La Dernière Mission Du 7ème De Cavalerie
Charley Brindley
Une unité du Septième de Cavalerie est en mission au-dessus de l'Afghanistan lorsque leur appareil est touché par quelque chose. Les soldats parviennent à s'échapper de l'avion mutilé, mais lorsque les treize hommes et femmes touchent le sol, ils ne sont pas en Afghanistan. Non seulement ils sont à six mille cinq cents kilomètres de leur objectif initial mais il se trouve qu'ils ont remonté le temps de deux mille ans dans le passé où des forces primitives s'affrontent avec des glaives et des arcs. La section est jetée dans une bataille dans laquelle il leur faut vite choisir un camp ou mourir. Ils sont précipités dans un tumulte d'événements si puissants que leur courage, leur ingéniosité et leurs armes sont soumis à l'extrême limite de leur résistance et de leur force.
Charley Brindley
La dernière mission du 7ème de Cavalerie
La dernière mission
du
7ème de Cavalerie
de
Charley Brindley
charleybrindley@yahoo.com
www.charleybrindley.com (http://www.charleybrindley.com/)
Traduit de l’américain par :
Christophe DESBOIS-FARLAY
Révisé par :
Karen Boston
Website https://bit.ly/2rJDq3f
Illustrations de couverture par :
Niki Vukadinova
n.vukadinova@gmail.com
© 2019 Charley Brindley tous droits réservés
Imprimé aux Etats-Unis
Première édition Janvier 2019
Ce livre est dédié à
Charley Brindley II
Autres oeuvres de Charley Brindley
1. Oxana’s Pit
2. Raji Book One: Octavia Pompeii
3. Raji Book Two: The Academy
4. Raji Book Three: Dire Kawa
5. Raji Book Four: The House of the West Wind
6. Hannibal’s Elephant Girl Book One: Tin Tin Ban Sunia
7. Hannibal’s Elephant Girl: Book Two: Voyage to Iberia
8. Cian
9. Ariion XXIII
10. The Last Seat on the Hindenburg
11. Dragonfly vs Monarch: Book One
12. Dragonfly vs Monarch: Book Two
13. The Sea of Tranquility 2.0 Book One: Exploration
14. The Sea of Tranquility 2.0 Book Two: Invasion
15. The Sea of Tranquility 2.0 Book Three: The Sand Vipers
16. The Sea of Tranquility 2.0 Book Four: The Republic
17. The Rod of God, Book 1: On the Edge of Disaster
18. The Rod of God, Book 2: Sea of Sorrows
19. Do Not Resuscitate
Prochaines parutions :
20. Dragonfly vs Monarch: Book Three
21. The Journey to Valdacia
22. Still Waters Run Deep
23. Ms Machiavelli
24. Ariion XXIX
25. The Last Mission of the Seventh Cavalry Book 2
26. Hannibal’s Elephant Girl, Book Three
Chapitre Un
L’adjudant James Alexander se tenait à l’arrière du C-130, se balançant aux mouvements de l’avion. Il observait ses douze soldats et se demandait combien d’entre eux survivraient à cette mission.
Les trois-quarts ? La moitié ?
Il savait qu’un combat contre les Talibans les attendait. Que Dieu nous vienne en aide. Ce drone abattu vaut-il la vie de la moitié de mes gars ? Ou même d’un seul ?
Il jeta un regard au capitaine Sanders, qui était debout à ses côtés, et regardait aussi les soldats comme s’il partageait la même préoccupation.
Une lumière rouge s’alluma sur le compartiment avant. L’arrimeur la vit et leva la main droite, doigts écartés.
Le capitaine Sanders fit un signe de tête à l’arrimeur.
“Allez, le 7ème de Cavalerie ! Sur zone dans cinq minutes,” dit-il aux soldats “Debout, accrochez, et chargez.”
“ Hourrah !” s’écrièrent les soldats en se levant d’un bond pour accrocher leur SOA[1 - SOA : Sangle d’Ouverture Automatique (NdT)] au câble au-dessus de leur tête.
“Allez les gars, on va se balancer en l’air et rouler à terre!” cria l’adjudant Alexander, “Vérifiez les sangles, le harnais et le sac de vos p’tits cos.”
Il passa entre les deux files de soldats. “N’oubliez pas de faire une roulade quand vous toucherez le sol. Si vous vous cassez une jambe, on vous laissera derrière pour attendre les hélicos.” Il attrapa les sangles de poitrine du soldat McAlister, et tira fortement dessus pour tester les boucles. “Vous m’avez bien entendu ?” hurla l’adjudant.
“Oui, mon adjudant !” s’écrièrent en choeur les soldats. “Balancez vous en l'air et roulez-boulez quand vous toucherez terre ; cassez-vous une jambe, et vous rentrez à la maison.”
La Première Section de la compagnie Delta était une unité fraîchement constituée qui en temps normal aurait été commandée par un lieutenant. Le capitaine Sanders avait pris le commandement lorsque le lieutenant Redgrave avait été relevé de ses fonctions pour insubordination et conduite irrespectueuse, ou plus exactement, pour état d’ivresse et trouble à l’ordre public pendant le service.
Autre raison pour laquelle le capitaine Sanders avait accepté de prendre le commandement de Delta : quatre des soldats étaient des femmes. Une directive récente en provenance des plus hautes sphères du Pentagone autorisait les femmes à combattre en première ligne.
Toutes les femmes de la compagnie s’étaient portées volontaires pour combattre aux côtés des hommes. Sanders avait choisi quatre femmes en parfaite condition physique et qui avaient obtenu d’excellents résultats dans toutes les phases de l’entraînement au combat.
Ces femmes seraient les premières du 7ème de Cavalerie à faire face à l’ennemi sur le champ de bataille, et le capitaine voulait être le premier à être au courant de leurs performances dans l’hypothèse où il aurait à écrire une lettre de condoléances à leur famille.
Le système hydraulique grinça à l’ouverture de la porte arrière pour la mise en place de la plateforme de saut. D’un seul coup l’air chaud de la cabine fut aspiré vers l’extérieur et remplacé par l’atmosphère glacée d’une altitude de mille cinq cents mètres.
Alexander se précipita vers l’arrière, où il se saisit d’une sangle sur le coffre à armement afin de se stabiliser. Le capitaine et lui regardaient l’épaisse couverture nuageuse sous leur pieds.
“Vous en pensez quoi, mon capitaine?” demanda Alexander.
Le capitaine Sanders haussa les épaules et se retourna pour faire face à ses hommes. Il tapota le bord de son casque, au-dessus de l’oreille droite, pour vérifier la communication radio. Le bruit provenant du sillage de l’avion les empêchaient de pouvoir l’entendre sans équipement radio. Il se mit alors à parler dans son micro.
“Si vous m’entendez, levez le pouce.”
Tous les soldats firent le geste sauf deux.
Alexander s’avança vers le premier soldat qui n’avait pas réagi. “Paxton, tête de noeud.” dit-il en allumant d’un geste la radio du soldat. “Le capitaine te parle.”
“Oh merde!” dit le soldat Paxton. “Ca y est, je vous entends, mon capitaine.” dit-il en levant le pouce.
“T'as allumé ta radio?” demanda Alexander au second soldat.
“Oui, mon adj’” dit le soldat Kady Sharakova, “mais elle ne marche pas.”
Alexander vérifia l’interrupteur de sa radio. “Bon, Sharakova, il est foutu. Fais gaffe et fais comme le gars devant toi.”
“Entendu, mon adj’. On se frite avec qui aujourd’hui?”
“Tous les affreux.”
“Génial.”
Des cicatrices sur un visage de femme indiquent habituellement le mépris ou le dédain. Cependant, Kady Sharakova arborait ce visage défiguré davantage comme un honneur que comme une marque d’humiliation.
Le soldat devant elle eut un grand sourire et lui fit un geste mouvant avec la main. “Fais tout comme moi.”
“Oh, t’es vraiment un gamin, Kawalski.” dit Kady en donnant une chiquenaude de l’index sur l’avant de son casque, qui lui renvoya un bruit sourd.
Alexander regagna précipitamment la plateforme de saut.
Le capitaine parla dans le micro. “On a une couche de nuages en dessous, d’un bout à l’autre. Le pilote a dit qu’elle est trop proche du sol pour qu’il passe en dessous, donc il va falloir qu’on saute à travers.”
“Hourrah,” dit un des hommes dans la radio.
“Les gars, vous avez fait vos sauts d’entraînement, mais ça va être le premier parachutage de combat pour le 7ème de Cavalerie. Alors faisons ça bien de sorte que je n’aie pas à réquisitionner des sacs à viande froide.” dit-il en passant en revue les visages sombres. “Les Talibans ont réussi à abattre un de nos tout-derniers drones, le Global Falcon. Nous allons le récupérer et capturer ceux qui ont trouvé comment pirater son système de navigation.”
Il tira une carte pliée de la poche intérieure de sa veste camouflée. Alexander se pencha pour regarder le capitaine suivre du doigt une ligne de tirets rouges.
“On dirait qu’on a bien dix bornes à marcher depuis la zone de largage.” Le capitaine tendit sa carte à Alexander en balayant du regard les deux files de soldats. “On va sauter en bordure du désert du Régistan. Notre destination est une chaîne de basses collines rocheuses vers le nord. La balise électronique sur le drone fonctionne toujours, donc on va se caler sur elle. Il n’y a aucun arbre, ni broussaille, ni couvert d’aucune sorte. Dès que vous arriverez sur le sable, tenez vos armes prêtes. On pourrait bien tomber en plein combat. Je sors le premier, et ensuite vient le coffre d’armement.” dit-il en tapant de la main sur l’énorme conteneur en fibre de verre à sa droite. Ensuite je veux que tout le monde suive aussi vite que si vous faisiez la queue pour la bouffe à la – ”
L’avion vira brusquement sur la droite et amorça en s’inclinant une manoeuvre de plongeon.
Le capitaine fut projeté violemment contre le coffre d’armement, et assommé par celui-ci. Il tomba de la plateforme de saut et chuta dans le vide tandis que sa SOA se tendait d'un coup sec.
“On est touchés.” cria l'un des soldats.
Le métal de la cellule grinça tandis que l'avion virait vers la gauche, puis il parut un instant se rétablir.
Alexander se fraya un chemin vers l'avant jusqu'à la porte d'accès à la cabine de pilotage. Lorsqu'il tourna la poignée, la porte s'ouvrit d'un seul coup en frappant son casque, et faillit lui arracher le bras. Il tira sur ses bras pour pénétrer dans l'entrée, en s'arqueboutant contre le vent qui s'engouffrait en hurlant par la porte ouverte.
“Nom de Dieu!”
Il cligna des yeux, n'en revenant pas de ce qu'il voyait : tout le nez du C-130 avait été emporté, avec les sièges du pilote et du co-pilote. Le siège du navigateur était toujours en place, mais vide. En regardant par le trou béant où aurait dû se trouver l'avant de l'appareil, il fut terrifié de voir qu'ils descendaient en spirale vers la crête dentelée d'une montagne, à moins de 3,5 kilomètres de là.
“Tout le monde saute!” cria-t-il dans son micro. Ses soldats le fixaient des yeux, figés sur place, comme s'ils ne comprenaient pas son ordre. “On saute par l'arrière, SUR LE CHAMP!”
Il courut vers l'arrière de l'appareil, décidant qu'il valait mieux qu'il prenne la tête du groupe que d'essayer de les pousser à l'extérieur. C'était comme d'être sur l'un de ces planchers de folie dans une baraque du parc d'attractions, où certaines parties du sol ondulent vers le haut, vers le bas ou de droite à gauche. Il était impossible de garder son équilibre tandis que l'avion mutilé faisait des embardées et tremblait dans les airs.
En roulant, l'appareil perdait sa peau de métal, qui traversait la cabine avec un bruit strident, comme un être vivant se faisant dépecer. Alexander fut projeté contre l'un de ses hommes. Deux mains robustes l'attrapèrent par les épaules, pour l’empêcher de tomber sur le pont.
Il s'agenouilla à l'arrière de l'appareil pour défaire le verrou sur l'une des sangles du coffre d’armement.
Quand le verrou sauta, il attrapa la deuxième sangle, mais la boucle était coincée, et raidie par la tension. Tandis qu'il se débattait avec le verrou, une main tenant un couteau passa vivement près de sa tête et coupa la sangle. En levant les yeux, il vit le visage souriant du soldat Autumn Eaglemoon.
Eaglemoon tapa sur le bord de son casque, au-dessus de l'oreille droite. Alexander vérifia l'interrupteur de sa radio ; il était éteint.
“Nom d'un chien” murmura-t-il, “c'est la porte qui a dû le toucher.” Il le ralluma. “Est-ce que vous m'entendez?”
Plusieurs hommes répondirent.
L'appareil fit un mouvement brusque vers la gauche, balançant le coffre d’armement jusque dans le fond. La SOA se tendit alors fortement, tirant sur les cordons des deux parachutes oranges du coffre.
Alexander fit signe en sautant à ses hommes de le suivre, mais dès qu'il eut quitté l'appareil il s'aperçut qu'il avait oublié de fixer sa SOA au cable au-dessus de lui. Il roula sur le dos pour voir ses gars s'échapper comme une famille de poussins vert-olive suivant leur mère-poule. Leurs parachutes se gonflaient en s'ouvrant les uns après les autres.
Seigneur, pourvu qu'ils s'en sortent tous.
L'aile droite du C-130 se détacha et tomba vers eux en tourbillonnant. Il en manquait la moitié, y compris le moteur extérieur. Le moteur restant était en feu et laissait s'échapper une écharpe de fumée grasse.
“Nom de Dieu!” Alexander vit avec horreur l'aile en feu qui tombait comme une feuille morte vers ses troupes. “Attention à l'aile !”
Ses hommes tendirent le cou, mais le gonflement de leur coupole leur masquait la vue vers le haut.
Avec un tournoiement de faucheuse, l'aile déchira les airs et passa seulement trois mètres plus bas que l'un de ses hommes.
“Joaquin!” s'écria le soldat dans sa radio. “Vire à droite!”
Le soldat Ronald Joaquin tractionna sur sa suspente droite et amorça un mouvement au ralenti vers la droite, mais cela ne suffit pas. L'extrémité déchiquetée de l'aile en feu se prit dans quatre de ses suspentes de voile et l'envoya valdinguer de côté d'un coup sec. Son parachute s'affala sur lui-même et se mit en torche derrière l'aile tourbillonnante.
“Actionne ta boucle de dégrafage!” s'écria Alexander dans la radio.
“Putain de saloperie!” cria Joaquin.
Il se débattait avec sa boucle de parachute tandis que l'aile le faisait tournoyer comme un lance-pierres. Finalement, il attrapa la boucle et tira dessus d'un coup sec pour l'ouvrir et se défaire des suspentes de voile qui le retenaient attaché à l'aile mortelle. Il chuta pendant dix secondes, puis roula de côté pour s'assurer qu'il était hors de portée de l'aile avant de déclencher son parachute de secours. Quand son parachute de secours s'ouvrit, il recommença à respirer.
“Pfiou! C'était moins une,” fit-il.
“Bien joué, Joaquin,” dit Alexander.
Il regarda l'aile descendre en direction des arbres en-dessous, avec le parachute en torche qui traînait derrière. Il tira ensuite sur le cordon d'ouverture et entendit un grand wouf au moment où le parachute principal fut extrait de son sac à dos par le petit parachute auxiliaire, puis il sentit la violente secousse à l'ouverture du parachute principal.
L'aile mutilée toucha l'extrémité des arbres sous un angle tel qu'elle cisailla les branches supérieures puis dégringola jusqu'au sol. Une fine volute de fumée s'éleva dans l'air puis le réservoir de carburant céda en laissant échapper en volutes au-dessus des arbres un nuage de flammes et de fumée noire.
Alexander scrutait l'horizon. “Bizarre,” dit-il en se tournant de tous côtés, pour essayer de voir ses hommes et de compter les parachutes, mais il ne pouvait rien voir au-delà de la coupole de son propre parachute. “Qui est en vol?” cria-t-il dans son micro. “Annoncez-vous un par un.”
“Lojab,” entendit-il dans son oreillette.
“Kawalski,” s'exclama le soldat Kawalski. “L'avion est là-bas, vers le sud-est.”
Le C-130 fonçait comme une météorite vers la montagne avec sa traine de flammes et de fumée. L'instant d'après, il explosa comme une boule de feu.
“Putain de merde,” murmura Alexander. “Bon allez, on reprend le comptage. J'ai Lojab et Kawalski.”
Il compta ses hommes au fur et à mesure qu'ils donnaient leur nom. Tous les soldats avaient un numéro attribué ; l'adjudant Alexander portait le numéro un, le caporal Lojab le numéro deux et ainsi de suite.
D'autres donnèrent leur nom, puis plus rien. “Dix?” dit Alexander, “Bon sang!” Il tractionna sur sa suspente droite. “Sharakova!” cria-t-il. “Ransom!” Pas de réponse.
“Hé, Mon adj’” dit Kawalski par radio.
“Ouais?”
“La radio de Sharakova ne marche toujours pas, mais elle a sauté. Elle est juste au-dessus de vous.”
“Super. Merci, Kawalski. Quelqu'un voit Ransom?”
“Ici, Mon adj’,” dit Ransom. “Je crois que j'ai eu un trou noir pendant un instant en me cognant contre le côté de l'avion, mais ça y est, j'ai repris connaissance.”
“Bon. Avec moi, ça fait treize,” dit Alexander. “Tout le monde est en vol.”
“J'ai vu trois hommes d'équipage du C-130 sortir de l'avion,” dit Kawalski. “Ils ont ouvert leur parachute juste en-dessous de moi.”
“Qu'est-ce qui est arrivé au capitaine?” demanda Lojab.
“Capitaine Sanders,” dit Alexander dans le micro. Il attendit un moment. “Capitaine Sanders, vous m'entendez?”
Il n'y eut pas de réponse.
“Hé, Mon adj’,” dit quelqu'un par radio. “Je croyais qu'on devait sauter à travers des nuages?”
Alexander regarda attentivement le sol —la couche de nuages avait disparu.
C'est ça qui était bizarre : aucun nuage.
“Et le désert?” demanda un autre.
Sous leurs pieds il n'y avait que de la verdure tous azimuts.
“Ca ressemble à aucun désert que j' connaisse.
“Vise un peu la rivière au nord-est.”
“Bon sang, elle est vachement grande.”
“J'ai l'impression que c'est plutôt l'Inde ou le Pakistan.”
“Je sais pas si le pilote a fumé la moquette ou quoi, mais en tous cas c'est pas au désert du Régistan qu'il nous a emmenés.”
“Arrêtez, les pipelettes,” dit l'adjudant Alexander. Ils étaient désormais à moins de cinq cents mètres. “Quelqu'un voit le coffre d’armement?”
“Que dalle,” dit Ledbetter said. “Je le vois nulle part.”
“Non,” dit Paxton. “On devrait voir ces voiles oranges comme vous autres les p'tits Blancs au milieu du ghetto, mais j' les vois pas.”
Aucun des autres ne voyait non plus trace du coffre d’armement.
“OK,” dit Alexander. “On se dirige vers cette clairière juste au sud-ouest, à dix heures.”
“Reçu, Mon adj’.”
“On est juste derrière vous.”
“Ecoutez bien, les gars,” dit l'adjudant Alexander. “Dès que vous touchez le sol, affalez votre parachute et attrapez votre pétard.”
“Ouh, j'aime bien quand il parle mal.”
“Mets-la en veilleuse, Kawalski,” dit-il. “Je suis sûr qu'on a été vus, donc soyez prêts à tout.”
Tous les soldats se laissèrent descendre dans la clairière et se posèrent sans encombre. Les trois derniers hommes d'équipage de l'appareil se posèrent derrière eux.
“Première Section,” ordonna Alexander, “délimitez un périmètre.”
“Bien reçu.”
“Archibald Ledbetter,” dit-il, “toi et Kawalski, montez à ce grand chêne et installez un poste de guet, et apportez des armes aux trois hommes d'équipage.”
“Entendu, Mon adj’.” Et Ledbetter et Kawalski se dirigèrent en courant vers les hommes d'équipage du C-130.
“Tout est calme dans le secteur est,” dit Paxton.
“Pareil ici,” dit Joaquin de l'autre bout de la clairière.
“Très bien,” dit Alexander. “Tenez-vous prêts. Ceux qui nous ont descendu ne vont pas tarder à revenir vers nous. Fichons le camp de cette clairière. On est comme des pigeons d'argile si on reste là.”
“Hé, Mon adj’,” murmura Kawalski dans son micro. “Y a deux types qui s'amènent vers vous au pas de course.” Ledbetter et lui étaient arrivés à mi-hauteur du chêne.
“Où ça?”
“Sur vos six heures.”
L'adjudant Alexander fit volte-face. “C'est bien ça,” dit-il au micro en regardant approcher les deux individus. “Tout le monde à couvert et préparez vos armes.”
“Je crois qu'ils sont pas armés,” murmura Kawalski.
“Silence.”
Alexander entendit les individus s'approcher de lui à travers les broussailles. Il se plaqua contre un pin et arma le percuteur de son Sig automatique.
Un instant plus tard, ils passèrent près de lui en courant. Il s'agissait d'un homme et d'une femme, qui n'avaient d'autre arme qu'une fourche en bois tenue par la femme. Ils ne portaient rien d'autre que de courtes tuniques en haillons, et ils marchaient pieds nus.
“C'est pas des Talibans,” murmura Paxton dans le combiné.
“Trop blancs.”
“Trop quoi?”
“Trop blancs pour des Pakis ou des Indiens.”
“Ils continuent d'avancer, Mon adj’,” dit Kawalski de son perchoir dans l'arbre. “Ils sautent comme des dératés par-dessus les troncs et des rochers.”
“Eh bien,” dit Mon adj’, “c'est vraiment pas après nous qu'ils en avaient.”
“Ils ne se doutaient même pas qu'on était là.”
“Encore un autre,” dit Kawalski.
“Quoi?”
“Y en a un autre qui arrive. Dans la même direction. On dirait un gamin.”
“Mets-toi à couvert,” murmura Mon adj’.
Le gamin, un garçon d'environ dix ans, passa en courant. Il avait la peau d'un blanc très clair et portait le même genre de tunique que les autres. Lui aussi était pieds nus.
“Y en a encore d'autres,” dit Kawalski. “On dirait que c'est toute une famille. Ils avancent lentement, et traînent une espèce d'animal.
“Une chèvre,” dit Ledbetter depuis sa position dans l'arbre à côté de Kawalski.
“Une chèvre?” demanda Alexander.
“Ouaip.”
Alexander avança au devant de la première personne du groupe – une jeune fille et leva le bras pour qu'elle s'arrête. La fille cria et retourna en courant d'où elle était venue puis bifurqua dans une autre direction. Une femme du groupe vit Alexander et tourna pour courir après la fille. Quand arriva l'homme à la chèvre, Alexander lui pointa son pistolet Sig sur la poitrine.
“Tiens-toi de ce côté-là.”
L'homme poussa un cri de surprise, lâcha la corde et s'enfuit aussi vite qu'il put. La chèvre bêla et essaya de mordre la manche d'Alexander.
La dernière personne, une petite fille, regarda Alexander d'un air curieux mais ensuite ramassa le bout de la corde et emmena la chèvre, dans la direction où son père était parti.
“Bizarre,” murmura Alexander.
“Ouais,” dit quelqu'un dans le combiné. “Trop bizarre.”
“Vous avez vu leurs yeux?” demanda Lojab.
“Oui,” dit le soldat Karina Ballentine. “Mis à part la petite, ils étaient terrorisés.”
“Par nous?”
“Non,” dit Alexander. “Ils couraient pour échapper à autre chose. Et je n'ai pas pu les arrêter. J'aurais aussi bien pu être un indien vendeur de cigares.”
“L'image gravée d'un Amérindien dans un bureau de tabac,” dit le soldat Lorelei Fusilier.
“Quoi?”
“On n'a plus le droit de dire 'Indien'”
“Et merde. Et 'abruti', on peut?” dit Alexander.
“Est-ce que ç'est vexant pour une race, une croyance ou une religion quelconque?”
“Croyance et religion, c'est pareil.”
“Non, c'est faux,” dit Karina Ballentine. “Une croyance est un ensemble de principes, et la religion, c'est le culte des divinités.”
