Transgression
Victory Storm
Victory Storm
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Victory Storm
Copyright ©2020 Victory Storm
Editeur: Tektime
Traducteur (ita --> fr): Pascale Leblon
Cover: https://stock.adobe.com | Projet graphique de Victory Storm
Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
TRANSGRESSION
Easton était incrédule. Son père pensait-il vraiment pouvoir accueillir la fille de sa nouvelle compagne sans conséquences?
Et comme si ce n’était pas suffisant, la chère Alice croyait-elle sincèrement pouvoir entrer dans sa vie sans se soumettre à lui et à ses règles?
Quand Alice a accepté cette nouvelle vie aux côtés de sa mère et sa nouvelle famille pour aller à l’université, elle se doutait que ce ne serait pas simple. Mais pas à ce point. Un baiser avait suffi pour transformer une expérience déjà difficile en véritable enfer. Malheureusement, elle n’a jamais eu peur de se brûler et, avant même de trouver sa place, elle est prête à déclarer la guerre et à détruire celui qui ne savoure qu’une chose: l’humilier et la soumettre. S’il est vrai qu’en amour comme à la guerre tous les coups sont permis, alors la lutte sera féroce!
1
ALICE
Je culpabilisais.
Avoir laissé mon père et Book seuls à Seattle pesait sur mon cœur comme une pierre.
Je me sentais comme une traîtresse, une vendue, une opportuniste, qui avait préféré sa carrière universitaire à sa famille.
Même les mots de mon père ne m’avaient pas réconfortée :
— Alice, ils t’offrent ce que tu désires depuis toujours et que tu mérites. Ne pense surtout pas à tout laisser tomber pour moi. Si tu fais cela, je culpabiliserai de t’avoir freinée, et d’avoir compromis ton avenir. »
Je savais qu’il avait raison mais je n’arrivais pas à positiver.
Lui et moi ne faisions qu’un depuis que ma mère avait accepté de déménager à Eugene, en Oregon, pour obtenir la promotion qu’elle désirait tellement.
J’avais refusé de la suivre à cause de mon attachement pour mon père, notre chien, mes amis et mon lycée. Mais aujourd’hui, les choses étaient différentes.
J’avais obtenu mon diplôme, mes amis étaient partis dans les diverses universités du pays, mon père travaillait toute la journée et depuis que les voisins avaient adopté une petite chienne, Book traînait autour de leur maison.
L’argent de mes études avait été englouti par les travaux dans la maison, qui tombait en morceaux, et ma mère avait trop de dépenses pour nous aider. Même si mon père et moi étions de toute façon l’un et l’autre trop orgueilleux pour lui demander une aide financière.
Depuis que ma mère était partie et s’était ensuite séparée de mon père, j’avais grandi avec le poids des responsabilités.
J’avais pris en charge tout ce dont elle s’occupait auparavant et m’étais toujours sentie comme un pilier pour mon père.
Aujourd’hui, je ne savais plus que faire et je continuais à me demander si j’avais pris la bonne décision en l’abandonnant à son sort pour étudier à l’université de l’Oregon, et séjourner temporairement chez ma mère et son nouveau compagnon, Mitchell Carson.
Ce dernier était aussi le frère du doyen de l’université, à laquelle je pourrais accéder grâce à ses recommandations et son soutien financier. Apparemment, ma mère était tombée amoureuse d’un homme très riche. Tellement riche qu’il n’avait pas remué un cil à l’idée de me payer des études alors
qu’il ne me connaissait pas, et amoureux au point de tout faire pour réaliser le rêve de sa compagne d’avoir de nouveau sa fille à ses côtés.
J’avais toujours voulu aller à l’université et obtenir un diplôme en journalisme mais le prix à payer était élevé lorsque je pensais à mon père, et au fait de l’avoir laissé pour lui préférer celle qui nous avait abandonnés pour parcourir le monde comme photoreporter pour un magazine.
La seule chose qui m’avait convaincue de monter dans le bus et de supporter plus de six heures de voyage était de rendre mon père fier et d’exploiter au maximum cette opportunité vraiment unique.
J’éclatai d’un rire amer à ma descente du bus quand je reçus un message de ma mère m’avertissant qu’elle était retenue par un reportage photo et ne pourrait pas venir me prendre.
Le contraire m’aurait étonnée … Tu ne changeras jamais, pas vrai ? ça a toujours été trop difficile pour toi de faire une place à ta fille.
Sans perdre courage, je pris un taxi et m’acheminai vers l’adresse qu’elle m’avait envoyée. Il y aurait certainement quelqu’un pour m’ouvrir la porte et m’aider à m’installer.
Quand la voiture stoppa devant une grande villa entourée de verdure, je restai émerveillée de tant de richesse.
A ma grande surprise, la grille en fer était ouverte, l’allée bordée d’arbres était pleine de voitures et un tapage et une musique assourdissants s’échappaient de la maison.
Je descendis du taxi étourdie et épuisée par le voyage, et me dirigeai vers la villa.
Hésitante, je m’approchai de cette structure cubique, couleur terre, qui se fondait dans son environnement naturel. C’était une villa futuriste, divisée en cubes décalés qui rassemblaient les différentes pièces. Deux gros cubes, dont un doté d’une grande baie vitrée, en constituaient la base. L’étage comptait au moins six pièces plus petites, divisées en cubes elles aussi, qui créaient un jeu fascinant de renfoncements et de saillies, et dont les grandes fenêtres donnaient sur les jardins environnants.
Je m’avisai rapidement d’un va-et-vient continu de jeunes qui s’amusaient et couraient de tous les côtés. Certains buvaient de la bière, d’autres, en maillot de bain, se séchaient…
Le climat était encore très chaud pour un mois de septembre et je ne portais moi-même qu’une paire de leggings et un léger haut.
Désorientée et incapable de trouver quelqu’un pour m’aider, je tirai mon trolley à travers la villa, passant par au moins deux salons pour aboutir à l’arrière de la maison, qui s’ouvrait sur un espace barbecue et la piscine.
C’est là que je tombai sur le cœur de ce qui semblait être une fête.
La piscine était pleine de gens de mon âge et la musique était encore plus bruyante.
Je regardai autour de moi.
Je savais que le compagnon de ma mère avait des enfants, Easton et Jake, dont un de mon âge, mais je ne les connaissais pas. Je n’avais même jamais vu une photo d’eux et ma mère m’avait dit qu’ils n’habitaient pas en continu chez leur père.
Étourdie par cette pagaille, épuisée et en sueur après le voyage, je posai ma valise contre un mur et tentai de m’infiltrer dans cette frénésie pour demander de l’aide à quelqu’un.
Je n’avais jamais été douée pour briser la glace et engager la conversation avec des inconnus mais je pris sur moi.
J’allais m’approcher d’une jeune fille en bikini qui buvait un Pepsi quand je vis arriver un garçon à peine sorti de l’eau.
Je me tournai et remarquai ses yeux bleu glacier fixés sur moi.
Je m’éloignai de la fille et me dirigeai vers lui, dans l’espoir d’avoir face à moi un des fils du compagnon de ma mère.
