régulier d'instructions pour les cadets du Royal Flying Corps.
En moins de neuf mois, dix-huit de nos officiers sont partis en Angleterre. Si l'un d'entre nous avait plus de vingt-cinq ans, il s'était bien caché. Le RFC n'acceptait pas les hommes plus âgés comme pilotes. Nous étions composés de neuf Anglais et de neuf Américains. La plupart de mes compatriotes américains étaient fatigués d'attendre que notre pays se joigne à la guerre, et nous avons pu rejoindre les couleurs britanniques depuis le Canada.
En mai 1917, nous sommes partis pour gagner nos ailes. C'était une qualification que nous devions obtenir avant d'être autorisés à chasser les Allemands sur le front occidental. Quelques semaines après notre arrivée en France, nous avions gagné nos ailes. Nous portions notre insigne avec fierté sur notre poitrine gauche. En août, la majorité d'entre nous étaient des pilotes à part entière et engageaient activement l'ennemi dans des conflits quotidiens.
En France, on nous a envoyés dans un endroit appelé le Mess des pilotes. C'est là que nous nous réunissions avec les escadrons d'entraînement du Canada et de l'Angleterre pour attendre les affectations aux escadrons particuliers que nous devions rejoindre. Le Mess des pilotes était situé à quelques kilomètres à l'arrière des lignes. Chaque fois qu'un pilote était abattu ou tué, le Mess des pilotes était informé pour envoyer un autre pilote à sa place.
Le taux de pertes dans le RFC était atroce. La demande de nouveaux pilotes était exigeante. Tous les nouveaux pilotes avaient envie de se battre autant que moi. Nous devenions impatients. Nous avons réalisé que chaque fois qu'ils appelaient un nouvel homme, cela signifiait que quelqu'un d'autre avait probablement été tué, capturé ou blessé. Tôt un matin, un ordre est arrivé pour un pilote éclaireur, et un de mes amis a été affecté. Je me souviens à quel point je l'enviais. À l'époque, j'avais l'impression que c'était la dernière chance pour chacun d'entre nous d'aller au front.
Trois heures seulement s’étaient écoulées lorsqu’un télégramme arriva au Mess. On m’ordonnait de suivre mon ami. J'ai appris par la suite que dès son arrivée à l'escadron, il avait demandé au commandant de me télégraphier pour que je le rejoigne. Au Mess des pilotes, les officiers avaient l'habitude de porter des shorts. Ils étaient très court, comme ceux que portaient les scouts. Cela laissait une vingtaine de centimètres de peau entre le haut des chaussettes et le bas du short.
Les Australiens en portaient aux Dardanelles. Je portais ce short lorsque l’ordre est arrivé, et je n'ai pas eu le temps de me changer. J'avais hâte d'être sur le front. Si j'avais été en pyjama, j’y serai allée de la même façon. Il pleuvait, et j’ai enfilé un long pardessus. Je suis arrivé en un temps record à l'aérodrome où l’on m'avait ordonné de me présenter. J'ai sauté de ma voiture, et mon pardessus s'est ouvert, montrant mon short, au lieu des pantalons de vol réglementaires que j'étais censé porter. Cela a fait un peu de bruit dans le camp.
« Ça doit être un Yankee. » Un officier a dit à un autre alors que j'arrivais : « Seul un Yankee aurait le culot de se pointer comme ça. » Ils souriaient et gloussaient lorsque je me suis approché d'eux. Ils m'ont accueilli dans leur escadron. Ils m'ont fait me sentir chez moi. Mon escadron était l'un des quatre stationnés à environ 30 kilomètres en arrière de la ligne d'Ypres. Notre escadron était composé de 18 pilotes. Nous n'avions qu'une seule mission. Voler et nous battre. On attendait de nous que nous les engagions et de ne pas attendre qu'ils viennent à nous. Lorsque les bombardiers passaient au-dessus des lignes pendant la journée, l'escadron de scouts les accompagnait en convoi. Les largueurs de bombes volaient à 12 000 pieds, et nous étions à 1 000 pieds au-dessus pour les protéger.