“En fait, on préfère ‘cérébralement défavorisé’ à ‘abruti.’”
“Toi, t'es un défavorisé de la personnalité, Paxton.”
“Vous allez tous fermer vos gueules!” cria Alexander. “J'ai l'impression d'être une putain de maîtresse de maternelle.”
“Une institutrice pour jeunes enfants.”
“Une tutrice pour les tout-petits.”
“Doux Jésus!” dit Alexander. “Là, je suis vraiment vexé.”
“Y en a d'autres qui arrivent,” dit Kawalski. “Y en a un paquet, et vous feriez mieux de dégager le passage. Il sont pressés.”
Trente personnes défilèrent précipitamment devant Alexander et les autres. Ils étaient tous habillés de la même façon, avec de simples tuniques courtes, et sans chaussures. Leurs vêtements étaient en haillons et taillés dans un tissu grossier de couleur grise. Quelques uns d'entre eux tiraient derrière eux des boeufs et des chèvres. Certains portaient des outils de ferme rudimentaires et une femme portait un pot en terre cuite rempli d'ustensiles de cuisine en bois.
Alexander s'avança pour attraper un vieil homme par la manche. “Vous êtes qui, et pourquoi vous vous dépêchez comme ça?”
Le vieil homme criait et essayait de se libérer, mais Alexander le tenait fermement.
“N'ayez pas peur. Nous ne vous ferons pas de mal.”
Mais l'homme avait peur ; en fait, il était terrorisé. Il n'arrêtait pas de se retourner pour regarder derrière lui, en bafouillant quelques mots.
“C'est quoi cette langue à la con?” demanda Alexander.
“Rien que j'connaisse,” dit Lojab, debout à côté d'Alexander qui portait son M16 dans les bras comme un bébé.
“Moi pareil,” dit Joaquin, qui se tenait de l'autre côté d'Alexander.
Le vieil homme les regardait l'un après l'autre. Il était visiblement effrayé par ces étrangers, mais il l'était encore bien plus par quelque chose derrière lui.
Plusieurs autres personnes passèrent en courant, puis le vieil homme dégagea son bras d’un coup sec et continua à tirer son boeuf pour tenter de fuir.
“Vous voulez que je l'arrête, Mon adj’?” demanda Lojab.
“Non, laisse le partir d'ici avant qu'il nous fasse une crise cardiaque.”
“Les mots qu'il a dits, c'était pas du tout du pachtoun.”
“Ni de l'arabe.”
“Ni de l'urdu.”
“De l'urdu?”
“C'est ce que parlent les Pakis,” dit Sharakova. “En plus de l'anglais. S'ils avaient été pakistanais, ils auraient sans doute compris votre anglais, Mon adj’.”
“Ouais.” Alexander regardait les dernières personnes disparaître le long de la piste. “C'est bien ce que je pensais. Et ils ont la peau trop claire pour être pakistanais.
“Tiens, tiens,” dit Kawalski.
“Qu'est-ce qu'il y a encore?” demanda Alexander.
“Des éléphants.”
“Alors on est vraiment en Inde.”
“Je croyais pas qu'on s'était écartés autant de la trajectoire,” dit Alexander.
“Eh bien,” dit Kawalski, “peut-être qu'on pourrait demander à ces deux petits gamins où nous sommes.”
“Quels deux petits gamins?”
“Ceux qui sont sur les éléphants.”
Chapitre deux
“Quatre-vingt dix pour cent des Indiens parlent l'anglais.” dit Ledbetter.
“Hé, l'Apache,” dit Joaquin, “Lead Butt[2 - Lead Butt : jeux de mots sur le nom du soldat Ledbetter, littéralement : “fesses de plomb” (NdT.)] a dit ‘Indiens.’'
“C'est bon : c'est vraiment des Indiens,” dit Eaglemoon.
“Et pourquoi pas des Natifs du Subcontinent Asiatique?”
Alexander fit non de la tête. “On n'est pas en Inde. C'est probablement une troupe de cirque.”
“Ah ouais? Ben alors, ils ont dû mettre le paquet sur le spectacle pour foutre la trouille à tous ces gens.”
“Kawalski,” dit Alexander, “est-ce que les deux femmes sont armées?”
“Ouais.”
“Avec quoi?”
“Des arcs et des flèches et…”
Alexander jeta un regard à Joaquin, qui haussa les sourcils.
“Et quoi, Kawalski?”
“Elles sont mignonnes. C'est deux nanas VACHEMENT canon.”
“Kawalski pense que tout ce qui a des seins est canon,” dit Kady dans le combiné.
“Comme c'est étrange, Sharakova; je t'ai jamais trouvée canon.”
“C’est parce que tu m'as jamais vue en robe.”
“Remercie Dieu pour ces petites faveurs.”
“Ils sont à quelle distance, Kawalski?” demanda Alexander.
“A moins de cinquante mètres.”
“Pour des éléphants, ils sont calmes – ça c'est sûr.”
“Ils doivent marcher sur la pointe des pattes.”
“Mettez la en veilleuse!” dit Alexander. “Ca pourrait être un piège. Soyez prêts à tout.”
Quand les deux éléphants arrivèrent à la hauteur d'Alexander, ils ne vit aucun signe d'embuscade et les deux femmes ne paraissaient pas menaçantes. Il sortit de derrière l'arbre et leva la main d'un geste amical.
“Bonjour.”
La femme la plus proche de lui poussa une exclamation.
“Peut-être que ces gens n'ont jamais vu de casques militaires.”
Alexander ôta son casque et passa la main sur sa boule à zéro. Les deux femmes se regardèrent et dirent quelque chose qu'il ne put comprendre.
“Là vous leur faites vraiment peur, Mon adj’,” dit Kawalski. “Remettez-le.”
“Très drôle.”
Les femmes baissèrent les yeux sur Alexander mais n'essayèrent nullement d'arrêter leurs bêtes. Le premier éléphant devait faire deux mètres de haut à l'épaule et l'autre un mètre de plus, avec des oreilles de la taille des portes d'un semi-remorque de dix-huit roues. Sa cavalière était une jeune femme mince aux cheveux auburn. La femme sur le plus petit animal était semblable à la première mais avec les cheveux blonds. Elles avaient toutes les deux une espèce d'emblème ou de marque sur le visage.
A quelques mètres de là, Lojab sortit des broussailles. Il enleva son casque et fit une révérence, puis se redressa et sourit à la blonde.
“Bonjour madame. Je crois que j'ai perdu ma Porsche. Pouvez-vous m'indiquer le chemin jusqu'au McDonald’s le plus proche?”
Elle sourit mais ne dit rien. Il la regarda bouger d'avant en arrière avec un balancement ondulatoire souple et fluide, parfaitement synchronisé avec les mouvements de son éléphant, dans une sorte de danse érotique entre la femme et la bête. Lojab suivait l'animal en marchant à côté de lui, mais il s'aperçut ensuite qu'il devait trottiner pour pouvoir suivre.
“Où allez-vous comme ça mesdames? On pourrait peut-être se retrouver ce soir pour prendre une ou deux bières, ou bien cinq.”
Elle dit trois ou quatre mots, mais il ne put rien comprendre. Puis son attention se porta à nouveau sur la piste devant elle.
“OK.” Il s'arrêta en milieu de file et la regarda tendre le bras pour écarter une branche du passage. “On se retrouve là-bas , vers huit heures.”
“Lojab.” dit Karina en s'avançant jusqu'à ses côtés. “Tu es vraiment pitoyable.”
“Comment ça? Elle m'a dit de la retrouver ce soir au bar-grill Chez Joe.”
“Ah ouais, d'accord. Dans quelle ville? Kandahar? Karachi? New Delhi?”
“T'as vu leurs tatouages?” demanda Joaquin.
“Ouais, sur le visage.” dit Kady.
Joaquin hocha la tête. “On aurait dit une fourche de diable avec un serpent, ou un truc du genre.”
“Eléphant à l'approche,” dit Kawalski.
“Est-ce qu'il faut se mettre à couvert, Mon adj’?”
“A quoi bon?” dit Alexander.
Le troisième éléphant était monté par un jeune homme. Ses longs cheveux d'un blond roux étaient attachés sur la nuque par un lacet de cuir. Il était dénudé jusqu'à la taille, et on voyait ses muscles saillants. Il regardait les soldats et portait dans le dos un arc et un carquois rempli de flèches exactement comme les femmes.
“Je vais voir s'il comprend un peu l'espagnol.” dit Karina en ôtant son casque. “Cómo se llama?”
Le jeune homme l'ignora.
“A qué distancia está Kandahar?” Elle regarda l'adjudant Alexander. “Je lui ai demandé à combien on était de Kandahar.”
Le dresseur d'éléphant dit quelques mots, mais qui semblaient davantage s'adresser à son animal qu'à Karina.
“Qu'est-ce qu'il a dit, Karina?” demanda Lojab.
“Oh, juste qu'il pouvait pas s'arrêter pour discuter maintenant : il avait rendez-vous chez le dentiste ou un truc du genre.”
“Ah ouais, d'accord.”
“Y a encore d'autres éléphants en chemin,” dit Kawalski.
“Combien?”
“Tout un troupeau. Trente ou plus. Faudrait peut-être dégager le passage. Ils sont dispersés.”
“Entendu,” dit Alexander, “Tout le monde de ce côté-ci de la piste. On reste groupés.”
La section ne chercha pas à se mettre à l'abri pour regarder passer les éléphants. Les animaux ignorèrent les soldats tout en attrapant des branches d'arbre avec leur trompe et en les mâchant en chemin. Certains animaux étaient montés par des cornacs tandis que d'autres avaient leur dresseur qui marchait à côté. Quelques éléphants plus petits suivaient le troupeau, sans personne pour s'en occuper. Tous s'arrêtaient à l'occasion pour arracher des touffes d'herbe et les manger.
“Dis-donc, Sparks,” dit Alexander.
“Ouais, Mon adj’?”
“Essaie d'avoir Kandahar sur ta radio.”
“J'ai déjà essayé,” dit Sparks. “Ca n'a rien donné.”
“Ré-essaye.”
“D'accord.”
“Est-ce que t'as essayé ton GPS T-DARD pour voir où nous sommes?”
“Mon T-DARD a pris du retard. Il croit qu'on est sur la Côte d'Azur.”
“Ah ouais, la Côte d'Azur? Ce serait sympa.” Alexander regarda ses hommes autour de lui. “Je sais bien les gars qu'on vous a donné l'ordre de laisser vos portables au camp, mais est-ce que par le plus grand des hasards l'un d'entre vous en aurait emporté un?”
Ils sortirent tous leurs portables.
“Doux Jésus!” dit Alexander en secouant la tête.
“Et en même temps ça vaut mieux, Mon adj’.” dit Karina en relevant son casque et en collant le téléphone à son oreille. “Avec la radio et le GPS qui déconnent, comment est-ce qu'on ferait sinon pour savoir où on est?”
“Ca ne passe pas.” Paxton tapa son téléphone contre un arbre et recommença.
“C'est sans doute que t'as pas payé ta facture.” dit Karina en tapant un SMS avec les pouces.
“Je n'ai rien,” dit Joaquin.
“Je fais le 9-1-1,” dit Kady. “Ils sauront bien où nous sommes.”
“T'as pas besoin d'appeler le 9-1-1, Sharakova,” dit Alexander. “C'est pas une urgence, du moins pas encore.”
“On est trop loin des relais,” dit Kawalski.
“Eh bien,” dit Karina, “ça nous dit où on n'est pas.”
Alexander la regarda.
“On ne peut pas être sur la Côte d'Azur, ça c'est sûr. Il doit y avoir soixante-dix relais tout du long de cette partie de la côte méditerranéenne.”
“Oui, c'est ça,” dit Joaquin. “On est dans un coin tellement paumé qu'il n'y a pas un relais à moins de quatre-vingt kilomètres.”
“Ca pourrait être n'importe où dans quatre-vingt dix pour cent de l'Afghanistan.”
“Mais ces quatre-vingt dix pour cent n'ont jamais ressemblé à ça,” dit Sharakova, en agitant la main vers les grands pins.
Derrière les éléphants venait tout un convoi de chars à boeufs chargés de paille et de grandes jarres en terre cuite remplies de céréales. La paille était empilée très haut et liée par des cordages d'herbe. Chaque charrette était tirée par deux petits boeufs, à peine plus grands que des poneys Shetland. Ils avançaient en trottant à bonne allure, conduits par des hommes qui marchaient à côté.
Il fallut aux charrettes de paille vingt minutes pour passer. Elles furent suivies par des hommes sur deux colonnes, lesquels portaient tous de courtes tuniques de couleurs et de styles différents, avec des jupes de protection en épaisses lanières de cuir. La plupart étaient nus jusqu'à la taille, et tous étaient musclés et sérieusement couverts de cicatrices. Il portaient des boucliers en peau d'éléphant.
Leurs épées à double tranchant, d'environ deux mètres de long, étaient légèrement recourbées.
“Ca a l'air d'être des durs,” dit Karina.
“Oui,” dit Kady. “Est-ce que ce sont de vraies cicatrices?”
“Dites donc, Mon adj’,” dit Joaquin.
“Ouais?”
“Avez-vous remarqué qu'aucun de ces gens n'a la moindre peur de nos armes?”
“Ouais,” dit Alexander en regardant défiler les hommes.
Ces soldats étaient au nombre de deux cents environ, et ils étaient suivis par une autre compagnie de combattants, mais ces derniers étaient à cheval.
“Il doit y avoir un tournage quelque part plus loin,” dit Kady.
“Si c'est le cas,” dit Kawalski, “ils ont vraiment déniché une bande d'acteurs très moches.”
Ils virent plus de cinq cents soldats montés à cheval qui précédaient une petite troupe d'hommes à pied portant des tuniques blanches qui ressemblaient à des toges.
Derrière les hommes en blanc venait un autre convoi. Les charrettes étaient remplies de grandes jarres en terre cuite, de quartiers de viande crue, et il y avait deux charretées de cochons qui couinaient.
Un cheval et son cavalier arrivèrent au galop de la tête de colonne, du côté opposé de la piste où se trouvait la section.
“Il est pressé,” dit Karina.
“Ouais, et il n'a pas d'étriers,” dit Lojab. “Comment fait-il pour rester en selle?”
“Je ne sais pas, mais ce type doit bien mesurer deux mètres.”
“Sans doute. Et mate un peu le costume.”
L'homme portait un plastron en bronze gravé, un casque en métal surmonté d'un toupet de poils d'animal de couleur rouge, un manteau rouge écarlate et des sandales fantaisie avec des lacets en cuir attachés autour de ses chevilles. Et sa selle était recouverte d'une peau de léopard.
Une douzaine d'enfants trottinaient le long de la piste, et dépassèrent le convoi des chariots. Ils portaient de courts sarongs en étoffe grossière d'un brun clair qui leur descendaient jusqu'aux genoux. A part l'un d'eux, ils étaient torse nu et avaient la peau mate, mais pas noire. Ils portaient des outres en peaux de chèvre bien rebondies, avec des sangles aux épaules. Chacun d'eux tenait à la main une écuelle en bois. Les écuelles étaient attachées à leur poignet par une lanière de cuir.
L'un des garçons remarqua la section d'Alexander et vint vers eux en courant. Il s'arrêta devant Karina et inclina sa peau de chèvre pour remplir son écuelle d'un liquide clair. Il inclina la tête en signe de révérence, et tendit l'écuelle des deux mains à Karina.
“Merci.” Elle prit l'écuelle et la porta à ses lèvres.
“Un instant,” dit Alexander.
“Quoi?” demanda Karina.
“Tu ignores ce que c'est.”
“Ca a l'air d'être de l'eau, Mon adj’.”
Alexander s'approcha d'elle, trempa le doigt dans l'écuelle puis se toucha la langue. Il claqua des lèvres. “C'est bon, prends-en une petite gorgée.”
“Pas maintenant que vous avez mis le doigt dedans.” lui dit-elle avec un grand sourire. “Je plaisante.” Elle but une gorgée, puis but la moitié de l'écuelle. “Merci beaucoup” dit-elle avant de rendre l'écuelle au garçon.
Il prit le bol mais refusait toujours de la regarder. Il préférait garder les yeux fixés sur le sol devant elle.
Lorsque les autres enfants virent Karina boire dans l’écuelle, quatre d’entre eux, les trois garçons et la seule fille du groupe se précipitèrent pour servir de l’eau au reste de la section. Ils gardaient tous la tête baissée, et ne regardaient jamais les visages des soldats.
La fille, qui paraissait avoir environ neuf ans, tendit son écuelle d’eau à Sparks.
“Merci.” dit Sparks en buvant l’eau avant de lui rendre l’écuelle.
Elle lança un regard vers lui mais lorsqu’il sourit elle laissa retomber la tête vers le bas.
Quelqu’un dans la colonne poussa un cri et tous les enfants tendirent leurs mains, en attendant poliment qu’on leur rende leur écuelle. Quand chaque garçon récupérait son écuelle, il courait prendre sa place dans la file sur la piste.
La fillette courut à sa place derrière le garçon qui avait servi de l’eau à Karina. Il se retourna pour regarder Karina, et lorsqu’elle lui fit signe, il leva la main mais se ravisa et retourna trottiner le long de la piste.
Un grand troupeau de moutons passa, en bêlant et poussant des cris plaintifs. Quatre garçons et leurs chiens les gardaient sur la piste. L’un des chiens – un grand animal noir avec une oreille estropiée – s’arrêta pour aboyer sur la section, puis il s’en désintéressa et courut rattraper le groupe.
“Tu sais ce que je crois?” demanda Kady.
“On s’en fiche de ce que tu crois, Scarface,” dit Lojab.
“Qu’est ce qu’il y a Sharakova?” dit Alexander en regardant tour à tour Lojab et Kady.
La cicatrice de deux centimètres et demi qui parcourait et traversait le milieu du nez de Kady prit une couleur plus foncée du fait de l’accélération de son pouls. Mais plutôt que de se laisser saper le moral par ce visage défiguré, elle s’en servait pour s’enhardir. Elle jeta à Lojab un regard à le sécher sur pied.
“Vas te faire sucer, Low Job[3 - jeu de mot insultant sur le nom du soldat Lojab: blow job = fellation NdT.],” dit-elle puis elle lui fit un doigt d’honneur et s’adressa à Alexander. “C’est une reconstitution historique.”
“De quoi?” dit Alexander en passant deux doigts sur sa lèvre supérieure, en effaçant un léger sourire.
“Je ne sais pas, mais tu te souviens des émissions sur PBS où les hommes se déguisaient en uniformes de la Guerre de Sécession et s’alignaient pour se tirer dessus avec des balles à blanc?”
“Ouais.”
“C’était la reconstitution d’une bataille de la Guerre de Sécession. Ces gens font une reconstitution.”
“Peut-être bien.”
“Ils se sont donné beaucoup de mal pour y arriver,” dit Karina.
“Pour arriver à quoi?” demanda Lojab. “Une espèce de migration de l’époque médiévale?”
“Si c’est une reconstitution,” dit Joaquin, “ils sont où les touristes avec leurs appareils-photos? Et les équipes de la télé? Et où sont les hommes politiques qui s’attribuent tous les honneurs?”
“Ouais,” dit Alexander, “où sont les photographes? Hé, Sparks,” dit-il dans son combiné, “elle est où ta chiotte?”
“Tu veux dire la Libellule?” demanda le soldat Richard ‘Sparks’ McAlister.
“Ouais.”
“Dans son étui.”
“Elle peut monter à combien?”
“Entre 1,200 et 1,500 mètres. Pourquoi?”
“Envoie-la en l’air pour voir à combien on est de ce fameux désert du Régistan,” dit Alexander. “J’aurais adoré traîner ici pour regarder le spectacle, mais bon on a une mission à accomplir.”
“Entendu, Mon adj’,” dit Sparks. “Mais l’étui est dans le coffre d’armement.”
Chapitre trois
Les soldats se rassemblèrent autour d’Alexander tandis qu’il étalait sa carte par terre.
“Quelle est la vitesse de crosière d’un C-130?” demanda-t-il à l’aviateur Trover, de l’équipage de l’appareil.
“Environ cinq cents kilomètres à l’heure.”
“On est restés combien de temps en vol?”
“On a quitté Kandahar à quatre heures de l’après-midi,” dit Trover en consultant sa montre. “Il est presque cinq heures maintenant, ça fait donc environ une heure de vol.”
“Cinq cents kilomètres,” murmura Alexander en traçant un large cercle autour de Kandahar. “Une heure vers l’est, ça nous amènerait jusqu’au Pakistan. Dans ce cas, la rivière que l’on a vue est l’Indus. Une heure vers l’ouest et on serait juste au début de l’Iran, mais là-bas y a pas de grand fleuve. A une heure vers le sud-ouest se trouve le désert du Registan, là où on est sensés être, mais y a pas de forêts ni de rivières dans cette région. Une heure vers le nord, et on est toujours en Afghanistan, mais c’est de la campagne aride.”
Karina regarda sa montre. “T’as quelle heure, Kawalski?”
“Euh, cinq heures moins cinq.”
“Ouais, c’est ce que j’ai aussi.” Karina resta silencieuse un instant. “Mon adj’, y a un truc qui colle pas là.”
“C’est quoi?” demanda Alexander.
“Nos montres indiquent toutes que c’est la fin de l’après-midi, mais regardez le soleil ; il est presque à la verticale. Comment est-ce possible?”
Alexander leva les yeux vers le soleil, puis regarda sa montre. “Ca me rend complètement dingue. Il est où Sparks?”
“Ici, Mon adj’.”
“Revérifie l’indication du GPS.”
“Il indique toujours qu’on est sur la Côte d’Azur.”
“Trover,” dit Alexander, “C’est quoi l’autonomie d’un C-130?”
“Environ 4,800 kilomètres sans refaire le plein.”
Alexander tapota son crayon sur la carte. “La France doit bien être à 6,400 kilomètres de Kandahar,” dit-il. “Même si l’appareil avait assez de carburant pour voler jusqu’en France – ce qu’il n’a pas fait – ça nous obligerait à voler pendant plus de douze heures – ce qui n’a pas été le cas. Alors, on arrête les conneries avec la Côte d’Azur.” dit-il en les dévisageant. “D’accord?”
Sparks secoua la tête.
“Qu’est-ce qu’il y a?” demanda Alexander.
“Vous voyez nos ombres?” demanda Sparks.
En regardant par terre, ils ne virent que très peu d’ombre.
“Je pense qu’il doit être environ midi,” dit Sparks. “Nos montres ne sont pas à l’heure.”
“Nos montres – pas à l’heure?”
“Je vous dis juste ce que je vois. A cinq heures de l’après-midi, le soleil devrait être là-bas.” Sparks pointa vers le ciel à environ quarante-cinq degrés au-dessus de l’horizon. “Et nos ombres devraient être allongées, mais le soleil est là-haut.” dit-il en pointant juste au-dessus de lui. “En ce moment, il est midi sur la Côte d’Azur.” dit-il en regardant Alexander qui le regardait de travers. “Il y a cinq heures en moins entre la France et l’Afghanistan.”
Alexander le dévisagea un instant d’un air furieux. “Bon, la seule manière de régler le problème c’est de trouver notre caisse d’armement, d’en sortir ta mini-chiotte et de l’envoyer en l’air pour voir où on est, nom de Dieu.”
“Comment on va faire pour trouver notre caisse, Mon adj’?” demanda Lojab. “Il va falloir qu’on trouve quelqu’un qui parle anglais.”
“Elle s’appelle ‘Libellule,’” marmonna Sparks.
“Hé,” dit Karina, “voilà d’autres cavaliers qui s’amènent.”
Ils regardèrent passer deux colonnes de soldats à cheval lourdement armés. Ces chevaux étaient plus grands que tous ceux qu’ils avaient vus jusque là, et les hommes portaient des plastrons en fer avec les casques assortis. Leurs protections d’épaules et de poignets étaient faites en cuir épais, ils portaient des boucliers ronds en travers du dos et chaque homme portait une longue épée, ainsi que des poignards et autres couteaux. Leur visage, leurs bras et leurs jambes portaient de nombreuses cicatrices de batailles. Les soldats montaient leurs chevaux avec des brides et des rênes, mais sans étriers.
