AntiAmerica
T. K. Falco
Alanna Blake est une ado fugueuse qui égale en intelligence un groupe de hackers extrèmistes dans AntiAmerica. Disponible en ebook, audiobook et format papier. AntiAmerica se dresse au coeur du plus grand soulèvement anarchiste des Etats-Unis depuis cent ans. Lorsque le groupe d'hacktivistes AntiAmerica pirate la plus grosse banque de la nation, l'industrie financière se retrouve chancelante, au bord de l'implosion. L'ado fugueuse pirate Alanna Blake est recrutée de force par le gouvernement afin de traquer l'unique lien pouvant mener à AntiAmerica, son ex petit-ami porté disparu, Javier. Elle s'appuie sur chaque étincelle de ses ressources mentales en matière d'ingénierie sociale pour y voir clair dans une conspiration tissée de mensonges et de tromperie mettant à la fois en péril la vie de ceux qui lui sont les plus proches et les secrets d'un passé qu'elle aurait voulu enterré à jamais.
ANTIAMERICA
Table des matières
1. Ingénierie sociale (#u4ae0ce0f-a39a-5806-b64c-4bddc24cabcd)
2. Hameçonnage (#u58994620-8c53-58a1-907d-4ee266b4a47d)
3. Drogues (#ufaea8535-5a6e-5b9d-9399-384a98f2b6b5)
4. Usurpation (#uf183acc2-8691-5351-8abf-c4144d34e2e8)
5. Smishing (hameçonnage par SMS) (#u5f9411b9-25c5-553a-b0e1-15c7d99574a7)
6. Langage corporel (#ud639f0f2-5a8c-5174-b5e0-36f39ef97ea7)
7. Sexe (#uff80ee7c-9fe1-51e7-8e19-2644c8562af5)
8. Surf des épaules (#u2b194e31-0adc-5865-9242-ae646ff5dc91)
9. Canular informatique (#u82c95940-4763-5ce9-885a-d684bc0067e4)
10. Appâtage (#uec921634-a45e-5a81-9b5a-e059f86f9de4)
11. Pretexting (#u8ffa1ca2-3552-5557-9235-108b3627461e)
12. Doxxing (#u570e8d31-dcc1-5366-bdb5-d3fc71428f34)
13. Jargon technique (#u1d975b2c-3769-51dd-91e8-2329d2a1cb78)
14. Plongée en ordures (#u0e9eda88-2253-5767-ac59-5fa2317c280e)
15. Le vishing (#u21dab27a-c2ab-5a68-8233-0d7cf93eeb97)
16. Échange de bons procédés (#u0eebb282-8266-5aa3-8a21-dbaaf422d20e)
17. Usurpation d’identité (#uffe52ae5-d557-5fd3-a348-6f3efe70ccb6)
18. Ingénierie sociale inversée (#udfce3be4-6ed3-5fe1-818b-a388ab55cd1b)
19. Vol de diversion (#uae48614c-74c0-5ec5-b868-7f3988eff95f)
20. Talonnage (#u8e341d57-97c6-5c58-8100-8d122790239f)
21. Whaling (#ub60352da-6f77-5977-8d14-72ed0883ec28)
22. Épilogue (#u66847914-a491-5ad6-817c-d613e6a5035f)
Copyright ©2018
Traduit de l’Américain par Bella Nazaire, 2020
Réalisé avec Vellum (http://tryvellum.com/created)
1
Ingénierie sociale
Alanna n'aimait pas tromper son meilleur ami. Même si elle n'arrivait pas à se débarrasser de la sensation qu'il lui cachait des choses. Elle l'observa en secret depuis le siège passager. Il ne desserra pas les dents alors qu'il conduisait sa Kia Soul dans les rues de US1 détrempées par la pluie. Sous les locks épaisses drapées autour de ses épaules, son tatouage d'un idéogramme Chinois était visible à travers son débardeur vert.
Un clin d’œil à un de ses grands-parents paternels qui était Chinois. Lorsqu'ils allèrent manger un morceau au Pollo Tropical à la rue Bird, elle demanda pourquoi nul n'avait vu ni entendu parler de Javier au cours de la semaine écoulée. Tous deux étaient proches depuis l'enfance. Si quelqu'un devait savoir pour quel motif il avait disparu, c'était bien Brayden. Mais il prétendait le contraire et passa le reste du repas à mâcher des bouchées pleines de son sandwich au poulet dans un silence solennel. Il n'était pas moitié aussi bon menteur qu'elle. Alors qu'elle le persécutait pour qu'il fasse un arrêt à l'appartement de Javier, il accepta son prétexte sans poser de questions :
Elle s'inquiétait de savoir si Javier allait bien. Elle s'était bien gardée de lui révéler ses véritables motifs pour faire ce détour. Si Brayden gardait la vérité pour lui, elle en ferait de Même.
Alors qu'ils tournaient dans Brickell Avenue, elle résista à la tentation de vérifier son iPhone pour la centième fois. Après le message texte de Javier reçu la veille, elle avait à peine réussi à trouver le sommeil de toute la nuit. Brayden se gara en face de la grande tour. Alors qu'il prenait son téléphone jetable afin d'appeler Javier, elle regarda en direction de la froide façade de verre de l'immeuble.
— Messagerie, dit-il avec son fort accent Jamaïcain.
— Tu vas m'écouter, maintenant ? Il y a un truc qui cloche. J'en suis certaine.
— Tu exagères tout, dit-il le téléphone encore à l'oreille.
— Je suis étonné que pendant toute la période où tu sortais avec tu ne l'ai jamais piégé, comme tu fais avec tout le monde. Cela nous aurait épargné le trajet.
Elle jeta à Brayden un regard mauvais. Il lui disait plus de méchancetés que n'importe qui d'autre concernant les arnaques qu'elle perpétrait. Ce n'était pas tant qu'il puisse parler. Selon Javier, ses potes hacktivistes et lui avaient piraté le site des Impôts une fois. Il se définissait comme un hackeur gris.
Le terme avait peu de sens selon elle. Son monde à elle était noir ou blanc, sans rien entre les deux. Ils étaient tous deux des criminels. Raconter des salades sur la vie pour embellir le passé n'allait pas l'effacer. Pour aucun d'eux. Après avoir laissé un message indiquant qu'ils étaient à l'extérieur, il passa le bras devant son ventre pour ouvrir sa portière.
— Je vais me garer dans la prochaine rue. Ne tarde pas trop.
La seule raison pour laquelle elle l'avait fait venir ici était pour ne pas avoir à monter à l'appartement seule.
— Tu ne montes pas avec moi ?
— Pourquoi ? Si il ne répond pas c'est qu'il n'est pas lé ou alors qu'il ne souhaite pas être dérangé.
— Monte avec moi. Cela ne prendra que quelques minutes.
Ses locks retombèrent alors qu'il baissa la tête.
— Je dois trouver un stationnement. De plus, je ne vois pas pourquoi tu fais tout ce cirque. Tu le connais. Il est probablement à fond en mode hackeur en train de chasser le jackpot.
Elle se frotta la nuque. Dans des circonstances ordinaires Brayden aurait sans doute fait mouche en supposant que Javier pouvait être occupé avec son piratage éthique, mais pas lé avec tout ce mystère autour de son absence. Ses amis étudiants n'avaient pas de ses nouvelles depuis des jours. Ils disaient qu'il avait raté les cours pendant toute la semaine. Il n'était pas le genre à disparaître sans prévenir. Si il avait dû quitter la ville en urgence, il l'aurait dit à quelqu'un.
— T'es Même pas un peu inquiet ?
— Pfff. Le gars à toujours eu la tête sur les épaules. S’il dévalisait les gens comme toi, alors je m'inquiéterai.
— Très bien. Attend dans la voiture.
— Ne te glisse pas chez quelques petits vieux pour dérober leur argent et leurs bijoux.
Alanna sortit dans la chaleur écrasante sans même relever sa boutade. Son véhicule orange roula jusqu'au panneau stop. Après l'avoir regardé bifurquer à droite à l'intersection, elle continua vers la porte d'entrée. Elle ne volait pas l'argent des gens. Seulement leurs données personnelles. Leur identité et leurs dossiers financiers. Les numéros de Carte de Crédit. Les identifiants et mots de passe. Les dossiers médicaux. Des bribes d'informations valant pas mal de dollars. Elle avait obtenu les données de la même façon qu'elle comptait tromper l'agent de sécurité assis au milieu du hall d'entrée ; ingénierie sociale. Piratage de personnes. Une des nombreuses compétences apprises de son père. Il n'en avait que peu d'utilité en tant que white hat, alors il ne lui avait appris que les bases. Le reste, elle l'avait appris seule alors qu'elle luttait pour survivre en tant que fugueuse à Miami.
Alors qu'Alanna marchait sur le sol de marbre brillant, l'agent demeura penché à son comptoir. Elle se rapprocha par le côté de son comptoir circulaire puis lui lança un regard. Son regard était fixé à la vidéo d'une manif anarchiste en streaming sur son smartphone. Elle jeta un œil à son iPhone une fois de plus. Aucun nouveau message.
Après avoir tapé sur le comptoir du bout des doigts pendant plusieurs secondes, elle s'éclaircit la gorge de manière sonore. Le jeune homme d'une vingtaine d'années à la coupe nette la regarda, bouche bée, depuis son fauteuil de bureau en cuir. Il arrangea le col de son polo blanc en la toisant de la tête aux pieds. Enfin : un auditoire captivé.
— Je voudrais louer un petit studio. Serait-il possible de parler à quelqu'un en charge des locations ?
— Vous avez un rendez-vous ?
— Non. Je regardais d'autres appartements dans le quartier et je me suis dit que je pourrais faire un saut ici pour jeter un œil. ça pose un problème ?
Alors qu'il bafouillait en quête d'une réponse, elle lui sortit un sourire désarmant puis se mit à battre des cils.
Il sourit en retour, plaça une feuille et un stylo sur le comptoir et lui indiqua où signer dans la colonne des entrées.
Une fois qu'elle eut signé "Alanna Blake" en ajoutant l'heure sur la première ligne, l'agent de sécurité bondit de son fauteuil et marcha d'un pas martial vers l’ascenseur.
Après avoir pressé son pass magnétique contre une surface noire au mur, il tapa sur le bouton de montée juste en dessous. Il plissa les yeux lorsqu'il la regarda plus attentivement. Ses bras se raidirent. L'aurait-il reconnue ? Elle l'avait remarqué derrière son comptoir à sa dernière visite. Il n'avait pas semblé lui prêter la moindre attention avec Javier à ses côtés pour l'emmener à l'étage. À l'époque ils étaient encore ensemble.
Elle le regarda brièvement dans les yeux avant de se tourner vers les ascenseurs. C'était mieux pour elle de ne pas trop réagir. Beaucoup de gars restaient bouche bée face à elle ou prêtaient attention à son apparence. Elle avait perdu le compte du nombre de fois où le mot exotique avait été prononcé en sa présence. Une manière polie de dire qu'ils étaient incapables de deviner ses origines ethniques. De toutes les fois où la question avait émergé, nul n'avait jamais deviné qu'elle était Irlando-Malaisienne sans qu'elle ne le dévoile.
Il leva les sourcils en reculant vers son bureau.
— Le bureau des location est au dernier niveau. Douzième étage. Vous entrez dans le bureau près de la piscine. Ils auront les réponses à toutes vos questions.
Dans l’ascenseur, elle appuya sur les boutons douze et trois ; l'étage de Javier. Sa petite ruse avait fonctionné. Niveau de difficulté sur son échelle d'ingénierie sociale ? Deux. Ne nécessitant pas de grandes compétences. Quelques mensonges et un sourire au parfum de flirt. Le sang d'Alanna dansait encore. Elle préférait de loin manipuler ses cibles par téléphone ou par courriel plutôt que face à face.
Après avoir jeté un bref coup d’œil à son iPhone, elle le reposa dans son sac à main de cuir noir.
Depuis la veille au matin, elle s'était accrochée à l'espoir que Javier lui répondrai. Il n'avait jamais répondu à ses messages vocaux ; ni à ses SMS ou emails. Le tout, déclenché par le signal de détresse rouge clignotant d'un SMS arrivé sur son iPhone :
> Alanna. Je suis dans la merde. Retrouve moi.
Aucun détail n'avait suivi. Son imagination hyperactive s'était emballée en remplissant les blancs. Elle gardait Brayden dans l'ignorance car le message n'avait été adressé qu'à elle. Sans compter le fait qu'il avait gardé le silence concernant tout ce qui pouvait avoir un rapport de près ou de loin avec Javier depuis que la rupture lui avait ôté toute envie de partage d'informations. Lorsque les portes de l’ascenseur s'ouvrirent, elle se déplaça avec agilité en direction de son appartement.