Nous les protégions et repoussions les avions ennemis. Si, à un moment ou à un autre, les largueurs de bombes étaient attaqués, il était du devoir de l'escadron de scouts de combat de plonger et de combattre. Les ordres des bombardiers étaient de continuer à larguer des bombes, et de ne pas s'engager ni se battre, sauf s'il le fallait absolument. Il y avait rarement un moment où les largueurs de bombes n'étaient pas attaqués lorsqu'ils arrivaient en territoire ennemi. Notre escadron était très occupé. En plus des combats aériens, notre escadron subissait des bombardements constants depuis le sol. Nous étions bien entraînés et savions comment éviter d'être touchés depuis le sol.
Pour mon premier vol dans l'escadron, j'ai été emmené au-dessus des lignes en tant qu’observateur. J'avais besoin de localiser mon emplacement au cas où je me perdrais. J'ai dû mapper les lacs, les forêts et d'autres points de repère pour obtenir la configuration du terrain. D'autres pilotes ont insisté pour que je note aussi l'emplacement des hôpitaux. Si jamais j'étais blessé et que je pouvais choisir mon atterrissage, je devais atterrir le plus près possible d'un hôpital. Ce sont les premières choses qu'un nouveau pilote apprenait pendant les deux ou trois premiers jours de son entrée dans l'escadron.
Nos vols réguliers étaient au nombre de deux par jour. Chaque vol durait deux heures. Après notre patrouille de routine, c'était à nous de décider si nous voulions sortir seuls avant de passer à l'escadron. J'ai vite compris que mon escadron était un groupe d'élite. Nos pilotes étaient toujours affectés à des tâches spéciales, comme tirer sur les tranchées ennemies, parfois à seulement 20 mètres du sol.
C'est ainsi que j'ai reçu mon baptême du feu. C'était la troisième fois que je sortais au-dessus des lignes. J'étais excité pour un combat. L'idée d'être attaqué par un avion hostile dans les airs et d'être balayé par des tirs de mitrailleuses depuis le sol me captivait. Certains de nos avions revenaient tellement criblés de balles que je me demandais comment ils avaient pu tenir. Avant de voler, nous devions prendre soin de nous assurer que nos moteurs étaient en parfait état. Parce qu’on nous avait dit que le pain de guerre était affreux en Allemagne.
C'était un matin après mon entrée dans l'escadron, et trois d'entre nous avaient franchi la ligne de démarcation de leur propre chef. Nous avions repéré quatre avions ennemis venir vers nous. Ces avions biplaces étaient utilisés par les Allemands pour l'artillerie et le largage de bombes. Nous savions qu'ils étaient n’étaient pas là pour s’amuser. Chaque avion avait une mitrailleuse à l'avant, actionnée par le pilote. L'observateur avait aussi une mitrailleuse qui pouvait tirer tout autour. Quand on les a remarqués, nos avions étaient à 10 km derrière les lignes allemandes. Nous volions haut, gardant le soleil derrière nous pour que l'ennemi ne puisse pas nous voir. Nous avons repéré trois avions allemands ennemis et nous avons plongé sur eux. Je me rapprochais de celui que j’avais choisi. Son observateur à l'arrière me tirait dessus sans relâche. Aucun de mes tirs n’atteignait sa cible, et je suis passé sous son ventre, mais je me suis retourné et lui ai tiré une autre rafale de balles. Il est tombé en piqué. Une de ses ailes s’était tordue dans un sens puis dans l'autre. Je l'ai regardé s'écraser sur le sol. Je savais que j'avais confirmé ma première victoire sur un avion ennemi.
Un de mes camarades avait également touché l’ennemi, mais les deux autres avions allemands s’étaient enfuis. Nous les avons poursuivis jusqu'à ce que les choses deviennent trop chaudes pour nous, et nous avons dû nous arrêter là. Cette première expérience avait aiguisé mon appétit pour la suite. Je n'ai pas eu à attendre longtemps.
Quelques années plus tôt, un piqué en vrille était considéré comme l'une des choses les plus dangereuses qu'un pilote puisse tenter. De nombreux hommes étaient tués en entrant dans la vrille et en ne sachant pas comment en sortir. Plusieurs pilotes pensaient qu'une fois que l'on était en piqué en vrille, il n'y avait pas moyen d'en sortir. Elle est maintenant utilisée couramment. Les avions que nous utilisions en France étaient contrôlés de deux manières, par les mains et par les pieds. Les pieds travaillent le palonnier, cela contrôle le gouvernail qui dirige l'avion. Les commandes latérales et d'avant en arrière, qui font monter et descendre l'avion, sont contrôlées par le manche à balais.