La cavalerie mit près de vingt minutes à passer. Derrière eux, la piste était déserte jusqu’à un point loin derrière où elle disparaissait au détour d’un bosquet de petits pins d’Alep.
“Eh bien,” dit Lojab, “finalement, voilà le dernier.”
Alexander suivit du regard la piste. “Peut-être bien.”
Après le passage de quarante éléphants, de centaines de chevaux et boeufs et plus de mille personnes, la piste était réduite en poudre.
De l’autre côté de la piste, un soldat à cheval arriva au galop de la tête de la colonne. La section regarda le cavalier arrêter son cheval d’un dérapage puis virer pour chevaucher aux côtés d’un homme qui venait juste de prendre un virage dans la piste.
“Ca doit être lui qui commande,” dit Lojab.
“Lequel?” demanda Karina.
“L’homme qui vient de tourner dans le virage.”
“Ca se pourrait,” dit Alexander.
C’était un homme de grande taille, et il montait un énorme destrier noir. A vingt pas derrière lui se trouvait le grand officier au manteau rouge écarlate qui était passé tout à l’heure, et derrière l’officier chevauchaient quatre colonnes de cavaliers qui portaient des plastrons rutilants en bronze avec les casques assortis. Leurs capes écarlates flottaient au vent.
L’homme sur le cheval de guerre avançait au petit trot tandis que l’éclaireur s’adressait à lui. A aucun moment il ne donna l’impression de s’apercevoir de la présence du messager mais semblait écouter avec la plus grande attention ce qu’il avait à lui dire. Au bout d’un moment, l’homme sur le cheval de guerre prononça quelques mots et envoya le messager en avant au galop.
Lorsque l’officier arriva à hauteur du Septième de Cavalerie, son cheval caracola de côté, tandis que lui et son cheval examinaient la section de l’adjudant Alexander. L’officier leur témoigna plus d’intérêt que n’importe qui d’autre ne l’avait fait auparavant.
“Hé, Mon adj’,” dit Karina dans son combiné, “vous vous souvenez du général quatre-étoiles qui est venu le mois dernier au Camp Kandahar pour passer les troupes en revue?”
“Ouais, c’était le Général Nicholson je crois.”
“Eh bien, j’ai l’impression que je devrais me mettre au garde-à-vous et saluer aussi ce type.”
Le type à cheval était assis droit comme la justice et son casque de bronze étincelant surmonté d’une crête d’iroquois en poils de sanglier le faisait paraître encore plus grand que ses un mètre quatre-vingt-dix. Il portait une tunique comme les autres, mais la sienne était faite dans une étoffe soyeuse de couleur rouge, et elle était cousue d’une belle double rangée de surpiqûres blanches. Les franges de son pagne en cuir étaient ornées d’argent, et la garde de son épée était incrustée d’argent et d’or, de même que le fourreau de sa falcata. Ses bottes étaient en cuir estampé et remontaient au-dessus de ses mollets.
Sa selle était recouverte d’une peau de lion, et le cheval portait une lourde cuirasse sur le poitrail, ainsi qu’une armure de cuir sur les pattes de devant et une épaisse plaque d’argent sur le front. Le cheval était fougueux, et l’homme devait maintenir la pression sur les rênes pour l’empêcher de partir au galop. Une douzaine de clochettes pendaient à l’encolure de son harnais et elles tintaient au passage du cheval.
“C’est sûr qu’il a une certaine allure autoritaire.”dit Alexander.
“S’il y a quelqu’un qui devrait avoir des étriers,” dit Kawalski, “c’est bien ce type.”
Un éclaireur remonta la piste au galop et fit effectuer un virage à son cheval pour se mettre à hauteur du général. D’un mouvement vif du poignet, le général détourna son cheval de la section et écouta le rapport de l’éclaireur tout en s’éloignant avec lui d’Alexander et de ses hommes. Un instant plus tard, le général donna des consignes à l’éclaireur et l’envoya vers l’avant.
L’escadron de cavaliers aux capes rouges manifesta davantage d’intérêt pour Alexander et ses troupes que les autres soldats. C’étaient de jeunes hommes, entre vingt et vingt-cinq ans, qui étaient bien habillés et montaient de beaux chevaux. Ils n’avaient pas de cicatrices de batailles comme les autres hommes.
“Ils me font l’effet d’une bande de poules mouillées de sous-lieutenants.” Lojab cracha par terre en les regardant.
“Ils sont comme des élèves-officiers qui sortent de l’école,” dit Autumn.
Derrière les élèves-officiers venait encore un autre convoi de grands chariots à quatre roues. Le premier était chargé d’une dizaine de coffres lourds. Les autres contenaient des ballots de fourrures, des épées de rechange, des lances et des faisceaux de flèches, ainsi que de nombreux pots en terre cuite de la taille de petits fûts, remplis de fruits secs et de céréales. Quatre chariots étaient chargés jusqu’en haut de cages contenant des oies, des poulets et des pigeons qui roucoulaient. Les chariots étaient tirés par des attelages de quatre boeufs.
Les chariots et charrettes étaient montés sur roues pleines, sans rayons.
Après les chariots venaient encore d’autres charrettes à deux roues, chargées de quartiers de viande et d’autres victuailles. Ce groupe était composé de vingt charrettes, qui précédaient une dizaine de soldats à pied portant épées et lances.
“Waouh, regarde un peu,” dit Kawalski.
La dernière charrette transportait quelque chose de bien connu.
“Ils ont notre coffre d’armement!” dit Karina.
“Oui, et aussi les parachutes orange,”dit Kawalski.
Alexander jeta un coup d’oeil au chariot. “Fils de pute.” Il avança sur la piste et s’empara du harnais du boeuf. Tenez-le là-bas.”
La femme qui conduisait le chariot le regarda d’un air furieux, puis elle fit claquer son fouet, faisant une entaille dans le camouflage de son casque.
“Hé!” s’écria Alexander. “Arrêtez. Je veux juste notre caisse d’armement.”
La femme donna un nouveau coup de fouet, et Alexander l’attrapa, enroulant le cuir tressé autour de son avant-bras. D’un coup sec, il lui arracha le fouet de la main, puis s’avança vers elle.
“Je ne veux pas vous faire de mal, madame.” dit-il en désignant le conteneur en fibre de verre avec le manche du fouet. “Je ne fais que prendre ce qui nous appartient.”
Avant qu’il ne pût l’approcher, six hommes derrière la charrette tirèrent leur épée et arrivèrent sur lui. Le premier donna un coup de poing dans la poitrine d’Alexander, le faisant reculer. En trébuchant, Alexander entendit douze fusils qui s’armaient. Il reprit l’équilibre et leva la main droite.
“Ne tirez pas!”
L’homme qui avait poussé Alexander pointait maintenant son épée sous la gorge de l’adjudant, sans se soucier apparemment qu’il risquait de se faire faucher par les fusils M-4. Il dit quelques mots et pencha la tête vers la droite. Ce qu’il voulait dire était simple à comprendre : éloignez-vous de la charrette.
“D’accord. D’accord.” dit Aklexander en levant les mains. “J’ai pas envie que vous mouriez pour un coffre d’armement.” En rejoignant ses hommes, il enroula le fouet autour du manche. En rejoignant ses hommes, il enroula le fouet autour du manche et le fourra dans sa poche de hanche. “Baissez vos armes, nom de Dieu. On ne va pas déclencher une guerre pour cette boîte à la con.”
“Mais Mon adj’,” dit Karina, “y a tout notre matos dedans.”
“On le récupérera plus tard. On dirait qu’ils n’ont pas trouvé comment ouvrir le –
Un cri à vous glacer le sang parvint de l’autre côté de la piste tandis qu’une bande d’hommes armés de lances et d’épées accourait des bois pour attaquer le convoi.
“Bon,” dit Lojab, “ça doit être le deuxième acte de ce drame sans fin.”
Tandis que les attaquants commençaient à se saisir de quartiers de viande et jarres de céréales des chariots, la femme qui conduisait l’un de ceux-ci tira son poignard et se dirigea vers deux hommes qui étaient montés dans le sien pour s’emparer du coffre d’armement. L’un des hommes asséna un coup d’épée, créant une profonde entaille dans le bras de la femme. Elle cria, changea son couteau de main et se jeta sur lui.
“Hé!” s’écria Kawalski. “C’est du vrai sang!”
Les soldats du convoi de chariots accoururent pour rejoindre la bataille, en brandissant leurs épées et en criant. L’un des deux attaquants dans le chariot descendit, en tirant par terre le coffre d’armement. Un fantassin asséna un coup d’épée à la tête de l’homme, mais l’homme l’évita, puis s’avança en poignardant le soldat au ventre.
Une centaine d’autres bandits chargèrent depuis les bois et tout au long de la piste ils sautaient sur les chariots, s’attaquaient aux conducteurs, et passaient les vivres à leurs camarades à terre.
Les soldats du convoi de chariots coururent attaquer les bandits mais ils étaient très inférieurs en nombre.
On entendit sonner trois coups de corne consécutifs à intervalles courts venant de quelque part en avant de la piste.
Le bandit dans le dernier chariot avait fait tomber la femme sur le plancher du véhicule, et maintenant il levait son épée et la tenait des deux mains en s’apprêtant à lui transpercer le coeur avec.
Kawalski épaula son fusil et tira deux fois. L’homme dans le chariot recula en titubant et tomba au sol. Les yeux de son camarade passèrent en un éclair de l’homme mourant à la femme dans le chariot.
La femme se déplaça comme une tigresse en ramassant vivement son poignard sur le plancher du chariot et s’élança vers l’homme. Il tira son épée et entama un mouvement de balancier qui l’aurait laissée sans jambes –mais la balle du pistolet d’Alexander le toucha à la poitrine, le renversant de côté sur la caisse d’armement.
Une flèche siffla dans l’air en passant à seulement quelques centimètres de la tête d’Alexander. Il détourna la tête pour voir la flèche toucher un fantassin à la gorge.
“Déployez-vous!” cria Alexander. “Feu à volonté!”
La section courut le long de la piste et entre les chariots, tirant avec ses fusils et armes de poing. On distinguait facilement les fantassins des attaquants : les bandits portaient en guise de vêtements des peaux de bêtes en haillons et ils avaient les cheveux ébouriffés et hirsutes.
“Lojab!” cria Karina. “Bandits sur tes neuf heures. Roule sur la droite!”
Lojab toucha le sol au moment où Karina faisait feu par-dessus lui, touchant l’un des attaquants au visage, tandis que Lojab en touchait un autre d’une balle dans la poitrine.
“Y en a d’autres qui arrivent des bois!” s’écria Sparks.
Un bandit fit valdinguer le fusil de Lojab d’un coup de pied. Il roula sur le dos pour s’apercevoir qu’un second bandit balançait son épée vers lui. Il tira son couteau Yarborough et le leva à temps pour bloquer l’épée. L’attaquant cria et fit voler son épée tandis que le second bandit abattait son épée pour viser le coeur de Lojab. Lojab fit une roulade tandis que l’épée fendait la poussière, puis se mit à genoux et planta son couteau dans l’entre-jambes de l’homme. Il poussa un cri et recula en titubant.
Le bandit restant brandit son épée vers la tête de Lojab, mais Karina avait rechargé et elle le descendit de deux coups dans la poitrine.
Lojab sauta sur l’homme qu’il avait poignardé et lui trancha la gorge.
Quatre autre bandits chargèrent depuis les arbres en criant et brandissant leurs lances, en courant en direction de Sparks. Ils étaient suivis par deux hommes armés d’arcs et de flèches.
Sparks visa et appuya sur la détente, mais rien ne se produisit. “Mon fusil est enrayé!”
“Sparks!” s’écria Autumn en lui balançant son pistolet. Elle vida le chargeur de son fusil et courut tout en tirant. Deux des attaquants s’écroulèrent.
Sparks tira avec le pistolet et abattit le troisième.
Alexander, à une distance de cinquante mètres, se mit sur un genou, prit le temps de viser, et tira sur le quatrième homme qui courait vers Sparks. Le bandit trébucha, se toucha le flanc et tomba au sol.
L’un des archers s’arrêta, engagea une flèche et visa Sparks. Sparks tira deux fois. L’une des balles fit basculer la tête de l’archer vers l’arrière, mais sa flèche était déjà partie.
Sparks entendit le bruit sourd et ignoble, puis regarda fixement vers la flèche qui tremblait dans sa poitrine. Il tendit une main tremblante pour la retirer mais la tige se brisa, laissant la tête de la flèche plantée à l’intérieur.
Autumn mit un nouveau chargeur dans son fusil et tua le second archer. “Y a du monde qui arrive!” cria-t-elle.
Sparks leva les yeux pour voir deux autres hommes qui venaient des bois en faisant tournoyer leurs épées. Il toucha l’un des bandits à la cuisse tandis qu’Autumn descendait l’autre. Le bandit blessé continuait d’approcher. Sparks tira la dernière rafale de son pistolet, mais elle manqua sa cible. Le bandit plongea sur Sparks avec son épée qui s’abattait sur lui. Sparks fit une roulade et plongea la tige de la flèche cassée vers l’avant. Le bandit cria quand la flèche lui rentra dans le ventre. Il tomba au sol, la flèche lui transperçant le corps et ressortant dans le dos.
Le fracas assourdissant des tirs, ainsi que la vue de tant de bandits qui se faisaient descendre, renversa le cours de la bataille. Les attaquants s’enfuirent dans les bois, en abandonnant les vivres qu’ils avaient volées dans la panique de la fuite. Les soldats du convoi de chariots coururent à leur poursuite.
Le grand officier au manteau écarlate remonta la piste au galop, suivi par une troupe de cavaliers. Il observa la scène, cria un ordre et fit signe à sa cavalerie de charger dans les bois.
L’officier descendit de cheval et, tandis qu’il avançait parmi les corps, l’un des fantassins lui fit un rapport, en parlant avec agitation et en montrant du doigt les soldats d’Alexander. L’officier hochait la tête et posait des questions tout en parcourant la section du regard.
“Qui est-ce qui a la trousse médicale STOMP?” cria Alexander.
“Elle est dans le coffre d’armement, Mon adj’,” dit Kawalski.
“Amenez-la,” dit Alexander. “Voyons ce qu’on peut faire pour ces gens. Occupez-vous d’abord de la femme dans le chariot. Elle perd beaucoup de sang.”
“Entendu, Mon adj’.”
“Sparks, comment tu te sens?” demanda Alexander.
Sparks défit son gilet d’où dépassait la tête de la flèche. Il regarda s’il y avait des dégâts. “Ouais.” dit-il en tapant sur son gilet pare-balles avec les phalanges. “Ces trucs marchent plutôt bien.”
Karina était assise par terre près d’une roue de chariot, les bras repliés sur les genoux, et la tête appuyée sur ses avant-bras.
“Ballentine!” dit Alexander en courant vers elle. “T’es touchée?”
Elle secoua la tête mais ne leva pas les yeux. Il s’agenouilla près d’elle.
“Qu’est-ce qui ne va pas?”
Elle secoua à nouveau la tête.
“Comptez-vous les gars,” dit Alexander au micro en s’asseyant près de Karina.
Tout le monde fut au rapport, sauf Sharakova.
“Sharakova est juste là,” dit Sparks. “Elle a buté six de ces salauds.”
“Sparks, tu peux réparer la putain de radio de Sharakova?”
“Je vais faire de mon mieux.”
“Eh bien, tu t’y mets avant qu’elle n’aille se paumer quelque part.”
Karina retira son casque et le laissa tomber par terre.
“C’était vachement trop facile.” murmura-t-elle.
Alexander attendait sans dire un mot.
“Quand Kawalski descendit le premier gars dans le chariot,” dit Karina “ensuite vous avez eu celui qui était au sol, et moi j’ai continué machinalement.”
Alexander lui tapa sur l’épaule.
“Mon adj’, j’ai jamais tué personne avant.”
“Je sais.”
“Comment ça peut être aussi facile? Ces types ne faisaient pas le poids contre nos armes. Pourquoi est-ce que j’ai pas juste essayé de les blesser au bras ou à la jambe au lieu de les dézinguer?”
“Karina—”
“On est arrivés où, putain?” demanda Karina. “Et qu’est-ce qui nous arrive? Je croyais que c’était juste une mise en scène très sophistiquée jusqu’à ce que ce bandit entaille le bras de la femme et que du véritable sang se mette à couler. Ensuite il y a eu ce fantassin qui s’est fait ouvrir le bide. Est-ce qu’on a atterri dans une espèce de cauchemar surréaliste?”
“Je sais pas ce qui nous est arrivé, mais tu as réagi exactement comme tu avais à le faire. Tout notre entraînement s’est fait précisément pour ce genre d’attaque. On a pas le temps d’analyser, d’évaluer les options, ou de viser le genou au lieu du coeur. Moins de trois secondes se sont écoulées entre le premier tir de Kawalski et ton premier tué. Tu es un parfait soldat, pas une femme au coeur tendre, du moins pas sur le champ de bataille. C’est ce que cet endroit étrange est devenu tout d’un coup, un champ de bataille. Et devine qui a gagné la bataille? La force la mieux armée et la mieux entraînée au monde. Si on n’avait pas ouvert le feu, ces bandits s’en seraient pris à nous avec leurs épées et leurs lances après avoir achevé ces autres gens.”
Karina releva la tête et s’essuya la joue. “Merci, mon adj’. Vous avez raison. C’est vraiment le soldat en moi qui a pris le relais, mais maintenant je me remets, et j’essaie de faire la part des choses.”
“Hé, Mon adj’,” dit Kawalski par radio. “J’ai besoin d’aide pour soigner la blessure au bras de cette femme.”
“J’arrive.” Alexander se leva et tendit la main à Karina.
Elle se releva. “J’y vais.” Elle ramassa son fusil et son casque, fit une brève accolade à Alexander puis elle courut vers le dernier chariot.
“Je n’ai jamais tué personne non plus,” murmura-t-il “jusqu’à aujourd’hui.”
“Vous avez été bon, Mon adj’,” dit le soldat Lorelei Fusilier par radio.
“Merde,” dit Alexander. “J’oublie toujours que cette putain de radio est allumée.”
“Ouais, Mon adj’,” dit Sparks. “Vous avez été un vrai père pour nous.”
“OK. Allez, on arrête le bavardage. Maintenant on a affaire à une autre sorte de jeu, donc faut qu’on analyse très attentivement la situation. Et restez sur le qui-vive. Dans le feu de l’action, on a choisi un camp ; maintenant il faut voir si on a choisi le bon.”
Chapitre quatre
Karina s’agenouilla près d’un fantassin, et s’occupa d’une entaille sanglante dans sa cuisse. L’épée avait traversé de part en part, mais si elle pouvait nettoyer la blessure et arrêter l’hémorragie il devrait s’en sortir.
Allongé au sol et appuyé sur les coudes, le blessé la regardait. Les autres fantassins allaient et venaient, occupés à ramasser des armes sur le champ de bataille, et elle les entendait achever les attaquants blessés – leur tranchant la gorge ou leur transperçant le coeur avec leur épée. C’était barbare, écoeurant et cela la mit en colère mais elle n’y pouvait rien ; donc elle essayait seulement d’étouffer les sons tout en travaillant.
Elle termina de suturer la blessure et approcha la main du bandage liquide Gelspray, mais avant qu’elle n’ait eu le temps de l’appliquer sur la blessure, l’homme poussa un cri au moment où une épée s’abattit sur lui, lui transperçant le coeur.
“Espèce de sale fils de pute!” Elle se mit debout d’un bond, repoussant le fantassin. “Tu viens de poignarder l’un de tes propres hommes.”
Il tituba en arrière mais en se retenant à l’épée qu’il retira du corps de l’homme. Karina baissa les yeux vers l’homme qui avait été poignardé; sa bouche était béante, laissant échapper un faible cri muet d’appel à l’aide tandis que ses yeux grands ouverts étaient fixés au ciel. Puis ses yeux se fermèrent et son corps se relâcha.
“J’aurais pu le sauver, espèce d’idiot ignorant.”
Le soldat eut un rire et avança d’un pas vers elle, son épée ensanglantée pointée vers son ventre.
“J’ai son front dans ma ligne de lire, Karina,” dit Kawalski par radio. “Tu n’as qu’à dire un mot et je lui éclate la cervelle.”
“J’ai son coeur en visuel,” dit Joaquin.
“Et moi j’ai sa veine jugulaire,” dit Lorelei Fusilier.
“Non,” dit Karina. “Cette salope est rien que pour moi.”
“Sukal!” cria une femme derrière Karina.
L’homme regarda derrière Karina, puis la regarda à nouveau avec toujours ce même sourire lubrique.
Karina ne put voir qui était la femme – elle devait continuer à garder les yeux sur les siens. “Qu’est-ce qui est arrivé à tes dents, Sukal?” demanda-t-elle “Quelqu’un te les a cassées d’un coup de pied?”
Sukal brandit son épée comme un cobra qui veut charmer sa proie subjuguée.
“A moins que tu ne veuilles manger cette épée, tu ferais mieux de l’enlever de sous mon nez.”
Il s’élança vers l’avant. Elle se baissa, fit demi-tour et lui frappa le poignet du tranchant de la main, pour écarter son épée. Sukal utilisa l’élan de l’épée en mouvement pour lui faire faire un demi-tour et la ramener vers elle, en visant son cou.
Karina se laissa tomber au sol, fit une roulade, et lui fit un ciseau aux chevilles. Il tomba brutalement mais se remit sur pied rapidement.
Elle aussi, et elle se mit en garde, prête pour l’attaque suivante.
Il alla sur elle en cherchant le coeur.
Elle fit une feinte d’un côté, en attirant son épée, mais elle changea de côté et lui envoya un coup de coude dans l’oeil.
Sukal tituba mais planta son épée dans la terre pour se rétablir. Il saisit l’arme des deux mains, la leva au-dessus de sa tête et vint sur elle en courant et beuglant comme un taureau enragé.
Karina leva le genou gauche et fit une vrille de côté tout en donnant un coup de pied de karaté dans son plexus solaire avec sa botte de combat taille 40.
Sukal se plia en deux, laissant tomber son épée. Il tomba à genoux en se tenant le ventre, essayant de reprendre sa respiration.
Karina fixa un instant l’homme haletant, puis regarda qui était derrière elle. C’était la brune qu’ils avaient vue sur l’un des éléphants. Elle avançait à grands pas vers Karina et Sukal, vsiblement très en colère, et s’arrêta devant Sukal, pieds écartés et poings sur les hanches. Elle parlait vite, en gesticulant vers le mort. Karina n’avait pas besoin d’interprète pour savoir qu’elle engueulait Sukal d’avoir tué le blessé.
Sukal retrouvait son souffle, mais il restait à genoux, regardant par terre. Il n’avait nullement l’air de s’en repentir; il attendait probablement juste qu’elle arrête de lui crier dessus.
La femme passa sa colère, puis se pencha et ramassa l’épée de Sukal pour la jeter aussi loin qu’elle put. Elle ajouta encore une insulte qui se terminait par quelque chose comme “Kusbeyaw!” Puis elle sourit à Karina.
Le mot devait vouloir dire “idiot”, “crétin” ou “connard” mais dans tous les cas ce n’était sûrement pas un compliment.
“Bonjour,” dit Karina.
La femme dit quelque chose et lorsqu’elle s’aperçut que Karina ne comprenait pas, elle toucha ses lèvres avec deux doigts, puis sa poitrine et montra Karina du doigt.
“C’est bon.” Karina regarda Sukal s’éclipser. “Je lui ai mis un bon coup de pied à ce kusbeyaw.”
La femme rigola, et se mit à parler, mais elle fut interrompue par le grand officier, celui à la cape écarlate. Il était à vingt mètres, et il fit signe à la femme de s’approcher de lui. Elle toucha le bras de Karina, sourit, puis alla voir l’officier.
Karina contemplait le champ de bataille. Les fantassins du convoi avaient récupéré toutes les armes et les objets de valeur sur les attaquants. Les femmes et les enfants allaient et venaient en déshabillant les morts, ce qui visiblement ne donna pas grand-chose : ce n’étaient pour la plupart que des peaux d’animaux en haillons.
“Je crois qu’ici tout a de la valeur.”
“J’en ai bien l’impression,” dit Kady. “T’as bien eu cet enfoiré de Sukal. De toute ma vie, je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi surpris quand tu lui as donné un coup de pied dans le bide.”