L'immeuble était conçu pour avoir une apparence ultra moderne; pas accueillante. C'était bien plus beau que sa crèche à Olympia Heights mais sacrément plus dérangeant au niveau atmosphère. Avant aujourd'hui, elle n'avait jamais parcouru ce couloir seule. Elle était plus consciente de l'écho de ses pas rebondissant sur le sol de céramique terne. Son ombre balaya les murs aux tons beiges. Avec l'ampoule du plafonnier grillée, les murs semblaient se rapprocher sans cesse.
En atteignant la porte de Javier elle frappa le cadre de métal blanc de ses phalanges. Pas de réponse. Elle frappa deux fois encore avant de coller son oreille à la porte. Silence. Elle appuya son front contre la surface froide de la porte. Pendant six semaines, Alanna avait été laissée dans le noir concernant la façon dont elle aurai fait fuir Javier. Pas un mot sur la raison pour laquelle il avait, après deux ans, mis fin à leur relation puis coupé tout contact avec elle. Elle ne pouvait pas s'en aller maintenant.
Elle serra la poignée. Verrouillée. Alors que ses doigts demeuraient serrés autour du cuivre jaune froid, elle se mit à sourire. Il y avait un immense avantage quand on avait choisit l'ingénierie social comme moyen de subsistance, et c'était la liberté d'errer où bon semblait; que ce soit en ligne ou hors-ligne.
Les portes ne demeuraient closes que si elle les laissait faire. Elle mis la main dans la poche arrière de son jean pour y prendre sa pince à crocheter et sa clé de torsion. Le temps des réponses était venu.
Alors qu'elle remettait la capuche gris foncé sur sa tête, elle appuya son torse contre la porte. Elle jeta un œil dans le couloir pendant qu'elle insérait le crochet et la clé de torsion dans la serrure de la porte. Son cul était à un appel aux services de secours d'un rendez-vous avec le siège arrière d'une voiture du Département de Police de Miami. Il y avait des années, elle avait juré à son père quelque chose. Se laisser arrêter serait briser cette promesse. Elle n'avait aucune intention de jamais laisser une chose pareille se produire.
Elle s'arrêta pour balayer la frange colorée en rouge de ses yeux. La moindre petite distraction lui mettait la pression. Le tambour dans sa poitrine. Le fourmillement dans son corps de la tête aux pieds. Penser à Javier lui gelait le cerveau. Elle se rappelait les paroles de son père.
Ferme les yeux,respire à fond. Fais abstraction de ton environnement.Ouvre les paupières. Déverrouille cette porte.
Elle avait six ans lorsqu'il lui avait donné le kit de crochetage et les indications pour l'utiliser. Fouiller le trou de la serrure avec le crochet jusqu'à ce que le bout pointu se pose sur la tête d'une goupille de verrouillage. Pousser le crochet vers le haut avec la clé de torsion jusqu'à ce que la goupille se mette en place. Recommencer avec les goupilles de verrouillage restantes. Puis faire tourner la poignée et prononcer les mots magiques Sésame, ouvre toi. Elle glissa les outils dans sa poche et se glissa furtivement à l'intérieur.
L'appartement était dans le noir complet. Les rideaux étaient tirés. Alanna demeura debout à près de l'entrée, pour donner le temps à ses yeux de s'habituer. Elle fit glisser la capuche de sa tête. La climatisation était restée éteinte pendant un certain temps. Elle tâtonna, les mains au mur jusqu'à ce que du bout des doigts elle touche du plastique. Après avoir appuyé sur l'interrupteur pour allumer la lumière, elle se précipita vers la lampe à la lumière vacillante près du canapé gris.
La cuisine et le salon était dans un chaos total. Tiroirs et placards ouverts, vêtements, papiers et livres étalés sur le parquet. Un mauvais pressentiment s'empara de ses tripes. Javier n'aurait jamais quitté son appartement dans cet état. Elle serra les poings en tremblant. Elle n'avait pas la moindre idée lui permettant de savoir à quel moment ce carnage s'était produit. Il y avait quelques jours ou quelques minutes, tout était possible.
Sur le sol de la cuisine reposait un marteau au milieu d'autres outils. Elle l'arracha au carreau de linoléum. Ses doigts agrippèrent le manche de caoutchouc alors qu'elle se glissait jusqu'au mur puis le long de sa surface, le dos plaqué. A l'entrée de la chambre à coucher, elle retint sa respiration pour éviter l'hyperventilation. Elle resta debout là un moment, les yeux fermés avant de passer la tête à l'intérieur, le marteau dressé dans les airs.
D'autres possessions de Javier étaient étalées au sol. Après avoir expiré profondément, elle baissa la garde et regarda tout autour d'elle. Quiconque avait pénétré dans l'appartement n'avait eu aucun scrupule à retourner chaque centimètre carré de l'endroit. Elle n'avait aucun désir d'apprendre à ses dépends ce qu'il en coûtait de se trouver en travers de sa route. Son cœur tressauta. Le message texte de Javier. Les intrus devaient être ce contre quoi il l'avait mise en garde.
Elle éteignit toutes les lumières alors qu'elle scrutait chaque coin de l'appartement. Les placards et la salle de bain avaient été retournés. L'écran d'ordinateur était à plat contre la table. L'ordinateur portable et la tour de l'ordi de bureau avaient disparu. Pas de sang, pas de cadavres. La vie lui avait appris à s'attendre à tout. Elle était heureuse que ses craintes ne soient pas fondées, pour une fois. Du moins pour le moment. Elle ne pourrait respirer librement que lorsqu'elle serait certaine qu'il était sain et sauf.
Javier n'avait donné aucune indication de problème lorsqu'ils avaient parlé pour la dernière fois il y avait un mois de ça. Il avait été moins causant que d'habitude, ce qu'elle avait attribué à leur rupture de la semaine précédente. Lorsqu'elle avait réclamé une explication, il ne lui avait pas donné de réponse directe. Elle l'avait rappelé pour exiger qu'il lui dise en disent les raisons en face. Ses dernières paroles avant de raccrocher avaient été ;
— Il faut qu'on fasse une pause, nous deux.
Avait-il cassé avec elle parce que sa vie était en danger ? Elle se cacha le nez dans le creux de ses mains. La situation était tellement surréaliste. C'était elle, la cybercriminelle. Javier était le hacker éthique.
La personne la meilleure qu'elle connaisse. Les ennuis, c'était censé être pour elle, pas pour lui.
Un bip de son iPhone la rappela à la réalité. Juste un message texte. Probablement Brayden venant aux nouvelles... Ou peut-être était-ce Javier. Elle coinça le marteau sous son aisselle tout en farfouillant dans son sac pour en repêcher le téléphone. Lorsqu'elle rapprocha l'écran de ses yeux afin de mieux voir, l'identifiant d'appel était celui du mobile de Javier. Le message disait :
> Je dois te dire mon secret, Alanna. Viens me retrouver.
Le marteau glissa jusqu'à son coude alors qu'elle frissonnait. Elle avait l'intention de répondre en demandant à Javier ce qui ne tournait pas rond chez lui... aussitôt qu'elle aurait vidé les lieux. Elle remis le téléphone dans le sac. Les intrus pouvaient revenir. Mais ça l'emmerdait de repartir les mains vides. Elle allait faire une dernière inspection de l'appartement dans l'espoir de trouver un indice lié à l'endroit ou se trouvait Javier, puis elle s'en irait.
Un rapide examen du salon se révéla inutile. Alors qu'elle passait en revue le bordel dans la chambre, elle manqua de mettre le pied sur un cadre photo. Alanna ramassa le portrait sur support ovale et le tint à hauteur de regard. Une photo de famille d'un Javier dégingandé au sourire absent debout aux côtés de ses parents et de sa petite sœur. Elle passa le bout des doigts sur son visage avant de poser le cadre sur la commode blanche près de son lit.
Elle repassa la chambre au peigne fin sans plus de succès. Rien dans ce désordre ne lui offrait de réponse. Elle se croisa les jambes sur place pour mettre fin au tremblement. C'était l'heure de tracer.
À présent qu'elle était sûre que la vie de Javier était en danger, elle pouvait tout dire à Brayden. Peut-être alors serait-il enfin prêt à faire de même. Elle parvint à se frayer un passage depuis la chambre jusqu'à la porte d'entrée puis éteignit les lumières avant de quitter l'appartement.
Alanna couru dans le couloir vide. l’ascenseur le plus proche se trouvait à plusieurs mètre de là lorsque sa sonnerie aiguë l'arrêta net. Il en sortit un mec chauve habillé d'un complet sombre et bâtit comme si il était l'attraction d'une arène de lutte pro. Dès l'instant ou il posa les yeux sur elle, la mâchoire lui en tomba. Alors qu'il la reluquait, elle résista à l'impulsion lui disant de reculer.
Elle inclina la tête alors qu'elle tentait de paraître calme et polie.
— Bonjour.
Il fit un geste de la main droite.
— Restez où vous êtes. Ne bougez pas.
Sa musculature se raidit. Son reflex initial était d’obéir à cette injonction. Mais son instinct le plus fiable pris le dessus. Elle s'enfuit dans la direction opposée.
— J'ai dit : Ne bougez pas ! hurla-t-il.
Alors qu'elle atteignait le panneau rouge de sortie, elle tira sur la porte pour l’ouvrir. Elle s'accrocha à la rampe alors qu'elle descendait les escaliers à toute vitesse. La porte au dessus d'elle qui se refermait étouffa le vacarme de ses pieds et des cris dans le couloir. Le temps que son poursuivant n'arrive dans la cage d'escalier, elle était déjà en train de descendre la dernière volée de marches. Lorsqu'elle posa le pied au rez-de-chaussée, elle fonça par la porte devant elle.
Une explosion d'air humide lui éclata au visage alors qu'elle fonçait dans le parking. L'entrée des véhicules se trouvait de l'autre côté. Elle pris la diagonale vers la porte de sortie à sa droite. Lorsqu'elle tourna la poignée, elle bougea de quelques centimètres à peine. Quelque chose était coincé contre la porte, de l'extérieur.
Elle recula de quelques pas avant de foncer, épaule la première dans la porte. Dehors, une femme avec une Queue-de-cheval blonde portant un chemisier blanc et un pantalon foncé était en train de reprendre son équilibre. La femme la fixa d'un regard furieux comme si elle aussi en avait après elle. Il fallait qu'Alanna agisse vite avant que le chauve ne la rattrape.
Queue-de-cheval demeura bouche bée alors qu'elle étendait le bras droit. Elle pouvait lire ce qui se passait dans son esprit.
N 'y pense même pas.
Trop tard. Alanna lui fonça dessus, la poussant sur l'herbe. Alors qu'elle courrait vers l'allée cimentée adjacente, la femme rugit de frustration. Alanna suivit une rangée de palmiers faisant face à la marina sur sa gauche jusqu'à la façade avant de l'immeuble. Cette partie de Brickell était composée de grands immeubles et de béton faisant face à la baie. Peu de circulation sur la route. Personne sur les trottoirs. Elle était dehors, à découvert. La Kia de Brayden était à un pâté de maison de là où elle se tenait. Elle bifurqua à droite au coin de la rue, courant à toute vitesse le sourire aux lèvres. La montée d'adrénaline se faisait sentir. A l'intersection, sa tête pivota vers la rue perpendiculaire. Une camionnette bleue roulait vite à quelques pâtés de maisons de là .
La rue où s'était garé Brayden, elle l'avait sous le nez. Si elle courrait jusqu'à sa voiture, ils pourraient démarrer et quitter les lieux dans la minute qui suivait. Mais elle ne pouvait le faire. Ses poursuivants, si sa supposition était correcte, était des flics ou des agents fédéraux. Hors de question de l’entraîner dans son bordel. Elle regarda droit devant puis poursuivit sa course dans la même direction que précédemment.
Lorsqu'Alanna jeta un œil derrière elle, elle pu voir le chauve dépasser Queue-de-cheval qui s'était relevée, à toute vitesse. Il lui fallait une cachette. Dans la rue suivante, il y avait un parking vide et un restaurant fermé à sa droite et un grand bâtiment ainsi qu'une impasse à sa gauche. Devant elle, des rues sans cachettes évidentes. Elle couru vers le parking, espérant trouver un endroit où se mettre à couvert après le restaurant.
Après avoir tourné au coin de la rue, elle s'arrêta pour essuyer la sueur de son front. Sur le côté, un mur de bois blanc trop haut pour qu'on puisse y grimper. De l'autre côté, de grands arbres et un immeuble de bureaux en briques. Elle balança son kit de crochetage dans l'arbre le plus proche. C'était des pièces à conviction incriminant es en relation avec l'effraction. Une fois que ce souvenir très cher eut disparu dans les feuilles, elle serra les dents puis poursuivit sa fuite.
Elle traversa le parking asphalté. Le claquement des pas se rapprochaient d'elle. Elle avait fait la moitié du chemin en direction du restaurant lorsqu'elle commença à se sentir essoufflée. Ses poumons brûlants la forcèrent à ralentir. Quelques instants plus tard, de puissants bras lui encerclaient la taille et la soulevaient. Son corps fut plaqué fortement sur le sol du parking.