Mon regard glissa sur lui. Il faisait sûrement vingt centimètres de plus que moi et ne portait qu’un bermuda bleu sur son corps élancé et sculpté.
J’étais fascinée par sa peau bronzée, si différente de la mienne, blanche comme du lait, mais surtout par le tatouage qui lui couvrait le bras droit jusqu’à l’épaule. C’était une reproduction de la lithographie ‘Relativité’ d’Escher, une succession d’escaliers qui partent dans différentes directions et donnent une impression d’irréalité et de paradoxe. Cependant, les personnages étaient remplacés par des dragons qui survolaient la scène, jusqu’à son épaule sur laquelle s’agrippait un dragon encore plus grand, aux griffes tellement longues et acérées qu’elles semblaient pouvoir pénétrer la chair. Des blessures sanglantes, tatouées à la base des pattes de l’animal, rendaient l’effet encore plus réaliste.
Qu’est-ce qui peut bien pousser une personne à se faire tatouer des blessures et autres délires ?
Perturbée par cette image, je me concentrai sur son visage à la mâchoire carrée, aux pommettes hautes, au nez droit et à la bouche charnue incurvée dans un sourire énigmatique et insolent qui lui donnait un air arrogant.
Toutes les cellules de mon corps me criaient que ce garçon n’allait m’apporter que des ennuis.
Quand il fut à un pas de moi, je remarquai les gouttes d’eau qui continuaient à couler de ses cheveux châtains ondulés pour descendre sur son visage, et terminer leur course sur ses pectoraux parfaits et son ventre plat.
Il y avait quelque chose d’intimidant chez ce garçon. Ou c’était juste la fatigue du voyage.
Je n’étais pas une chiffe molle mais le fait est que je ne réussis pas à prononcer un mot.
Je restai là à attendre d’entendre le son de sa voix, tandis que l’espace entre nous était complètement aspiré par sa présence.
Il se pencha sur moi.
Nos regards restèrent enchaînés et, pendant un instant, j’eus le sentiment de ne plus pouvoir m’échapper.
J’aurais voulu réagir mais j’étais si fatiguée que je cédai à cette proximité qui me rendait vulnérable et mal à l’aise.
– Tu dois être Alice Preston, murmura-t-il. Le volume de la musique m’empêchait presque de l’entendre et je dus me rapprocher davantage de lui.
Je compris avec soulagement qu’il était plus que probablement un des fils du compagnon de ma mère.
J’ébauchai un sourire et acquiesçai, reconnaissante d’avoir rencontré quelqu’un qui pouvait m’aider.
Quelque chose changea brusquement.
D’un geste rapide, sa main droite se posa sur mon visage tandis que son bras gauche m’entourait la taille, me collant à lui.
Je ne fus pas assez rapide pour reculer. J’eus juste le temps de lever les mains et de les plaquer sur son torse mouillé et frais.
Ce saut de température du chaud au froid me fit frissonner.
Je tentai de comprendre ce qu’il se passait, mais sa main m’obligeait à garder le visage tourné vers lui, les yeux fixés sur les siens et notre respiration qui fusionnait.
Je fis un pas en arrière mais mon geste intensifia sa prise sur mon corps, sa main gauche grande ouverte dans mon dos. Je sentais son corps humide mouiller mes vêtements à chaque point de contact. Cette fraîcheur me fit du bien mais le contact physique inattendu m’effrayait, me poussant à chercher de l’espace et de l’oxygène.
– Mais qu’est-ce que … ? je murmurai intimidée, essayant de comprendre la situation. Mais mes mots se perdirent sur ses lèvres soudainement collées aux miennes.
Ce garçon m’embrassait !
Je tentai de le repousser mais autant essayer de déplacer un mur, et je me retrouvai le dos contre la paroi, sa main en train de descendre vers mes fesses.
En colère et déstabilisée par ce qu’il m’arrivait, je lui bloquai la main. Pour toute réponse, il se colla encore plus à moi, ses lèvres obligeant les miennes à s’entrouvrir et à répondre à son baiser.
Ce qui me chamboula le plus fut que, pendant tout ce temps, il continuait à me fixer comme s’il voulait contrôler mes réactions et comprendre combien de temps je mettrais à céder.
Malgré la fatigue, je ne m’avouai pas vaincue et restai raide sous ses assauts.
Je ne sais combien de temps nous sommes restés enlacés à nous embrasser.
Quand il se détacha de moi, j’étais chancelante, les jambes en coton.
Ce fut son bras autour de mes épaules qui me tint debout, alors qu’il était tourné vers ses invités qui nous observaient, curieux et amusés.
– Mes amis, je vous présente Alice, ma nouvelle sœur ! hurla-t-il euphorique, provoquant une explosion de rire parmi les personnes présentes, qui le complimentèrent sur l’accueil qu’il m’avait réservé.
Ils étaient excités d’avoir vu un des leurs embrasser de cette façon une fille qui était sa sœur. Apparemment, ce geste incestueux, loin de les choquer et de susciter leur mépris, avait au contraire fait monter de cent points la cote de popularité et l’ego de…
Comment s’appelle-t-il ?
– Easton, tu n’en rates jamais une, hein ? s’exclama un garçon blond en topant dans la main de celui qui venait de m’embrasser et était retourné se jeter dans la piscine.
Easton.
Je regardai furieuse ce demi-frère acquis il y a moins d’une minute.
Le sourire insolent et arrogant qu’il me retourna resta imprimé dans ma mémoire.
Je n’oublierais jamais cette expression triomphante et présomptueuse.
Une part de moi aurait voulu le gifler et le noyer dans la piscine mais j’étais trop habituée à tolérer et à garder mon sang-froid. J’étais en outre épuisée par le voyage, et je me sentais seule sans ma famille et ma maison.
Éprouvée et anéantie par ce que je venais de subir, je pris mon trolley et me dirigeai vers la sortie, sans même accorder un regard à Easton et ses amis qui commencèrent à se moquer de ma fuite.
J’avais envie de pleurer et je sentais grandir en moi la peur d’avoir commis une terrible erreur en acceptant cette proposition de venir en Oregon.
J’étais déjà dehors et sur le point d’appeler un taxi quand je vis ma mère arriver au volant d’une nouvelle voiture. Et quelle voiture ! Une Maserati de la dernière génération, l’absolu opposé de l’épave que mon père prenait pour aller travailler, quand elle démarrait.
– Alice, excuse-moi de ne pas être venue te prendre à la gare des bus, s’excusa-t-elle de suite en me serrant fort dans ses bras.
Je ne répondis pas et elle comprit immédiatement que je n’étais pas d’humeur à lui pardonner.
– Tu es déjà entrée ? me demanda-t-elle.
– Oui. J’ai rencontré Easton, ton beau-fils, répondis-je irritée, prête à lui révéler l’accueil humiliant et obscène auquel il m’avait contrainte au moment même où le garçon en question arrivait et nous interrompait.