“Ouais, ça m’a fait du bien. Si je l’avais pas culbuté, je crois que c’est la femme à l’éléphant qui l’aurait fait. Elle était vraiment furax.”
“Je me demande bien ce qu’elle t’a dit.”
“Je pense qu’elle essayait de me dire qu’elle était désolée que Sukal ait tué le type que j’étais en train de soigner. La blessure était plutôt moche, mais je pense qu’il s’en serait remis.”
“Ballentine,” dit l’adjudant Alexander à la radio. “Toi et Kawalski vous montez la garde à la caisse d’armement. Je vais faire un tour vers l’arrière de cette colonne pour voir si elle est encore longue.”
“Entendu, Mon adj’,” dit Karina.
Mon adj’ regarda le soldat debout juste à côté de lui. “Sharakova,” dit-il, “tu me suis.”
“Bien pris.” Sharakova fit passer son fusil en bandoulière sur son épaule.
“Tu t’en es bien sortie avec cet abruti, Ballentine,” dit Mon adj’. “J’espère que tu ne te mettras jamais dans une colère pareille après moi.”
“Hourrah!” dit Kawalski. Son cri fut repris par plusieurs autres.
Chapitre cinq
Une fois Alexander et Sharakova rentrés de leur marche d’inspection, la section transporta le coffre à armement à l’orée des bois, où ils firent deux feux de camp et ouvrirent les rations de combat.
“Pendant qu’on mange,” dit Alexander, “gardez vos casques sur la tête et vos armes à portée de main. Avant la nuit, nous allons mettre en place un périmètre et fixer des tours de garde. On les fera en binômes toute la nuit. Maintenant, parlons de ce qu’on a vu et entendu aujourd’hui.”
“Qui étaient ces gens?” demanda Kady.
“Lesquels?” demanda Alexander.
“Les attaquants.”
“J’ignore qui c’était,” dit Autumn “mais ils étaient vicieux.”
“Et méchants,” dit Kady. “Avec ces tenues en peaux d’ours on aurait dit des chiens de bisons.”
“Ouais,” dit Lori, “des chiens de bisons, c’est à peu près ça.”
“Regarde un peu,” dit Kawalski. “Ces gens défilent toujours. Y en a encore combien, Mon adj’?” “
“On a marché pendant à peu près huit cent mètres,” dit Alexander. “Derrière ce groupe d’hommes, il y a un énorme troupeau de chevaux et de bétail. Et derrière eux viennent les suivants du camp. Il y a des femmes, des enfants, des vieux, et un grand nombre de cantiniers avec leurs chariots pleins de vêtements. Derrière eux il y a toute une foule hétéroclite. C’est toute une ville qui se déplace.”
“Je me demande où ils vont,” dit Kady.
“J’ai l’impression,” dit Alexander, “qu’ils vont dans la direction principale de cette grande rivière qu’on a vue. Mais pour le reste, je n’en ai aucune idée.”
“Hé,” dit le soldat Lorelei Fusilier en levant l’un des sachets de ration. “Est-ce que quelqu’un a le menu sept?”
“Ouais,” dit Ransom. “Pain de viande.”
“T’as des Butter Buds[4 - beurre en granules à saupoudrer sur les rations (NdT.)]?”
“Peut-être bien. T’as quoi en échange?”
“De la sauce verte piquante.”
Tout le monde éclata de rire.
“Bonne chance pour échanger cette saloperie,” dit Karina.
“T’as le menu vingt, c’est ça Fusilier?” dit Kawalski.
“Ouais.”
“Alors t’as du cobbler cerise – myrtille.”
“Non, j’ai commencé par ça.”
“Tiens, Fusilier,” dit Alexander, “prends mes Butter Buds. Je déteste ces trucs-là.”
“Merci, Mon adj’. Vous voulez ma sauce verte piquante?”
“Non, tu peux la garder. Quelqu’un a une idée du nombre de soldats de cette armée?”
“Des milliers,” dit Joaquin.
“Je parie qu’il y en a plus de dix mille,” dit Kady.
“Et pas loin de trente éléphants.”
Karina avait fini de manger, et maintenant elle passait son temps à pianoter sur son iPad.
“Voilà l’escorte du camp qui arrive,” dit Kawalski.
Au fur et à mesure que les femmes et les enfants passaient, ils étaient nombreux à s’adresser aux hommes d’Alexander, et certains enfants faisaient des signes de la main. Tout le monde semblait être de bonne humeur, malgré le fait qu’ils avaient sûrement marché toute la journée.
Les hommes du Septième ne comprenaient pas la langue, mais ils retournèrent les saluts qu’on leur faisait.
“Vous savez ce que je pense?” dit Kawalski.
“Quoi donc?” dit Alexander en prenant une bouchée de sa ration SPAM.
“Je pense que la nouvelle de notre victoire sur ces bandits a fait le tour d’un bout à l’autre. Vous avez remarqué comment les gens sont souriants et commencent à nous traiter avec un peu de respect?”
“Ca se pourrait.”
Un grand chariot à quatre roues passa avec un homme et une femme assis à l’avant sur un ballot de peaux de bête. Deux boeufs les tiraient. La femme souriait en regardant les soldats, tandis que l’homme levait la main en signe de salut.
Joaquin retourna son salut à l’homme. “C’est le premier gros que je vois.”
Karina leva les yeux de son iPad. “Ouais, moi aussi.”
“Qu’est-ce que tu lis, Karina?” demanda Kady.
“Mes cours. Je prépare un diplôme de médecine pré-vétérinaire.”
“Est-ce que tu captes?”
“J’aimerais bien,” dit Karina. “J’ai essayé à nouveau de me connecter, mais y a pas de signal. J’ai tous mes livres sur une puce.”
Deux cavaliers arrivèrent sur la piste en provenance de la tête de colonne. Quand ils virent la section, ils quittèrent la piste et mirent pied à terre.
“Hé,” dit Kawalski. “C’est les filles aux éléphants.
Karina posa son iPad et alla saluer les deux femmes. Alexander, Kawalski, Lojab, et Kady leur emboitèrent le pas.
Les femmes se tenaient près de leur chevaux, les rênes en main. Elles semblaient hésiter, ne sachant commentThey seeme aborder les étrangers. Leurs vêtements étaient semblables à ceux des autres femmes sur la piste, mais le tissu était plus finement tissé, et la coupe était plus près du corps. Les couleurs taupe et fauve, ornementées de rouge par endroits, donnaient une sensation de fraîcheur et de gaieté. Leurs tenues se composaient de courtes tuniques portées sur des pantalons Thorsberg sans pieds, et leurs sandales en cuir étaient embellies de pampilles ornées de perles aux chevilles.
Karina tendit la main à la petite brune. “Bonjour, contente de vous revoir.”
La femme sourit et prit la main de Karina, puis prononça quelques mots.
Karina secoua la tête. “Je ne comprends pas votre langue.”
La blonde dit quelque chose à Kady.
“Vous ne parlez pas donc pas l’anglais?” demanda Kady.
L’autre femme parla de nouveau, puis la blonde dit quelque chose.
“Vous savez ce qu’elles sont entrain de faire, Mon adj’?” demanda Kawalski.
“Parler beaucoup pour ne rien dire?”
“Je pense qu’elles essaient différentes langues avec nous.”
“Ouais,” dit Lojab, “eh bien moi, je pense que ce sont des idiotes. Pourquoi est-ce qu’elles ne parlent pas anglais comme tout le monde?”
“Pour moi, c’est du chinois.” dit Kady.
Alexander regarda Kady. “Tu pourrais bien avoir raison. Hé, Spiros,” dit-il dans son micro.
“Oui, Mon adj’?” dit le soldat Zorba Spiros.
“Où est-ce que t’es?”
“Je suis ici. A l’autre feu de camp.”
“Ramène-toi ici en quatrième vitesse.”
Spiros fut bientôt près d’Alexander. “Waouh, elles sont sexy.”
“T’es bien grec?” dit Alexander.
“Mes parents le sont.”
“Essaie un peu de parler grec à ces gens.”
“Je ne le parle pas très bien.”
“Est-ce que tu peux dire, ‘Bonjour, on est où, nom de Dieu?’”
Spiros prononça deux mots, s’arrêta, regarda par terre, puis vers les arbres. “Hum…” dit-il puis il posa une question en grec.
Les deux femmes le fixèrent un instant puis se regardèrent. Celle de droite posa une question à Spiros.
“Quoi?” dit Spiros en étendant les mains, paumes vers le haut. L’autre femme reposa la même question.
“Alors, Spiros?” demanda Alexander. “Elles parlent grec?”
“Ouais, mais…”
“Mais quoi?”
“C’est pas le même grec que celui que j’ai appris. On dirait … un dialecte différent ou un truc du genre.”
La première femme posa une autre question.
“Je pense qu’elles ont demandé quelle langue je parlais, et ensuite elle a demandé si on venait d’Ibérie.
“Demande lui à combien on est de Kandahar.” dit Alexander.
Spiros posa la question, et celle de gauche répondit. “Elle a demandé, ‘A combien d’où?’ Elles n’ont jamais entendu parler de Kandahar.”
La femme dit autre chose.
“Hé…” dit Spiros en fixant la blonde.
“Qu’est-ce qu’il y a?” demanda Alexander.
“Je crois qu’elles parlent le linéaire B.”
“Le linéaire quoi?”
“Le linéaire B,” dit Spiros.
“Attends un peu,” dit Karina. “Le linéaire B n’a jamais été une langue parlée. C’était une forme ancienne de grec écrit.”
“Tu veux dire,” dit Kawalski, “qu’elles ne parlent pas le grec moderne?”
“C’est ça,” dit Spiros. “Vous vous souvenez, au collège, quand on lisait les Contes de Canterbury il y avait des passages écrits en anglais du Moyen-Age?”
“Ouais,” dit Alexander.
“Si on te parlait en vieil anglais, tu aurais du mal à comprendre, mais certains mots sont restés les mêmes. C’est ce que j’entends, il y a des mots grecs que je comprends et beaucoup qui sont du grec ancien.”
La femme aux cheveux bruns toucha le bras de Spiros et posa une question.
Spiros parut surpris, puis secoua la tête. “Non.’
“Qu’est-ce qu’elle a dit?” demanda Alexander.
“Elle a demandé si on est des Romains.”
Chapitre Six
“Va chercher l’Apache,” dit Kawalski. “Elle peut leur parler en indien.”
“Tu sais quoi, Kawalski?” dit Alexander.
“Ouais, je sais. Ferme ta putain de gueule.”
“Par moments, Kawalski,” dit Alexander, “tu as des éclairs de génie.” Il parla dans son micro, “Soldat Autumn Eaglemoon, à l’avant-centre.”
Autumn arriva en petites foulées à l’endroit où Alexander et les autres se tenaient face aux femmes. “Si elles ne comprennent pas l’anglais, Mon adj’, y a des putains de chance qu’elles comprendront pas l’apache.” Elle avait écouté la conversation sur sa radio.
“Non,” dit Alexander. “Mais à l’anniversaire de Kawalski, on a joué “Né Comme ça,” et tu t’es levée et tu as fait la chanson en langue des signes.”
“Ouais, mais j’étais aux trois-quarts bourrée ce jour-là.” Elle regarda les deux femmes. “Je peux pas parler à ces gens en langue des signes.” Elle regarda Alexander. “A moins que t’aies une bouteille d’eau de feu planquée dans ton sac à dos.”
“Essaie pour voir, Eaglemoon. Si ça ne marche pas, on essaiera autre chose.”
“D’accord, c’est vous qui décidez.” Elle passa son fusil à Alexander et déposa son sac à dos à terre. “Comme vous n’avez pas d’alcool, faut que je me lance. Alors, voyons.” Elle fit un mouvement de la main, en montrant tous les membres de sa section. “Nous,” dit-elle en joignant les mains en forme d’oiseau et en les agitant dans l’air comme des ailes, “avons volé haut dans le ciel.” Elle leva les mains au-dessus de la tête et les creusa en forme de parachute, puis les descendit. “Nous avons sauté de notre avion et sommes descendus jusqu’au sol.”
Les deux femmes regardaient attentivement la main d’Autumn et les mouvements de son corps. La brune semblait perplexe, mais la blonde s’approcha d’Autumn. Elle lui toucha le bras, dit quelques mots et montra un corbeau qui volait au-dessus d’elles. Elle répéta le geste qu’Autumn avait fait en langue des signes et termina par un regard interrogateur, comme pour demander si c’était bien exact.
“Oui,” dit Autumn. “Et maintenant,” Elle leva les bras et étendit les mains, paumes vers le haut, tout en haussant les épaules et en regardant aux alentours comme si elle cherchait quelque chose, “on est perdus.”
La blonde regarda fixement Autumn pendant un instant, puis fit un geste qui englobait tous ceux de la section. “Vous être verdus?” dit-elle en reproduisant les signes utilisés par Autumn pour indiquer qu’ils étaient perdus.
Autumn acquiésça.
La blonde secoua la tête, tendit les bras vers Autumn et lui mit un bras autour des épaules. Elle prononça quelques mots et fit le mouvement de s’écarter, en gardant la main sur le bras d’Autumn. Elle fit le geste pour tous les hommes d’Alexander, puis le même geste en désignant tout son peuple et en prononçant quelques mots.
Autumn interpréta les paroles qu’elle pensait être celles de la femme, “Votre section et mes gens…”
Elle fit un geste de rassemblement en direction de la section.
“Non, attends,” dit Autumn. “Elle veut dire que ses gens rassemblent nos gens…”
La femme parla et montra son oeil, puis la section.
La blonde et Autumn échangèrent d’autres signes de la main, mais Autumn ne parlait pas à voix haute : elle se contentait d’observer et de répondre avec les mains.
Au bout d’un moment, Autumn attrapa la main de la femme. “Autumn,” dit-elle en mettant la main sur sa poitrine.
“Autumn?” demanda la blonde.
“Oui.”
“Autumn.” Elle mit la main sur sa propre poitrine. “Tin Tin Ban Sunia.”
“Tin Tin Ban Sunia. Quel beau nom.”
Tin Tin Ban Sunia conduisit Autumn vers l’autre femme. “Liada,” dit-elle en joignant les mains des deux femmes. “Autumn,” dit-elle à Liada.
“Liada,” dit Autumn. “Je suis enchantée de faire votre connaissance.”
Les trois femmes marchèrent ensemble vers les chevaux, en s’éloignant de la section.
Liada sourit. “Autumn.” dit-elle et prononça d’autres mots.
Autumn toucha la joue de Tin Tin. “Ce n’est pas un tatouage.”
“Qu’est-ce que c’est?” demanda Kawalski par radio.
“C’est cicatrisé, et on dirait un marquage au fer rouge.”
“Elle a été marquée au fer rouge?” demanda Kawalski . “Comme une vache?”
“Oui, et d’après l’aspect de la cicatrice, ça a été fait il y a bien longtemps. Ca ressemble à une fourche, avec un serpent qui s’enroule autour du manche, et puis il y a une flèche en travers du manche.”
Tin Tin sourit et tendit le bras pour tourner le visage de Liada de l’autre côté.
“Liada en a un identique,” dit Autumn. “Elles ont toutes les deux été marquées dans leur enfance.”
Tin Tin parlait à Liada en utilisant la langue des signes pour que Autumn comprenne. Elle avança vers la section et toucha l’épaule d’Autumn. Liada montra Alexander du doigt. Toutes les trois le regardèrent. Elle étaient à environ trente mètres de là. Tandis qu’Alexander, qui était l’objet de tous leurs regards, ne savait plus où se mettre et changeait le fusil d’Autumn d’une main à l’autre, Kawalski se mit à rire.
“Arrête, Kawalski,” dit Alexander.
“Bien, Mon adj’.” dit Kawalski avec son grand sourire.
“Lui, c’est Alexander,” dit Autumn à Liada.
“Alder…” dit Liada. “Alexder?”
“Ouais, c’est pas facile à dire. Appelez-le simplement ‘Mon adj’” sourit-elle. “Mon adj’.”
“Mon adj’?” demanda Liada.
“Oui, il s’appelle ‘Mon adj’”
Tin Tin et Liada se parlèrent un moment, en répétant plusieurs fois le mot “Mon adj’”.
Liada tapa sur le casque d’Autumn du revers de la main et haussa les épaules.
“Oh, ça?” Elle défit la boucle de sa mentonnière et retira son casque, laissant retomber ses longs cheveux noirs. Elle le tendit à Liada. “Casque.”
“Casque?” Liada le prit et l’examina.
Tin Tin tendit la main pour toucher les cheveux d’Autumn. Elle sourit et dit quelque chose en passant les doigts dans ses cheveux noirs qui lui descendaient jusqu’à la taille.
“Merci,” dit Autumn, “mais ils doivent être vraiment affreux.”
Elle tira une brosse d’une poche intérieure de sa veste, ramena ses cheveux par-dessus son épaule, et commença à les brosser. Tin Tin Ban Sunia était fascinée par la brosse à cheveux. Elle dit quelque chose à Liada.
“Oh non, c’est pas vrai,” dit Kawalski par radio. “Et voilà, c’est parti. D’abord les cheveux, et puis elles vont parler maquillage. Et ensuite elles passeront aux vêtements.”
Liada regardait le casque, inclinant la tête de côté en fronçant les sourcils.
“Je crois que Liada nous entend,” dit Karina.
Autumn rejeta ses cheveux en arrière par-dessus son épaule et tendit sa brosse à Tin Tin, qui sourit et essaya de brosser ses cheveux, mais ils étaient trop emmêlés.
“Attends,” dit Autumn, “laisse-moi te montrer.” Elle ramena les cheveux de Tin Tin par-dessus son épaule et commença par les extrémités. Ses cheveux étaient presque aussi longs que ceux d’Autumn. “Tu sais quoi? Il y a des femmes qui tueraient pour avoir les cheveux naturellement bouclés.”
Autumn et Tin Tin continuaient de discuter en utilisant la langue des signes pendant qu’Autumn brossait les cheveux de Tin-Tin, mais le reste de la section ne pouvait plus les entendre.
“Je crois bien que vous avez perdu le contrôle de celle-ci, Mon adj’,” dit Kawalski.
Alexander confirma.
Tin Tin avança vers la section et posa une question. Autumn leva le bras droit et le pointa vers le sud-est. Elle fit un geste ascendant et descendant avec la main, comme quelque chose de très loin par-delà les collines. Elle donna ensuite la brosse à Tin-Tin pour se libérer les mains et demanda en langue des signes, “Quel est cet endroit?”
Tin Tin parla, mais la section ne put entendre ce qu’elle disait. Autumn toucha la manche de la tunique de Tin-Tin pour voir en quelle matière elle était. Tin Tin posa une question concernant la fermeture éclair sur la veste camouflée d’Autumn.
“Qu’est-ce que je disais?” dit Kawalski. “C’est parti avec les vêtements. Pour le rouge à lèvres, ça devrait pas tarder.”
“Kawalski,” dit Karina, “tu ne sais même pas ce qui est important dans la vie, hein?”
“Eh bien, apparemment c’est les cheveux, les vêtements et le maquillage. L’apache semble avoir oublié de demander ‘Où on est?’, ‘Qui vous êtes?’, et ‘Vous faites quoi avec tous ces éléphants?’”
Liada leva le casque vers son oreille, visiblement par curiosité. Elle jeta un coup d’oeil à Autumn, en haussant les sourcils.
“Bien sûr, mets-le.” Autumn fit un mouvement vers la tête de Liada.
“Hé, Mon adj’,” dit Lojab. “Z’avez vu ça?”
“Ca promet d’être intéressant,” dit Alexander.
“Est-ce qu’elle nous entend?” demanda Sparks.
“Bien sûr, si l’apache a sa radio allumée.”
“Hé ma jolie,” dit Lojab.
Quand la moitié de la section se mit aussitôt à parler, Liada poussa un cri d’exclamation et arracha le casque de sa tête. Elle regarda dedans, puis tout autour de l’extérieur du casque, pour finalement le tendre à Tin-Tin, en lui disant quelque chose. Tin Tin regarda à l’intérieur mais secoua la tête.
Autumn se pencha tout prêt du micro dans le casque. “Si vous voulez parler aux dames, faites-le un par un. Sinon, vous leur fichez la trouille.” Elle fit signe à Tin Tin de mettre le casque en rejetant les cheveux de Tin Tin par-dessus son épaule.
Tin Tin tendit la brosse à cheveux à Liada, puis coiffa délicatement le casque en inclinant la tête de côté et écouta. Ses yeux s’agrandirent.
“Mon adj’?”
“Mon adj’?” demanda Liada en commençant à se brosser les cheveux comme elle avait vu Autumn le faire pour Tin Tin.
Tin Tin tapota sur le bord de son casque, au niveau de son oreille droite. Elle dit quelque chose d’autre à Liada, puis elles regardèrent toutes deux en direction d’Alexander, qui souriait et tapotait le bord de son casque. Autumn montra le minuscule micro intégré dans le bord intérieur du casque et lui fit signe de parler de la main.
Tin Tin parla dans le micro. “Tin Tin Ban Sunia.”
“Mon adj’,” dit Alexander.
Tin Tin sourit. “Liada,” dit-elle en désignant son amie.
“Liada,” dit Mon adj’.
“Autumn,” dit Tin Tin.
“C’est ça, Autumn Eaglemoon.”
“C’est ça,” Tin Tin répéta. “Autumn Eagle Mon.” Elle sourit à Autumn.
“Hé, Mon adj’,” dit Lojab. “Je l’ai vue en premier. Laissez-moi lui parler.”
Tin Tin regarda autour d’elle pour localiser la nouvelle voix. Alexander montra Lojab.
“Lojab,” dit-il dans son micro.
“Lojab,” dit Tin Tin.
“Salut, Tin Tin.” dit Lojab en faisant un signe de la main.
Elle fit un signe et souria. “Egare porch mcdongol.”
Lojab se mit à rire. “j’ai égaré ma Porsche.”
“Egare ma porch.”
“Bien,” dit Lojab.
“Bien.”
Liada dit quelque chose à Tin Tin, qui enleva son casque et le tendit à Liada. Liada donna ensuite la brosse à Tin Tin et mit le casque.
“Mon adj’?”
“Liada,” dit Alexander.
Lojab avança vers Tin Tin, en enlevant son casque. Ses cheveux blonds étaient taillés très courts. Il mesurait un peu plus d’un mètre quatre-vingt, et son corps était robuste et musclé. Ses manches étaient relevées, laissant voir un tatoutage de Jésus-Christ sur une Harley, qui ornait son biceps gauche. Jésus avait un grand sourire, avec son auréole qui flottait au vent.
“Lojab égare ma porch,” dit Tin Tin en se mettant à rire.
“Tu apprends vite, Tin Tin.”
Lojab lui tendit la main. Elle regarda sa main pendant un moment puis lui avança la sienne pour la serrer, elle paraissait plus intéressée par autre chose. Elle passa la main sur le sommet de son crane.
“C’est une boule à zéro,” dit Lojab.
“Boule à zéro.” Elle toucha sa barbe de deux jours. “Boule à zéro?”
“Ouais.” Lojab avança vers les arbres. “Tu veux faire un tour avec moi?”
“Low Job,” dit Autumn, “espèce de crétin. Tu l’as rencontrée il y a deux minutes, et t’essayes déjà de l’entraîner dans les buissons.”
“Et alors l’apache, qu’est-ce que ça peut faire? Du moment qu’elle est d’accord…”
“Elle n’a aucune idée de ce que tu veux faire avec elle.”
“Alors pourquoi est-ce qu’elle sourit?”
“Je sais pas, Low Job,” dit Autumn. “Peut-être qu’elle essaie de se lier d’amitié avec un idiot.”
“C’est pas que je voudrais gâcher cette petite fête,” dit Alexander en approchant d’eux, “mais est-ce quelqu’un sait où on est?” Il ôta son casque.
“Mon adj’,” dit Tin Tin. “Casque?”
“Bien sûr,” dit Alexander. “Vas-y.”
“Liada?” dit Tin Tin dans le micro après qu’elle ait coiffé le casque.
“Tin Tin,” dit Liada. Elles s’éloignèrent l’une de l’autre tout en parlant et en testant apparemment la portée du sytème radio.