Tout son côté droit n'était que douleurs vives. Sa joue raclait contre le trottoir alors qu'elle luttait pour trouver de l'air. Son assaillant se remit debout. Elle grimaça en soulevant son ventre du sol à cause de ses côtes endolories et ses jambes et coudes écorchés. Lorsqu'elle pivota la tête vers le haut, le chauve fit descendre son genou sur son dos. Elle s'écroula sous l'effet de la force brute.
Après être restée étendue face au sol en grognant audiblement pendant quelques instants, elle tenta une fois de plus de se redresser. Son poids la força vers le sol jusqu'à ce qu'elle soit étendue à plat. Des gens criaient, derrière eux. Tout espoir disparut lorsqu'elle vit Queue-de-cheval et deux autres gars en train de courir dans sa direction. Le monde se refermait sur elle.
— Lâchez moi, putain ! hurla-t-elle.
Une douleur aiguë fusa à travers son épaule droite alors qu'on lui plaquait le bras dans le dos. Une bande métallique étrangla son poignet. Son bras gauche subit le même sort. Elle lutta jusqu'à ne plus pouvoir supporter les menottes qui creusaient sa chair. Le sang dans sa tête faisait comme un marteau. Elle ferma les yeux pour faire abstraction de la douleur et des cris de ses geôliers.
Désolée, Papa, j'ai failli, une fois de plus.
2
Hameçonnage
Les gens te suceront jusqu'à la moelle si tu les laisse faire. Promets moi que tu ne finiras pas dans l'impuissance comme moi, comme une victime.
Son père tenait une bouteille de Whisky à la main lorsqu'elle lui avait donné sa parole à l'âge de onze ans. Bourré ou non, il disait la vérité. Lorsqu'elle venait d'arriver à Miami, elle avait elle même pu constater de ses propres yeux combien il avait eut raison. Les pervers faisaient la queue pour tenter d'attirer des fugueuses comme elles vers l'addiction aux drogues dures, les exploitant jusqu'à ce qu'elles soient usées jusqu'à la corde. Elle s'en tirait mieux que la plupart d'entre elles.
À présent elle avait épuisé sa chance. Elle était restée assise à ne rien faire dans une salle d'interrogatoire glacée pendant plus d'une heure. Le chauve lui avait lu ses droits alors qu'il lui écrasait la colonne vertébrale. Après avoir reçu des instructions de Queue-de-cheval, aidé d'un mec aux cheveux gris, il l'avait poussée à l'arrière d'une voiture d'agence fédérale et l'avait ramenée à leur bureau de Miami au centre-ville.
Son sac à main, de l'argent liquide ainsi que sa pièce d'identité furent confisqués. Son nom, sa photo, ses empreintes digitales et son ADN furent enregistrés dans leur base de données. Elle n'était officiellement plus une ombre. La dernière chose dont elle avait besoin, et c'était pas près de s'arrêter là. Elle grimaça en direction de son reflet dans le miroir sur le mur gris en tapant du pied sur le sol carrelé de noir. Si les agents étaient en train de l'espionner, il était temps qu'ils saisissent une chose : elle en avait marre d'attendre.
Les agents qui l'avaient arrêtée s'étaient présentés comme appartenant à l'UFCC :
Unité Fédérale contre la Cyber Criminalité.
C'était la première fois qu'elle en avait entendu parler. Il existait tant d'unités contre la cyber-criminalité, d'équipes et de forces spéciales qu'elle en avait perdu le compte. À ce qu'il semblait, ses magouilles d'ingénierie sociale l'avaient rattrapée. Les avertissements de Brayden n'avaient pas été exagérés. Elle se mit à prier que l'UFCC ne l'ai pas attrapé lui aussi.
Une quinzaine de minutes s'écoulèrent avant qu'un grand gars, la quarantaine, n'entre dans la pièce. Une peau très bronzée, de courts cheveux noirs et un complet gris. Il lâcha un dossier brun, un bloc note jaune et un stylo sur la table en bois qui les séparait. Son regard tomba sur elle alors qu'il prenait place sur la chaise métallique lui faisant face.
— Mademoiselle Blake... Mon nom est Ethan Palmer. Je suis agent spécial des Services Secrets.
Elle demeura immobile, les bras pendant le long de la chaise. Les Services Secrets et l'UFCC. Un peu beaucoup pour une simple entrée par effraction. Elle se demanda laquelle de ses arnaques les avait mit sur sa piste. Ou depuis combien de temps ils la surveillaient. Quelque soit la preuve qu'ils avaient, elle n'avait aucune intention de révéler quoi que ce soit concernant ses arnaques ou l'effraction.
Il garda la main posée sur le dossier.
— Votre dossier indique que vous avez été déclarée disparue en Caroline du Nord peu de temps après votre seizième anniversaire. Il n'y a aucune trace d'activité de votre part depuis. Aimeriez-vous nous raconter ce que vous avez fabriqué pendant ces deux dernières années ?
Son regard se perdit dans le néant, sur le côté. Chaque centimètre de mur était recouvert de cette même peinture grise déprimante. Il ramassa le stylo avec un sourire narquois.
— Vos deux parents sont apparemment décédés. Il y a-t-il une personne que vous voudriez que nous contactions ? Un ami ou un membre de votre famille ?
— Non.
— Désolé de l'entendre. Cela doit être dur... pour une fille de votre âge, vivre seule.
La dernière chose dont elle avait besoin était la pitié de ce mec.
— Vous vous y connaissez vachement, en ce qui concerne les filles de mon âge ?
— En vérité, mon aînée a à peine deux ans de moins que vous.
Alors que le coin de ses lèvres s'adoucissait en un sourire, elle fit un effort délibéré pour ne pas répondre par quelque signe d'émotion que ce soit. Le silence momentané fut brisé lorsque Queue-de-cheval fit irruption dans la pièce portant une veste bleu marine par dessus sa chemise à manches longues blanche. Elle mâchait un bout de chewing gum et passa près de la table pour aller au fond de la pièce. Le gars fit un signe dans sa direction tout en maintenant le contact visuel avec Alanna.
— Il me semble que vous avez déjà rencontré l'agent spécial Sheila McBride, de l'UFCC.
Il lança un regard furtif à l'agent que cette dernière ignora.
— Désolé d'avoir commencé sans vous.
La femme s'appuya contre le mur, maussade, les deux mains dans les poches de sa veste. Elle montrait tous les signes d'une future maniaque du contrôle. Alanna l'avait remarqué à la façon dont cet Agent Mc Bride avait aboyé ses ordres au moment de son arrestation. Elle connaissait également trop bien le regard perçant que lui avait lancé l'agent alors et qu'elle lui lançait à présent. Pendant toute sa vie, elle avait grandi entourée de gens qui la considérait comme une délinquante. Elle répondit avec un large sourire moqueur. L'agent des Services Secrets fit un signe de la main pour attirer son attention.
— Alors, voulez-vous nous dire ce que vous faisiez dans cet immeuble d'habitation ? Ou encore la raison pour laquelle vous avez fuit les agents de l'UFCC qui vous ont approchée ?
Il pressa les extrémités de ses doigts les unes contres les autres alors qu'elle appuyait ses épaules contre le dossier de la chaise.
— Pourriez-vous nous expliquer comment vous êtes arrivée là ? Nous avons localisé votre voiture près de votre appartement.
Elle serra la mâchoire. Si ils ignoraient tout de Brayden, ce ne serait certainement pas elle qui allait leur en parler. L'agent Mc Bride s'avança vers la table. Elle avait décidément toujours mal après la bousculade qui avait eu lieu près de l'appartement de Javier. L'hostilité était réciproque. Alanna n'avait que peu de sympathie envers les gens qui la contrariaient. Encore moins lorsqu'il s'agissait de meufs arrogantes. Elle mit ça sur le compte des années de colère contenue d'avoir vécu avec un modèle maternel dysfonctionnel. Il y en avait eu assez pour lui durer toute une vie.
L'agent McBride se pencha l'air menaçant.
— Devinez ce qui a été retrouvé sur votre ordinateur portable après la réception du mandat de perquisition pour votre appartement ?
Les données concernant ses attaques de fishing... la plus lucrative de toutes ses arnaques. Elle envoyait des lots d'emails semblant provenir d'Instagram, de Facebook ou de toute autre source généralement considérée comme fiable. Quelques cibles trop peu méfiantes les ouvraient, cliquaient sur les liens contenus dans le message avant d'entrer leurs informations personnelles sur les fausses pages web qu'elle créait. Elle baissa le menton avant de répliquer ;
— Minecraft ?
Les yeux bleus de l'agent McBride se plissèrent.
— Des informations identifiables personnellement. Usurpation d'identité. Resistance à une arrestation.Entrée par effraction. Vous êtes sur le point de faire d'un chanceux procureur général un individu très heureux.
Le pouls d'Alanna s'emballa. Le gros des données était crypté sur son serveur privé. Sauf les emails qu'elle avait envoyé le matin même. Elle aurait pu se montrer plus prudente mais elle n'avait pas compté sur une ambuscade précoce des fédéraux en début d'après-midi. Si ils ne bluffaient pas, elle était foutue. Mais elle n'allait pas se trahir en affichant un quelconque signe de panique. Le jeu de l'agent Mc Bride consistait à lancer des piques à sa psyche. Alanna avait enduré ce type de procédé si souvent que cela ne lui faisait plus grand chose. Elle porta son attention vers l'agent Palmer. Le gars devait avoir la quarantaine. Des rides commençaient à être visibles sur son visage.
— Je veux un avocat.
— Avez-vous un avocat choisi que vous pouvez appeler? Sinon, il vous faudra attendre des heures avant que la court ne vous en assigne un.
Elle fronça légèrement les sourcils devant cette petite manoeuvre d'intimidation.
— J'attendrais. Vous ne tirerez rien de moi d'ici là.
Il coupa la parole à l'agent McBride avant qu'elle n'aie le temps de rétorquer :
— Très bien. Ne parlez pas. Allez vous d'abord écouter ce que nous avons à dire ?
— Si ça vous amuse...
Il ouvrit le dossier puis plaqua une feuille de papier sous son nez.
— Ce groupe vous est-il familier ?
Elle reconnut instantanément la capture d'écran. En haut se trouvait le drapeau anarchiste rouge et noir avec une étoile en son milieu. Dessous, une image en noir et blanc de Che Guevara ; la même qu'on voyait sur les T-shirts. Javier n'était pas vraiment enchanté de voir son visage lorsque Brayden était venu parader avec ce site piraté. Sa famille avait fui Cuba alors tout ce qui concernait le Che de près ou de loin, il n'était fan.
À côté de l'image, il y avait une citation :
"Le temps est venu de rejeter le joug, de forcer la renégociation des dettes étrangères oppressantes et de forcer les impérialistes à abandonner leurs bases d'agressions."
Elle fit rouler sa tête sur son épaule gauche.
— Oui, j'ai entendu parler d'AntiAmerica. On en parle aux nouvelles chaque putain de jour.
Ce n'était pas tant un choix de sa part de suivre l'évolution du groupe. Elle avait été exposée involontairement à des rappels et commentaires grâce à Brayden ; hacktiviste de longue date et supporter des causes sociales sur le net et source de tirades anticapitalistes. Une fois, il s'était emballé sur la façon dont "le système était biaisé pour que les riches exploitent les masses." nul n'avait pu le faire taire.
L'agent Palmer s'en saisit et agita la capture d'écran alors que son équipière faisait les cent pas dans le coin.
— Ceci était le site de la banque Nexus après la première attaque d'AntiAmerica le 1
Mai; le jour de la fête du travail; en commémoration des attaques de 1919 de la terreur rouge, c'était il y a un siècle. Elles avaient été suivies d'attaques à l'encontre du Dominion et de la Première Régence. Les trois plus grosses banques du pays ont été piratées au cours des deux derniers mois.
Les agents se conduisaient comme si leur speech signifiait quelque chose pour elle.
— C'est à cause de ça que vous êtes là à me parler, tous les deux ?
L'agent Palmer hocha la tête.
— L'agent McBride et moi faisons partie d'un groupe de travail inter-agences dont la mission est d'enquêter sur eux.
— Tant mieux pour vous.
— Qu'elle est votre opinion concernant AntiAmerica ?
Les oreilles d'Alanna étaient saturées du son de l'agent McBride en train de faire claquer son chewing gum dans l'angle de la pièce.
— Je n'en ai pas. Je n'en ai rien à cirer. Et la votre ?
— Ce ne sont pas des hacktivistes qui luttent pour des causes comme LulzSec ou les NullCrew. Ce sont des anarchistes. Leur but ultime est de mettre ce pays à genoux. Et plus ils sont suivis, plus ils deviennent dangereux.