En vol, un pilote doit s'accrocher au manche, afin qu'il revienne progressivement vers lui. Dans cette position, l'avion monte. Cela signifie que si un pilote est touché et perd le contrôle de son manche, son avion montera jusqu'à ce que l'angle formé devienne trop important pour que le moteur puisse tirer l'avion. En une fraction de seconde, ça s'arrête. Le moteur étant le plus lourd, le nez de l'avion tombe vers l'avant et pique du nez à une vitesse effroyable, tout en tournant. Si le moteur continue à tourner, il augmente la vitesse et les ailes pourraient se dédoubler, entraînant la rupture de l'avion.
Ces rotations sont généralement effectuées avec le moteur en marche. Tu descendrais comme une balle qu'on laisse tomber du ciel. Cela permettait d'augmenter la vitesse grâce à la puissance du moteur et au nez qui tourne, fréquemment utilisé dans les vols acrobatiques. C’était maintenant une technique pratiquée par des pilotes pour s’éloigner d'un avion hostile. Quand un avion vrille, c'est presque impossible de le toucher. Cela fait aussi croire à l'attaquant que son ennemi tombe en une pirouette mortelle. Si le pilote faisait cela sur ses propres lignes, il pouvait redresser sa machine et s'en sortir. Mais si cela se passait en territoire allemand, ils le suivaient, et ils étaient dessus au moment où il sortait de la vrille, donc en position d’avantage et l'abattaient rapidement.
C'était un bon moyen d'entrer dans un nuage et c’était utilisé très souvent. Le courage et l’habileté requis par le pilote faisait qu'il était difficile d'en sortir vivant. Il était difficile de dire si c’était par choix ou intentionnel jusqu'à ce que le pilote redresse son appareil et s'en sorte ou s'écrase.
Une autre technique similaire à celle-ci est simplement connue sous le nom de « piqué ». C'est lorsqu'un pilote vole à une hauteur de plusieurs milliers de pieds, se fait tirer dessus et perd le contrôle de son appareil. Le nez de l'avion se dirige vers le bas avec le moteur à pleine puissance à grande vitesse. Il va vite et droit à une vitesse trop rapide pour l'avion. Les avions n'ont pas été construits pour résister à l'énorme pression exercée sur leurs ailes, et ils se désintègrent. Si vous essayez de redresser l'avion, les gouvernes sont affectées. Cela se produit lorsque vous essayez de sortir votre avion d'un piqué. Cette contrainte est trop forte pour les ailes, et les résultats sont désastreux. Si un réservoir de carburant est perforé par une balle traçante provenant d'un autre avion, l'avion prend feu et plonge en ligne droite à des centaines de kilomètres à l'heure dans une boule de flammes.
Le piqué en vrille était utilisé par les Allemands de façon plus avantageuse que nos pilotes. La raison est que si un combat devenait trop dangereux pour un Allemand, il mettait son avion en vrille, et comme on se battait généralement au-dessus du territoire allemand. il descendait en piqué hors de notre portée et se redressait avant d'atteindre le sol. Il était insensé de le suivre à l'intérieur des lignes allemandes, car vous seriez probablement abattu avant de pouvoir atteindre une altitude suffisante pour franchir à nouveau la ligne.
Il arrivait souvent qu'un pilote soit en train de poursuivre un autre avion quand soudain ce dernier se mette en vrille. Parfois, ils étaient à quinze ou dix-huit mille pieds dans les airs, et l'avion hostile descendait en vrille dans la zone des mille pieds. Le pilote pensait avoir touché l'autre avion et rentrait chez lui, heureux d'avoir abattu un autre Allemand. Il rapportait ce qui s'était passé à l'escadron, leur racontant comment il avait abattu l'avion ennemi. Mais quand le reste de l'escadron arrivait ou qu'un ballon d'observation d'artillerie faisait son rapport, il arrivait souvent que le pilote allemand, situé à quelques centaines de pieds du sol, sorte de la vrille fatale et s’envole avec enthousiasme pour ses propres lignes.
Prisonnier de guerre
C'était le matin du 17 août 1917. Notre escadron avait franchi la ligne lors d'une patrouille matinale. La première chose que j'ai vue, c'était deux ballons allemands. Je n'avais jamais vu un ballon de cette distance. Après ma patrouille, j'ai décidé de partir seul pour voir de près à quoi ressemblaient ces ballons allemands.