“L’endroit où nous sommes s’appelle la Gaule—” commença Autumn.
“La Gaule?” dit Karina en venant vers eux et en retirant son casque. “C’est ce qu’elles ont dit, ‘La Gaul?’”
“Oui,” dit Autumn.
“Mon adj’,” dit Karina. “La Gaule, c’est l’ancien nom de la France.”
“Vraiment?” dit Alexander. “Quel est le nom de cette rivière?”
“J’ai pas trouvé comment demander ça,” dit Autumn “mais je crois qu’elles envisagent de la traverser.” Et autre chose…”
“Quoi donc?” demanda Alexander.
“Elles n’ont aucune notion des années, des dates, ni même des heures de la journée.”
Alexander regarda Tin Tin et Liada qui se comportaient comme deux enfants avec un nouveau jouet. “Bizarre,” murmura-t-il. “Et apparemment, elles n’ont jamais entendu parler non plus de communication sans fil.”
Chapitre Sept
“Si seulement ce putain de truc avait des roues,” dit Kawalski.
“Arrête de râler, Kawalski,” dit Autumn, “et soulève de ton côté.”
“Oh, j’ai pris le coin de mon côté, et je vais sûrement être obligé de porter le tien aussi.”
Le reste de la section emboîta le pas aux quatre soldats qui portaient la caisse à armement.
“Où est-ce qu’on va avec ça, Mon adj’?” demanda Lojab. Il était à l’avant-gauche, face à Kawalski.
Alexander était à l’arrière-gauche de la caisse, avec Autumn en face de lui. “On va jusqu’à la rivière.”
“Je me suis pas engagé pour être l’esclave que quelqu’un,” marmonna Lojab entre ses dents, mais tout le monde l’entendit.
“On est tous dans la même galère,” dit Autumn.
“Ouais, et si on se plaignait tous, notre intrépide chef y ferait quelque chose.”
“Du genre, Lojab?” demanda Mon adj’.
“Du genre à nous sortir de ce trou.”
“T’as une idée de comment on pourrait faire?”
“C’est vous l’adjudant, pas moi,” dit Lojab. “Mais ce que je peux dire, si c’est moi qui commandais, on ne serait pas en train de suivre à la queue-leu-leu derrière une bande d’hommes des cavernes, à enjamber des bouses d’éléphant et à porter cette boîte qui pèse une tonne.”
“T’as raison, c’est moi l’adjudant, et jusqu’à ce que tu me remplaces, c’est moi qui donnerai les ordres.”
“Oui, mon adjudant. Bien, mon adjudant.”
“Pourquoi tu fermes pas tout simplement ta gueule, Lojab?” dit Autumn.
“Hé,” dit Kawalski, “regardez un peu qui est-ce qui s’amène.”
Liada longeait la piste à cheval, venant de la tête de la colonne. Sa monture était un étalon fougueux à la robe baie claire. Lorsqu’elle vit la section, elle traversa et alla au petit galop vers eux. Elle montait à cru, avec son arc et son carquoi accrochés par une sangle en cuir sur l’épaule du cheval. Lorsqu’elle arriva à hauteur de la troupe, elle se laissa glisser à terre en laissant ses rênes en travers de l’encolure du cheval. Elle se mit à marcher aux côtés d’Alexander, tandis que son cheval suivait.
“Mon adj’?” dit-elle, “bonne nuit.”
“Bonjour, Liada,” dit Alexander. “Comment allez-vous ce matin?”
“Comment allez ce matin?”
“Bien.” dit Mon adj’.
“Bien.” Elle marchait à côté d’Autumn. “Autumn Eaglemoon va ce matin?”
“Bien,” dit Autumn.
“Bien.”
Elle donna une petite tape sur le coffre à armement, et elle demanda en langue des signes où ils allaient. De sa main libre, Autumn fit un geste aquatique et pointa vers l’avant.
“Fleuve.”
“Fleuve,” dit Liada. Elle fit le geste de soulever des deux mains.
“Oui, c’est lourd.” dit Autumn en essuyant la sueur de son front.
“Lourd.” Liada leur fit signe des deux mains de le déposer.
“Hé, les mecs. Elle veut qu’on le pose une minute.”
“Je suis pour,” dit Kawalski tandis qu’ils quittaient la piste et le déposaient au sol.
Liada prit l’une des poignées et souleva. “Lourd.” Elle s’essuya le front et fit des signes de la main à Autumn.
“Elle veut qu’on attende quelque chose ici.” dit Autumn. “Je sais pas trop quoi.”
Elle s’adressa à Liada. “C’est OK.”
“OK,” dit Liada, puis elle grimpa sur son cheval et partit au galop vers l’avant de la colonne.
“C’est une sacrée cavalière,” dit Lojab.
“Et vous avez vu un peu comment elle a monté ce cheval?” dit Kawalski. “Deux petits pas rapides, et elle a balancé sa jambe par-dessus son dos comme si c’était un poney Shetland.”
“Ouais,” murmura Lojab en la regardant s’éloigner et disparaître après un virage de la piste. “Tout ce que je pourrais faire avec une femme comme elle.”
“Bon sang,” dit Autumn. “Quand est-ce que vous allez arrêter de vous baver dessus tous les deux? On dirait que vous n’avez jamais vu une fille faire du cheval.”
Les hommes avaient les yeux fixés sur l’endroit où Liada se trouvait un instant plus tôt.
“Oh, j’ai déjà vu des filles faire du cheval,” dit Lojab. “Mais toutes celles que j’ai vues avaient besoin d’un mec pour les aider à monter, et encore il y avait un étrier pour les aider. Ensuite, quand le cheval se met à courir, les filles rebondissent comme des ballons de basket à queues de cheval.”
“Liada elle se jette simplement sur son dos,” dit Kawalski, “puis elle chevauche la bête comme si elle faisait corps avec elle.”
“Autumn,” dit Kady, “est-ce que tu penses que ces mecs ont déjà eu un rancard avec une vraie femme?”
“Oui, sûrement une vraie femme gonflable,” dit Autumn.
“Ouais, à huit quatre-vingt quinze sur eBay,” dit Kady.
“Y a qu’à la gonfler, et elle est prête,” dit Autumn. “pas besoin de lui payer des verres ou un dîner ; y a qu’à la mettre au pieu.”
“Ah ouais?” dit Lojab. “Et si on parlait les filles de votre façon d’être complètement baba devant ce grand officier moche comme un cul avec sa cape du Petit Chaperon Rouge?”
“Ouh, Rocrainium,” dirent les quatre femmes, puis elles se mirent à glousser.
“Rocrainium?” dit Kawalski. “Comment est-ce que vous connaissez son nom?”
“Oh, on a nos sources.” dit Autumn en faisant des gestes vagues de la main, puis les autres en firent autant, et elles recommencèrent à glousser.
“Hé,” dit Lojab, “la voilà qui arrive.”
Liada vint vers eux sur le bord de la piste en dépassant un troupeau de bétail. Elle était suivie par un chariot tiré par un attelage de boeufs. Ils s’arrêtèrent bientôt devant la caisse d’armement et Liada descendit de cheval.
Alexander alla voir dans le chariot : il était vide. Il jeta un coup d’oeil à la femme dans le chariot. Elle était debout les bras croisés, et avait l’air en colère. Il vit ensuite le bandage de gel sur son bras et se rappela la profonde entaille qu’ils avaient soignée.
“La blessure à l’épée,” murmura-t-il
Kawalski s’approcha du bord du chariot. “Bonjour.”
La femme regarda Kawalski, et son visage s’éclaira. Elle se mit à genoux dans le fond du chariot et lui fit voir son bras. Elle dit quelque chose qu’il ne comprit pas.
“Oui, ça a l’air bon.” dit-il en passant les doigts sur le bandage.
Elle s’adressa de nouveau à lui.
“Hé, l’apache,” dit Kawalski, “viens me dire ce qu’elle raconte.”
Autumn et Liada se placèrent à côté de Kawalski. La femme dit quelque chose à Liada, qui avança vers elle, puis vers Kawalski. Liada mit deux doigts à ses lèvres, puis sur sa poitrine, et fit un signe vers lui.
“Elle veut te remercier d’avoir arrangé son bras.” dit Autumn.
“Comment est-ce qu’on dit, ‘De rien?’”
“Touche-toi le coeur, ensuite tends la main à plat, paume vers le haut.”
Kawalski lui fit le signe. Elle sourit et dit encore quelque chose. Kawalski regarda Autumn, qui regarda ensuite Liada.
Liada dit à la femme : “Kawalski.”
“Kalski,” dit-elle. Puis sans regarder M’n adj’, Sarge, elle le montra du doigt et posa une question à Liada.
“Mon adj’,” dit Liada.
La femme s’adressa à Liada, qui se mit à rire. La femme redit la même chose en ajoutant les mots “Mon adj’” deux autres fois.
Liada haussa les épaules et s’adressa à Autumn. “Cateri parler à Mon adj’, hum…” Elle fit d’autres signes.
Autumn sourit. “Cateri, j’aime ce nom. Sarge, Kawalski, je vous présente Cateri.”
“Qu’est-ce que Cateri avait à dire sur moi?” demanda Alexander.
“Eh bien,” dit Autumn, “elle a dit que vous pouvez charger votre boîte dans son chariot, et suivre en marchant.”
“Formidable. Dis-lui simplement que la boîte appartient à Kawalski. Et alors elle va sauter à terre, aider à la charger et peut-être le laisser conduire.”
“OK,” dit Autumn à Cateri. “Mon adj’ a dit que ce sera formidable.”
“Oh, tout ce que tu voudras,” dit Alexander.
“OK,” dit Liada, puis elle s’adressa à Cateri.
“OK,” dit Cateri. Elle avança vers Alexander, puis désigna la caisse d’armement.
“Entendu,” dit Mon adj’, “vous avez entendu la patronne, on charge.”
Tandis qu’ils chargeaient la caisse, Liada enfourcha son cheval.
“Je crois que Cateri vous aime bien, Mon adj’,” dit Kawalski tandis qu’ils faisaient glisser le conteneur dans le chariot.
“Vraiment? Si c’est comme ça qu’elle agit quand elle m’aime bien, qu’est-ce que ce serait si elle me détestait?”
Lojab s’approcha et attrapa la bride du cheval de Liada. “Comment tu vas, Ma Jolie?”
Liada lui retourna un sourire, puis regarda Autumn.
Autumn, debout derrière Lojab, tira la langue et fit une grimace de dégoût. Puis elle leva le pied comme pour botter les fesses de Lojab.
Liada se mit à rire.
Lojab ricana du sourire d’Autumn. “Demande-lui où est-ce que les gens vont prendre quelques verres,” dit-il.
“OK,” dit Autumn. “Regarde-la pour voir ce qu’elle pense.”
Lojab leva les yeux vers Liada. Autumn pointa son index droit sur Liada, puis le gauche sur Lojab. Ensuite, elle joint ses deux doigts, en les plaçant l’un au-dessus de l’autre, et en les tortillant de haut en bas. Enfin, elle fit le geste de bercer un bébé dans ses bras.
Liada plissa le front pendant un instant, mais ensuite son visage s’éclaira et elle se mit à rire.
Les autres, qui avaient observé la scène, se retenaient de rire.
“Qu’est-ce qu’il y a de si drôle?” dit Lojab en regardant Autumn, puis les autres qui essayaient de se contrôler. Même Cateri comprit le comique de la situation.
“Autumn,” dit Liada en lui faisant signe de s’approcher.
Ele se pencha pour lui demander quelque chose, puis Autumn lui répondit en chuchotant.
Liada sourit. “Kawalski,” dit-elle en donnant une tape sur le dos du cheval derrière elle. “Faire un tour?”
Kawalski leva les yeux vers elle, pointa le doigt sur sa poitrine, puis vers elle.
Elle fit oui de la tête.
“Tiens.” dit Kawalski en tendant son fusil à Autumn. “Tiens-moi ça.”
Il essaya de balancer la jambe en travers du dos du cheval mais il n’y parvint pas. Liada lui donna la main. Il la prit et se hissa derrière elle.
“Attrape,” dit Autumn en lui jetant le fusil.
Liada se retourna vers lui tandis qu’il jetait le fusil en bandoulière sur son épaule.
“OK,” dit Kawalski.
Elle donna un coup de talons dans les flancs du cheval. Quand le cheval fit un bond en avant, Kawalski faillit tomber à la renverse, mais il prit Liada par la taille pour se tenir.
“Ce putain de maigrichon,” dit Lojab. “Qu’est-ce qu’elle lui trouve donc?”
Autumn haussa les épaules, puis appuya sur le bouton de sa radio. “Hé, Kawalski.”
“Q-q-q-quoi?”
“Tu rebondis.”
“Mais non, p-p-p-p-putain.”
Les autres se mirent à rire.
Alexander regarda Liada et Kawalski disparaître sur leur cheval après un virage de la piste. “Cateri,” dit-il.
Elle baissa les yeux vers lui.
“Je crois que ceci t’appartient.”
Il sortit son fouet de la poche de sa hanche et le lui jeta. Elle attrapa le fouet et le déroula du manche tout en gardant les yeux sur lui. Alexander ensuite se recula, elle fit un grand sourire et donna un coup sec de son fouet au-dessus de la tête des deux boeufs. Comme ils ne bougeaient pas, elle claqua les rênes contre leurs croupes. Les boeufs beuglèrent en signe de protestation mais se mirent ensuite à avancer d’un pas lourd. La section ferma la marche derrière le chariot.
* * * * *
Liada fit ralentir son cheval lorsqu’ils approchèrent des chariots remplis de vivres.
“Qu’est-ce qu’il y a dans ces coffres?” dit Kawalski, en désignant cinq lourdes caisses en bois dans l’un des chariots.
Liada regarda les caisses et lui dit quelque chose.
“Hé, l’apache,” dit-il par radio. “Comment dit-on ‘Qu’est-ce qu’il y a dans ces caisses?’ en langue des signes?”
“Désolé, Homme Blanc, tu gères tout seul.”
“Eh bien, j’te remercie. Quoi que ce soit, ça doit avoir de la valeur. Ils ont six soldats derrière, et six devant.”
Liada continua à parler et à montrer différentes choses tandis qu’ils dépassaient un chariot rempli de tranches de viande, de jarres de vin de datte et de ballots de peaux de bêtes. Lorsqu’ils arrivèrent aux chariots chargés de jarres de céréales, ils entendirent trois brefs coups de trompette. D’une talonnade, Liada lança son cheval au galop et ils entendirent bientôt des clameurs et des cris plus en avant. En abordant le virage suivant sur la piste, ils virent que le convoi de bagages se faisait attaquer.
“Les Chiens de Bisons!” cria Kawalski par radio. Lui et Liada se laissèrent glisser pour mettre pied à terre, tandis qu’elle saisissait son arc et ses flèches puis il enleva son fusil de son épaule et ouvrit le feu.
“Ils sont combien?” demanda Alexander tout en avançant avec les autres.
“Trop!”
Kawalski fit feu sur un bandit qui courait vers lui en brandissant une épée. La balla toucha l’homme à la poitrine, l’envoyant tournoyer de côté et le renversant par terre.
Liada dit quelque chose et Kawalski la regarda. Elle banda son arc et laissa partir la flèche. Il suivit le vol de la flèche pour la voir frapper un bandit à la poitrine. Il s’écroula en empoignant la tige de la flèche.
Il en arrivait encore une multitude d’autres qui sortaient des bois, tout au long de la piste. Les fantassins se mirent à courir pour s’attaquer aux bandits, en utilisant d’abord leurs lances, puis à grands coups d’épée pour le combat rapproché.
“Kawalski!” cria Liada.
Il vit d’autres attaquants sortir des bois de l’autre côté de la piste et descendit deux hommes qui étaient montés dans un chariot. Il fit passer son fusil du côté gauche, en en visant trois autres qui couraient vers lui, mais lorsqu’il appuya sur la détente, le chargeur était vide.
“Liada!” cria-t-il. “Viens par ici!”
Il éjecta le chargeur vide et en attrapa un autre à sa ceinture. Liada décocha une flèche, qui traversa le cou d’un homme.
Kawalski actionna la culasse, en poussant une cartouche dans la chambre, mais les deux hommes étaient déjà presque sur eux. Alors, au lieu de cela, il laissa tomber son fusil et attrapa son pistolet Sig.
Liada tira sa dernière flèche, atteignant un homme au flanc mais il continuait à avancer.
Kawalski tira un coup de feu, tuant l’autre homme.
Liada ramassa le fusil au sol et l’utilisa pour bloquer l’épée qui arrivait sur la tête de Kawalski. Kawalski attrapa ensuite le bras du bandit qui tenait l’épée, enfonça son pistolet dans le ventre de l’homme et tira. L’homme tituba en arrière en serrant son ventre dans ses mains.
Kawalski arracha l’épée des mains de l’homme agonisant et la balança pour contrer un autre bandit qui le menaçait avec une hache. Il entendit Liada crier mais il ne put lui répondre – l’homme à la hache revenait à la charge sur lui. Kawalski leva son épée en visant le cou de l’homme mais toucha son bras à la place, faisant tomber la hache par terre. Tandis que l’homme s’empressait de récupérer sa hache, Kawalski sentit un coup dans le dos. Il trébucha et laissa tomber son pistolet.
Liada saisit le fusil par le canon, et en s’en servant comme d’une crosse, elle repoussa un autre attaquant.
Un bandit arriva sur Kawalski, en brandissant une épée ensanglantée. Kawalski leva son épée pour contrer le coup. Les deux épées se rencontrèrent avec un fracas métallique. L’épée s’échappa de la main de Kawalski et il tomba à genoux. Il chercha à prendre son couteau à sa ceinture tandis que le bandit relevait son épée pour frapper à nouveau.
Liada balança un coup avec le fusil, frappant l’homme à la nuque.
Kawalski évita l’homme qui tombait en faisant une roulade. En se mettant à genoux, il vit un bandit qui arrivait sur Liada par derrière. Il ramassa son pistolet à terre et tira deux fois, touchant l’homme à la jambe au deuxième coup. Lorsque l’homme s’écroula, Liada le matraqua avec le fusil.
D’autres bandits arrivaient en foule depuis les bois, en criant et agitant leurs épées.
Liada laissa tomber le fusil et ramassa une épée ensanglantée par terre. N’ayant pas le temps d’aller chercher son fusil, Kawalski attrapa Liada par le bras, en l’attirant vers lui.
“Dos à dos,” dit-il en tenant son dos contre le sien. “On va s’en faire quelques uns.”
Liada dit quelque chose et il sut qu’elle avait compris.
Tandis que les bandits arrivaient sur eux de toutes parts, Kawalski tira deux autres coups de pistolet. Il éjecta son chargeur vide et en engagea un autre dans la chambre, mais avant qu’il n’aie eu le temps de l’armer, il entendit une salve de coups de fusils.
“Voilà la cavalerie!” cria Kawalski.
Liada poussa un cri. Kawalski tira par-dessus son épaule, tuant un homme qui était presque arrivé sur eux.
“Kawalski!” dit Alexander par radio. “A terre!”
Kawalski enveloppa Liada avec ses bras en l’attirant au sol. Des balles sifflèrent au-dessus de leurs têtes tandis que la section d’Alexander fauchait les bandits.
Les attaquants n’avaient plus aussi peur des tirs que le jour précédent, mais quand ils virent autant de leurs hommes se faire balayer mortellement par la mitraille, quelques uns se mirent à courir vers les bois. Ils battirent bientôt tous en retraite, avec quelques bandits blessés qui les suivirent en boîtant. Ceux-ci furent fauchés par les fantassins qui envahirent le champ de bataille des deux côtés.
Kawalski se mit à genoux et souleva Liada du sol. Il rejeta ses cheveux en arrière et dépoussiéra son visage.
“Es-tu blessée?”
Elle sourit tandis qu’il vérifiait si elle était blessée. Elle avait de nombreuses coupures et contusions sur le visage et sur les bras, mais rien de grave. Ses mains étaient en sang, mais c’était celui des bandits. La jupe de sa tunique était déchirée de la taille jusqu’au genou, mais sa jambe était seulement éraflée.
Kawalski essaya de se tenir debout mais retomba sur les genoux. “Je crois que j’ai un peu le vertige.”
Liada plaça les mains sur son cou, en recherchant des blessures. Elle lui passa les mains sur les épaules, puis le long de ses bras et autour de sa taille. Elle poussa un cri d’exclamation lorsqu’elle vit du sang frais sur sa main.
Elle examina son dos.
Il l’entendit dire quelque chose tandis qu’elle mettait son bras autour de ses épaules pour le coucher au sol. Elle l’aida à se mettre sur le flanc, se pencha près de sa bouche, et parla dans le micro de son casque.
“Autumn, Autumn!”
“J’arrive,” dit Autumn et elle courut vers eux.
Elle se mit à genoux, mit les doigts dans la déchirure de la chemise camouflée de Kawalski, et la déchira pour l’ouvrir. Elle retint sa respiration. “Bon sang, Kawalski.”
“Qu’est-ce qu’il…” Et il s’évanouit.
Chapitre huit
“Est-ce que quelqu’un a perdu sa ceinture textile?” demada Sharakova par radio.
“Non.”
“Non.”
“Non,” dit Alexander. “Pourquoi?”
“J’ai devant les yeux une ceinture textile sur un chien de bison mort.”
“Quel type de ceinture textile?”
“Fabriquée pour l’Armée américaine,” dit Sharakova. “Exactement comme celle que je porte.”
“Où es-tu, Sharakova?” demanda Alexander.
“A cent mètres devant, sur la gauche.”
“Ne laisse personne le dépouiller jusqu’à mon arrivée.”
“Entendu, Mon adj’.”
Quelques minutes plus tard, les autres regardèrent Mon adj’ enlever la ceinture du mort. Il l’examina, puis la passa à Joaquin.
“Ca doit être ma ceinture du capitaine,” dit Joaquin.
“Vous croyez qu’ils le retiennent prisonnier?” demanda Kady.
Alexander fixa un instant la ceinture. “Je n’en ai aucune idée.”
“Il nous faut l’apache,” dit Joaquin.
“Et Liada,” dit Kady Sharakova.
“Hé, Eaglemoon,” dit Alexander par radio. “T’es passée où?”
Pas de réponse.
“Elle doit avoir enlevé son casque,” dit Lojab.
“Ils ont mis Kawalski dans le chariot de Cateri,” dit Lori, “et l’ont emmené au camp principal, au bord de la rivière.
Alexander regarda alentour, observant les femmes et les enfants dépouiller les bandits morts de leurs vêtements. “Fichons le camp d’ici avant qu’ils nous tombent dessus.”
* * * * *
Au camp principal, Alexander compta les effectifs et constata que tout le monde était présent.
“Ne vous écartez pas d’ici, les gars. Restons groupés en attendant de découvrir la suite des événements.”
Il se mit à l’ombre d’un arbre et s’assit juste à côté de Kawalski, qui était enveloppé dans une couverture chauffante Mylar. Autumn était là, agenouillée près de Kawalski toujours inconscient, occupée à contrôler sa tension. Liada et Tin Tin Ban Sunia étaient agenouillées près d’elle, observant tout ce qu’elle faisait.
Lojab prit un paquet de Marlboros dans la poche intérieure de sa veste et s’avachit contre un arbre en allumant sa cigarette. Il expira la fumée par le nez en regardant le groupe autour de Kawalski.
“T’en penses quoi, Eaglemoon?” dit Alexander en ôtant son casque pour frotter sa boule à zéro.
Elle enleva le stéthoscope de ses oreilles et le tendit à Liada. “Il a perdu beaucoup de sang, et la blesure est profonde. On l’a nettoyée et recousue, et je lui ai fait une injection de morphine.”
Liada plaça les embouts du stéthoscope dans ses oreilles comme elle avait vu Autumn le faire, puis elle ouvrit la couverture et glissa le pavillon dans la chemise déboutonnée de Kawalski. Ses yeux s’agrandirent au son du battement de son coeur. Autumn avait pris l’habitude d’utiliser les mains en s’adressant à Liada et Tin Tin. Les deux femmes semblaient en mesure de suivre la conversation, du moins jusqu’à un certain point.
“Sa tension est bonne, et son pouls est normal.” Autumn se tut un instant, observant Tin Tin essayer le stéthoscope. “Je pense qu’aucun de ses organes n’a été atteint. On dirait que l’épée est passée sous le bord de son gilet pare-balles et la transpercé de part en part, juste au-dessus de l’os de la hanche.”