Depuis que le manifeste avait été publié en ligne par AntiAmerica après la première attaque, ils avaient rameuté chaque anarchiste non déclaré qu'ils avaient pu trouver via les tableaux à messages, les salons de discussion et Twitter. Elle n'avait pas d'idée concernant le nombre exact. Mais à chaque fois qu'elle avait allumé la TV, les nouvelles histoires concernant l'éruption de nouvelles manifs fleurissant dans les villes majeures du monde entier abondaient.
— OK, oublions deux secondes le mélodrame... qu'est-ce que tout cela a à voir avec moi ?
Il se pencha en arrière avant de se tenir les mains ensemble.
— Connaissez-vous un hackeur du nom de Paul Haynes ?
Alanna repose la nuque contre le dossier de la chaise. Le fait que les fédéraux mentionnent le nom de Paul signifiait qu'ils étaient au courant du fait qu'il était un black hat. Il lui faudrait faire très attention. Sans savoir ce qu'ils avaient comme preuves la reliant à Paul, elle ne pouvait nier trop ouvertement tout rapport avec lui. Il inclina la tête.
— Vous pouvez répondre à une simple question par oui ou par non. Le connaissez vous ou pas ?
Le silence ne ferait que renforcer l'impression de culpabilité qu'elle leur donnait déjà. Peut-être que si elle répondait, il finirait enfin par lui dire où il voulait en venir.
— Je le connais. Mais pas très bien. Nous avons discuté quelques fois.
— Combien de temps s'est-il écoulé depuis la dernière fois ou vous lui avez parlé ?
— Quelques mois. Pourquoi ?
C'était mieux qu'elle le fasse passer pour une simple connaissance. Elle courrait déjà assez de risques en l'état actuel des choses avec ses propres activités criminelles sur le tapis sans en rajouter en tissant des liens avec les siennes à lui.
— Son co-locataire a été retrouvé assassiné.
Alanna eut un pincement à l'estomac et se sentit nauséeuse alors qu'elle gigotait sur son siège. Les deux agents étaient en train d'étudier sa réaction avec intérêt... Il lui fallait contrôler ses émotions. Mais elle ne pouvait s'empêcher d'être désolée pour Paul. Peu importe ce qu'elle pensait de lui, il lui était insupportable d'imaginer la terrible perte que cela avait dû être.
— Nous avions l'intention de le faire venir il y a environs deux semaines afin de discuter d'une faille qu'il a créée qui a été utilisée lors de la première attaque d'AntiAmerica. Les agents qui avaient été envoyés à son appartement de South Beach on trouvé le cadavre de son colocataire. Il avait été attaché, battu et étranglé.
Elle se mordilla la lèvre inférieure.
— Wow. Je n'ai jamais rencontré son colocataire mais Paul m'a toujours semblé être un brave type. Vous pensez qu'il l'a tué ?
— Nous l'ignorons. Mais il est évident qu'il est un potentiel suspect, étant donné qu'il a disparu à peu près à la même période où son colocataire a été assassiné.
Paul et Terry étaient en fait en couple, et non colocataires. Mais les fédéraux ne l'apprendraient pas par Alanna. Même si elle ne prétendais pas ne pas connaître Paul, nul n'appréciait que la vie privée demeure privée plus qu'elle. Elle s'agrippa le ventre sous la table. Il parlait de leur relation comme si il avait trouvé l'amour de son vie. Elle était sceptique quant à cette fin sur fond de torture et de meurtre. L'agent Palmer s'inclina vers l'avant sur sa chaise.
— Où l'avez-vous vu pour la dernière fois ?
— À Mechlab.
L'espace pirate local. Un labo informatique/centre/bibliothèque/atelier. Paul était un des premiers individus qu'elle avait rencontré lorsqu'elle s'était mise officiellement en couple deux années auparavant.
Brayden et Javier se connaissaient depuis encore plus longtemps.
— Avez-vous des informations qui permettraient de savoir où le trouver ?
— Désolée. Je ne l'ai pas vu et n'ai rien entendu à son propos.
L'agent McBride renchérit.
— Et pour ce qui concerne Javier Acosta ? Quand l'avez-vous vu où quand avez-vous eu de ses nouvelles pour la dernière fois ?
Alanna leva les yeux vers elle, mais elle était protégée par les ombres dans l'angle de la pièce.
— Javier ? Que vient-il faire dans tout ça ?
Le visage suffisant de l'agent de l’UFCC se rapprocha.
— Il a disparu depuis quelques semaines. N'est-ce pas ? N'est-il pas également un ami de Paul Haynes, qui a disparu à peu près à la même période ?
Et merde. Les fédéraux étaient après Javier. Ils surveillaient son appartement à lui, et pas elle.
L'agent McBride inclina la tête jusqu'à ce que leurs yeux soient alignés.
— Alanna ? Javier Acosta, que pouvez-vous nous dire sur sa disparition ?
— Il ne ferait pas de mal à une mouche, il n'irait pas frayer avec AntiAmerica.
— La vulnérabilité exploitée par AntiAmerica contre la Banque Nexus a été découverte par Paul... et Javier. Voudriez-vous nous faire croire que c'est une coincidence ?
Les fédéraux qui surveillent l'appart de Javier, cela signifiait qu'ils le considéraient comme suspect dans l'affaire des attaques d'AntiAmerica. Garder le silence n'était désormais plus une option. Elle était obligée de dire quelque chose, quant à son innocence.
Où du moins, il lui fallait détourner les soupçons vers d'autres.
— Javier est un pirate éthique. Les sociétés le paient pour éradiquer leurs bugs. Il ne leur vole rien.
L'agent McBride trottina jusqu'au rebord de la table.
— Il traque les vulnérabilités logicielles et pirate des réseaux d'entreprise pour de l'argent. Ça me semble terriblement similaire au modus operandi des pirates d'AntiAmerica.
— Parlez à Paul. C'était probablement lui... ou peut-être l'a-t-il vendu comme une faille, de lui-même et c'est Nexus qui aura tardé à colmater la brèche... Mais Javier n'a pas été mêlé à cette attaque;
L'agent Palmer inséra la tête dans le champs de vision des deux autres.
— Quand bien même ce serait vrai, nous aimerions l'interroger. Mais il a disparu alors nous vous sommes là, à vous demander de remplir les trous dans cette histoire. A-t-il jamais dit quoi que ce soit indiquant une quelconque insatisfaction à l'encontre d'une institution financière, ou une sympathie envers AntiAmerica ?
— Non. Javier n'est pas un hacktiviste. Il n"en a rien à carrer de la politique et il n'a jamais commis un seul crime de toute sa vie. Bien entendu, vous connaissez la différence entre un chapeau blanc et et un black hat, n'est-ce pas ?
La masse verte de chewing gum rebondit à l'intérieur de la bouche de l'agent McBride.
— Si vous le connaissez si bien, alors pourquoi vous a-t-il fallu pénétrer dans son appartement par effraction ?
Alanna détacha son regard baladeur du plafond. Les lampes brillantes au dessus d'elle commençaient à lui faire voir des tâches.
— Lui et moi, nous sommes sortis ensemble. Il ne décrochait pas son téléphone. Je suis passée près de chez lui. J'ai voulu le voir mais il n'y avait pas de réponse. Je suis repartie.
L'agent de l'UFCC secoua la tête et ricana :
— le fait que vous mentiez nous donne à croire que vous avez quelque chose à cacher. Vous voulez bien nous parler de toutes ces données cryptées sur votre disque-dur ? Quelque chose dans le lot qui vous relie à AntiAmerica ?
Alanna étouffa un rire.
— Vous croyez réellement que j'ai quelque chose à voir avec ces cinglés ? Vous devez vraiment être au bord du désespoir, vous autres.
L'agent McBride agrippa la table si fort que ses phalanges commencèrent à blanchir.
— Votre cinéma pourrait être plus convainquant, sauf que nous avons déjà des preuves attestant du fait que vous voliez des données.
— Je vais vous répondre franchement : je n'irai jamais m'associer avec AntiAmerica ou d'autres groupes de barges malades. Cherchez tant que vous voudrez. Vous ne trouverez aucun lien entre eux et moi.
— Votre petit-ami est peut-être un membre d'AntiAmerica... et vous êtes sa complice.
Alanna bondit de sa chaise.
— Vous êtes sourde ou quoi ? Nous n'avons rien à voir avec eux. Si vous étiez un tant soit peu douée pour ce travail, vous sauriez que je suis en train de vous dire la vérité.
— Je vais vous dire ce que je sais.
l'agent de l'UFCC s'avança vers Alanna, lui pointant l'index au visage.
— Vous êtes une voleuse et une menteuse. Si vous n'arrêtez pas de jouer les ignorantes, vous allez finir avec des condamnations criminelles.
— Je sais pourquoi vous vous acharnez ainsi. AntiAmerica vous fait passer pour des imbéciles alors vous êtes prêts à arrêter le premier pirate sur lequel vous pourrez mettre la main.
L'agent McBride repoussa les mèches de sa fine chevelure sur le côté.
— Ne vous flattez pas. Vous êtes une usurpatrice d'identités. Vous croyez qu'on en a quelque chose à faire du menu fretin comme vous ?
— Dans ce cas, pourquoi continuez vous à inventer des conneries à mon sujet concernant AntiAmerica ?
— Nous voulons que vous nous parliez de Javier Acosta. Qu'est-ce que vous foutiez dans son appartement ? Vous êtes qui, son ex psychopathe ?
Alanna se précipita la tête la première en direction de l'agent de l'UFCC.
— Vous m'avez appelée comment, là ? J'en ai marre de vous...
Elle avait dépassé la moitié de la largeur de la table lorsque l'agent McBride se saisit de son bras avant de la projeter contre le mur. Alors que l'agent méprisant plaçait son avant-bras contre le sternum d'Alanna, son souffle chaud effleura sa joue sur le côté. L'agent Palmer poussa ses bras entre les deux jusqu'à ce qu'elle fut contrainte de lâcher. Alanna retourna s'asseoir, gardant ce faisant un regard mauvais fixé sur l'agent McBride qui fulminait que son partenaire soit intervenu.
L'agent Palmer fit un geste en direction d'Alanna.
— Du calme. Vous ne voudriez pas empirer votre situation.
Il n'avait pas tort. Un meurtre. Des attaques de banques. Les fédéraux jetaient des hackers en pâture aux lions pour beaucoup moins. Cela n'aurait aucune importance qu'il n'y ait aucun lien entre Alanna et AntiAmerica ou Javier ou Paul... ni qu'elle ne possède pas les compétences en matière de sécurité de réseau pour exécuter les attaques. Ce qui comptait pour les fédéraux c'était que le public demeure satisfait et qu'ils obtiennent des promotions... pas d'arrêter la bonne personne. Cette agent McBride était en train de la provoquer afin qu'elle fasse quelque chose de stupide. Si elle perdait son calme, il n'en ressortirait rien de bon. L'agent Palmer se rassit, fouilla dans sa poche puis posa bruyamment un sac pastique contenant son iPhone sur la table.
— Venons en à la véritable raison pour laquelle nous sommes là. Vous avez reçu des messages textes de Javier hier et aujourd'hui. Depuis combien de temps ne l'avez vous pas vu ?
— Quelques semaines.
— Chaque personne qui le connaît a répondu la même chose. Il a disparu de la surface de la terre. Séché tous ses cours. Personne n'a de nouvelles de lui.
— C'est pour ça que vous surveilliez son appartement ?
Il fit la moue en frottant ses lèvres l'une contre l'autre.
— Je ne suis pas autorisé à divulguer cette information. Tout ce que vous avez besoin de savoir est que Javier est une personne sur laquelle nous enquêtons.
— Vous ignorez où il se trouve, alors c'est forcément qu'il doit être en train d'attaquer des banques pour AntiAmerica, pas vrai ?
— Tout ce que nous voulons c'est qu'il vienne ici nous parler, afin que nous puissions l'éliminer de la liste des suspects. Si il est aussi innocent que vous le dites, cela ne lui coûtera rien.
Sa jambe était en train de trembler sous la table.
— Vous voulez que je vous le retrouve.
— Voici notre proposition :
Nous avons bien assez de preuves contre vous pour votre petite affaire de fishing pour vous envoyer en prison. Heureusement pour vous, il nous faut parler à Javier. Puisque vous vous êtes l'unique personne avec laquelle il a communiqué, vous être notre seule piste. Nous voulons que vous entriez en contact avec lui et que vous nous aidiez à l'attirer jusqu'ici pour un interrogatoire.
— Je suis libre si je vous vends Javier, c'est ça ?
— Nous proposons de ne retenir aucune charge contre vous à la condition que vous travailliez comme indic confidentiel jusqu'à ce que les clauses de votre accord soient remplies. Vous allez commencer par retrouver la trace physique de Javier et toute information concernant de près ou de loin AntiAmerica.
Une informatrice. Elle serait la propriété des fédéraux. Elle devrait passer ses journées à donner des informations sur Javier et toute autre personne jusqu'à ce qu'ils en aient fini avec elle. Elle pouvait dire adieu à toute cette thune qu'elle se faisait avec ses arnaques. Bien qu'Alanna trouva insupportable leur offre, l'alternative était bien pire.