– Easton, encore une fête ? Tu as oublié ce que t’a dit ton père la dernière fois ? dit ma mère d’un ton de reproche si indulgent et doux qu’il me donna envie de casser ce qui me tomberait sous la main.
– Je l’ai organisée pour fêter l’arrivée de ta fille. J’espère qu’elle a apprécié, répondit-il en me lançant un coup d’œil provocant qui me fit bouillir.
– Non, je n’ai absolument pas apprécié ! lançai-je sans me laisser intimider. – Je déteste les fêtes et je déteste les garçons arrogants et imbus d’eux-mêmes qui se prennent pour des dieux sur Terre, libres de faire ce qu’ils veulent et qui n’ont aucun scrupule à mettre les autres mal à l’aise.
– Eh, eh, les jeunes ! s’alarma ma mère, inquiète. Il est clair que vous êtes partis du mauvais pied mais je vous rappelle qu’à partir d’aujourd’hui, nous serons une famille. Vous devez vous entendre, compris ? Mitchell et moi tenons vraiment à ce que nos enfants aient une relation paisible et amicale. Nous avons aussi insisté auprès du doyen de l’université pour que vous soyez dans le même dortoir mixte afin de rester l’un près de l’autre.
– Fantastique, je sifflai acide.
– Alice, je comprends qu’accepter ce déménagement n’a pas été facile pour toi. Mais je voudrais que tu mettes tes problèmes de côté et que tu essaies de t’entendre avec Easton. Il est né et a grandi ici. Il connaît tout le monde et a beaucoup d’amis. Je suis sûre qu’il saura te mettre à l’aise, le défendit-elle.
J’étais prête à faire une scène. Ma mère était à peine arrivée, elle ne savait pas pourquoi j’étais en colère, mais elle avait déjà décidé que j’étais fautive et non Easton.
J’aurais voulu leur hurler tout mon mépris et ma rancœur au visage mais je ne pouvais pas oublier que j’avais accepté de vivre en Oregon et de fréquenter une université payée par son nouveau fiancé.
C’était le prix à payer pour mon choix.
***
EASTON
Comment savourer la satisfaction d’avoir humilié et mis en rogne celle que mon père voulait que je considère comme ma nouvelle petite sœur, alors qu’elle continuait à me regarder d’un œil mauvais et ne semblait pas vouloir céder face à ma position privilégiée ?
Dès l’instant où je l’avais vue, j’étais resté hypnotisé par son attitude fière et détachée, malgré la fatigue qui se lisait sur son visage.
L’aura intouchable et inviolable qui émanait d’elle m’avait mis hors de moi, au point de la choquer et de l’embrasser sans équivoque, devant tout le monde, puis la laisser seule, exposée à la moquerie des autres.
La fête, c’était mon arène et j’étais le gladiateur. Jamais je ne permettrais à une fille de pénétrer sur mon territoire sans lui en faire payer les conséquences.
J’étais certain que le message était passé, mais ses yeux verts ne se soumettaient pas et ses cheveux cuivrés étaient comme des flammes brûlantes prêtes à se jeter sur quiconque approcherait.
Elle aurait pu être séduisante sans ces taches de rousseur disgracieuses sur le visage, surtout sur le nez et les pommettes, et si elle n’avait pas semblé aussi frêle, comme une poupée.
– Easton, pourquoi tu ne montres pas à Alice la chambre que nous lui avons préparée pendant que je cherche les domestiques et que je mets fin à cette fête avant que ton père n’arrive ? me demanda gentiment Helena, la mère d’Alice.
D’habitude, je serais parti sans explication mais Helena était toujours aimable avec moi et m’avait souvent défendu face à mon père. J’acceptai donc et m’écartai pour laisser passer notre nouvelle invitée. Comme un gentleman.
Dommage que cette conne soit passée si près que son trolley roula sur mes pieds nus.
J’aurais parié que c’était voulu et son sourire en coin prouvait clairement qu’elle avait grandement apprécié sa petite et stupide vengeance.
Encore cette air fier et hautain !
Mon Dieu, qu’est-ce que la détestais !
J’aurais dû la jeter dans la piscine au lieu de me contenter de mouiller ses vêtements aux endroits où mon corps humide touchait le sien.
Je me promis de tout faire pour lui rendre la vie infernale. Au moins jusqu’à ce que l’on parte pour l’université dans deux jours.
Après, je la ferais disparaître de mon radar. Sa seule présence avait le don de me faire exploser.
Je chassai la douleur de mon pied et suivis la demoiselle en lui indiquant les escaliers vers l’étage.
Sa chambre était au fond du couloir, proche de la mienne.
Elle ouvrit la porte sans dire un mot.
– Bienvenue en enfer ! je m’exclamai pour l’intimider, m’esquivant quand elle passa devant moi avec sa valise pour entrer.
Elle me lança un énième défi.
– L’enfer, c’est mon habitat naturel. Toi, veille à ne pas t’y brûler, répondit-elle de façon effrontée.
Je la menaçai.
– Fais attention à la façon dont tu me parles.
– Ça vaut pour toi aussi.
Irrité par son obstination et son envie d’avoir toujours le dernier mot, je claquai la porte et partis.
J’allais retourner dans la piscine quand Helena m’arrêta de nouveau.
– Ton père arrive dans une heure. On va dîner un peu plus tôt cette fois. Tu peux prévenir Alice ?
Je lui jetai, nerveux :
– Tu ne peux pas le faire ? C’est ta fille, pas la mienne. Je n’étais au service de personne.
– Je suis au téléphone, me dit-elle en me montrant le portable allumé à son oreille.
Vaincu et fatigué par tout le foutoir provoqué par l’arrivée d’Alice et de mon père, je saluai rapidement mes amis et retournai à l’étage.
J’allais frapper puis décidai d’ouvrir la porte sans prévenir.
– J’espère rester dans cette maison le moins possible. Je ne me sens pas la bienvenue et maman… Elle ne fait plus partie de ma vie. Elle préfère sa nouvelle vie à moi, murmurait-elle inquiète et angoissée, en faisant de grands gestes, les mains tremblantes. Je sais papa…Mais je ne veux pas rester ici. Tu me manques.
Son père répondit et elle eut un petit rire rauque. Elle semblait sur le point de pleurer mais retrouva son aplomb.
– Tu as raison, tout ira bien. Je dois juste m’habituer et prendre des distances avec celui qui m’a réservé le pire accueil de ma vie. Je n’en tremble encore rien qu’à y repenser.
Tiens… La jeune fille fière et imperturbable n’est donc pas si froide et insensible qu’elle en a l’air !
Je respirai à fond et savourai ce pouvoir que je sentais déjà avoir sur elle.
La détruire serait plus facile que prévu.
Je fermai silencieusement la porte et redescendis.
On s’en tape si personne ne la prévient que le dîner est avancé !
2
EASTON
Quand mon père arriva, la maison avait retrouvé son aspect normal et personne ne me dénonça. Même pas la nouvelle venue qui ne descendit que pour manger et rencontrer mon père, Mitchell Carson.