Ces ballons d'observation étaient utilisés des deux côtés. Les équipages étaient assis dans des ballons et dirigeaient les tirs d'artillerie depuis leur point d'observation. Ils suivaient les bombardements d'artillerie et rendaient compte des mouvements de l'ennemi. L’une de nos missions principales était d'abattre ces ballons.
Il y avait deux façons d'attaquer un ballon. L'une d'entre elles consistait à voler près du sol, afin que les canons anti-aériens ne puissent pas nous tirer dessus. On continuait à voler jusqu'à ce que l’on arrive au niveau du ballon. Si on n’avait pas encore descendu le ballon, on ouvrait le feu, et au fur et à mesure qu’on le touchait, les balles mettaient le feu au ballon. La deuxième façon était de s'approcher du ballon, puis de mettre son avion en vrille. Une fois au-dessus d'eux, on virait au-dessus du ballon et on ouvrait le feu. Ensuite, on repassait rapidement sur la ligne à 100 pieds. C'était l’une des tâches les plus difficiles que j'avais eu à effectuer pendant la guerre. C'était beaucoup plus dangereux que d'attaquer des avions ennemis.
Donc, je décidais d'attaquer ces ballons ou de les faire descendre. J'espérais qu'ils étaient toujours là à m'attendre pour que je puisse les canarder. Après mes deux heures de service, je quittais la formation et je fis demi-tour. J'étais à 15 000 pieds, bien plus haut que les ballons. Je coupais mon moteur et je me laissais tomber à travers les nuages, espérant trouver les dirigeables à environ huit ou neuf kilomètres derrière les lignes allemandes.
Je suis sorti du banc de nuages et j'ai vu un avion allemand biplace qui semblait faire de l'observation d'artillerie et diriger les canons allemands à mille pieds au-dessous de moi. J'étais à 6 km derrière les lignes allemandes. L'artillerie me repère. Ils émettent des signaux au sol pour attirer l'attention du pilote ennemi. Je vis l'observateur saisir sa mitrailleuse et le pilote enfoncer le nez de son avion. Ils n'étaient pas assez rapides pour m'échapper. Je plongeais vers eux à deux cents miles à l'heure, en leur tirant dessus à fond. Leur seule chance était que la vitesse de mon plongeon brise mes ailes. Je savais que c'était dangereux, et que dès que je sortirais de mon piqué, les Allemands auraient leur chance de m'avoir. Je devais les atteindre en premier et tenter ma chance. Heureusement, certaines de mes premières balles atteignirent leur cible. Je suis sorti de mon piqué à 4 000 pieds.
L'avion allemand n'est jamais sorti. Puis vint la situation la plus difficile que j'aie jamais vécue en vol. La profondeur de mon piqué m'avait mis à portée de leurs mitrailleuses au sol. Ils ont tiré un barrage de shrapnels sur moi avec leurs canons anti-aériens. J'ai pu surfer le barrage comme on dit dans le Royal Flying Corps. Ensuite, ils m’ont tiré dessus avec des « Flaming Onions ». Les « oignons de feu » ou boules de feu, étaient des obus tirés par un canon rotatif utilisés pour frapper les avions volant à basse altitude. Leur portée effective n'était que de 4 500 pieds.
La plupart du temps, ils les tiraient l'un après l'autre par séries de huit. S'ils touchaient l'avion, il prenait feu, et c’était fini. J'ai aussi été attaqué par des tirs anti-aériens « Archie ». J'avais échappé aux oignons de feu, mais Archie m'avait touché cinq fois. Chaque fois que j'étais touché par une balle, celle-ci explosait avec un bruit sourd à cause de la tension du tissu recouvrant les ailes. J’ai été sérieusement touché que lorsque j'étais à plus d'un kilomètre de nos lignes, et qu'ils ont touché mon moteur. J'avais encore assez d'altitude pour dériver de notre côté des lignes, mais mon moteur était complètement hors service.