— Les gens vous essoreront si vous les laissez faire.
Elle fit durer le silence avant de répondre.
— Si je vous aide... Qu'arrivera-t-il si Javier demeure introuvable ? Je repars tout de même libre ?
L'agent Palmer secoua la tête.
— Désolé mais ce n'est pas comme ça que ça marche. Pour recevoir notre aide, il vous faut nous assister dans notre enquête, soit en nous menant à lui, soit en nous donnant des informations qui nous aideront à le retrouver.
L'agent McBride se rapprocha jusqu'à se retrouver presque au dessus d'elle.
— J'espère que vous allez dire non. À en juger par les preuves que j'ai vues, une petite voleuse comme vous n’a rien à faire dehors, en liberté.
Son partenaire se leva de son siège et approcha depuis l'autre côté de la table.
— Si vous dites non, vous allez gâcher votre vie. Alors prenez un bon moment et réfléchissez attentivement avant de répondre.
Le sang d'Alanna se mit à bouillir alors que les deux agents la regardaient de haut. Refuser d'être leur rat signifiait qu'elle devrait placer touts ses espoirs entre les mains d'un quelconque juge en espérant qu'il la prenne en pitié. Autrement, la prison et un casier judiciaire, ça la détruirait. Les black hats devaient constamment surveiller leurs arrières et se méfier des balances pour cette raison précise. La plupart des gamins de son âge auraient craqué à la plus petite implication d'un séjour en taule. Mais ces deux là n'imaginaient vraiment pas qu'elle puisse avoir une troisième option à l'esprit;
Elle demeurait concentrée sur ses chaussures de cuir noir afin de maintenir les apparences et de donner l'illusion d'être encore en train de peser le pour et le contre.
— Très bien. J'accepte.
Le visage de l'agent Palmer s'illumina.
— Vous avez fait le bon choix. L'agent McBride et moi allons vous laisser pour prendre les mesures nécessaires. Quelqu'un viendra vous débriefer sous peu.
Elle fit un dernier sourire grimaçant.
— J'ai hâte.
Après qu'il soit parti de la pièce, l'agent McBride s'attarda auprès d'elle afin d'avoir le dernier mot.
— Il vous a peut-être dédouanée pour cette fois, mais moi non. Si nous parvenons à vous lier aux piratages d'AntiAmerica, le marché ne tiendra plus et vous irez en prison. Si nous attrapons votre petit-ami sans votre aide, vous allez en prison. L'heure tourne.
Alanna s'affala sur sa chaise après que la porte fut refermée derrière elle. Si elle avait de la chance, sa collaboration éloignerait d'elle leur attention. Elle ne pouvait courir le risque que l'agent McBride ou le reste des fédéraux ne fouille plus avant dans sa vie. Le phising n'était pas la seule arnaque qu'elle perpétrait. Si tout partait en sucette, il était impératif qu'ils ignorent l'existence de son atout maître.
3
Drogues
Jessica Bright. Née à Birmingham en Alabama, le 3 Février 2001. Permis de conduire délivré à l'âge de seize ans. Casier judiciaire vierge. Aucune enquête des fédéraux à son sujet. C'était une personne plus digne de confiance qu'Alanna Blake, usurpatrice d'identités. Elle n'avait de plus, pas la moindre idée que ses informations personnelles avaient été volées à une société hébergeant des dossiers médicaux dans le sud de la Floride. Jessica était l'identité de secours d'Alanna.
Dans la paume d'Alanna reposait une carte de plastique au nom de Jessica, avec son propre visage. Un peu plus tôt cet après-midi là, elle s'était présentée à la succursale locale de sa banque afin de vider la réserve qu'elle gardait pour les urgences. Du compartiment secret de sa brosse à cheveux, à son appartement, elle avait retiré une clé correspondant à un coffre sécurisé à la banque. La boîte métallique rectangulaire contenait tout ce dont elle aurait besoin pour refaire sa vie. Les cartes d'identité et bancaires de Jessica, du liquide en plus, un téléphone jetable prépayé, un ordinateur portable de secours et une clé USB.
Le magot avait été mis de côté à l'origine pour le cas où les choses tourneraient mal avec les flics ou l'un de ses clients du marché noir. À présent, c'était devenu un moyen de faire passer des messages au nez et à la barbe des fédéraux. L'UFCC la gardait à l’œil. Ils avaient installé des logiciels espions sur son ordinateur portables ainsi que sur son iPhone, y compris des traqueurs GPS. Les emails privés, la navigation internet ou les appels depuis son iPhone étaient à proscrire. Elle pouvait uniquement communiquer en privé par le biais du téléphone jetable, de l'ordi de secours ou en face à face.
Elle mit le jetable dans sa poche et glissa les cartes d'identité et de paiement dans son sac à main. Elle laissa l'ordi dans son sac de sport marron. Avant de conduire jusqu'à ce coin de rue, elle avait chargé sur son ordinateur ce kit logiciel qu'elle avait acheté pour cette réunion secrète. Le reste de son trésor, elle l'enferma dans la boîte à gants. Elle quitta la Toyota Corolla noire, des sacs à la main.
Deux rangées de voitures étaient arrêtées au feu rouge. Elle se glissa entre elles pour traverser la rue puis observa les lieux qui l'entouraient. Une nuit ordinaire à South Beach. La circulation sur Washington Avenue avançait de façon régulière mais à allure d'escargot. Aucune foule devant les clubs et boutiques aux néons allumés pour l'instant. Les quelques individus sur les trottoirs s'occupaient de leurs propres affaires.
Personne de l'UFCC ne la suivait, pour autant qu'elle sache. L'agent McBride jurait que ses hommes pouvaient être en train de l'épier à tout instant. Alanna n'était pas certaine que ce soit la vérité ni que ce soit encore une de ses tentatives de manipulation mentale. Une chose sur laquelle l'agent de l'UFCC avait été claire c'était le manque de confiance qu'elle avait à son endroit. Ce fait fut rappelé à Alanna jusqu'au moment ou elle l'avait déposée devant son immeuble.
L'unique chose positive était que les fédéraux avait laissé son appart en bien meilleur était qu'ils ne l'avaient fait avec celui de Javier. Un bénéfice de son statut de balance. Qu'elle le veuille ou non, les contenter était à présent son travail à temps plein. Elle laissa des messages dans lesquels elle demandait des nouvelles de Javier sur la messagerie vocale de ce dernier, à ses parents, cousins et amis afin de maintenir l'illusion qu'elle était en train de remplir sa part du contrat.
Elle se dirigea vers le panneau de signalisation et tourna au coin de la rue. Elle se mit à ralentir quand l'enseigne rose vif épelant Serendipity en lettres cursives entra dans son champ de vision. C'était presque le soir. Nul ne faisait la queue devant le club. Le vigile baraqué debout devant la porte tapota son dégradé et arrangea la veste grise de son complet alors qu'elle l'approchait.
Alanna retira de son sac à main le permis de conduire de Jessica. Le malabar lui arracha la carte des mains. Il la leva au niveau de la lumière néon qui clignotait au dessus de la porte d'entrée. Son regard fit le va et vient entre la photo de la carte et son visage. Il pouvait la dévisager tant qu'il voudrait. Personne n'arrivait jamais à détecter la contrefaçon. Elle en avait fait la demande au bureau des immatriculations en se faisant passer pour la véritable Jessica.
Les comptes en banque qu'elle avait ouvert au nom de Jessica correspondait au numéro de sécurité sociale d'une petite fille de cinq ans. Le numéro avait été dérobé auprès de la même société d'hébergement de dossiers médicaux. Les agences de crédit de vérifie pas les numéros. Alanna n'était pas en train d'utiliser ces comptes pour voler qui que soit alors ils n'avaient aucune raison d'être soupçonneux. En ce qui concernait la petite fille, il faudrait des années avant qu'elle ne commence à se préoccuper de son historique bancaire.
Le vigile lui rendit le permis puis lui ouvrit la porte. Elle surpris l'expression stoïque de son propre visage dans le miroir sur le mur de l'entrée. La montée d'excitation de la veille s'était évaporée. Tout ce qu'il en restait était un état d'engourdissement émotionnel qui lui donnait l'impression d'être isolée du reste du monde. Le parfait état d'esprit pour traîner dans un bar à hookah.
Le salon de détente à l'intérieur était baigné d'une lumière pourpre. Des canapés de velours rouge et des tables noires étaient alignés des deux côtés du tapis rouge à l'extrémité duquel se trouvait le bar. Le propriétaire avait opté pour un esprit opulence Européenne en lieu et place d'un décor plus courant inspiré du Moyen-Orient, ce qui en faisait un lieu populaire auprès des riches touristes étrangers autant qu'auprès de la mafia Russe.
La pièce était vite à l'exception de deux couples assis avec une hookah argentée à la table située à sa gauche et de Natalya au bar. Moins il y avait de monde, mieux c'était. Il y avait moins de risque que l'UFCC ne vienne la surprendre. Elle replaça le permis de Jessica dans son sac puis en retira deux billets de vingt. Après avoir placé le sac à main à l'intérieur du sac de sport, elle glissa un regard à sa paume gauche.
La vue du sang séché provoqua un léger frisson. Alanna avait creusé la peau de ses ongles pendant la majeure partie de l'après-midi. Elle avait arrêté un plan afin de pouvoir manipuler son amie la plus proche. Les jours d'engourdissement tels que celui-ci, elle était incapable de réel remord, alors elle se contentait de la pénitence auto-infligée. Alors qu'elle se dirigeait vers l'extrémité gauche du bar, elle laissa retomber les bras le long de son corps.
Natalya l'observa tout en posant des verres sur un plateau. Elle avait la trentaine mais semblait suffisamment jeune pour pouvoir se permettre de porter la robe noire décolletée qu'elle avait sur elle. La nouvelle coupe bouclée plus courte lui donnait l'air un peu plus mûr. Après avoir versé de la glace dans un verre, elle le remplit de Coca à l'aide d'un pistolet à soda. Elle était la dernière personne sur terre qui aurait accepté de lui servir de l'alcool. Non pas qu'Alanna veuille en avaler ne serait-ce qu'une goutte. Natalya posa le verre sur le bar avec un froncement de sourcils.
— Tu es vraiment une gamine imprudente, toi. N'as tu pas lu mon message t'informant de ne pas mettre les pieds ici ?
— C'est une urgence. Je n'ai nul part d'autre où aller.
L'animation sur le visage de Natalya grandit.
— Et si Bogdan vient ici et et te voit ?
— T’as dis toi-même qu'il ne venait pas ici.
— Ça lui arrive encore à l'occasion. Pareil pour ses potes.
Alana prit une gorgée de sa boisson et s'essuya les lèvres.
— Ils ignorent que je suis ici. Tant qu'ils ne me voient pas, je serais en sécurité.
— Je lui ai menti en face lorsqu'il m'a parlé de toi. Tu te rends compte de la situation dans laquelle tu me mets ?
Alanna leva les mains.
— Je suis désolée. Je te revaudrai ça. Si tu veux, je peux encore espionner ta petite amie.
— Elle n'est plus ma petite amie.
— Tant mieux pour toi. Tu étais trop bien pour elle. Si elle cherche de nouveau la bagarre avec toi, dis-le moi. Je lui foutrai les flics au cul.
— Je n'ai pas besoin de ton aide pour m'en occuper. Tu n'as pas besoin d'un nouveau prétexte pour aller te mettre dans des ennuis.
Alanna montra du doigt le couloir menant à la salle VIP, situé à la gauche du bar.
— Je peux l'utiliser sans souci, hein ?
Natalya leva les yeux au ciel.
— Tu peux l'utiliser jusqu'à neuf heures.
— Merci. Mon ami sera là sous peu.
— Pas une minute de plus. Mon patron vient ici vers dix heures. J'aurais des ennuis si il te trouve ici. Il est très stricte.
— Stricte ? Tu fais du traffic à son nez et à sa barbe !
Natalya posa les deux mains sur le bar.
— Il n'en sait rien car je fais gaffe. Tu devrais essayer toi aussi pour voir. T'as ramené la tune ?
Alanna plaça la main gauche sur le bar. Natalya lui glissa un sac plastique en échange de la liasse de billets pliés. Elle empocha l'argent sans se donner la peine de compter. Les drogues récréatives étaient destinées aux clients qui venaient la voir pendant qu'elle bossait au bar. Alanna n'était plus une cliente régulière mais elles pouvaient toujours compter l'une sur l'autre.
Alanna la mettait en contact avec des fournisseurs pas chers sur Phantom Zone, le marché noir virtuel où elle revendait les données personnelles qu'elle avait volées. Natalya la gardait informée concernant Bogdan et sa cohorte de la mafia Russe, lui vendait un sac d'herbe à l'occasion sans augmenter le prix et lui cassait les couilles à propos de ses mauvais choix de vie insensés. Alanna n'avait pas l'énergie pour une dispute cette fois ci.