Mon père, toujours attentif aux apparences et faussement paternaliste, resta un peu déçu par l’aspect simple et négligé d’Alice, qui ne montra aucun intérêt à mieux le connaître ou à vouloir le satisfaire en écoutant ses conseils.
Le dîner passa rapidement grâce au mutisme général.
Face aux réponses monosyllabiques d’Alice, mon père avait cessé de poser des questions.
Helena était terriblement mal à l’aise et il était évident que ses rapports avec sa fille étaient dégradés, tout comme les miens avec mon père.
De tout le repas, je restai fixé sur mon portable pour éviter de participer davantage.
Quelle famille heureuse, hein ?
Je me bornai à écouter Helena qui parlait d’un reportage photo pour un défilé de mode, mon père qui avait clôturé une affaire de seize millions de dollars avec un seul appel intercontinental, Alice qui voulait devenir journaliste et n’appréciait pas ce qu’elle avait dans son assiette.
Que des choses ennuyeuses auxquelles je ne prêtai pas attention.
A la fin du repas, Alice débarrassa la table et chargea le lave-vaisselle, bien que la domestique soit là, disant qu’à la maison elle s’en était toujours occupée. De mon côté, je me préparai à sortir.
– Où vas-tu ? m’arrêta mon père.
– Boire un verre avec mes amis, je répondis expéditif.
– Tu n’as pas dit un mot de toute la soirée.
– Parfois, le silence est d’or.
– Oui mais pas ce soir. Nous avons une invitée et tu ne fais rien pour la mettre à l’aise. J’ai vu comment elle te regardait et elle n’a pas l’air heureuse du tout.
– C’est son problème.
– Eh non, Easton. Nous sommes une famille maintenant et tu dois te comporter comme un frère avec elle. Et pas comme Jake. Je parle d’être un bon exemple à suivre.
– Jake est là pour ça.
– Jake est à Stanford et deviendra bientôt avocat. Pourquoi tu ne suis pas les traces de ton grand frère et essaie de te ressaisir une bonne fois pour toutes ?
– Tu as fini ? Mes amis m’attendent, je soupirai.
– Prends Alice avec toi. Je veux que tu lui présentes quelques personnes.
– Même pas en rêve ! Je ne veux pas de ce boulet au pied toute la soirée.
– Easton ! Qu’est-ce que je viens de te dire ? se fâcha mon père. Alice, chérie, ça te dit de sortir avec mon fils ?
– Merci Mitchell, mais je préfère passer mon temps avec des personnes intellectuellement stimulantes, répondit-elle avec cette fausse candeur que seul quelqu’un de stupide n’aurait pas saisie.
Je vais la tuer !
Mon envie de l’éliminer devait clairement se voir car mon père n’eut pas le courage de répondre, à part un misérable :
– Amuse-toi.
***
ALICE
J’eus du mal à m’endormir mais je tombai finalement dans un profond sommeil.
Un choc violent me réveilla mais au moment où j’ouvrais les yeux, quelque chose de chaud se posa violemment sur ma bouche et écrasa ma tête sur l’oreiller.
En ouvrant grand les yeux, je vis un homme au-dessus de moi, le visage couvert d’un passe-montagne noir.
Je voulus hurler mais aucun ne sortit. Sa main appuyait avec force sur ma bouche.
En voulant me dégager, je réalisai que mes poignets étaient attachés avec une corde.
L’intrus me fit signe de me taire.
J’acquiesçai. Mon cœur battait tellement fort que je l’entendais pulser dans mes oreilles.
Il s’approcha. Son souffle était chaud et alcoolisé.
– De quoi rêves-tu, petite sorcière ?
Je reconnus immédiatement la voix d’Easton.
Soulagée de ne pas être victime d’un pervers ou d’un tueur en série (peut-être), la rage me prit et je le frappai tellement fort que je réussis à le toucher aux jambes.
Sa main se détacha de ma bouche et j’en profitai pour me lever et lui donner une bonne leçon.
Même les mains liées devant moi, je le frappai à coups de poings et à coups de pieds.
– Détraqué ! Maniaque ! Pervers ! Crétin ! Enfoiré ! Essaie encore et je te castre !
Je l’insultai jusqu’à ce qu’il me bloque de nouveau et me jette sur le lit. Son corps me clouait au matelas.
Je dus prendre sur moi pour garder mon sang-froid.
– Tu ne m’as toujours pas dit de quoi tu rêvais, répéta-t-il comme si ma colère ne le concernait pas le moins du monde.
– Je rêvais que tu mourais, touché par une balle. On dit que les rêves deviennent réalité… Espérons !
– Menteuse ! Dis que tu rêvais de coucher avec moi.
– Tu es malade… Et je ne veux pas attraper de maladies vénériennes. Je ne coucherai jamais avec toi, même si tu étais le dernier homme sur Terre.
– Je ne te crois pas, chuchota-t-il à quelques centimètres de mon visage avant de m’embrasser.
Ce fut un baiser plein de rage, de vengeance, pour me soumettre et me faire comprendre de ne plus me rebeller ou de lui répondre de travers.
Je réussis tant bien que mal à me dégager.
Je lui hurlai au visage. – Dégage !
– Tôt ou tard tu comprendras qui commande ici.
– Et toi tu comprendras que toute action entraîne une réaction.
Il éclata de rire.
– Grandis un peu ! Tu es puéril. Tu caches tes incertitudes derrière des coups d’éclat et tu passes les bornes pour attirer l’attention. Tu es pathétique !
J’avais mis dans le mille car il arrêta de rire et me foudroya du regard.
Il contre-attaqua.
– Parce que toi tu es mature et sûre de toi, pas vrai ? Et il tenta à nouveau de m’embrasser encore plus violemment.
Malheureusement, personne ne m’avait jamais embrassée ainsi et je n’y connaissais pas grand-chose. Je me retrouvai sans défense et incapable d’y échapper mais j’aurais préféré mourir plutôt que d’avouer mon manque d’expérience sexuelle.
Nous ne jouions pas à armes égales et je ne tenais pas à lui montrer le flanc.
Je devais absolument trouver quelque chose pour éloigner Easton de mon corps et de ma bouche.
– Mon copain embrasse mieux ! j’inventai, espérant le freiner et l’humilier au passage.
– Tu as un copain toi ? Et il éclata de rire, incrédule.
– Évidemment ! Et s'il te voyait dans ma chambre à cette heure de la nuit, il te casserait la gueule ! Il est videur dans une discothèque, ce n’est pas un amateur. Il a huit ans de plus que nous et des muscles qui rendraient jaloux n’importe qui. Je lâchai tout dans un souffle en remerciant mon imagination. Je voulais être journaliste mais mon vrai rêve était d’écrire des romans.
– Et comment s’appelle cette brute ?
– Jacob Kowalski, je répondis, reprenant le nom d’un des personnages du film que j’avais regardé avant de dormir, “Les Animaux Fantastiques : les Crimes de Grindelwald”.
– Jamais entendu.
– Je n’en doutais pas.
– Donc, tu vas aller pleurer chez lui parce que ton demi-frère t’a malmenée ? se moqua-t-il.