Ils me tirèrent dessus pendant toute la durée de ma descente. Je pensais que j’allais m'écraser avant de franchir la ligne, mais un léger vent en ma faveur me porta à quelques kilomètres derrière nos lignes. Ces fichus ballons pour lesquels j'avais fait tout ce travail indiquaient maintenant ma position exacte à l'artillerie. Il y a deux hommes postés dans chaque ballon. Ils s'élevaient généralement à plusieurs milliers de pieds à environ 8 kilomètres derrière leurs propres lignes et étaient équipés d'un appareil de signalisation. Ils observaient leurs tirs d'artillerie, vérifiaient à nouveau leur position, déterminaient la portée, puis dirigeaient le tir suivant. Si les conditions étaient favorables, ils étaient capables de diriger des tirs d'artillerie et détruisaient presque toujours la cible visée. Ce type de ballon nota obtenu ma position, demanda un bombardement d'artillerie et bombarda mon avion. Si j'avais détruit les deux ballons au lieu de l'avion, je n'aurais probablement pas perdu mon avion et je serais rentré à la maison.
J'avais atterri sur un terrain couvert de trous d'obus larges et béants. Même si j'avais fait un atterrissage forcé, mon avion n'avait pas été gravement endommagé. Je sautais et fis le tour pour voir exactement où étaient les dégâts. Il pourrait facilement être réparé. Je pourrais décoller d'ici, si je pouvais trouver un espace suffisamment long entre les deux trous d'obus et prendre de l'avance avant de quitter le sol. J’examinais mon avion et réfléchissais à la manière de procéder aux quelques réparations. Je ne pensais pas à ma propre sécurité dans cet endroit non protégé. Un obus siffla dans l'air. Il me fit tomber à terre et atterrit quelques mètres plus loin. Je me relevais et couru pour me mettre à l'abri. Si je n'avais pas trébuché et n'étais pas tombé dans un trou d'obus, j'aurais pris le large. Je n'avais aucune idée de l'endroit où le prochain obus allait éclater. Je me suis accroupi, je me suis mis à couvert et je les ai laissés tirer.
Les seules choses m’ayant atteintes étaient les projections de boue m’éclaboussant le visage par-dessus mes vêtements. C'était ma première introduction aux d'obus. J'ai décidé à ce moment-là que l'infanterie pouvait avoir tous les combats de tranchées et de trous d'obus qu'elle voulait. Ce n'était pas pour moi. L'infanterie y vivait de longues nuits, et je ne m'y étais abrité que quelques minutes.
Les Allemands avaient complètement démoli mon avion et les tirs cessèrent. J'ai attendu un court moment. J'avais peur qu'ils tirent à nouveau et qu’ils m’aient par chance. Mais apparemment, ils décidèrent qu'ils avaient gaspillé assez d'obus sur un seul homme.
Je me suis prudemment glissé hors du trou et j'ai essuyé la boue. J'ai regardé l'endroit où se trouvait mon avion, il n’en restait même pas assez pour un souvenir. Je suis reparti en direction du quartier général de l'infanterie, où j'ai pu téléphoner pour faire mon rapport. Peu de temps après, une de nos automobiles est venue me chercher et m'a ramené à notre aérodrome. La plupart de mon escadron pensait que j'avais été tué ou capturé. Ils ne s'attendaient pas à me revoir, sauf mon seul ami, Owen Wrinn. Il n’avait pas cessé de croire que j'allais m'en sortir.
J'ai appris plus tard qu'il avait dit à l'officier commandant de ne pas envoyer un autre pilote. Il lui avait dit : « Cet Américain reviendra à pied s’il le faut. » Je n’étais pas rentré à pied grâce à notre propre voiture qui était là pour me ramener. J'ai appris beaucoup de choses et j'ai eu beaucoup à penser ce jour-là. Je n'aurais pas dû être si sûr de mes capacités. Un des pilotes de mon escadron m'a dit que je ne devais pas prendre ce genre de risques ; la guerre allait être longue. J'aurais beaucoup d'occasions de me faire tuer sans me forcer. Plus tard, j'apprendrai la vérité littérale de sa remarque.
Plus tard dans la nuit, mon escadron (chaque escadron est divisé en trois groupes de six hommes) a été chargé de sortir à nouveau. Je me suis habillé et j'ai remarqué que je n'étais pas marqué pour le service. J'ai trouvé le commandant, un major, et lui ai demandé pourquoi. Il me dit que j'en avais assez fait pour la journée. Mais je savais que si je n'y allais pas, quelqu'un d'une autre équipe prendrait ma place. J'insistais pour pouvoir y aller. Le major accepta à contrecœur. Si j'avais su ce qui m'attendait, je serais resté au chaud.