“Tu as fait tout ce que tu pouvais pour lui.” dit Alexander. “Sans doute qu’il se réveillera quand la morphine aura cessé de faire effet.” Il tendit la ceinture textile à Autumn. “On a besoin de l’aide de Liada concernant ceci.”
“A qui elle appartient?”
“On l’a récupérée sur un chien de bison mort.” Alexander l’observa tandis qu’elle comprenait de quoi il s’agissait.
“Oh, mon Dieu! Le capitaine.”
“Il se pourrait qu’ils le retiennent prisonnier, ou bien –”
“Liada,” dit Autumn.
Liada la regarda.
“Cette ceinture,” dit-elle en la tendant à Liada, “est comme la mienne.” Autumn lui montra celle qu’elle avait autour de la taille. “Et celle de Kawalski.” dit-elle en montrant Kawalski. “Et celle de Mon adj’.”
Alexander lui montra sa ceinture.
“Mais celle-ci, notre homme est perdu.”
“Perdu?” demanda Liada.
“Oui,” dit Autumn. “Notre homme, comme Rocrainium.”
Tin Tin ôta le stéthoscope de ses oreilles. “Rocrainium?”
Alexander regarda ses troupes autour de lui. “Spiros, aide-nous un peu pour Tin Tin.”
Le soldat Zorba Spiros s’agenouilla près d’Autumn. “Qu’est-ce qu’il y a?”
“J’essaye de lui expliquer que le capitaine Sanders est un officier, tout comme Rocrainium.”
Spiros s’adressa à Tin Tin dans son grec maladroit. Elle prit la ceinture des mains de Liada.
“Vous homme Rocrainium?” demanda Tin Tin à Autumn.
“Oui.”
“Lui perdu à vous?”
Autumn fit oui de la tête.
“Ceinture venir où?”
“L’un des bandits l’a prise à notre Rocrainium.”
Elle tenta d’utiliser des gestes et des mouvements pour indiquer la bataille et les bandits morts. Spiros fit de son mieux pour aider.
“Vocontii,” dit Tin Tin à Liada, puis elle ajouta autre chose.
Liada acquiéça. “Vocontii.”
Tin Tin et Liada parlèrent pendant un moment.
“Um, cette bandits là…” Liada tenta d’expliquer par signes ce qu’elle voulait dire.
“Les bandits sont des Vocontii?” demanda Autumn.
“Oui, oui,” dirent ensemble Liada et Tin Tin. “Vocontii.”
Autumn observa les deux femmes parler entre elles de quelque chose.
“Autumn attendre près Kawalski,” dit Liada en se levant avec Tin Tin.
“Entendu.”
Tin Tin tendit le stéthoscope à Autumn, puis elles coururent toutes les deux jusqu’à l’autre bout du camp.
“Autumn,” dit Alexander, “d’après ce que j’ai vu de ces types-là…comment ils s’appellent déjà?”
“Les Vocontii.”
“D’après ce que j’ai pu voir d’eux, on serait très optimistes d’espérer retrouver le capitaine Sanders vivant.”
“Vous n’allez pas le laisser derrière nous, hein, Mon adj’?” dit-elle en faisant un geste vers son bras. “Même si la chance est très faible.”
“Laissez-le là,” dit Lojab. “Il peut se débrouiller.” Il cracha par terre. “Il faut qu’on fiche le camp d’ici.”
“Non.” Alexander regarda Lojab avec colère pendant un instant, puis Autumn. “Je ne laisserais jamais personne derrière, de même que le capitaine ne nous laisserait pas, nous non plus. Mais ces Vocontii sont tellement primaires et brutaux, je ne vois aucune raison pour qu’ils lui aient laissé la vie sauve. S’ils le retenaient contre une rançon…” Il regarda par-dessus l’épaule d’Autumn, puis fit un signe dans cette direction.
“Oh, non,” dit Autumn. “C’est Rocrainium.” Elle se mit debout et se dépoussiéra. Tin Tin et Liada marchaient avec lui, chacune d’un côté. “Elles ont cru que je parlais de lui.”
“Eh bien,” dit Lojab, “ça promet d’être intéressant.”
Les deux femmes devaient presque trottiner pour pouvoir suivre Rocrainium qui marchait à grands pas. Ils furent bientôt devant Alexander et Autumn.
“Voici Autumn et M’nadj,” dit Liada, en faisant un geste vers eux deux. “Je vous présente Rocrainium.”
Alexander avait beau être grand – il faisait un peu plus d’un mètre qutre-vingt – il devait malgré tout lever la tête pour regarder Rocrainium. Il tendit la main.
“M’nadj,” dit Rocrainium. Il sourit et lui tendit la main pour serrer la sienne. Puis il dit, “Autumn” et lui serra également la main.
“Hum, Rocrainium,” dit Liada, “aller…” Elle essayait de mimer mais n’y arrivait pas. Elle demanda quelque chose à Tin Tin Ban Sunia.
“Rocrainium,” dit Tin Tin, “aller hommes-à-pied votre Rocrainium.”
“Tu veux dire,” dit Autumn, “vos fantassins vont aller chercher notre Rocrainium?” Tout ceci fut expliqué autant à l’aide des mains qu’avec ses mots à elle.
“Oui, partez maintenant.”
“Oh, ça c’est bien.” On pouvait lire le soulagement sur le visage d’Autumn. “Merci à vous, Rocrainium.” Elle prit ses mains entre les siennes. “Merci beaucoup. Vous n’imaginez pas combien je suis soulagée. Notre capitaine—”
“Eaglemoon,” dit Mon adj’, “tu en fais trop.”
“Oh.” fit-elle en retirant ses mains. “Désolée.” dit-elle en rougissant sous sa peau mate. “Vraiment désolée. Je ne sais pas ce qui–”
“C’est bon, tais-toi” dit Alexander.
Il se toucha le coeur, puis tendit la main, paume vers le haut. Rocrainium répondit d’un mot, puis chercha quelqu’un du regard. Six des jeunes gens à la cape écarlate étaient venus à la suite de Rocrainium, et ils se tenaient désormais à proximité. Il désigna d’eux d’entre eux et lorsqu’ils s’avancèrent, Rocrainium leur donna des consignes.
Les deux hommes regardèrent brièvement Autumn, puis saluèrent Rocrainium avec le poing sur la poitrine. Ils s’éloignèrent rapidement pour exécuter ses ordres.
“Ca doit être des jeunes officiers,” dit Alexander.
“Sans doute,” dit Autumn.
“Nous aller,” dit Tin Tin, “trouver homme vous.”
Autumn se toucha le coeur, puis tendit la main, paume vers le haut. “Merci à vous.”
“Cette Tin Tin est très brillante,” dit Alexander en retournant voir Kawalski avec elle.
“Oui, elles le sont toutes les deux.” Autumn s’agenouilla près de Kawalski. “Elles apprenent notre langue et nos manières bien plus vite que moi je n’apprends les leurs.
Elle contrôla le pansement sur sa blessure.
“Crois-tu qu’il faut qu’on change le pansement sur le bras de Cateri?” demanda Alexander.
Autumn leva les yeux vers lui. “Oui, je crois que c’est vous qui devriez le contrôler.” dit-elle avec un grand sourire.
“Ce petit sourire est déplacé, et je changerais le bandage si je pensais qu’elle n’utiliserait pas son fouet sur moi.”
“Elle vous a frappé hier simplement parce qu’elle croyait que vous alliez lui prendre son chariot.”
“Hé, regarde un peu,” dit Alexander.
Autumn vit deux colonnes de fantassins et de cavaliers quitter le cam ; l’une en direction du nord, et l’autre en direction du sud. Chaque contingent était conduit par l’un des jeunes officiers.
“Waouh,” fit Autumn. “Ils ne font pas semblant de partir à la recherche du capitaine Sanders.”
“Je crois que Rocrainium est le commandant en second,” dit Alexander. “Et cet autre officier qu’on a vu hier sur le grand cheval noir doit être leur chef.”
“Je me demande comment il s’appelle.”
“C’est à Tin Tin qu’il faudra demander ça. Ces Vocontii doivent être une menace permanente. Ils ont attaqué deux fois en deux jours, et à chaque fois qu’on les repousse ils se diluent dans la forêt puis se regroupent pour un nouvel assaut.”
“Comme des guérilleros.”
“Comment cette bataille aurait-elle tourné si on n’avait pas été là aujourd’hui?” demanda Alexander.
“Il devait y en avoir plus de cinq cents et avec les fantassins et chariots répartis sur la longueur de la file les bandits sont très efficaces.”
“Ils attrapent tout ce qu’ils peuvent dans les chariots,” dit Alexander. “et quand les fantassins et la cavalerie se mettent à charger, ils courent avec tout ce qu’ils peuvent emporter.’
“Vous avez remarqué que ces gens utilisent une espèce de trompe pour lancer l’alerte?”
“Oui.” Alexander regarda Autumn ajuster la couverture autour des épaules de Kawalski. “Je crois que trois coups de trompette signifient :’On se fait attaquer.’”
* * * * *
Ils n’eurent aucune nouvelle du capitaine Sanders de tout le reste de cette journée.
La section s’installa dans sa vie quotidienne et, en restant en petits groupes, ils explorèrent le camp. Les suivants avaient installé un marché rudimentaire dans un coin proche du centre du campement. Après le déjeuner, Joaquin, Sparks, Kari, et Sharakova se dirigèrent vers le marché pour voir ce qu’il y avait à vendre.
“Hé!” cria Lojab par derrière eux, “Vous allez où?”
“Au marché,” dit Sparks.
“Ferme la, Sparks,” dit Sharakova à voix basse.
“Bon,” dit Lojab, “Je viens avec vous.”
“Super,” murmura Sharakova à Karina. “Le don du Ciel au Septième de Cav’ va nous régaler de sa personnalité pétillante et de son esprit éblouissant.”
“Et si je le flingue,” dit Karina, “tu crois que Mon adj’ me traduirait devant la cour martiale?”
“La cour martiale?” dit Sharakova. “Tu rigoles, t’aurais la Médaille d’Honneur.”
Elles riaient encore lorsque Lojab les rejoint. “Qu’est-ce qu’il y a de si drôle?”
“Toi, âne bâté,” dit Sharakova.
“Va te faire mettre, Sharakova.”
“Dans tes rêves, Low Job.”
Ils traversèrent une section du camp occupée par la cavalerie légère, où les soldats bouchonnaient leurs chevaux et réparaient leurs harnachements de cuir. Après la cavalerie venaient les tireurs à la fronde qui s’entraînaient avec leurs lance-pierres. Les sacs qu’ils portaient à la ceinture étaient bourrés de roches, bouts de fer et morceaux de plomb.
“Voilà le marché.” dit Sparks en désignant un bosquet d’arbres juste devant eux.
A l’ombre des chênes, le marché était bondé de gens qui achetaient, vendaient, marchandaient et troquaient des sacs de céréales contre de la viande, du tissu et des outils.
Les cinq soldats longeaient un sentier qui serpentait entre deux rangées de marchands qui avaient leurs marchandises étalées au sol.
“Hé, les mecs,” dit Karina, “visez un peu ça.” Elle désignait une femme en train d’acheter de la viande.
“C’est notre cuivre,” dit Sparks.
“Sans blague, Dick Tracy,” dit Sharakova.
La femme comptait des étuis de cartouches laissées sur le sol par la section après la bataille.
“Elle utilise ça comme de l’argent,” dit Karina.
“Trois,” dit Joaquin. “Qu’est-ce qu’elle a eu pour trois étuis?”
“On dirait que ça fait dans les cinq livres de viande,” dit Karina.
Ils continuèrent à avancer, recherchant encore d’autre cuivre.
“Regardez là.”
Sparks montra du doigt un homme qui marchandait avec une femme qui avait du fromage et des oeufs étalés sur une nappe blanche. Il lui proposa une cartouche pour une grosse part de fromage. La femme secoua la tête puis se servit de son couteau pour mesurer environ la moitié du fromage. L’homme dit quelque chose et elle mesura une part un peu plus grande. Il jeta une cartouche sur la nappe blanche. Elle découpa le morceau de fromage et le lui tendit avec un sourire.
“Ces gens sont une bande d’idiots, dit Lojab, “qui essaient de transformer notre cuivre en argent.”
“On dirait que ça marche plutôt bien,” dit Karina.
“Hé.” dit Lojab en reniflant. “Vous sentez un peu ce que je sens?”
“Je sens de la fumée,” dit Sharakova.
“Oauis, c’est ça,” dit Lojab. “Y a quelqu’un qui fume de la beuh.”
“Ah ça, si quelqu’un s’y connaît pour détecter de la marijuana dans l’air, c’est bien toi.”
“Venez, c’est par ici.”
“Laisse tomber, Lojab,” dit Sharakova. “On n’est pas obligés de s’attirer des ennuis.”
“Je veux juste voir si je peux en acheter.”
“On est en service, tête de noeud.”
“Il peut pas nous imposer de rester en service 24 heures sur 24.”
“Non, mais là on est en service.”
“Ce que Mon adj’ ignore ne fera du tort à personne.”
Lojab descendit une pente vers un petit cours d’eau. Les quatre autres soldats restèrent sur place à le regarder pendant un moment.
“Je n’aime pas ça,” dit Joaquin.
“Laisse le filer,” dit Sparks. “Ca lui donnera peut-être une bonne leçon.”
Lojab longea le cours d’eau, puis il prit un tournant et ils le perdirent de vue.
“Venez,” dit Sharakova, “si on n’est pas derrière lui, il va se faire servir ses couilles sur un plateau.”
Chapitre Neuf
Lorsqu’ils rattrapèrent Lojab, il était au contact d’un groupe de trente fantassins disposés en cercle à regarder un combat entre deux hommes. Ils riaient et criaient en encourageant les combattants.
“La fumée par ici est suffisamment épaisse pour faire planer un éléphant,” dit Joaquin.
Les hommes faisaient circuler de petits bols entre eux. Chacun inhalait profondément dans le bol, puis le faisait passer au suivant. Les bols d’argile étaient remplis de feuilles de cannabis qui se consumaient lentement.
“Ca vous dérange pas si j’essaie?” dit Lojab à l’un des fantassins.
Le soldat le dévisagea, marmonna quelque chose, puis le repoussa en arrière contre Sparks.
Karina appuya sur l’interrupteur de sa radio. “Hé, Mon adj’. Vous êtes là?”
“Ouais, qu’est-ce qui se passe?”
“On pourrait bien avoir une petite explication ici.”
“Où est-ce que vous êtes?”
“Dans les bois, en contrebas du marché.”
“Mais qu’est-ce que vous fichez là-bas?”
Lojab enleva son fusil, mais avant qu’il ait eu temps de le ramener devant lui, deux des fantasssins se saisirent de lui, tandis qu’un autre homme s’emparait de son fusil.
“On en reparle plus tard,” dit Karina. “On va avoir besoin d’un coup de main.”
“Bon, d’accord. Combien d’hommes est-ce que je dois prendre avec moi?”
Karina embrassa du regard le groupe des fantassins ; les hommes avaient l’air d’être d’humeur pour une bonne bagarre. “Et si vous rameniez tout le monde.”
“On y sera dans dix minutes.”
Les deux fantassins entrainèrent Lojab au centre du cercle et le maintenirent tandis qu’un grand homme chevelu sortit de la foule et lui donna un coup de poing dans le ventre.
“Hé toi, sale fils de pute,” dit Sharakova, “arrête ça.”
Elle pénétra dans le cercle, en tenant son fusil entre ses bras. L’homme regarda pendant un moment la jeune femme, puis se moqua d’elle.
Elle s’avança vers lui. “C’est moi qui te fais marrer, tronche de cake?”
“Bon sang,” dit Sparks, c’est parti.”
Tronche de Cake dégaina une épée d’un mètre de long et regarda Sharakova avec un grand sourire en l’agitant dans tous les sens.
“Ouais, je vois ton petit couteau. T’as vu mon fusil?” Elle le fit tourner en plaçant la crosse par terre près de sa botte droite. “A toi d’jouer, Gomer.”
Lojab essaya de s’échapper mais les deux hommes le retenaient fermement en lui tordant les bras derrière le dos.
Tronche de Cake balança son épée sur le cou de Sharakova. Elle fléchit un genou et leva son fusil pour arrêter le coup. Au moment où l’épée frappa le bloc de culasse de son fusil, elle se leva d’un bond, tenant le fusil devant elle.
L’homme retira ensuite son épée et voulut la lui enfoncer dans le coeur. Sharakova envoya valdinguer l’épée et avança pour le frapper à la poitrine de la crosse de son fusil. Tandis que l’homme reculait en chancelant, Sparks saisit sa baïonnette et la fixa sur le canon de son fusil. Karina et Koaquin en firent autant. Certains des hommes les regardèrent faire et tirèrent leur épée.
Tronche de Cake tourna autour de Sharakova en agitant son épée. Elle ne le quittait pas des yeux. Soudain, l’un des fantassins dans la foule s’agenouilla derrière elle et tira d’un coup sec en dérobant ses pieds sous elle, l’envoyant mordre la poussière.
Sparks s’élança en courant et posa sa baïonnette sur l’avant-bras de l’homme. “Arrière!”
L’homme laissa Sharakova s’échapper et fit marche arrière en rampant. Elle fit une roulade et bondit sur ses pieds. Elle jeta alors un coup d’oeil à son fusil, qui traînait par terre, à trois mètres de là. Tronche de Cake aussi regardait son fusil, et avec un grand sourire il s’élança vers elle.
“Tiens!” dit Karina en lançant son fusil à Sharakova, qui attrapa le fusil et agita la pointe de la baïonnette sous le nez de l’homme.
“Tu veux goûter à ça?” lança-t-elle.
Karina s’agenouilla pour ramasser le fusil de Sharakova, tout en fixant toujours Tronche de Cake.
Joaquin entra dans le cercle pour se mettre à côté de Karina, son fusil armé. Sparks fit un pas pour se placer à côté de Lojab. Désormais les cinq soldats du 7ème étaient tous dans le cercle des trente fantassins.
Tronche de Cake regarda Sharakova pendant un instant, dit quelque chose et lança son épée par terre. Il se tapait sur la poitrine en braillant comme un gorille.
“Oh, tu veux un combat d’homme à homme, hein? D’accord.” Sharakova jeta son fusil à terre et s’en éloigna. “Alors allons-y.”
Il courut vers elle, l’attrapant par le cou des deux mains. Elle remonta ses bras entre les siens et abaissa les épaules pour le faire lâcher prise, puis en enchaînant son mouvement avec souplesse, elle saisit son poignet, plaça son pied derrière le sien, et le poussa pour lui faire perdre l’équilibre.
Il tomba lourdement au sol mais se remit debout d’un bond, en balaçant son poing vers sa tête. Elle accompagna son mouvement de balancement, lui saisit le bras et l’envoya à nouveau au sol.
Il se releva, rugissant de colère, et se jeta sur elle. Elle fit volte-face, lançant son pied droit en l’air pour lui mettre sa botte dans les côtes. Mais le coup n’eut aucun effet sur lui. Il attrapa ensuite son pied, le tordit, et l’envoya à terre.
Les hommes hurlaient et applaudissaient pour encourager les combattants.
Sharakova se remit sur pieds d’un bond et l’attaqua en lui assénant un coup de poing rapide au visage en une-deux, qui lui mit le nez en sang. Il s’essuya le nez et regarda le sang sur ses doigts, puis fonça sur elle. Sharakova lui mit un coup de poing dans le ventre, mais il fit un écart, lui prit le bras et lui fit faire un demi-tour. Il entoura sa taille de ses bras en la soulevant du sol. Elle avait les bras bloqués contre les côtes tandis qu’il commençait à la serrer pour la tuer. Elle se tortilla et dégagea son bras droit, puis attrapa son pistolet, l’arma et l’appuya par-derrière contre son flanc.
Un coup de feu puissant fit sursauter tout le monde.
Alexander tenait son pistolet fumant en l’air. Il abaissa le pistolet et le pointa sur Tronche de cake.
“Lâche-la.”
Tous les fantassins savaient ce que le pistolet pouvait faire – ils l’avaient vu en action sur les chiens de bisons. Tronche de Cake relâcha Kady, puis regarda fixement Alexander.
“L’apache,” dit Alexander.
“Ouais, je suis là, juste derrière vous.”
“Vois si tu peux communiquer avec ce gros balourd et calmer le jeu.”
Autumn avança et balança son fusil en bandoulière. Elle fixa Tronche de Cake un moment puis se mit à parler. “Je suis Autumn Eaglemoon. Mes gens sont le 7ième de Cavalerie. On est arrivés ici du ciel.” Elle utilisait la langue des signes, en espérant qu’il comprendrait un peu ce qu’elle disait. “Nous ne vous voulons aucun mal, mais si vous n’arrêtez pas de vous battre, on va tous vous descendre jusqu’au dernier, bande de salauds.” Elle arma son pouce et son index comme un pistolet, puis les pointa sur chaque homme autour du cercle. “Pan, pan, pan, pan.”
“Euh, Eaglemoon,” dit Alexander, “J’avais plutôt imaginé de recourir à un peu de diplomatie.”
“Vous savez comment on dit ‘diplomatie’ en langue des signes, Mon adj’?”
“Non, mais—”
Tronche de Cake arma sa main et la pointa vers Autumn. “Pan, pan?”
“C’est ça,” dit Autumn. “Pan, pan.”
Il éclata de rire et s’approcha d’Autumn. Elle recula, mais il étendit la main d’un geste amical. Elle hésita, puis tendit la main vers lui.
Il lui prit la main et prononça une suite de mots qui se terminait par “Hagar.”
“Hagar?”
Tronche de Cake acquiésca. Il essuya le sang de son nez, puis se tapa du poing sur la poitrine. “Hagar.”
“D’accord, Hagar.” Elle retira sa main de la sienne. “Apache.” dit-elle en se donnant une tape sur la poitrine.
“Apache,” dit-il, puis fit signe à l’un de ses hommes.
L’homme s’avança, et Hagar prit un bol fumant dans ses mains. Il le proposa à Autumn. Elle regarda le bol et secoua la tête.
“Je préférerais boire quelque chose.” dit-elle en faisant le geste de boire.
Hagar cria un ordre. Une femme arriva bientôt avec une cruche d’argile et deux bols pour boire. Elle tendit un bol à chacun d’entre eux puis versa un liquide foncé de la cruche.
Autumn but une gorgée du bol puis claqua des lèvres et sourit.
“Du vin.” Elle tendit le bol à Hagar.
Il trinqua en cognant son bol contre le sien, puis avala son vin. Elle but une autre gorgée, puis but tout le reste. Ils rendirent leurs bols vides à la femme, qui les remplit à nouveau.
Autumn montra Lojab, qui était toujours retenu par les deux fantassins. “Et s’ils le lâchaient?”
Hagar regarda vers l’endroit qu’elle montrait et fit un geste d’impatience vers les deux hommes. Ils relâchèrent Lojab. Il trébucha vers l’avant, reprit son équilibre, puis secoua la poussière de ses vêtements.
Autumn porta un toast avec Hagar. “A la diplomatie!”
“A l’apache!”
Ils vidèrent tous deux leurs bols.
“Vas-y mollo,” dit Alexander, “tu sais bien que tu tiens pas ton eau-de-feu.”
Lojab ramassa son fusil et se dirigea vers Sharakova. “Tu peux donc jamais te mêler de ce qui te regarde?” J’avais la situation sous contrôle jusqu’à ce que tu pètes les plombs.”
“Ah ouais, c’est sûr que tu l’avais son contrôle. J’ai vu comment tu attaquais le poing de ce gars avec ton ventre.”
“Si Mon adj’ s’était pas pointé pour sauver tes fesses,” dit Lojab, “t’aurais été refroidie.”
“Ah Ah. Eh bien, la prochaine fois que tu veux t’envoyer en l’air, monte plutôt dans un arbre,” dit-elle en échangeant son fusil avec celui de Karina.
* * * * *
Le jour suivant, en fin d’après-midi, Liada et Tin Tin vinrent rendre visite à la section. Mais elles avaient perdu leurs sourires habituels et leurs commentaires enjoués.
“Nous trouver Rocrainium vous,” dit Liada.