– Pas besoin. Il me fait confiance et sait que je ne le tromperai jamais.
– Tu n’as pas peur qu’il te trompe maintenant que tu es loin de la maison ?
Je dus me contenir pour ne pas éclater de rire devant ses tentatives de nuire à mon faux couple.
– Non, je répondis, sûre de moi. Et toi alors ? Tu n’as pas une copine à ennuyer avec ton sex-appeal de débile ?
– Je t’ai maintenant.
– Non, je veux dire une petite amie.
– Les rapports de couple à long terme ne m’intéressent pas.
– Je comprends. D’ailleurs, quelle femme pourrait te supporter plus d’une nuit de mauvaise baise ?
Il me menaça d’une voix rauque :
– Tu tires sur la corde. Veille à ne pas la casser.
– La mienne s’est rompue au moment même où je t’ai rencontré. Maintenant tu dégages et tu me laisses dormir, grand malade !
J’en avais assez qu’il essaie de m’effrayer sans cesse.
Il capitula, se leva et se dirigea vers la porte. – Alors, bonne nuit.
Je lui ordonnai de me détacher.
– Demande à ton copain de t’aider, lança-t-il avant de sortir.
Je dus mordre les liens pour me libérer. La rage et le désir de vengeance me donnèrent la force de desserrer les nœuds et de rester attentive à ne pas subir une autre plaisanterie.
Je dois trouver le moyen de lui faire passer l’envie de me chercher des poux !
3
ALICE
Le jour suivant, je me levai tard. J’avais passé la nuit à penser et à méditer ma vengeance.
Je déjeunais d’un smoothie pommes-bananes au comptoir de la cuisine quand j’entendis des pas derrière moi.
Je fis semblant de rien et essayai de rester calme lorsque je vis le bras tatoué d’Easton m’entourer et me tirer en arrière contre son torse.
– Tu as déjà appelé ton petit copain pour lui raconter ce que je t’ai fait et à quel point ça t’a plus de m’embrasser cette nuit, quand j’étais couché sur toi ? me provoqua-t-il d’emblée en frottant sa joue mal rasée sur la mienne.
– Je lui ai tout raconté. Je lui ai aussi précisé à quel point ton corps suant et ton haleine alcoolisée étaient écœurants, je répondis sèchement, en contrôlant ma nervosité. Sa façon spontanée et éhontée de me toucher me déstabilisaient. Je contrôlais mon souffle et mon cœur à grand-peine.
– Et qu’est-ce qu’il t’a répondu ?
– Qu’il me fait confiance.
– Donc il ne viendra pas me casser la gueule ?
– Non, il m’a dit que je peux me débrouiller seule et que son intervention n’est pas nécessaire.
– Et c’est tout ?
– Oui.
– Tu es sûre qu’il n’en baise pas une autre ?
– Tout à fait sûre. Nous étions en videochat et il se promenait à Seattle avec son ami Newt, j’inventai. J’y prenais goût maintenant. – Avant de me dire au revoir, il a aussi ajouté d’y aller doucement avec toi parce qu’il sait combien je peux être dangereuse quand je me mets en rage ou qu’on me manque de respect.
Easton éclata de rire. Il ne me croyait évidemment pas, mais j’avais bien l’intention de lui faire comprendre qu’il devait me laisser tranquille. Dans deux jours, nous partirions pour l’université et je voulais commercer sans soucis et préoccupations.
L’impulsivité d’Easton menaçait ma santé mentale.
– Dangereuse, toi ? Tu penses vraiment que tu vas me faire peur ? me taquina-t-il en me volant mon verre de smoothie pour le boire.
– Non, je ne pense pas. J’en suis certaine. Je feignis l’arrogance dans l’espoir de le pousser à prendre ses distances.
– Petite naïve ! Les filles comme toi, je les mange au petit-déjeuner, murmura-t-il à mon oreille, avant de me mordre dans le cou, me faisant sursauter. – Et tu serais dangereuse, hein ? ricana-t-il. Il se détacha de moi et alla plonger dans la piscine.
Il faisait encore chaud ce jour-là.
Je passai toute la matinée à cogiter sur ma vengeance mais finis par céder à l’envie d’un plongeon.
Quand j’arrivai à la piscine, j’y trouvai Easton et trois de ses amis.
Embarrassée mais trop orgueilleuse pour faire demi-tour après qu’Easton m’ait remarquée, je pris un transat, m’installai loin du groupe et commençai à lire.
– Eh, sœurette, viens que je te présente mes amis : Logan, Ryo et Ant cria Easton, en me les montrant.
Je les fixai un par un.
Logan était d’une beauté à couper le souffle. Blond aux yeux turquoise avec des reflets verts, un corps de statue, jusque dans les moindres détails. Il avait de larges épaules de nageur et des muscles tellement développés que je me sentais petite et sans défense face à lui. Je regardai son visage. Il avait une expression virile, forte, mature et calme. Mais sous la surface et cette perfection angélique, je pouvais presque percevoir sa nature rebelle et anticonformiste.
Ant était châtain, les yeux gris. Son visage était une œuvre d’art tant il était beau, ni diminuée ni ternie par la monture sombre de ses lunettes. Il avait un physique beaucoup plus sec que Logan et son air de nerd contrastait avec la confiance en lui qu’il manifestait à la façon dont il était assis sur le transat, le jeans si bas sur les hanches que le regard était attiré sous son nombril. Il avait une attitude provocante et érotique dans sa manière de me toiser, malgré son indifférence apparente. C’était sûrement un esprit brillant et seul un crétin l’aurait sous-évalué.
Ryo enfin.
Une énigme.
C’est ce que je pensai quand ses yeux d’un noir profond croisèrent les miens.
C’était le seul que je ne cernais pas au premier coup d’œil mais mon sixième sens me disait de rester loin de lui si je voulais éviter les ennuis. Il ne laissait sûrement pas tomber ou oublier facilement un affront. La tension que je lisais sur son visage me rappelait un guépard qui va attaquer sa proie.
Il était mystérieux, fascinant et troublant. Sa façon de me fixer me faisait un peu penser à Easton, sans détourner le regard et se fichant complètement de mon malaise. Il semblait savourer mon embarras. Je sentis un frisson d’excitation et de peur le long de ma colonne vertébrale.
Je soupirai.
Ils étaient tous les trois très beaux et, avec Easton, faisaient un petit groupe capable de ravager des cœurs.
En tous cas, ils ne passaient certainement pas inaperçus.
Je les saluai de la main et repris mon livre.
– Allez, viens ici. Pourquoi tu ne nous rejoins pas ? me proposa Easton, en plongeant.
– Non, merci.
– Je dois venir te chercher de force ?
– Easton, pourquoi tu ne laisses pas les grands tranquilles pour aller jouer avec les petits ? soupirai-je en indiquant ses amis qui me regardèrent de travers.
J’avais sûrement encore dépassé les limites parce que je le vis sortir furieux de la piscine et venir vers moi.