Nous avions juste passé la ligne. Et l’un de nos avions était déjà rentré à la base à cause d'un problème de moteur. Nous n'avions que cinq avions pour cette patrouille. À 19h50, nous volions à quinze mille pieds et trois autres avions britanniques, à mille pieds en dessous de nous, se battaient avec huit avions allemands. À ce moment précis, j'ai compris que nous étions dans le pétrin. Vers l'océan, il y avait toute une flopée d'avions allemands, que nos camarades en dessous de nous n'avaient pas vus. Nous plongeâmes sur ces Allemands.
Au début, le combat était équilibré. C'était du huit contre huit. Mais d’autres avions au loin qui nous survolaient à une altitude plus élevée sont arrivés sur les lieux. Ils ont piqué sur nous. Nous étions maintenant huit contre vingt. J'ai regardé par-dessus mon épaule et j'ai remarqué que quatre d'entre eux m'avaient pris pour cible. Je partis en piqué. Ils plongèrent juste derrière moi, en tirant en même temps. Les balles traçantes se rapprochaient de moi à chaque seconde. Mon estomac se serrait et mon front était couvert de sueur.
Ces balles traçantes étaient comme des boules de feu qui permettaient au tireur de suivre leurs parcours et de corriger la visée. Elles ne faisaient pas plus de mal à un pilote qu'une balle ordinaire, mais si elles touchaient le réservoir d'essence, c’en était fini. Lorsqu'un avion prenait feu en vol, il n'y avait aucun moyen de l'éteindre. Il fallait moins de trente secondes pour que le tissu brûle sur les ailes, puis que l'avion tombe comme une flèche laissant une traînée de fumée comme une comète.
Quelques jours avant de franchir la ligne, j'observais un combat au-dessus de moi. Un avion allemand avait pris feu et plongeait en flammes vers le sol à travers notre formation. L'Allemand piquait à un angle si aigu que ses deux ailes se s’arrachèrent. Il passa à quelques mètres de nous. Je n'oublierai jamais l'expression de pure terreur sur son visage. Chaque seconde, je m'attendais à subir un sort similaire. Les balles traçantes se rapprochaient. J'ai réalisé que mes chances de m'échapper étaient nulles. Je fus touché à l’attaque suivante. Le regard de terreur de l’Allemand me revint en mémoire. Je n'avais qu'une seule chance. J'avais besoin de faire une manœuvre d'Immelmann.
Cette manœuvre avait été inventée par l'un des plus grands pilotes allemands, qui a finalement été tué au combat. J'avais effectué ce virage magnifiquement et j'avais amené un de leurs avions juste devant moi. J'avais l'avantage sur lui. Quand je ferme les yeux, je vois encore ses yeux effarés et son visage blême. Il devait savoir que sa dernière heure était arrivée. Sa position l'empêchait de me viser alors que mes armes étaient pointées droit sur lui.
Ma première balle traçante passa à quelques centimètres de sa tête. La seconde semblait avoir touché son épaule. Le troisième le frappa au cou. Je lui ai laissais une ouverture, et il descendit en piqué. Pendant tout ce temps, trois autres avions allemands me tiraient dessus. J'avais entendu des balles frapper mon avion l'une après l'autre. Je savais que je ne pourrais pas vaincre les trois Allemands restants, mais je ne pouvais rien faire d'autre que me battre. J’étais débordé. Je jetais un coup d'œil à mes instruments et à mon altitude. J'étais à 8 500 pieds. Une rafale de balles pénétra le tableau de bord et le réduisit en miettes.
Une autre balle déchira ma lèvre supérieure. Elle traversa mon palais et se logea dans ma gorge. Je tombais en vrille. Je n’avais pas eu le temps de ressentir la douleur. Tout s’était passé si vite. Je tirais sur le manche aussi fort que je le pouvais. L’avion commença à se stabiliser. Il y avait des arbres partout. Je ne pouvais pas empêcher mon corps de se pencher en avant et mes yeux de se fermer, j'étais si fatigué. La chaleur du sang chaud dégoulinait sur mon menton. Le sol vint à ma rencontre si rapidement que je fermai les yeux et tirai sur le manche avec toute la force dont je pouvais faire preuve. Mes mains étaient gluantes et glissantes de sang.
Je me suis réveillé dans un hôpital allemand à cinq heures du matin le lendemain. J'étais un prisonnier de guerre.
Конец ознакомительного фрагмента.
Текст предоставлен ООО «ЛитРес».
Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=65745793) на ЛитРес.
Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.