Elle empocha le sachet avant de dire à l'oreille de Natalya ;
— Si Bogdan se montre, préviens moi. Je partirais par derrière.
— Je garderais l’œil ouvert. Seulement, ne traîne pas. C'est mieux que tu ne sois plus là quand les gens commenceront à arriver.
Alanna fit un clin d’œil avant d'attraper le verre sur le bar.
— Je te revaudrais ça. Tu me passeras un coup de fil. à présent que t'es célibataire, on pourra se mater des trucs ensemble sur Netflix, sur ton canapé.
Natalya lui adressa un sourire timide. Elle avait raison de s'inquiéter. Non seulement parce qu'elle avait menti à Bogdan et elle était sa concurrente. Il gérait une entreprise de drogues façon coupe-gorge pour ses patrons Russes. Il était Bulgare. Très musclé. Un sociopathe accroc aux pilules avec un caractère de merde mille fois pire que celui de la mère d'Alanna... les hurlements et aboiements en moins. C'était un brasier juste sous la surface, dans ses yeux et dans son regard mauvais presque permanent. Il n'était pas de ceux auprès de qui il était souhaitable de se trouver quand ça pétait.
C'était à cause de Bogdan qu'Alanna avait montré la carte d'identité de Jessica à la porte. Il était possible qu'il ne se rappelle pas d'elle, comme il était possible qu'il l'assassine à vue. Il valait mieux opter pour la prudence. Elle ne serait pas venue ici du tout si ce n'était parce qu'il lui fallait partir du principe que l'UFCC surveillait chacun de ses gestes. N'importe qui rencontré chez elle ou à son domicile aurait attisé la suspicion des fédéraux.Le Serendipity servait de lieu public où elle pouvait malgré tout avoir un peu d'intimité.
L'éclairage fluorescent du plafond du club la guida au delà des toilettes jusqu'à la salle VIP. Une lourde odeur de désodorisant envahit ses narines alors qu'elle passait la porte. La salle était éclairée par le même néon violet super cliché qu'il y avait à l'extérieur. Un canapé de cuir rouge circulaire avec des coussins de toile occupait la moitié de la salle. Des fauteuil de cuir assortis et des guéridons étaient alignés contre les deux murs. De fins rideaux écarlates pendaient aux extrémités du canapé et une table noire trônait au centre.
Après avoir posé sa boisson et le paquet de Natalya sur la table centrale, elle se laissa tomber sur le canapé. Du sac plastique, elle retira plusieurs petits sacs. L'approvisionnement en herbe était une autre raison pour laquelle elle avait choisi ce lieu de rendez-vous. L'UFCC ne réagirait pas si ils la voyait en train d'acheter des mains d'une revendeuse de rue. Elle attrapa le papier à rouler dans son sac puis le posa sur la table près des sachets avant de passer aux choses sérieuses.
Quelques minutes plus tard, elle fut interrompue par un SMS de Brayden sur son mobile jetable. Il se plaignait d'être coincé dans la circulation et d'être retardé et il demandait pourquoi elle avait choisi de le rencontrer à South Beach. Il n'avait pas la moindre idée de la galère qu'elle devait gérer pour lui éviter de tomber aux mains des fédés. Ils étaient en train de traquer une personne qui lui était chère. Elle n'allait certainement pas leur servir son meilleur ami en attirant l'attention sur lui.
Après avoir terminé de rouler, elle alluma un des joints avec son brique afin de se calmer les nerfs. En général, elle ne fumait que lorsqu'elle avait des journées super angoissantes. Si son choix d'auto-médication chaque fois que sa vie partait en sucette faisait d'elle une addicte, alors tant pis. Il n'y avait pas si longtemps, elle avait été accroc à des drogues tellement pires. Une autre caractéristique héritée de son vieux.
Dans ses dernières années, il avait eu tendance à se livrer un max quand il se trouvait seul avec elle en état d'ébriété. La plupart du temps, il racontait les mauvais traitements qu'il subissait aux mains de ses patrons et collègues ou la dernière réprimande de sa mère à elle. Mais gravé dans sa tête, il y avait une confession qui sortait du lot :
Tu es ma fille, je t'aime par dessus tout dans le monde entier. Mais parfois, j'aurai voulu que tu ne sois pas née.
Après avoir pris une profonde inspiration, elle s'étendit sur le canapé, son appel à l'aide flottant dans son cerveau. Comme leurs vies eussent été différentes si elle avait pu comprendre sa douleur comme elle la comprenait désormais. Elle porta son attention sur les deux joints qu'elle avait mis de côté pour Brayden. Avec de la chance, lui aussi, comme son père, aurait des confessions pour elle une fois sous influence. S'il était décidé à partager avec elle les infos concernant le lieu où se trouvait Javier volontairement, il lui aurait déjà dit. Son herbe favorite devrait lever le moindre doute persistant à ce sujet. Ce n'était pas son premier rodéo, à devoir extraire des informations d'une personne pétée. Le truc c'était qu'il fallait tirer sur les bonnes ficelles et non le prendre en mode interrogatoire policier.
Lui donner des excuses pour avouer.
— J'ai un truc à te dire.
Alanna pivota la tête vers la voix face au canapé. Brayden se tenait debout devant elle et portait un t-shirt rouge délavé et un short kaki. Elle lui fit un grand sourire en dépit de ses sourcils froncés puis lui désigna la table centrale d'un mouvement de la tête afin qu'il se serve.
— Prends place et détends-toi d'abord.
Il secoua la tête avant de se laisser choir à l'autre bout du canapé.
— Tu aimes ?
Il hocha la tête avant de lui relancer le briquet.
— C'est le seul objet classe que je t'ai jamais vu trimbaler avec toi.
Elle le leva à la lumière avant de le fourrer dans sa poche.
— Le reste de mes trucs classes ont soit été perdus, soit été mis au clou.
— Héritage familial ?
— Nan. Je l'ai chouré.
Il expira avec un nuage de fumée grise.
— Pourquoi ne suis-je pas surpris ? J'ai un message de la part d'AntiAmerica.
— AntiAmerica ?
— Ils veulent savoir pourquoi tu es entré dans l'appart de Javier par effraction.
Alanna se redressa dans le canapé.
— Ils ont entendu ça où ?
— C'est pour ça qu'hier les fédés t'ont passé les bracelets, pas vrai ?
— Mais j'ai rien dit à personne.
— Ils veulent aussi savoir ce que t'as dit aux fédéraux.
— Attends... Comment ça se fait que tu causes avec AntiAmerica, toi ?
Ses épaules s'effondrèrent.
— Ils m'ont envoyé un message par Javier.
Enfin la vérité.
— Donc tu lui as parlé.
— Je voulais te le dire, je le jure. Mais il m'a fait promettre de ne rien dire à personne.
En d'autres circonstances, elle lui aurait gueulé dessus. Pendant des semaines elle s'était plainte à lui de sa rupture. S'il lui avait dit la vérité plus tôt, elle n'aurait pas pénétré dans l'appart de Javier ce jour là et ne se serait jamais fait pincer par l'UFCC. Mais elle ne pouvait pas se laisser emporter par l'optimiste concernant son rôle dans la dissimulation de la vérité. Ce serait un peu hypocrite, au regard de la situation.
— Il t'a dit ce qui s'est passé ?
Il jeta un regard aux rideaux qui pendaient au dessus de leurs têtes.
— Il n'a rien dit. Tout ce que je sais c'est qu'il faut qu'il se cache pendant un petit moment.
— Dis-moi où il est.
— Je ne sais pas. AntiAmerica lui a proposé une cachette après l'avoir avertit que des personnes proches de lui étaient en danger.
— Pourquoi l'aident-ils ?
Après avoir exhalé il haussa les épaules.
— Pas la moindre idée. Je parle d'eux tout le temps. Je n'avais jamais entendu dire qu'il aie quoi que ce soit à voir avec eux jusqu'à récemment.
— Les gens de l'UFCC croient qu'il est lié à AntiAmerica.
Sa voix s'éleva tel un couinement.
— Tu a parlé avec l'UFCC ?
— Ils croyaient aussi que j'étais connectée à AntiAmerica.
Il ricana tout en maintenant la main devant sa bouche.
— Ah ! Toi.. et AntiAmerica ? Tu leur as pas dit qu'ils étaient vraiment trop cons ?
— C'est à cause d'AntiAmerica qu'ils surveillaient l'appart de Javier. Les fédéraux ont posé des questions sur eux et sur Javier.
Il examina le joint entre ses doigts.
— Serais-tu en train de me demander si je suis une poucave ?
— AntiAmerica dit que t'en es une.
— Et toi tu les crois ?
Il leva ses bras osseux en l'air.
— Ben, on t'a chopée chez Javier. Et à présent tu te ballades dehors libre comme un oiseau, en me posant des questions sur lui.
— Je ne suis pas une de leurs balances. Je t'ai fais venir ici parce que je manoeuvre dans leurs dos.
Les jambes de Brayden tressautèrent alors qu'il pesait ses paroles.
Elle ne l'avait pas encore rallié à sa cause.
— Je veux parler à Javier. Les gens de l'UFCC croient que Paul et lui appartiennent à l'organisation d'AntiAmerica.
— Qu'est-ce qui leur fais penser ça ?
— AntiAmerica a utilisé une brèche sur laquelle ils avaient travaillé tous les deux. Lorsque l'UFCC est allé à l'appart de Paul ils ont trouvé Terry assassiné.
Il écarquilla grand les yeux.
— Oh mon Dieu, t'es sérieuse ?
— Paul est un suspect. Tu sais déjà tous les trucs tordus dans lesquels il est impliqué. Javier et lui portés disparus en même temps donne l'impression qu'ils bossaient ensemble.
Il marmonna.
— Peut-être que c'est une bonne chose que Javier se soit enfui quand il l'a fait.
— Il peut pas se cacher des fédés. Tu sais comme il est confiant. Paul pourrait bien être en train de profiter de lui. As-tu parlé à Paul ?
Il secoua la tête.
— Non et oi ?
— Paul refuse de répondre à mes appels. Il faut que je parle à Javier pour connaître sa version de l'histoire.
— Tu es en train de perdre ton temps. Il ne veux pas parler. Ni à toi ni à personne.
— Je t'en prie Brayden. Sa voix était en train de se briser..
— Je m'inquiète pour lui. Il a envoyé un SMS disant que sa vie était en danger.
— Javier t'as envoyé un texto ?
— Depuis son téléphone. Il disait que je devais le retrouver.
Il se gratta la mâchoire de son index.
— Javier a laissé son téléphone portable dans son appartement. Il craignait que quelqu'un n'utilise le GPS pour le localiser. Il utilise un téléphone prépayé... Comme toi.
Alanna n'avait pas vu le téléphone quand elle avait fouillé chez lui.
— T'en es sûr ?
— Je l'ai vu de mes propres yeux. De plus, il n'a contacté personne à l'exception de moi et de sa famille. ça ne pouvait pas être lui.
— D'accord. C'est flippant. Brayden, laisse moi lui parler. Je t'en prie. Il faut qu'il nous laisse veiller sur lui.
Elle fit pivoter son corps jusqu'à ce qu'ils se retrouvent face à face.
— écoute moi. Je n'aurai jamais cafté sur Javier. J'essaie de le protéger.
— Tu le protèges à ta façon. Je le protégerais à la mienne. Il marqua une pause avant de baisser les yeux vers la table noire laminée.
— Je l'appellerais mais à une condition. Tu fais ce que demande AntiAmerica. Promets-moi que tu resteras à l'écart.
Elle fit une horrible grimace.
— Tu es de leur côté.
— Je suis du côté de Javier. Il crois qu'ils lui assurent la sécurité.
— T'as pas confiance en moi. C'est pour ça que tu ne m'as pas confié ces secrets concernant Javier.
Il ne broncha pas le moins du monde face à cette accusation.
— Nous avons tous les deux gardé des secrets l'un envers l'autre. Tu promets ou pas ?
Elle poussa un soupir.
— Je promets.
— Je le ferais savoir à Javier. Si il accepte de te parler, je t'enverrais un SMS.
Elle fit un geste pour lui prendre la main droite.
— Dis lui tout ce que j'ai dit à propos des fédéraux et de Paul.
— OK.
Son menton tremblait.
— Je suis désolé de ne pas t'avoir parlé de Javier. Je ne voulais pas te faire de cachotteries mais il m'a convaincu que c'était le mieux à faire pour tout le monde.
— Je ne fais que veiller sur lui, je le jure.
— Tu n'as pas à tenter de me convaincre. Je sais parfaitement que tu n'arrives plus à penser rationnellement quand il s'agit de lui. Alors, tu comptes aider les fédéraux à faire tomber AntiAmerica ?
— Dis-leur que je n'en ferais rien. Aussi longtemps qu'ils garderont Javier en sécurité. Si il essaient de l'entuber, je ferais tout pour qu'ils finissent tous en prison, du premier au dernier.