Je pensais qu’il voulait de nouveau m’attacher ou me faire Dieu sait quoi. Mais il prit mon livre et le lança dans l’eau.
– C’est un de mes préférés ! je me fâchai.
– Je m’en fous !
J’explosai.
– Tu n’es qu’une brute !
– Encore un mot et je te noie !
C’en est trop !
– Cette fois tu ne vas pas t’en tirer comme ça !
Je courus vers la maison, furibonde.
Toute la nuit, j’avais cherché un moyen de lui faire payer, et le moment était arrivé.
Je pris le tube de gel de colorant alimentaire rouge que j’avais volé le matin dans la réserve et me rendis dans la chambre d’Easton.
Comme moi, il avait une salle de bain privative.
Sans me faire remarquer, j’entrai et commençai à dévisser la pomme de douche avec un petit tournevis, comme mon père me l’avait appris.
Je remplis les trous de sortie d’eau avec le gel, refermai et retournai à la cuisine.
Poussée par mon désir de vengeance, j’ouvris le freezer avec colère et attrapai un pot de glace au chocolat.
J’en versai une bonne portion dans un grand bol, ajoutai un peu d’eau chaude pour faire fondre la glace et quand j’eus obtenu une espèce de crème liquide, allai vers la piscine où je trouvai Easton qui séchait au soleil sur un transat en papotant avec Logan.
– Oh, merde ! Easton… essaya de l’avertir son ami, mais top tard. La coulée de chocolat avait déjà atterri sur ses épaules et son dos.
– Essaie encore de toucher à mes affaires et la prochaine fois, ce ne sera pas du chocolat mais quelque chose de plus désagréable et agressif ! je le menaçai enragée.
Quand Easton se leva, ses yeux bleus réduits à deux fentes fixés sur les miens, je sentis un instant la terre trembler sous mes pieds. Il était vraiment en colère, mais c’était son calme apparent qui me fit frémir.
– Tu devrais aller prendre une douche. Tu mets du chocolat partout. Excuse-moi mais on dirait que tu t’es fait dessus. Ce n’est pas un beau à voir, je réussis à dire, la voix ferme, tandis que ses amis éclataient de rire et affirmaient qu’en effet ça ne ressemblait pas à du chocolat mais à la crise de diarrhée d’un condor.
– C’est ça ta vengeance ? siffla Easton à voix basse en prenant un peu de crème pour me l’étaler de la main sur la joue, le cou et la poitrine. Je le laissai faire, indifférente et souriante.
– Non, ça c’est l’entrée, je répondis, avant qu’il ne puisse se rendre dans sa chambre pour se nettoyer.
Je savais qu’il devrait prendre une douche. Il ne pouvait quand même pas se jeter dans la piscine avec toute cette saleté sur lui.
Il ne me restait qu’à attendre, à profiter de cette pause pour ramasser mon livre adoré désormais trempé et irrécupérable.
Ses amis prirent leurs distances et se mirent à discuter. Apparemment, ils ne savaient pas s’ils devaient venir me parler, rester silencieux en attendant leur ami ou s’en aller.
À peine cinq minutes plus tard, Easton arriva.
Des gouttes rouges coulaient de sa tête et rayaient son visage, ses épaules… Tout le corps, et la serviette de bain attachée à sa taille.
Ses trois amis pâlirent et essayèrent de lui demander s’il allait bien mais il vint vers moi.
Il était furibond, ses yeux lançaient des éclairs et sa mâchoire se contractait nerveusement.
– Ne me dis rien. Tu as glissé en entrant dans la douche. Tu t’es cogné la tête et maintenant tu saignes. Quel maladroit ! je réussis à dire sans exploser de rire. – Tu es affreux à voir ! On te dirait sorti d’un film d’horreur !
– Tu penses que tu vas t’en tirer comme ça ?
Arrogante, je lui rappelai :
– Non, mais je suis sûre que cette fois tu as compris pourquoi mon compagnon ne s’inquiète pas le moins du monde pour moi. Comme tu le constates, je me débrouille très bien seule.
– Je te donne un conseil : tant que tu logeras ici, ne dors pas, reste concentrée, ne marche sans te retourner toutes les trois secondes, parce que je serai là, à attendre un faux pas, une distraction, pour t’atteindre. Tu vas regretter le jour où tu as décidé d’accepter l’offre de mon père, me menaça-t-il avant de retourner à la maison se laver. Probablement dans une autre salle de bain.
– Tu as déconné. Easton ne pardonne pas, m’arrêta Logan quand il vit que je retournais aussi vers la maison.
– Moi non plus.
– Tu te crées des ennuis. Tu n’as pas idée du pouvoir qu’Easton a ici. Tout le monde le connaît et reste loin de lui. Personne n’oserait lui faire la plus infime critique, ajouta Ant.
– Je veux seulement qu’il me laisse tranquille.
– Et tu penses y arriver comment ? Avec des blagues de troisième primaire ?
– C’est lui qui a commencé ! Ou vous avez oublié ce qu’il m’a fait quand je suis arrivée ?
Mal à l’aise et désolé pour son ami, Ant essaya de m’expliquer :
– On s’en souvient tous mais la vérité, c’est qu’Easton n’avait rien contre toi mais contre son père qui lui a imposé cette nouvelle famille, entre toi et ta mère. Il n’en voulait pas. Il ne veut personne.
– Moi non plus je ne veux pas d’une autre famille. Je n’aime pas être ici. Je serais déjà partie si ce n’était pas la seule possibilité que j’aie d’aller à l’université, j’avouai, fatiguée par la tension accumulée.
– Vous vous attaquez tous les deux aux mauvaises personnes. Je te conseille de lui parler quand il reviendra. Je suis sûr qu’il t’écoutera si tu arrives à contrôler ton petit caractère.
– Je ne pense pas qu’Easton voudra m’écouter maintenant.
– Trouve le moyen. La créativité ne te manque pas, me dit Ryo en partant, suivi des autres.
***
EASTON
Je ne voulais pas l’admettre mais j’étais choqué.
Je ne m’attendais pas à ce que cette fille aille aussi loin. D’abord la coulée de chocolat fondu et puis la douche rouge sang.
Je savais que ma proximité l’effrayait, la rendait inquiète et vulnérable. J’étais convaincu qu’elle céderait et la morsure dans son cou ce matin m’avait indiqué qu’elle était plus timide et sensible que prévu. Ses joues avaient rougi et son corps avait frémi quand je la tenais contre moi. Elle n’était pas indifférente à ma présence mais il était évident qu’elle tenait à ce que je ne le remarque pas.
Je pensais la tenir et au contraire…
Quel crétin d’avoir sous-estimé son obstination et son désir de m’éloigner d’elle.
Néanmoins, plus elle s’entêtait à mettre de la distance, et plus j’en faisais pour la réduire.
C’était comme un bras de fer.
Il fallait seulement découvrir qui gagnerait.
Ces pensées en tête, je décidai qu’il était temps de détruire son couple.
Elle m’avait humilié devant mes amis et je ferais pareil avec son copain.