Chapitre dix
Il faisait presque nuit lorsqu’ils pénétrèrent dans la petite clairière, à trois kilomètres et quelque de leur camp au bord de la rivière.
“Mon Dieu,” dit Sharakova, “qu’est-ce qui lui est arrivé?”
“Il a été torturé,” dit Alexander. “Une mort lente et douloureuse.”
Six membres de la section, plus Tin Tin Ban Sunia et Liada, se tenaient près du corps et le regardaient. Le reste de la section était resté au camp avec Kawalski.
Une dizaine de fantassins attendaient à proximité, surveillant les bois environnants.
Autumn prit un foulard jaune et bleu pour couvrir les parties du capitaine, du moins ce qui en restait.
“Des bêtes enragées,” murmura-t-elle en le recouvrant du foulard.
“Est-ce qu’ils ont fait ça parce qu’on en a tué un paquet d’entre eux sur la piste? Demanda Sharakova.
“Non,” dit Alexander. “Il est mort depuis plusieurs jours. Je pense qu’ils l’ont tué dès qu’il a atterri.”
“Ils ont dû le voir descendre et l’ont capturé quand il a touché le sol,” dit Autumn. “Mais est-ce qu’ils avaient besoin de le torturer comme ça?” Son corps était couvert de blessures et contusions.
“Je ne sais pas,” dit Alexander, “mais il faut qu’on le fasse enterrer. On n’est pas assez nombreux pour repousser une attaque d’envergure.” Il jeta un coup d’oeil aux bois environnants qui disparaissaient dans l’obscurité. “Pas ici.”
“On ne peut pas l’enterrer tout nu.” dit Sharakova.
“Pourquoi pas?” suggéra Lojab. “C’est comme ça qu’il est venu au monde.”
“J’ai une couverture Mylar dans mon sac à dos,” dit Joaquin en tournant le dos à Sharakova. “Elle est dans ma poche de côté.”
Lorsqu’elle retira la couverture pliée très serrée, un long objet tomba de son sac. “Oh, désolé, Joaquin.” dit-elle en s’agenouillant pour le ramasser.
Tin Tin Ban Sunia remarqua l’instrument brillant, et ses yeux s’agrandirent. Elle donna un petit coup de coude à Liada. Liada le vit aussi, et de toute évidence elles voulaient toutes les deux demander ce que c’était, mais elles décidèrent que le moment était mal choisi.
Sharakova tendit l’instrument à Joaquin, et il dépoussiéra le métal poli, puis lui sourit. “Pas de souci.”
Elle étendit la couverture argentée au sol, tandis que les autres commençaient à rendre la terre plus malléable avec leurs couteaux pointus. Ils commencèrent à creuser la tombe à la main. Tin Tin and Liada prêtèrent main forte, et bientôt le trou atteignit un mètre de profondeur par deux mètres de longueur.
“Ca suffira.” dit Alexander.
Ils placèrent le corps du capitaine sur la couverture et la replièrent sur lui. Après l’avoir délicatement déposé dans la tombe, Autumn se mit au pied de la tombe et ôta son casque.
“Notre Père, qui êtes au cieux…”
Les autres ôtèrent leurs casques et inclinèrent la tête. Liada et Tin Tin se tenaient près d’eux, les yeux baissés vers le corps.
Autumn termina le Notre Père, puis elle dit, “Nous remettons notre ami et commandant entre Tes mains, Seigneur. Amen.”
“Amen,” dirent les autres.
“Mon adj’,” murmura Joaquin en levant la flûte brillante qui s’était échappée de son sac à dos.
Alexander fit oui de la tête, puis Joaquin porta la flute à ses lèvres et commença à jouer le Bolero de Ravel. Tandis que les notes sombres de la musique s’élevaient dans la clairière au crépuscule, les autres soldats s’agenouillèrent pour commencer à combler la tombe avec des poignées de terre.
Liada aussi s’agenouilla pour aider à ensevelir le capitaine mort.
Seuls Tin Tin Ban Sunia et Joaquin restèrent debout. Tandis que Tin Tin regardait Joaquin jouer la musique bouche-bée d’émerveillement, sa main droite bougeait comme si elle était mue par sa propre volonté, comme une créature qui s’enroulait et cherchait quelque chose à l’aveuglette dans la bourse de cuir qu’il portait à la hanche. Elle leva la vieille flûte en bois qu’elle avait fabriquée à Carthage, onze ans plus tôt.
Joaquin remarqua le mouvement et la regarda prendre la flûte du bout des doigts. Ses doigts à lui, bien que massifs et couverts de cicatrices, exécutaient un ballet délicat sur les touches argentées. Tin Tin attendit qu’il eût terminé, puis elle porta sa flûte à la bouche et commença à jouer.
Les autres ne semblèrent pas prêter attention aux notes de musique tandis qu’ils s’affairaient à combler la tombe, mais Joaquin lui s’en aperçut forcément – elle jouait le Boléro, note à note, exactement comme il l’avait joué quelques instants plus tôt. Il reprit la musique qu’elle était en train de jouer, en la rejoignant au passage où elle était arrivée, mais en jouant une octave plus bas qu’elle.
Autumn regarda Tin Tin, puis Joaquin. Elle sourit tandis que des larmes coulaient le long de ses joues, puis elle lissa la terre sur la tombe du capitaine Sanders.
Il était plus de neuf heures du soir lorsqu’ils s’en retournèrent au campement.
“Nous aller chercher Cateri,” dit Liada en se détournant avec Tin Tin pour prendre congé des soldats du 7ième.
“OK,” dit Karina. “A plus tard.”
* * * * *
Ce soir-là la veillée fut lugubre près du feu de camp. Kawalski s’était réveillé pendant que les autres s’occupaient du capitaine Sanders. Il souffrait beaucoup mais il secoua la tête lorsqu’Autumn lui demanda s’il souhaitait une autre injection de morphine.
“Ce truc me met dans les vappes. Je peux m’en passer.”
Karina raconta à Kawalski comment le capitaine avait été torturé à mort.
“Nom de Dieu,” dit Kawalski. “Du coup, je suis bien content qu’on ait tué vingt de ces maudits fils de pute.”
“Plutôt deux cents, tu veux dire.” dit Karina.
“Je parle de Liada et moi. Faut voir comment elle assure avec son arc. Et quand elle s’est retrouvée à court de flèches, elle a attrapé mon fusil par terre et s’en est servi comme d’une crosse.”
“Oui,” dit Karina, “après la bataille, je l’ai aidée à récupérer ses flèches. Elle a été mortelle.”
Fusilier prit des rations toutes prêtes dans le conteneur d’armement. “Qui est-ce qui veut le menu 7?”
Lojab leva la main, et elle le lui jeta.
Ils étaient tous assis sur des troncs autour du feu.
“Le menu 12?”
“Je prends,” dit Sharakova.
“Le menu 20?”
Personne n’était très chaud pour un repas froid, mais quelques-uns essayèrent de manger.
“Hé, Mon adj’.”
“Ouais, Sparks.”
“Regardez qui s’amène.”
Alexander vit un chariot s’approcher d’eux. “On dirait Cateri.” Il se mit debout en dépoussiérant son pantalon.
“Et y a quelqu’un avec elle,” dit Fusilier.
“C’est Tin Tin et Liada.”
Autumn les salua tandis que leur chariot poursuivait sa course jusqu’à l’arrêt. “Bonjour.”
“Bonjour,” dit Tin Tin.
Liada sauta à terre et se dirigea vers Kawalski, qui avait du mal à se lever.
“Donne ton bras.” Liada prit son bras et le mit autour de ses épaules.
“Oui, j’ai vraiment besoin d’aide.” Il la tenait serrée tout en faisant quelques pas mal assurés.
“Viens voir.” Elle le conduisit à l’arrière du chariot.
“Waouh,” fit Kawalski. “Hé, les mecs, venez donc mater un peu ça.”
Sur le plancher du chariot se trouvait une grande marmite de fonte remplie de céréales fumantes et de morceaux de viande. A côté de celle-ci se trouvaient une dizaine de pains ronds ainsi que plusieurs écuelles en bois.
Cateri tendit la main pour tirer la marmite jusqu’au bord du plancher du chariot, puis glissa deux longs manches en bois dans les anneaux métalliques des deux côtés de la marmite.
“Attendez,” dit Alexander, “laissez-moi vous aider.”
Elle dit quelque chose qui ressemblait davantage à “si vous voulez” qu’à “merci” tandis qu’ils la soulevaient ensemble pour l’apporter jusqu’au feu.
“Ca sent vraiment bon, Cateri,” dit Alexander tandis qu’ils déposaient la marmite au sol près du feu.
Cateri haussa les épaules et écarta une mèche de cheveux auburn qui lui tombait sur le visage, en enlevant les manches en bois de la marmite pour les amener au chariot.
Alexander la regarda retourner au feu de camp, où elle détacha la lanière en cuir qu’elle avait sur la nuque pour laisser retomber ses cheveux dans son dos. Longs, épais et brillants, ils lui tombaient plus bas que les épaules. Elle garda la lanière entre les dents le temps de rassembler les mèches libres, puis attacha ses cheveux en arrière. Elle passa près d’Alexander en le frôlant pour aller aider Liada et Tin Tin qui découpaient des morceaux de pain et les faisaient passer avec les bols qu’elles avaient remplis à la marmite.
“Nous sommes désolées,” dit Tin Tin avec les mains, “pour perte de votre Sanders.”
“Merci à vous,” dit Autumn en faisant le signe de la main. “Nous vous sommes tous reconn.” aissants, à vous et votre peuple, de nous avoir aidés. Comment avez-vous su que c’était notre homme?”
“Hum, lui pas avoir de…” Elle se frotta la joue, puis se toucha les cheveux.
“Ah, oui. Il n’avait pas de barbe. La plupart de vos hommes en ont une.”
Tin Tin remplit son propre bol et prit place sur une bûche aux côtés de Sharakova. Tin Tin regarda Joaquin, attira son regard et sourit. Il fit un grand sourire et prit une bouchée.
“Qu’est-ce que c’est comme viande?” demanda Autumn à Liada.
Liada dit quelque chose et fit un signe de la main.
Autumn secoua la tête. “Je ne comprends pas.”
“Tin Tin,” dit Liada et lui posa une question.
Tin Tin réfléchit un instant, puis fit meuh comme une vache. Tout le monde se mit à rire.
“Ah, on mange de la viande de meuh,” dit Autumn. “Ca doit être du boeuf, ou peut-être du taureau. C’est très bon.”
“Dommage,” dit Kawalski. “Je croyais que c’était peut-être du…” et il fit le son d’un hennissement, puis le geste de piaffer.
Tin Tin and Liada rirent avec les autres.
“Moi je pensais au ‘ouaf ouaf’” dit Zorba Spiros.
“Ou alors ‘miaaaaaou,’” dit Kady .
Kawalski faillit s’étouffer avec une bouchée, ce qui fit redoubler les rires. Cateri, qui souriait pourtant rarement, rit de Kawalski.
Karina toucha la joue de Liada. “Pourquoi est-ce qu’on t’a marquée au fer rouge?”
Liada secoua la tête. “Pas savoir ce que tu dis.”
“Marquage, pourquoi?” Karina se toucha la joue et leva les épaules.
Tin Tin, assise non loin d’eux, entendit la conversation. Elle s’adressa à Liada, qui demanda en grec quelle était la question. Il expliqua que Karina voulait savoir comment elle avait eu ce marquage au visage.
“J’ai fait marquage,” dit Liada, en touchant la cicatrice.
“Toi?” dit Karina en montrant Liada. “Tu t’es fait ça toi-même?”
Liada fit signe que oui de la tête.
Tin Tin vint s’asseoir près de Liada. “C’est…hum…” Elle se toucha la joue où elle avait un marquage identique à celui de Liada, mais de l’autre côté du visage. “Pas pouvoir dire ce mot.” Elle fit le geste de travailler à l’aide d’une houe, puis se leva et fit le geste de frapper quelqu’un avec un fouet.
“Esclave?” demanda Kawalski. “Est-ce qu’elle essaie de dire ‘esclave’?”
“Impossible qu’elles soient esclaves,” dit Karina. “Elles ont la gestion du camp et sont pratiquement libres d’aller et venir.”
Cateri, assise par terre au bout d’une des bûches, s’adressa à Tin Tin, qui leva les épaules.
“Elles essaient de trouver comment nous dire quelque chose,” dit Karina.
Joaquin se leva et fit le geste de biner la terre, puis de porter un lourd fardeau. Il s’arrêta pour s’essuyer le front puis fit mine d’avoir peur de quelqu’un à proximité. Il s’empara de sa houe imaginaire et se remit au travail.
“Esclave,” dit Karina en montrant Joaquin.
“Oui, esclave,” dit Tin Tin.
“Toi et Liada vous êtes des esclaves?” demanda Karina.
Tin Tin secoua la tête. “J’ai été l’esclave de Sulobo…”
“Kusbeyaw,” dit Liada. “Sulobo, kusbeyaw.”
“Tin Tin a été esclave, et son maître c’était Sulobo?” demanda Joaquin.
Tin Tin et Liada paraissaient être d’accord.
“Oui,” dit Karina. “Et on sait tous ce qu’est un kusbeyaw.”
“Yzebel,” Liada fit le geste de prendre des pièces dans sa bourse et de les donner à quelqu’un.
“Yzebel a acheté Tin Tin.” dit Karina. “Continue.”
“Sulobo.”
“Ah, Yzebel a acheté Tin Tin à Sulobo.”
“Oui,” dit Liada.
“Quel âge avait Tin Tin?” demanda Karina. “Est-ce qu’elle était bébé?” Elle fit semblant de bercer un bébé dans ses bras, puis montra Tin Tin du doigt.
“Non,” dit Liada en tendant la main à hauteur de poitrine.
“Tin Tin était une fillette, et qui est Yzebel?”
Liada berça un bébé dans ses bras.
“Yzebel est un bébé?”
“Non. Liada est…hum…”
“Liada était un bébé?”
Liada secoua la tête.
“Je crois qu’Yzebel est la mère de Liada,” dit Joaquin.
“Oh, je vois,” dit Karina. “Yzebel berçait Liada qand elle était bébé. Yzebel est ta mère.”
Liada leva deux doigts.
“Tu as deux mères?”
Liada leva un doigt, puis deux. En montrant le second doigt, elle dit, “Yzebel.”
“Yzebel est ta seconde mère. Et est-ce que tu étais bébé quand Yzebel a acheté Tin Tin à Sulobo?”
“Non.” Liada leva la main à hauteur de poitrine.
“Tu étais une fillette quand Yzebel a acheté Tin Tin?”
“Oui. Et nous…” Liada serra Tin Tin contre elle, en tournant sa tête vers elle.
“Vous étiez comme des soeurs?”
Karina leva deux doigts, enroulant l’un des deux autour de l’autre. Elles firent oui de la tête toutes les deux.
“Sulobo a marqué Tin Tin quand il en est devenu propriétaire?” demanda Karina.
“Oui,” dit Liada. “Et je crois que pour moi, c’est d’être comme ma soeur, Tin Tin Ban Sunia, alors je fais ça.” Ses mains racontaient l’histoire de façon tout à fait claire.
Karina renifla et s’essuya la joue. “Je-je n’peux pas…”
“Imaginer?” dit Joaquin.
“Je n’peux pas imaginer…”
“Un lien si fort que l’on se fasse marquer au fer rouge comme une esclave parce qu’on a une soeur qui l’a été?” dit Joaquin.
Karina acquiésca.
Le silence régna pendant quelques minutes.
“C’est quelque chose de tellement fort,” dit Kawalski, “que nos vies quotidiennes paraissent banales en comparaison.”
“Cateri,” dit Liada, “est l’esclave de Sulobo.”
“Quoi?” demanda Alexander.
“Oui,” dit Tin Tin.
“Cateri,” dit Alexander, “tu es l’esclave de Sulobo?”
Cateri dit quelque chose à Liada, qui s’adressait à elle dans leur langue. Cateri désserra le cordon du col de sa tunique, et Liada descendit le dos de sa tunique suffisamment bas pour qu’ils puissent voir la marque des esclaves sur son omoplate droite.
“Bon sang,” dit Kawalski, “comment peut-on faire une chose pareille?”
Karina toucha la cicatrice. “C’est si cruel, mais sa marque à elle est différente.”
“Oui,” dit Joaquin said. “Liada et Tin Tin ont une flèche en travers du manche de la fourche. La marque de Cateri a la fourche avec le serpent qui s’enroule autour du manche, mais pas la flèche.
“Comment ça se fait?” demanda Karina.
“C’est une marque rajoutée,” dit Kawalski. “Dans l’ancien ouest américain, quand on vendait une vache, ou qu’elle était volée, il fallait remplacer la marque d’origine par autre chose. On utilisait une marque rajoutée pour modifier l’ancienne marque. Cette flèche sur la marque de Tin Tin et Liada est une marque rajoutée pour montrer qu’elles n’appartenaient pas à l’origine au même propriétaire.”
“Ces femmes sont traitées comme du bétail,” dit Karina, “On les achète et on les vend comme si c’étaient des bêtes.”
“Sulobo,” dit Alexander, “ce fils de pute.”
Cateri rajusta son col et serra le cordon. Ensuite elle se détourna pour prendre congé.
“Attends.” dit Alexander en lui prenant le bras pour l’arrêter. “Ne pars pas.”
Elle lui faisait face.
“Tu n’es pas obligée d’être esclave. L’esclavage a été aboli il y a deux cents ans.”
Cateri jeta un coup d’oeil à Liada, puis Liada demanda à Autumn de lui venir en aide en expliquant ce qu’Alexander avait dit.
“Hum,” dit Autumn, “comment dire ‘liberté’ en langue des signes – ”
Lojab l’interrompit. “Je vais l’acheter à Sulobo.”
“Ouais, Low Job,” dit Kady, “t’aimerais ça, hein, de posséder une femme. Espèce de tête de noeud.”
“Je ne crois pas que le 7ième de Cavalerie va devenir propriétaire d’aucune esclave,” dit Karina.
“Bandes d’idiotes,” dit Lojab, “vous êtes toutes vénères parce que personne ne voudrait débourser d’argent pour vous.”
“Bouffe ta merde et va mourir, Low Job,” dit Kady.
“Arrête ça, Lojab,” dit Alexander. “C’est déplacé,” dit-il en regardant Cateri s’éloigner.
Chapitre onze
Tandis que le soleil du matin se levait par-dessus les cimes des arbres, Sparks tira du conteneur d’armement une grande valise camouflée et en fit sauter les verrous. A l’intérieur, calée dans de la mousse, se trouvait le Drone de Surveillance Libellule.
Les autres soldats s’approchèrent pour regarder tandis qu’il soulevait délicatement l’avion léger de son logement pour le déposer dans l’herbe. Il disposa également une manette de contrôle, un iPad et plusieurs piles au lithium de la taille d’une pièce de monnaie.
“Ca ressemble vraiment à une libellule,” dit Kady.
“Ouais,” dit Kawalski, une libellule de la taille d’une main.”
Sparks inséra une pile dans une fente dans le ventre de la Libellule et vérifia les ailes pour s’assurer que celles-ci pouvaient librement se mouvoir. Ensuite, il inséra une seconde pile à l’intérieur du petit compartiment de la télécommande. Il alluma les boutons sur la télécommande et sur l’iPad, puis fit décoller l’aéronef afin d’inspecter la minuscule caméra montée sous son ventre. Tandis qu’il réglait la caméra, une image apparut sur l’écran de l’iPad.
Kady fit un signe, et son image sur l’iPad fit également un signe. “Ouaip, c’est nous.”
“On a vraiment l’air mauvais,” dit Kawalski.
“Ouais,” dit Autumn, “et y en a aussi qui sentent mauvais.”
“Si tu veux bien te déplacer pour te mettre devant Paxton,” dit Lojab “tu pourrais avoir de l’air frais.”
“Bon, écoutez tous” dit Sparks. “Et maintenant place à la science de l’étrange.” Il se leva et se recula. “Laissez-lui de la place. On est prêt pour le décollage.”
Un doux vrombissement se dégagea des ailes tandis que Sparks actionnait la manette de contrôle. Le bruit s’amplifia lorsque la Libellule s’éléva de l’herbe.
“Karina,” dit Sparks, “Ramasse l’iPad et tiens le par ici pour que je le voie.”
L’avion s’éléva au-dessus de leurs têtes. “On a une bonne image, Sparks,” dit Karina. “Est-ce que tu la vois?”
Sparks regarda l’iPad, puis à nouveau l’avion qui montait toujours plus haut. “Ouais, c’est bon.”
Bientôt, la Libellule fut au niveau de la cime des arbres, et Karina vit toute la section qui regardait en l’air, sauf elle, comme elle regardait l’écran.
“Maintenant, on va voir où on est,” dit l’adjudant Alexander.
“On va peut-être voir le Magicien derrière son rideau vert,” dit Kawalski.
“Ou un plateau de tournage géant,” dit Kady.
La Libellule s’éleva de plus en plus haut, montrant toujours plus de forêt dans toutes les directions.
Tout le monde regardait l’affichage vidéo sur l’iPad.
“Waouh,” dit Lorelei, “visez-moi ça.” dit-elle en montrant la longue piste derrière l’armée. Elle s’étirait sur des kilomètres et des kilomètres vers le sud-est.
“Et ils continuent à rentrer dans le camp,” dit Kady.
“Où est la rivière?” demanda Lorelei.
Sparks actionna les manettes et la Libellule fit une rotation vers le nord.
“Là-bas,” dit Kawalski.
“Est-ce que tu peux monter plus haut, Sparks,” demanda Mon adj’.
“Vérifie l’altitude, Karina,” dit Sparks.
“Comment?”
“Touche le bas de l’écran,” dit Sparks.
“Ah, oui voilà,” dit Karina. “Tu es à cinq cents mètres.”
“OK, on monte.”
“Six cents mètres,” dit Karina.
“Mets-toi en panoramique,” dit Mon adj’.
L’image vidéo sur l’iPad fit une rotation.
“Waouh,” dit Karina, “Je n’ai jamais vu l’air si pur et clair.”
“Pas d’autoroutes, pas de villes, pas de relais de téléphonie,” dit Kawalski, “aucune construction humaine nulle part.”
“Attends,” dit Mon adj’. “Recule. Là, à seize kilomètres au nord. Qu’est-ce que c’est?”
Sparks zooma.
“Ca doit être une ville,” dit Paxton.
“Un village,” dit Kady.
“Ouais,” dit Karina, “et un grand.”
“Monte encore et zoome encore plus.”
“Neuf cents mètres,” dit Karina.
“On peut monter à combien?” demanda Kawalski.
“Dans les mille cinq cents,” dit Sparks.
“Je vois des gens,” dit Paxton.
Sparks zooma encore plus près.
“Hé, ce sont des chiens de bisons.”
“Des Vocontii,” dit Autumn.
“Oui, c’en est,” dit Mon adj’. “et y en a des centaines.” Il leva les yeux vers la Libellule mais ne put la voir.
“Fais-la monter jusqu’à neuf cents.”
Tout le monde regardait l’iPad tandis que Sparks dézoomait pour revenir à sa position initiale et que l’avion s’élevait de plus en plus haut.
“Voilà la rivière,” dit Autumn.
“Elle est immense” dit Kady.
“Fais un tour d’horizon, Sparks,” dit Mon adj’.
“Regardez, un océan,” dit Kawalski.
“A quelle distance?” demanda Autumn.
“Probalement à environ trente kilomètres,” dit Sparks.
“Des montagnes.”
“Des montagnes enneigées,” dit Kady.
“Waouh!” dit Autumn “Recule.”
Sparks arrêta le mode panoramique et fit un retour en arrière.
“Zoome dessus,” dit Autumn, “là, sur cette montagne.”
“J’ai l’impression de la reconnaître,” dit Kawalski.
“Pas étonnant,” dit Autumn. “C’est le Matterhorn.”
“Nom de Dieu!” dit Kawalski en se penchant vers l’écran. “C’est vraiment le Matterhorn!”
“A quelle distance, Sparks?” demanda Mon adj’.
“Hum…peut-être bien dans les deux cent quarante kilomètres.”
“Dans quelle direction?”
“Nord est.”
Mon adj’ déroula sa carte dans l’herbe. “Karina, montre-moi le Matterhorn sur cette carte.”