— Je ferais suivre le message.
Son regard erra jusqu'au reflet causé par les lumières du plafond.
— C'est la dernière fois que je te vois avant un bail. Je ne veux pas mener les fédés jusqu'à toi.
— Moi non plus. Je ne serai jamais venu si j'avais su que tu étais en laisse.
Brayden fit un grand sourire après qu'elle lui ait fait un doigt. Il pris une autre taffe puis expira.
Alanna l'imita. Ils se mirent à l'aise dans leur places sur le canapé sans dire un mot. Comme il lui avait dit une fois :
Les silences malaisants n'existent pas qu'on on est défoncés. Heureusement pour elle.
C'était clair que son pote ne lui faisait plus confiance. Et trahir la promesse qu'elle venait de lui faire ne servirait qu'à accentuer cette séparation entre eux.
4
Usurpation
Alanna s'est réveillée à la sonnerie de son iPhone. Son cou se raidit alors qu'elle soulevait sa tête du coussin du canapé. Tellement idiot. S'évanouir dans une stupeur provoquée par la drogue ne faisait pas partie du plan. Lorsque la sonnerie a cessa, elle jeta un coup d'œil à Brayden, qui était allongé face contre terre sur le côté du canapé. Elle sortit de sa brume pour arracher son téléphone de son sac à main par terre. Après l'avoir tiré jusqu'à son visage, elle vit que l'appelant avait laissé un message vocal.
L’agent Palmer. Il se manifestait pour lui assurer qu'au delà de l'intérêt de son équipe pour Javier, sa sécurité à elle était une préoccupation majeure. Il l'a avertie qu'AntiAmerica était composé de fanatiques antigouvernementaux capables de recourir à la violence pour arriver à leurs fins. À la fin du message, il avait déclaré que si elle sentait que sa vie était en danger, elle devrait l'appeler, de jour comme de nuit.
Elle se leva de son canapé avec le téléphone à la main. Il avait l'air sympa. Pas comme cette bimbo fasciste. Mais même les racailles semblaient agréables. Jusqu'à ce qu'ils veuillent quelque chose. Ensuite, ils se préoccupaient moins de votre bien-être et plus du leur. Ce n'était qu'une question de temps avant que tu ne deviennes un moyen de parvenir à une fin. Le côté laid de la nature humaine. Tout le monde l' enterrait mais il c'était là, prêt à jaillir.
Un bip de son iPhone. Un texte lui est parvenu alors qu'elle s'était évanouie. Elle haleta lorsque le numéro de téléphone portable de Javier apparut sur l'écran. L'UFCC lisant ses messages, elle avait dû se soucier des textes contenant des informations dommageables sur elle ou Javier. Elle toucha rapidement l'écran pour lire son contenu :
>Alanna. J'ai un secret à partager avec toi. Viens me retrouver. Je vais tout te raconter.
Trois messages textes en trois jours. Javier n'avait pas envoyé de messages énigmatiques comme ceux-ci auparavant. S'il n'avait pas son portable, alors qui envoyait des SMS ? L'agent McBride et l’UFCC ? Le premier message texte avait pu être écrit pour convaincre Alanna de devenir un informateur. Peut-être envoyaient-ils plus de SMS comme motivation supplémentaire pour retrouver Javier. Qui que ce soit, l'expéditeur devait savoir qu'elle ne se ferait pas avoir comme une bleue. Elle concocta une réponse.
> Prouve que tu es bien Javier. Qu'est-ce que tu m'as apporté pour mon dernier anniversaire ?
Cinq minutes s'écoulèrent avant qu'elle ne reçoive une réponse. Le message n'avait pas de mots. Uniquement une pièce jointe en JPEG. Elle ouvrit un gros plan d'elle-même vêtue de son bikini noir. La photo lui provoqua la chair de poule. Elle l'avait partagée avec une seule: personne : Javier. Un autre message texte fut reçu peu de temps après :
> Je suis Javier. Si tu veux que je partage plus de tes secrets, c'est possible. Viens me retrouver. Ou je te retrouverai.
L'agent McBride n'avait rien à gagner en lui envoyant cette photo. Elle n'aurait pu être volée qu'à trois sources possibles :
Javier, l'UFCC ou le propre disque dur d'Alanna.
En tout cas, ce type était un putain de bon hackeur. Ce devait être un gars. La photo du bikini était un signe immanquable. Le dark web était plein de pervers comme lui, publiant des photos de nu et des flux de disques durs infectés et de webcams.
Le voyeurisme était pour eux comme des préliminaires. L'humiliation était le but final. Cette saloperie prendrait sans aucun doute son pied à la moindre indication de souffrance ou d'impuissance de sa part. Elle fourra le téléphone dans sa poche. Une réponse imprégnée de colère lui ferait savoir qu'il était entré dans sa tête. Son regard se tourna vers la porte alors qu'elle imaginait Bogdan, l'UFCC ou le texteur faire irruption à tout moment. Elle se précipita vers son sac de sport, puis enleva l'ordinateur portable de secours.
Pendant le démarrage, elle éteignit le GPS sur son iPhone avant d'effacer le cache de localisation. Elle ne pouvait pas laisser ce malade la suivre à chaque mouvement. La photo a été infectée par un virus. Elle en était sûre. Mais les messages textes et le GPS désactivé allaient forcément attirer l'attention de L'UFCC. Elle devait terminer son travail avec Brayden puis foutre le champ.
Il était toujours évanoui, la tête près du bord du canapé. Après avoir cliqué sur l'application du kit de piratage sur son écran d'ordinateur portable, elle se glissa à côté de lui. Son smartphone était posé sur le coussin du canapé à côté de sa main gauche. Tout en étirant le bras pour tenter de l'atteindre, elle vérifia que ses yeux étaient fermés. Une fois le téléphone en main en toute sécurité, elle se dirigea sur la pointe des pieds vers son ordinateur portable, puis tapa un message texte sur le clavier pour le livrer à son numéro de portable.
Après qu'elle ait cliqué sur le lien dans le message, le pourriciel fut téléchargé vers son téléphone à lui. Les préparatifs du plan B étaient terminés. Elle effaça le message texte. Le texte suivant le plus récent indiquait un numéro inconnu. Sa curiosité l'emporta. Lorsque les mots s'affichèrent à l'écran, elle se couvrit la bouche avec les doigts. Brayden claqua des lèvres. Elle se dépêcha de fourrer son téléphone jetable et son ordinateur portable dans le sac avant de retourner de son côté du canapé.
Quand elle le secoua par les épaules, il se redressa les yeux mi-ouverts.
— Qu'est-ce que tu fais ?
Elle poussa son téléphone dans sa main.
— Il nous faut foutre le camp.
— Pourquoi ? Que s’est-il passé ?
—Je n’ai pas le temps. Je vais t'expliquer dehors.
Brayden l'injuria alors qu'elle le harcelait pour qu'il se lève. Elle se cramponna à son bras pour le soutenir alors qu'elle l'aidait à se remettre surs ses pieds puis le précipita vers la porte. De la main, elle soutenait son omoplate alors qu'il traînait les pieds dans le couloir. En passant à côté du bar, elle surprit Natalya les regarder tous les deux alors qu'elle mélangeait une boisson avant de de dire sans un son «désolée» en guise de réponse.
Alanna regarda autour de la partie centrale de la salle. La musique Trance grondait depuis les haut-parleurs. La foule était un mélange international d'élégants représentant s de la génération Y qui s'habillaient comme s'ils pouvaient se permettre les boissons hors de prix. Aucun siège n'était vide. La moitié des gens étaient debout. La brume dans l'air était beaucoup plus épaisse que lorsqu'elle était arrivée. Elle écarta de la main les effluves des chichas parfumées qui emplissaient ses narines.
Brayden sourit en faisant des rotations de hanches au rythme de la musique. Elle lui lança un œil mauvais puis lui cria à l'oreille de se hâter de sortir par l'entrée principale pendant qu'elle sortait par l'arrière. Il leva le menton en signe de compréhension, puis descendit précautionneusement la passerelle principale vers la petite foule rassemblée au centre. Quand une cliente se frotta contre lui, il perdit pied.
Il tomba sur un canapé en cuir à côté d'un mec d'Europe de l'Est habillé avec élégance et sa compagne. Puis il commença à rire. Alanna jeta un coup d'œil à Natalya, qui fronça les sourcils et lui fit signe d'une légère inclinaison de la tête qu'il lui fallait remédier à la situation. L’Européen de deux mètres de haut et à la barbe de chaume, se leva, les poings serrés. Brayden rayonna - inconscient de la menace à laquelle il faisait face - tandis qu'elle se précipitait à ses côtés. Tout en le soulevant par le bras, elle s'excusa auprès de l'Européen, qui fronça les sourcils.
Elle plaça son bras autour de sa taille puis le dirigea vers l'entrée principale. Il gloussa alors qu'ils se frayaient un chemin à travers la foule sur le plancher bondé. Ils étaient à mi-chemin de la porte lorsque le videur parut sur leur chemin. Il se moqua d'eux, les yeux fumants. Alanna demanda de bien vouloir excuser Brayden, puis expliqua qu'ils partaient. Le videur fulmina avant de leur ordonner à tous les deux de ficher le camp à cette seconde.
Elle hocha la tête à plusieurs reprises avant de trainer Brayden jusqu'à la porte d'entrée, le videur sur les talons. Tous les yeux étaient rivés sur eux jusqu'à l'entrée. Le videur leur tint la porte ouverte, puis hurla à Brayden de ne plus jamais mettre les pieds dans ce club. Dehors, elle appuya son épaule contre le mur à côté de l'entrée avant de sortir la tête dans la rue. Elle regarda au delà de la poignée de traînards près du club, toutes les personnes sur le trottoir. Il tira sur sa manche droite par derrière.
— Dis-moi seulement ce qu'il se passe.
Lorsqu'elle fut convaincue qu'aucune menace ne se cachait, elle désigna le Starbucks en bas de la rue.
— Plus tard. Attends-moi là-bas, à l'intérieur.
— Tu me parleras.
Elle grogna en le soulevant par le bras. Lorsqu'il fut bien debout sur ses pieds, elle le poussa par derrière.
—Je serai juste derrière toi.
Brayden se balança mais bougea de manière suffisamment stable pour marcher sans aide. Elle n'avait pas de bonnes options. Prendre le risque que les autorités ne le voient avec elle. Ou laisser son ami complètement stone et seul. Après avoir attendu cinq minutes, elle garda l'œil ouvert pour détecter quiconque serait en train de l'espionner tout en suivant ses traces. Deux gars en âge d'aller à l'université la regardait de la tête aux pieds. Pendant qu'ils se pavanaient en passant devant elle, elle évitait le contact visuel.
À l'intérieur du Starbucks, presque toutes les tables et les chaises en cuir étaient occupées. Elle aperçut Brayden assis sur l'un des tabourets hauts en bois qui étaient alignés le long de la vitre. Son coude droit était posé sur le dessus de table allongé, sa main portant tout le poids de sa tête. Les gens autour de lui étaient trop occupés avec leur café et leurs ordinateurs portables pour lui prêter attention. Alanna lui tapota l'épaule puis lui tendit la main.
— Donne-moi ton téléphone !
Quand elle agita les doigts, il sortit le téléphone de sa poche avant.
— Que veux-tu en faire ?
Elle le lui arracha puis commença à parcourir ses applications.
— Je t'appelle un Uber.
— Je peux conduire...
— Tu ne peux même pas marcher droit sans tomber sur de parfaits inconnus.
Il leva la main droite dans sa direction.
— C'était de ta faute, ça. Pourquoi diable me poussais-tu vers la porte ?
— J'ai reçu un SMS menaçant du téléphone portable de Javier.
— Ça disait quoi ?
Elle entra son emplacement dans l'application, faisant mine de ne pas avoir entendu la question. Ses lèvres se retroussèrent en un ricanement alors qu'il reculait et se cognait dans le dessus de la table.
— Il te faut apprendre la différence entre mystérieuse et grossière.
Alanna était moins préoccupée par la photo que par le commentaire sur le partage d'informations privées. Elle ne menaçait pas de partager des secrets de Brayden. Elle n'avait jamais mis en lumière son histoire personnelle avec lui ou quelqu'un d'autre. Malgré le fait qu'il était son ami le plus proche qui était là pour elle à son plus bas et à chaque fois depuis lors. Ils ne pourraient probablement ne pas rester amis proches s'il était au courant de son passé. Elle lui rendit son téléphone.
— Tu te sens mieux ?
Il plissa brièvement les yeux.
— Oui. Mon cerveau s'éclaircit.
— Tu ferais mieux d'attendre dehors. Ta voiture sera là d'une minute à l'autre. Puis-je te faire confiance pour éviter les ennuis ?
Il s'éloigna de la table pour se tenir debout sur ses deux pieds.
— Peux-tu me faire confiance ? À toi de me le dire.