Elle m’avait dit qu’il était plus âgé et était videur mais je ne l’ai jamais cru, et de toute façon ça ne m’effrayait pas. Je sais me défendre, et très bien.
J’attendis qu’elle prenne sa douche pour voler son portable.
Triomphant, je le trouvai de suite mais mon enthousiasme retomba d’un coup quand je vis qu’il était protégé par un code PIN.
Je le remis à sa place, irrité, et attendis de pouvoir le reprendre une fois débloqué.
L’occasion se présenta après le repas.
Alice appela son père pour prendre de ses nouvelles.
Je m’approchai en douce et le lui arrachai des mains avant qu’elle ne puisse s’échapper.
– Rends-le moi ! Je suis en ligne avec mon père ! enragea-telle de suite en s’agrippant à mon bras pour reprendre le téléphone que je tenais bien haut. Alice était tellement petite qu’elle n’arriverait jamais à ma main.
Fatigué dès ses hurlements, tandis que son père l’appelait et lui demandait ce qu’il se passait, je poussai Alice qui tomba sur le divan. Puis, d’un bond, je me barricadai à clé dans ma chambre.
– Tout va bien Monsieur. Alice vous rappellera plus tard. J’ai juste besoin du téléphone de votre fille un instant pour détruire sa vie sentimentale. Je l’interrompis et coupai la communication.
Et maintenant à nous deux, Jacob Kowalski !
Après avoir passé tout l’après-midi à contrôler chaque conversation et les photos du téléphone, j’avais dû me rendre chez Ant, génie de l’informatique, pour trouver quelque chose sur ce fiancé.
– Mon ami, ta chère petite sœur t’a trompé ! Elle n’a pas de copain et d’après les photos que j’ai trouvées et qui remontent à trois ans, aucune ne la montre accompagnée d’un garçon dans une situation amoureuse. Au maximum, une où elle dort avec un chien. De plus, le seul Jacob Kowalski sur internet est un personnage de film fantastique, conclut Ant, en me rendant le téléphone à la fin du repas au restaurant mexicain qu’il adorait.
Alice avait encore réussi à m’enfumer !
– Donc ça fait un moment que cette sorcière ne baise pas, n’est-ce pas ?
– Plus que probablement, non.
– Je le savais ! C’est clair que c’est une fille sexuellement frustrée et insatisfaite, je jubilais.
– Pourquoi tu ne lui parles pas pour mettre fin à toute cette histoire ? Vous vous connaissez depuis peu et vous vous êtes déjà déchirés comme des coqs de combat. Pourquoi tu ne laisses pas tomber et tu tournes la page ? Après-demain, on part à l’université. Concentre-toi sur ça.
– Oui, mais uniquement après que je me sois vengé, affirmai-je, décidé à gagner la guerre.
– Easton, s’il te plaît chercha à m’arrêter Ant, mais je lui pris le téléphone des mains et je partis.
Quelqu’un à la maison avait besoin d’une leçon.
4
EASTON
Je me relaxais dans le jacuzzi extérieur quand Alice arriva.
– Je peux récupérer mon téléphone ? me demanda-t-elle avec un air de chien battu.
– Viens le chercher, l’invitai-je en me déplaçant au centre de la petite piscine pour l’empêcher de me l’arracher des mains.
Comme je m’y attendais, Alice se déshabilla. Sous ses vêtements, elle portait un maillot deux-pièces noir, tout simple.
Même dans l’obscurité, son corps était illuminé par la lumière douce de l’éclairage extérieur. Elle était menue et sa peau était claire et délicate.
Je la fixai tout du long. Ses joues étaient très rouges et je comprenais à ses mains tremblantes qu’elle se sentait mal à l’aise mais, comme toujours, elle fit semblant de rien. J’étais certain qu’elle aurait préféré mourir plutôt que de me donner la satisfaction d’admettre que ma présence l’effrayait.
Elle entra dans l’eau avec timidité et s’approcha prudemment.
– Tu me le donnes maintenant ? me demanda-t-elle d’un air conciliant. Elle tendit la main mais sans tenter de prendre le téléphone de force.
J’attendis qu’elle soit à quelques centimètres de moi.
– Tu ne crains pas que ton copain soit jaloux d’apprendre que tu es ici avec moi, la nuit, à moitié nue ? lui dis-je provocant. Je lançai le portable sur le divan à côté, l’attrapai par les hanches, et la tirai vers moi pour l’empêcher de sortir de l’eau.
Alice sursauta et son visage vira au rouge intense sous ses taches de rousseur qui stimulaient mon imagination. Elle était si proche que nos nez se frôlaient.
Elle se cambra vers l’arrière et je renforçai ma prise sur sa peau lisse et douce.
– Alors ? je l’encourageai. Et je me penchai sur son cou gracile en laissant courir ma langue sur sa peau dans le seul but de la perturber davantage. Je voulais qu’elle perde le contrôle et l’air détaché qu’elle prenait toujours en ma présence.
J’aimais sa saveur et son corps était tellement chaud que cela m’excita. C’était peut-être moi qui risquais de perdre le contrôle, mais je ne m’arrêtai pas. Je jubilais de la voir si vulnérable et effrayée.
Elle s’agita. – Easton ! et posa les mains sur mon torse pour me repousser.
– Tu peux ôter tes mains ? Je… je…
– C’est toi qui me touches, je plaisantai, amusé de son malaise et de ses tentatives maladroites de m’éloigner. Je pensais que ça te plaisait… Tu ne fais pas de genre de choses avec ton copain ?
– Bien sûr mais c’est mon copain. Toi, pas, lâche-moi.
– Tu sais, j’ai cherché quelques photos de ce Jacob dans ton téléphone mais je n’ai rien trouvé.
– Il déteste être pris en photo répondit-elle tout de suite, en se raidissant dans mes bras.
– Et il déteste aussi t’appeler ou t’envoyer des messages ou des emails ? Je n’en ai pas trouvé non plus.
– C’est un type à l'ancienne.
– Alors comment vous communiquez ?
– Avec un pigeon voyageur.
J’éclatai de rire. C’était très drôle de la voir marcher sur des œufs.
Au bout d’un moment, elle se mit à rire elle aussi et se relâcha enfin un peu.
– Je n’ai pas de copain, d’accord ? confessa Alice. Je l’ai inventé pour que tu restes loin de moi.
– Pourquoi ?
– Tu as cette façon de t’approcher, de me toucher, de m’embrasser… Voilà, moi… Moi je ne suis pas faite pour ça.
– Mais tu l’as déjà fait non ? Ou tu es vierge ?
– Évidemment mais avec quelqu’un qui m’aimait, pas avec le premier inconnu croisé dans la rue, s’agita-t-elle de nouveau, en détournant le regard. J’étais perplexe. Et pas sûr de la croire.
Je me moquai :
– Quelle romantique.
– Et toi alors ? Tu ne trouves pas de fille assez folle pour vouloir s’amuser avec toi, pas vrai ? Ça doit être difficile d’être un pauvre type à l’ego surdimensionné comme le tien, contre-attaqua Alice, qui reprit confiance en elle.