Elle s’agenouilla près de lui, en étudiant la carte. “C’est là.” dit-elle en désignant un sommet dans la chaîne de montagnes.
Mon adj’ mit son doigt sur le Matterhorn et mesura cent cinquante kilomètres vers le sud est. “Cette rivière, c’est le Rhône, et l’océan, c’est la mer Méditerranée.”
“Viens ici,” dit Karina à Kady en lui tendant l’iPad de la Libellule, “tiens-moi ça.” Karina courut jusqu’à son sac à dos pour chercher son iPad, puis l’alluma et commença à faire défiler des pages.
“Sparks avait raison,” dit Autumn. “On est sur la Côte d’Azur”
“Merci,” dit Sparks.
“Mais où sont passés les autoroutes et les villes?” demanda Kawalski.
Mon adj’ secouait la tête en étudiant la carte.
“Hé!” dit Karina en revenant vers le groupe en courant. “Regardez les éléphants.”
“Quoi?” demanda Mon adj’.
“Fais voir les éléphants sur la vidéo,” dit Karina.
Sparks fit faire un demi-tour à la Libellule pour regarder tout droit en dessous.
“Zoome un peu,” fit Karina.
Sparks actionna les manettes.
“Là! Stop!” dit Karina. “Quelqu’un peut compter les éléphants?”
“Pourquoi?” demanda Kawalski.
“Contente-toi de faire ce que je dis!”
Tout le monde se mit à compter les éléphants.
“Trente-huit.”
“Quarante.”
“Trente-huit,” dit Kady.
“Cinquante-et-un,” dit Paxton.
“Paxton,” dit Lorelei, “tu serais incapable de compter jusqu’à vingt si t’enlevais tes bottes.”
“Trente-neuf,” dit Mon adj’.
“Bon,” dit Karina en lisant quelque chose à l’écran. “Est-ce qu’on dit environ vingt-six mille soldats?”
“J’en ai aucune idée.”
“Des milliers, en tous cas.”
“Je crois qu’y en a plus de vingt-six mille,” dit Lorelei.
“Ecoutez donc ça, vous autres,” dit Karina. “En 218 avant JC—”
Lojab rigola. “Deux cent dix-huit avant JC! Espèce de bimbo écervelée, Ballentine. “T’es complètement cinglée.”
Karina regarda un instant Lojab d’un air furieux. “En deux cent dix-huit avant JC,” reprit-elle, “Hannibal fit traverser les Alpes à trente-huit éléphants et vingt-six mille cavaliers et fantassins pour attaquer les Romains.”
Plusieurs des autres rigolèrent.
“Chtupide,” marmonna Lojab.
“Donc, Ballentine,” dit Mon adj’, “tu es en train de me dire qu’on a été transportés en deux cent dix-huit avant JC et largués au beau milieu de l’armée d’Hannibal? C’est bien ce que t’es en train de me raconter?”
“Je ne fais que vous rapporter ce que je vois : le Rhône, la Méditerranée, les Alpes, quelqu’un qui dit que cet endroit s’appelle la Gaule, l’ancien nom de la France, aucune autoroute, aucune ville, aucun relais de téléphonie, et toutes nos montres qui se trompent de cinq heures.” Elle regarda à nouveau sa montre. “Et je vous lis les faits historiques. A vous d’en tirer vos propres conclusions.”
Tout le monde se taisait en regardant l’écran de l’iPad de Sparks. Il dézooma et fit un tour d’horizon à la recherche de traces de la civilisation.
“Les Vocontii étaient les anciens habitants du sud de la France,” dit Karina en lisant sur son iPad. “Ils ne s’occupaient guère de commerce ou d’agriculture mais préféraient à la place s’attaquer aux tribus voisines pour piller leurs céréales, leur viande, et leurs esclaves.” Elle ferma son iPad et le rangea.
Sparks fit descendre et atterrir en douceur la Libellule sur l’herbe. “On est en deux cent dix-huit avant JC,” murmura-t-il, “et c’est l’armée d’Hannibal.”
Un bref silence se fit, et se prolongea, tandis que les soldats songeaient aux paroles de Karina.
“Sparks,” dit Lojab, “tu serais prêt à croire Ballentine si elle disait que la lune était faite en bleu d’Auvergne.”
“Plutôt en roquefort,” dit Sparks. “Et elle a raison là-dessus aussi.”
Kawalski regarda Mon adj’. “On est plus en Afghanistan, ou quoi, Toto?”
“Est-ce que la Libellule peut voler la nuit?” demanda Mon Adj’.
“Ouais, mais on risque de la perdre dans l’obscurité.”
“Mais avec la vidéo en marche?”
“Si on fait un grand feu et que l’on garde la caméra pointée sur le feu, je pense pouvoir la faire redescendre là où on est.” Sparks éteignit le bouton de la Libellule et la rangea. “Pourquoi est-ce que vous voulez qu’elle vole la nuit, Mon adj’?”
“Je crois qu’on est tombés dans une faille du passé et qu’elle s’étend seulement à la zone autour de nous. Soit environ seize kilomètres carrés.”
“Un peu comme un trou de ver?” demanda Sparks.
“Quelque chose dans le genre.”
“Qu’est-ce que c’est un trou de ver?” demanda Kawalski.
“C’est une hypothèse du continuum espace-temps,” dit Sparks. “A la base, c’est un raccourci à travers le temps et l’espace.”
“Oh.”
“Mais Mon adj’,” dit Sparks, “on a vu les Alpes et le Matterhorn à deux cent quarante kilomètres d’ici.”
“Oui, mais on n’a pas pu voir de villes éloignées. La nuit, d’une altitude de neuf cents mètres, on pourrait voir la lueur des lumières des villes. Peut-être Marseille ou Cannes.”
“Ca serait possible, je pense.”
“Si on peut repérer une grande ville, on se dirigera vers elle jusqu’à ce qu’on sorte de ce monde de fous.”
Chapitre douze
Autumn traversait les bois juste en contrebas du camp du 7ième à la recherche de bois pour le feu. C’était un peu après le coucher du soleil, mais c’était encore le crépuscule.
“T’as besoin d’aide, l’apache?”
Autumn fit volte-face en entendant la voix de l’homme, et faillit laisser tomber le tas de bois qu’elle portait. “Lojab, tu peux pas siffler ou quoi quand tu suis une femme en douce?”
“Je suis pas en train de te suivre, je voulais juste t’aider.” Il lui mit la main sur l’épaule.
Autumn plissa les yeux en regardant sa main. “Je sais ce que tu veux.” Et elle repoussa sa main.
“Bon, d’accord. Ca évite de faire du baratin.”
“Oui, c’est ça.”
“T’es pas comme les autres, hein?”
“Les autres quoi?” Elle s’agenouilla pour ramasser une branche morte et l’ajouta à son tas de bois.
“Les autres femmes. Elles comprennent pas ce que je veux.”
“Oh, je pense qu’elles te comprennent tout à fait bien.” Et elle fit demi-tour pour rejoindre le camp.
Il lui prit le bras. “Attends un peu. T’es pas obligée d’être si pressée.”
“Dégage.” dit-elle en dégageant le bras qu’il serrait, et faisant tomber son tas de bois. “Tu me pompes l’air.”
“Espèce de salope.”
“Oui.” dit-elle en s’agenouillant pour ramasser son bois. “Et si tu me touches encore, je vais te mettre une branlée.”
Et elle le laissa planté là à marmonner.
De retour au camp, Autumn laissa tomber son bois dans le feu, faisant jaillir une volute de fumée et de braises.
“Est-ce que ça ira comme ça, Sparks?”
Sparks jeta un coup d’oeil au feu. “Ouais.” Il regarda Autumn qui se tenait les pieds écartés et les mains sur les hanches. Elle affichait une expression à effrayer un Chien de Bison. “Heu, ouais, c’est super. Tu dois être la meilleure ramasseuse de bois du 7ième de Cavalerie.” dit-il en ayant l’air de s’excuser.
Mon adj’ était assis sur un tronc à proximité, avec à la main une tasse de café en alu. Il regarda Autumn comme pour dire ‘mais qu’est-ce qu’il y a donc qui te ronge?’
Autumn se détentit et fit un grand sourire. “Désolée, Sparks.” Elle fit le tour du feu pour aller vers lui. “Je viens juste d’avoir une gentille petite conversation avec ton charmant pote, Blow Job.”
“Mon pote?” Sparks ouvrit le capot de la Libellule pour insérer une pile neuve. “Depuis quand est-ce qu’il est mon pote?” Il plaça l’avion sur l’herbe.
“Eh bien, il faut bien que quelqu’un soit son ami.” Elle prit la tasse de Mon adj’ et but une gorgée de café.
“Je lui souhaite bien de la chance pour y arriver,” dit Sparks. “Bon, allons-y les enfants.”
Un léger bourdonnement s’échappa des ailes du petit drone puis il décolla et monta à la verticale.
“Vas-y doucement, Sparks,” dit Mon adj’ en ramassant l’iPad pour regarder l’écran.
“OK.”
Mon adj’ tenait l’iPad de manière à ce que Sparks pût le voir tout en actionnant les manettes. Le feu de camp se réduisait à un point tandis que la Libellule montait de plus en plus haut.
“Six cents mètres,” dit Sparks. “Je vais faire un panoramique puis recentrer la focale sur le feu.”
Ils ne voyaient rien d’autre que le noir absolu, d’un côté à l’autre de l’horizon.
“Envoie-la à neuf cents mètres,” dit Mon adj’.
Kawalski et les autres vinrent se placer derrière Mon adj’ pour regarder l’iPad.
“Regardez là,” dit Autumn, “vers le nord est.”
Une légère lueur couronnait les arbres.
“Zoome dessus, Sparks.”
“OK.”
“Putain,” dit Mon adj’. “Ce sont des feux de camps.”
Lojab revint des bois. Il jeta un regard furieux à Autum puis croisa les bras et regarda l’image qui s’affichait sur l’iPad.
“C’est le village des Vocontii,” dit Autumn.
“Ouais,” dit Mon Adj’. “Et il est bien plus grand qu’on ne pensait.”
“Il doit y avoir des centaines de feux,” dit Autumn.
“Monte à mille cinq cents,” dit Mon adj’.
Spark dézooma et se recentra sur leur feu. Puis il monta jusqu’à mille cinq cents mètres. L’affichage du feu de camp disparut de l’écran.
“Qu’est-ce qui s’est passé?” demanda Mon Adj’.
“On a perdu le feu.”
“C’est le vent.” dit Sparks en tournant les manettes. “Il faut que je voie le feu pour la trouver.”
“Et si t’arrives pas à localiser le feu?”
“J’appuie sur le bouton ‘RETOUR’ et elle reviendra. Mais elle pourrait toucher les arbres en descendant et se disloquer.” Il fit effectuer à la caméra un panoramique de gauche à droite. “Ah, on est presque au camp des Vocontii.” Il regarda l’affichage tandis que la Libellule dérivait vers les feux des Vocontii. “Donc, le vent vient du sud-ouest.” Il vira dans le vent et vola vers l’avant. “Nous y voilà.” Leur feu de camp s’afficha à l’écran. “Maintenant que je connais la direction du vent, je peux maintenir notre position.”
“Waouh,” dit Kawalski tandis que Sparks faisait un tour d’horizon. “Il fait noir comme dans le trou du cul d’un nègre.”
“Bon sang,” dit Mon adj’. “J’étais pourtant sûr qu’on allait voir une grande ville. A quelle distance est l’horizon à cette altitude?”
“A environ cent trente kilomètres,” dit Sparks.
“Donc, même s’il y avait une grande ville là-bas,” dit Autumn, “on verrait la lueur dégagée par ses lumières même à trois cents kilomètres.”
“Je crois que oui,” dit Mon adj’. “C’est bon, Sparks, fais-la redescendre. Ce siphon est beaucoup plus grand que je ne croyais.”
“Si on est dans un siphon,” dit Lojab, “on peut pas se hisser assez haut pour voir au dehors.”
“On était à mille cinq cents mètres, Lojab,” dit Mon adj’. “C’est assez haut pour voir quelque chose, si il y avait quelque chose à voir.”
“Je crois qu’on devrait bouger,” dit Lojab, “pour voir si on peut ressortir d’ici.”
“Et moi je dis qu’on reste ici,” dit Mon adj’, “jusqu’à ce qu’on aie une idée plus précise de ce qui nous est arrivé.”
“Eh bien, moi je suis pour que l’on aille vers le nord jusqu’à tomber sur une grande ville et retrouver la civilisation. Ensuite on pourra rentrer dans notre époque.”
“Cette unité n’est pas une démocratie.” dit Mon adj’ en se levant et en faisant un pas vers Lojab. “On ne fait pas de vote pour décider de ce qu’on va faire ; on suit les ordres.”
“On est quoi, alors?” dit Lojab. “Juste une bande de toutous qui restent couchés là à attendre qu’on nous dise quand manger, dormir et aller pisser?”
Mon adj’ regarda les autres autour de lui qui le regardaient attentivement. “Toutous, ce n’est pas le mot que j’utiliserais pour qualifier aucun de mes soldats, Lojab, mais oui effectivement, tout le monde va attendre que j’ai décidé quoi faire. Et toi aussi.”
“Putain de merde.” dit Lojab en s’en allant furieux en direction de Trevor et des deux autres membres d’équipage du C-130.
Derrière Mon adj’, Sparks aboya comme un chien.
“Couché, bichon” dit Kawalski. “Sois sage et je te laisserai monter sur les genoux de l’apache.”
* * * * *
Le lendemain matin, Kawalski marchait avec Liada, en bas près de la rivière. Il avait son fusil en bandoulière dans le dos et portait son casque par la mentonnière.
“Liada,” dit-il.
Elle leva les yeux vers lui.
“Ces hommes-ci sont des fantassins.” Il montra un groupe d’hommes qui travaillaient à la construction d’un radeau.
“Oui.”
“Et ceux-là sont des cavaliers.”
Elle regarda les quatre hommes passer sur leurs chevaux. “Oui.”
“Les cavaliers aux capes écarlates…” Il essayait d’expliquer avec les mains, comme il avait vu Autumn le faire. Il cueillit une fleur rouge sur un buisson et fit le mouvement de flotter au vent.
Elle rit. “Fils de, hum, grandes personnes de Carthage.”
“Ah,” dit Kawalski, “l’aristocratie.” Il glissa la fleur dans ses cheveux, au-dessus de son oreille. “Bon, on a les fantassins.” dit-il en étendant la main à plat, à peu près à hauteur de la taille. “Puis les cavaliers.” Et il leva un peu la main. “Les fils de Carthage.” ajouta-t-il en montant un peu la main. “Et ensuite vient Rocrainium,” dit-il en montant la main encore plus haut. “C’est lui le chef.”
Liada plissa le front.
“Et c’est qui ici, tout en haut?”
Liada fixa Kawalski un moment, puis son visage s’éclaira. “Le grand chef?”
“Oui, c’est qui le grand chef?”
“C’est Hannibal.”
“Hannibal?”
“Oui.” dit-elle.
Kawalski mit son casque et appuya sur le bouton de sa radio. “Y a quelqu’un en ligne?”
Plusieurs répondirent.
“L’apache?”
“Ouais.”
“Mon adj’?” demanda Kawalski.
“Oui, qu’est-ce qu’il y a?”
“Ballentine?”
“Je suis là,” répondit Karina.
“Même si ça me coûte d’avoir à le dire, Ballentine,” dit Kawalski, “t’avais raison.”
“Sur quoi? J’ai raison sur tellement de choses, j’en oublie la plupart.”
Quelqu’un rit.
“Tu te souviens de ce général quatre-étoiles qu’on a vu sur le grand cheval de guerre noir?”
“Ouais?”
“Je sais comment il s’appelle.”
“Ah oui, vraiment?” dit Karina.
“Comment tu sais ça?” demanda Mon adj’.
“Viens avec moi,” dit Kawalski à Liada.
Elle s’approcha tout près de lui et il l’enlaça en l’attirant tout contre lui jusqu’à presque toucher ses lèvres.
“C’est qui le grand chef?” dit Kawalski en montrant le micro dans son casque.
“Hannibal,” murmura-t-elle dans le micro. Elle leva les yeux vers les siens, en gardant les lèvres proches des siennes.
Il releva son casque.
“Je le savais,” dit Karina.
“Où est-ce que t’es, Kawalski?” dit Mon adj’.
“Hannibal s’apprête à traverser le Rhône,” dit Karina . “Ensuite il passe par les Alpes. C’est bien ça, Kawalski?”
Kawalski ôta son casque et le laissa tomber à terre.
“C’est qui le grand chef?” murmura Kawalski.
“Hannibal.” Le souffle chaud de Liada effleura ses lèvres.
“Hannibal?” dit-il en allongeant la dernière syllabe.
“Hanni…”
“Demande-lui quand Hannibal va traverser la rivière.” La voix de Mon adj’ sortait des haut-parleurs situés dans le casque de Kawalski qui gisait au sol, mais elle était trop faible pour que Kawalski puisse l’entendre. “Kawalski?”
“Je crois que sa radio a rendu l’âme,” dit Karina.
“C’est ça ou bien il essaie d’obtenir autre chose de Liada,” dit Mon adj’.
“Ouais.” dit Autumn en gloussant. “Ca doit être ça.”
Chapitre Treize
L’adjudant Alexander sirotait son café en regardant Sparks déployer les panneaux solaires et brancher son chargeur pour recharger les batteries de la Libellule.
“Vous savez à quoi je pensais?” demanda Sparks.
Mon adj’ regarda Sparks et haussa le sourcil.
“On sait que les satellites sont toujours là-haut, on est d’accord?”
“Oui, parce que notre GPS les trouve. C’est pour ça entre autres que je pense qu’on est dans une espèce de siphon d’évier.”
“Vous savez qu’est-ce qu’il pourrait y avoir d’autre là-haut?”
Mon adj’ regarda le ciel. “Quoi donc?”
“La station spatiale.”
“Hé, mais t’as raison. On peut les contacter?”
“J’ignore quelles fréquences ils utilisent, mais depuis qu’on est partis j’émets sur toutes.”
“Si on pouvait les contacter et leur dire où on est, ils pourraient nous dire où est la ville la plus proche.”
“Peut-être bien.” Sparks fixa le ciel un instant. “Peut-être que je pourrais installer un stroboscope et le pointer droit au-dessus de nous. Comme la station spatiale est en orbite au-dessus de la Terre, ils voient toute sa surface à intervalles réguliers de quelques jours.”
“A quoi ça nous servirait?”
“Je pense pouvoir régler le stroboscope pour émettre des signaux lumineux en morse, peut-être un truc comme ‘S.O.S. Contactez le canal 121.5.’ Si jamais ils voient la lumière clignotante, ils comprendront qu’elle envoie des signaux en morse.”
“T’as déjà vu une photo satellite de l’Europe la nuit?”
“Je sais, y a des millions de lumières, mais si on est dans une espèce de trou, comme vous disiez, alors il y aurait de l’obscurité sur des kilomètres autour de nous. Du coup, la lumière de notre stroboscope pourrait ressortir dans le noir. Et elle serait bien plus brillante que n’importe quel feu de camp.’
“Bonne idée, Sparks. T’as besoin d’aide pour faire ça?”
“Non, je vais juste avoir besoin de cannibaliser certains de nos gadgets électroniques pour l’installer.”
* * * * *
Il était près de deux heures du matin, la troisième nuit après que Sparks eût installé son stroboscope pour émettre des signaux lumineux en morse. Tout était calme jusqu’à ce que la radio se mette à crépiter.
“Bonjour.”
“Bonjour,” marmonna Sparks en remontant la couverture sur sa tête.
“Bonjour à vous en bas.” Puis il y eut un intermède avec de la friture. “Y a quelqu’un?”
“Quoi?” Sparks rejeta sa couverture.
“Sparks!” cria Mon adj’. “Y a quelqu’un à la radio.”
“Nom d’un chien!” Sparks se roula hors du lit et attrapa le micro. “Qui est-ce?” Il laissa tomber le microphone, puis le ramassa. “Qui est là?”
“Ici le commandant Burbank dans la Station Spatiale, émettant sur le canal 121.5.”
“Commandant, ici Richard Sparks – je veux dire McAlister. Comment allez-vous?”
“Je vais bien, Richard. Où êtes-vous??”
“On est juste ici, sur le Rhône.”
“Passe-moi le micro, Sparks,” dit Mon adj’.
“Raconte-lui ce qui nous est arrivé.” dit Sparks en tendant le micro à Mon adj’.
“Ici l’adjudant Alexander du 7ième de Cavalerie.
“Le 7ième de Cavalerie?” dit le commandant Burbank. “Vous plaisantez?”
“Non, commandant. Nous étions en mission au-dessus de l’Afghanistan lorsque notre appareil a été touché et on a sauté. On a atterri je ne sais comment en France. Et vous, ça va là-haut?”
“Oui,” dit le commandant. “du moins pour l’instant. On a perdu la liaison et quand on a vu que toute la Terre était plongée dans l’obscurité, on a contrôlé les enregistrements vidéos des vingt-quatre dernières –”
“Attendez un peu,” dit Mon adj’ au micro, “toute la Terre est plongée dans l’obscurité?”
“Oui, votre lumière est la première lumière d’origine humaine que l’on voit depuis sept nuits.”
“Comment cela est-il possible?” demanda Mon adj’.
“Vous ne savez donc pas ce qui s’est produit?”
“Tout ce que l’on sait, c’est que notre appareil a été mis en pièces juste au moment où l’on sautait sur l’Afghanistan. Dix minutes plus tard, on atterrissait en France, en deux cent dix-huit avant JC.”
“Quoi!?”
Les autres soldats avaient été réveillés par la radio, et ils arrivaient pour écouter.
“Oui, commandant,” dit Mon adj’, “du moins c’est ce que nous croyons, ou sinon y a quelqu’un qui nous a monté un sacré canular. Et non, on n’est pas au courant de ce qui s’est produit.”
“Eh bien, j’ai de bonnes raisons de douter que vous soyez en deux cent dix-huit avant JC,” dit le commandant Burbank. “Nous avons deux caméras vidéo pointées en permanence sur la Terre. Une fois la liaison interrompue, et voyant que la Terre était dans l’obscurité complète, nous avons visionné les vidéos. Il y a sept jours, il y a eu un basculement de la polarité terrestre.”
“Qu’est-ce que ça signifie?”
“L’axe qui traverse le centre de la Terre s’est déplacé de quinze degrés. Le Pôle Nord est désormais au Groenland, et le Pôle Sud est dans le sud de l’Océan Pacifique, à proximité de la Nouvelle Zélande. En regardant la vidéo, on a vu la surface de la Terre qui se plissait d’un bout à l’autre de chaque continent, comme une couverture que l’on tire d’un côté. Puis des raz-de-marées géants ont déferlé sur tous les océans. La surface de la terre s’est retrouvée immédiatement déplacée d’environ six mille kilomètres.”
“Nom de Dieu!” dit Mon adj’.
“Toutes les constructions humaines sur Terre ont été complètement détruites. Il se pourrait qu’il y ait des survivants quelque part, mais vous êtes les seuls avec qui nous avons établi le contact.”
“Oh, mon Dieu!” dit Karina. “Maman, Papa, Grand-mère Walker…ils sont tous morts? C’est impossible. Tous morts?”
“Bonjour, est-ce une voix de femme que j’entends?” demanda le commandant Burbank.
“Oui,” dit Mon adj’. “C’est le soldat Karina Ballentine”.
“Soldat Ballentine,” dit Burbank, “nous sommes tous frappés par le deuil ici aussi. En repassant la vidéo, nous avons vu toutes nos maisons et nos familles disparaître.”
Конец ознакомительного фрагмента.
Текст предоставлен ООО «ЛитРес».
Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию (https://www.litres.ru/charley-brindley/la-derniere-mission-du-7eme-de-cavalerie/) на ЛитРес.
Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.
notes
1
SOA : Sangle d’Ouverture Automatique (NdT)
2
Lead Butt : jeux de mots sur le nom du soldat Ledbetter, littéralement : “fesses de plomb” (NdT.)
3
jeu de mot insultant sur le nom du soldat Lojab: blow job = fellation NdT.
4
beurre en granules à saupoudrer sur les rations (NdT.)