La mâchoire d'Alanna trembla. La réplique l'avait prise au dépourvu. Quand il se précipita vers l'entrée, elle laissa échapper les seuls paroles d'adieu qu'elle pouvait trouver.
— Appelle-moi quand tu auras des nouvelles de Javier.
Elle commanda un café au lait glacé au comptoir pendant que Brayden attendait à côté d'un panneau de signalisation. Après avoir récupéré son verre, elle le vit entrer dans une Civic blanche. Elle but une gorgée de sa tasse en plastique réfrigérée tout en retournant jusqu'à sa place de parking. Alors qu'elle traversait la rue vers sa Corolla, une camionnette noire démarré son moteur à l'autre bout du pâté de maison. Elle s'arrêta une minute pour fouiller dans son sac à la recherche de ses clés avant de jeter un coup d'œil vers la camionnette. Elle était en train de s'éloigner imperceptiblement du trottoir.
Alanna demeura calme en entrant dans son véhicule. Elle éloigna sa Corolla du trottoir avant d'appuyer sur le champignon pour couper la route à une voiture qui s'approchait. Tout en accélérant sur la voie de droite, elle jeta un coup d'œil au rétroviseur toutes les cinq secondes. La camionnette noire traînait derrière quelques voitures. Elle était prête à parier que c'était l'UFCC. Mais elle ne prendrait aucun risque.
La camionnette l'a suivit sur plusieurs pâtés de maison de plus avant qu'elle ne se heurte à une circulation plus lente. Elle accéléra dans la voie de gauche qui était dégagée. Une jeep s'engouffra dans l'espace derrière elle. La camionnette rattrapa son retard puis se plaça derrière la Jeep. Les voitures à côté d'elle ralentirent alors que le feu tricolore devant elle passait à l'orange. Elle serra les dents avant de griller le feu au moment même ou il virait au rouge.
Il n'y avait aucun signe de son poursuivant lorsqu'elle emprunta la bretelle d'accès vers la A1A, en direction de l'ouest. Une fois qu'elle rejoignit la chaussée, son iPhone sonna de nouveau avant qu'elle ne l'éteigne. Elle ne parlerait à personne tant qu'elle n'était pas en sécurité dans son appartement. Si l’UFCC le lui demandait, elle expliquerait son comportement en disant être paniquée par les messages texte. Ça ne nécessiterait pas un grand talent de comédienne de sa part.
La circulation fluide et la brise chaude de l'océan le long de la baie de Biscayne n'aidèrent pas à alléger son humeur lorsqu'elle dépassa le centre-ville en direction de la voie express du Dauphin. Son pied reposa sur l'accélérateur pendant tout le trajet jusqu'à la rue menant à son immeuble de briques oranges. Elle appuya sur le frein à la vue de quelqu'un qui descendait sur la chaussée, au milieu de la route. Ses phares de voiture éclairèrent l'agent McBride. Après s'être arrêtée à côté d'elle, Alanna baissa la vitre. Avant qu'elle ne puisse sortir un mot, l'agent McBride agrippa la portière puis se rapprocha.
— Pourquoi diable ne répondais-tu pas à ton téléphone ?
— Je l'avait éteint.
— Tu n'as pas vu les messages texte ?
Elle fit claquer une masse de gomme à quelques reprises avant de répondre.
— Ouais.
— La prochaine fois que ton petit ami te contactera, fais mieux, pour ce qui est d'obtenir des informations.
Alanna agrippa le bord de son siège d'auto.
— Ce n'était pas Javier.
— C'était son numéro de portable.
— Il n'a pas pu répondre à la question concernant mon anniversaire.
Les doigts de l'agent McBride tapèrent contre la portière.
— Il t'as donné une preuve. La photo.
— C'est un autre pirate faisait semblant d'être lui.
Alanna pensa au début que le numéro avait peut-être été usurpé. Avec une application de clonage comme celle qu'elle avait téléchargée sur son téléphone jetable un peu plus tôt, les données de l'expéditeur pouvaient être modifiées pour afficher n'importe quelle adresse e-mail ou numéro qu'il voulait. Mais il avait pu envoyer et recevoir des SMS du même numéro, ce qui signifiait qu'il avait probablement accès au téléphone portable de Javier.
— Alors quoi - tu as désactivé ton GPS à cause d'un SMS effrayant ?
Les yeux d'Alanna se plissèrent après avoir vu l'expression suffisante de l'agent McBride.
— J'ai désactivé le GPS parce que mon téléphone est infecté par un virus.
— Réagis-tu toujours de manière excessive chaque fois que tu reçois des messages étranges ?
— Je connais son genre. Des comme lui, j'en côtoie nuit et jour.
L'agent McBride détourna les yeux puis secoua la tête.
— C'est ça. Tu as raison. Qui d'autre que ton petit-ami prendrait la peine d'infecter ton téléphone ?
— AntiAmerica.
— Qu'est-ce qui te rend si sûre qu'il n'est pas AntiAmerica? S'il l'est, tu devrais avoir peur à en perdre la tête. Ce sont des tueurs de sang-froid. Nous avons des témoins qui placent ces gens dans l'appartement de Paul avant que son colocataire ne soit battu à mort.
— Avez-vous la preuve que Javier fasse partie d'AntiAmerica ?
— Pourquoi le protège-tu encore ?
Elle éleva la voix.
— Il a menacé de venir te chercher. Il connaissait ton numéro. Avait ta photo. Et a dit qu'il pourrait partager plus de secrets. De quels secrets parlait-il ?
Exactement la conversation qu'Alanna ne voulait pas avoir avec elle.
— Comment diable suis-je censée le savoir ? Je m'en fiche si vous me croyez ou non. Quelqu'un d'autre que Javier a envoyé ce texto. Et a infecté mon téléphone avec des logiciels malveillants.
— Ou tu répands plus de mensonges. Qu'est-ce qui te rend si sûre que ton téléphone soit infecté ?
— Quiconque est assez bon pour voler cette photo peut l'infecter avec un virus sans problème.
— Je parie que ton petit ami est assez bon.
Elle roula des yeux.
— Vous devriez pourchasser Paul. Pas Javier.
— Mon enquête, c'est mon problème, pas le tien. Les deux ont travaillé ensemble. Nous enquêtons sur les deux.
— Vous allez m'écouter, oui ? Paul est en train de piéger Javier.
— Je ne suis pas l'agent Palmer. Je ne suis pas intéressé par les excuses que tu as inventées. Tu mens depuis le moment où tu as ouvert la bouche. Ton petit ami est la seule raison pour laquelle tu n’es pas en prison. Fais ton travail et trouve-le.
— Et le téléphone ?
L'agent McBride tendit la main droite.
— Donne-le-moi. Nous allons y jeter un œil.
Alanna lui tendit le téléphone depuis le siège passager.
— Que suis-je censée faire sans téléphone ?
L'agent de l’UFCC secoua la tête.
— Je le jure, vous autres, gosses, la technologie a fait de vous des incapables. Montes à ton appartement. Attends que nous te contactions. Jusqu'à ce que ton téléphone soit remplacé, nous ne pouvons pas te pister si ton malade de petit ami essaye quoi que ce soit.
Alanna perdait patience avec cette tête d'épingle.
— On dirait que vous avez déjà décidé qu'il était coupable.
— Ai-je demandé votre avis ? Pensez à vous-même.
Elle pinça les lèvres avant de parler.
— En avons nous terminé ?
— Non. La prochaine fois que tu veux faire quelque chose de radical, comme éteindre ton GPS, tu me demandes d'abord la permission. C'est compris ? Je ne serai pas aussi polie la prochaine fois que je devrai te traquer.
Alanna répondit en appuyant sur le bouton pour ouvrir la vitre. Sans prendre la peine de voir la réaction de l'agent McBride, elle changea de vitesse puis se dirigea vers le parking. Après avoir garé dans le premier espace libre, elle hurla de toute la force de ses poumons. Elle en avait assez des gens qui passaient leur temps à tenter de l'intimider. Le pire, c'est qu'elle ne pouvait pas riposter.
— Promets-moi quoi qu'il arrive, tu ne finiras pas impuissant comme moi - une victime.
Elle cogna l'arrière de son crâne contre l'appui-tête. Les paroles de son père évoquèrent des souvenirs d'affrontements entre sa mère et lui. À son meilleur jour, Alanna n'était pas la moitié de la manipulatrice qu'elle était. Sa mère la soumettait à toutes sortes d'abus émotionnels à moins qu'elle ne s'aligne sur son programme d'ascension sociale. Les violences verbales que son père endurait étaient bien pires.
Le souvenir gravé dans son cerveau était le moment où sa mère avait tenté de la dresser contre lui. Après s'être disputée au sujet du manque d'argent pour déménager dans un quartier plus agréable, elle s'était adressée à Alanna quand il était parti en trombe.
— Ton père est fou. Le savais-tu ? Un psychiatre lui a diagnostiqué un trouble de la personnalité limite. Tu le vois, n’est-ce pas ? Qu’il ya quelque chose qui ne va pas chez lui ?
Quand elle demeura là, silencieuse, sa mère roula les yeux.
— Pourquoi je te le demande ? Tu es exactement comme lui. Je parie que tu es folle toi aussi.
Alanna ne perdait pas une seconde à regretter son enfance passée à grandir sous le même toit que cette tempête parfaite de cynisme égoïste à la langue acérée sans filtre. Elle ouvrit les yeux puis retira la clé USB et les papiers de Jessica de la boîte à gants. En sortant de la Corolla avec son sac à main et son sac de sport, elle a elle fit très attention à tous ceux qui ressemblaient de près ou de loin à des fédéraux à l’intérieur du parking.
Son cœur battait très fort à chaque pas du chemin jusqu’à l’ascenseur. Tout au long de sa course, elle a tambouriné ses doigts contre sa cuisse gauche. C'était un peu mauvais pour ses nerfs, être en train de trimbaler avec elle une preuve d’usurpation d'identité alors qu’elle était sous surveillance fédérale. Elle ne pouvait s’empêcher de penser que l’agent McBride ou un de ses potes de l’UFCC se cachait dans l’ombre, prêt à bondir.
Une fois à l’intérieur de son appartement, elle tira brutalement l’ordinateur portable de son sac, puis voltigea le reste du contenu du sac sur la table basse en chêne à côté de son canapé. Une carte en plastique glissa de la pile sur le tapis sombre. La tache de sang le long de la tranche de la carte provoqua des frissons chez Alanna. Son premier permis de conduire. Elle le fourra sous le reste de la pile. Pas le temps de ressasser des souvenirs douloureux.
Même sans ses rappels inattendus et soudains, le virus de la nostalgie piquait un max depuis sa rupture avec Javier. Depuis quelques semaines, elle pensait plus à sa famille qu'elle ne l'avait fait pendant tout le temps qu'elle avait passé dans le sud de la Floride. Contrairement à son père, elle rejetait généralement toute envie de déterrer le passé, surtout les moments les plus terribles. Ses squelettes ne restaient pas là, pendus dans un placard. Ils demeuraient enterrés profondément en terre sacrée, pour ne plus jamais être piétinés.
Elle était assise au bout du canapé avec l’ordinateur portable de secours allumé sur la table basse. Elle n’avait rien fait avec, à part télécharger quelques fichiers et applications il six mois auparavant. Cet ordi et le téléphone jetable devraient, en principe, être encore sécurisés. Il fallait que ça dure. Ses données devaient demeurer cryptées. Les fichiers non essentiels seraient stockés ailleurs. La navigation et la messagerie seraient limitées aux sources en lesquelles elle avait confiance.
Elle copia le contenu de sa clé USB sur son ordinateur portable. Les dossiers de Jessica. Des comptes bancaires et des comptes de cartes de crédit. Puis elle s’assura que toutes ses données étaient sauvegardées en déplaçant toutes les données qu’elle avait déjà sur son ordinateur portable vers la clé. C'était mieux d’avoir ces données à portée de main pour le cas où son accord avec les fédéraux prendrait l'eau. Puis elle montrerait à l’agent McBride à quel point la technologie l’avait rendue incapable en disparaissant juste sous son nez.
Mais une évasion d’urgence ne serait pas nécessaire aussi longtemps qu’elle pourrait joindre Javier. Elle allait le convaincre de combler les trous concernant toutes ses questions sans réponse. Et avec un peu de chance, il allait l'aider à se débarrasser de l’agent McBride et du reste des fédéraux. Elle ouvrit l’application de spoofing sur son téléphone jetable. Si Brayden mentait quand il parlait de ses contacts avec Javier, elle avait déjà un plan B.
Alanna cessa de taper sur son clavier d’ordinateur, puis elle pris une grande respiration. Elle soupçonnait Brayden de lui cacher des choses. ça lui avait fait mal de l’entendre remettre en question sa loyauté et exprimer sa méfiance. Mais elle n'avait jamais imaginé tomber sur le SMS qu’elle avait lu sur son téléphone :
> Arranges-toi pour que cette salope me lâche. Ou tu ne seras pas payé.
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