– Pourquoi est-ce qu’à chaque fois que tu ouvres la bouche, j’ai immédiatement envie de te la refermer ? je lui demandai énervé en prenant son visage pour poser mes lèvres sur les siennes.
Je ne la lâchai pas et attendis que ce baiser vienne à bout de son obstination et de son envie de m’attaquer et de m’éloigner comme un parasite.
Je ne la supportais pas ! Je n’acceptais pas son refus et je ne voulais plus qu’elle tente de se rebeller.
Ce n’est qu’en sentant son corps trembler au contact du mien, et ses bras glisser sur ma poitrine au lieu de me rejeter, que je me calmai et relâchai la brutalité avec laquelle j’avais bondi sur elle.
Elle avait une jolie bouche. Petite et charnue. Je goûtai ses lèvres douces, les suçotai et les mordis délicatement jusqu’à les entrouvrir.
Putain, qu’est-ce que ça m’excite !
Cette excitation me courant violemment dans les veines, ma langue prit possession de sa bouche haletante qui gémissait doucement, soumise à mon invasion.
Son souffle haché et rapide m’atteignit comme une vague irrésistible, déchaînant mon désir de l’avoir et de la faire mienne.
Je dois avouer qu’Alice était une belle fille. Insupportable mais belle.
Cette idée fixe en tête, et une érection toujours plus impatiente d’être satisfaite, je me jetai sur elle, laissant mes mains courir sur son corps, des épaules au dos jusqu’aux fesses et aux cuisses que j’attrapai et soulevai sur mes hanches, tandis qu’elle s’agrippait à mon cou pour ne pas glisser.
Ce changement de position sépara nos lèvres un instant et je m’attaquai à la base de son cou, le mordis et le suçai tout en détachant le haut de son bikini.
Quand j’y arrivai et caressai sa poitrine, elle sursauta et s’éloigna d’un coup.
– Non ! hurla-t-elle apeurée, s’échappant loin de mes bras.
– Non ?! Vraiment ? je m’exclamai avec un rire nerveux qui cachait mal ma colère d’avoir été interrompu.
J’étais excité à mourir et me sentais à deux doigts de l’orgasme. C’était un peu tard pour un non.
– Je… je ne veux pas. Je ne sais pas ce qui m’a pris, bafouilla-t-elle en tremblant. Elle me regardait de ses yeux verts écarquillés par le choc. J’étais venue pour le téléphone et pour te demander pardon. J’ai exagéré aujourd’hui et je voulais te proposer une trêve.
– Ce n’était pas une trêve justement ce qui vient de se passer ? Jusqu’à ce que tu bondisses comme une pauvre petite pucelle qui se fait peloter pour la première fois.
Alice ferma les yeux comme si elle voulait oublier, et moi et ce souvenir. Quand elle les rouvrit, son regard était flamboyant.
– Je t’ai demandé de me laisser tranquille et d’arrêter de poser tes sales pattes sur moi, et encore plus de m’embrasser. Je ne suis pas un jouet avec lequel tu peux t’amuser et puis jeter aux oubliettes, me dit-elle en cherchant à garder la voix ferme et un ton froid et sévère, m’énervant de nouveau. Pour la énième fois, j’avais perdu ce pouvoir que j’avais sur elle. Ou que je pensais avoir.
Aucune fille avant elle n’avait jamais reculé quand je l’embrassais ou la caressais.
– Désolé, mais je ne suis pas d’accord. Tu es mon jouet.
Elle se fâcha, les yeux brillants et tristes.
– Je voulais juste avoir un dialogue ouvert avec toi, mais c’est clair que tu es trop têtu et immature pour affronter certaines situations comme un adulte. Je la regardai et me rendis compte qu’elle était désespérée : son corps s’était fermé comme une huître et elle tremblait violemment malgré la chaleur agréable de l’eau. Son visage était tendu.
Elle se leva pour sortir de l’eau, son soutien-gorge tenu contre elle pour se couvrir.
Je l’attrapai par un bras et la retins.
– Ne me touche pas ! Laisse-moi !
– Tu as dit que tu voulais me parler, parle-moi je lui dis, ignorant ses paroles.
– Je ne veux plus. Je veux juste retourner chez moi, murmura-t-elle la voix cassée par les larmes. Elle se retourna pour ne pas se montrer mais je savais qu’elle pleurait.
– Dans deux jours, on sera à l’université et tu ne me verras plus. Si c’est moi le problème, tu dois tenir bon encore quelques heures.
– Ce n’est pas toi le problème… pas seulement… Je… Je ne me sens pas bien ici. Je hais cet endroit. Je déteste tout et tout le monde. Je veux juste rentrer à Seattle, chez mon père et mon chien elle avoua dévastée, en rentrant dans l’eau et en rattachant le haut de son bikini.
Je lui demandai, curieux :
– Pourquoi tu veux rentrer ? Tu as tout ici, et tu iras bientôt à l’université. En plus, mon père te donnera tout ce que tu veux. Qu’est-ce qu’il y a à Seattle que tu n’as pas ici ?
– Là-bas j’ai quelqu’un qui m’aime et me comprend, répondit-elle simplement, les larmes coulant sur son visage.
Au moins tu as quelqu’un qui t’aime quelque part dans le monde !
– J’ai fait une erreur en quittant Seattle. Je n’aurais jamais dû accepter la proposition de ma mère. Elle nous a abandonnés mon père et moi il y a des années et ne sait même plus qui je suis… Et par-dessus tout, elle ne semble même pas s’en soucier.
– Si c’est ça, alors pourquoi elle t’a proposé de venir en Oregon ?
– Je ne sais pas. Peut-être pour avoir la conscience tranquille ? Dommage que l’argent pour l’université ne compensera jamais l’affection dont j’ai été privée toutes ces années.
– Chacun aime à sa façon. L’argent c’est mieux que rien lui dis-je. Même si en réalité je n’y avais jamais cru non plus.
– Je ne pense pas. Je suis ici depuis deux jours et j’aurais juste voulu passer un peu de temps avec elle, lui raconter ma vie, mes envies, mes peurs, mes doutes… Mais elle n’est jamais là. Elle m’a lâchée dans cette belle villa comme un paquet et est immédiatement retournée travailler. Les seuls moments passés ensemble, c’était pour dîner. Et à chaque occasion, j’ai seulement eu la preuve qu’elle s’en fiche de moi.
– Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
– Je suis végétarienne depuis cinq ans et elle a fait préparer du pain de viande. Pendant que tu passais ton temps sur ton téléphone en ignorant tout le monde, j’ai essayé de faire comprendre que je ne mange ni viande ni poisson depuis des années, mais ton père affirmait que c’était une lubie d’adolescent et que j’étais trop grande pour ce genre de régime. Mon père n’aurait jamais osé me dire ce genre de chose. Inutile d’expliquer que j’ai fait ce choix après ma rencontre avec l’association Animal SOS qui s’occupe de dénoncer les mauvais traitements dans les élevages intensifs et de recueillir les chiens abandonnés avant qu’on ne les tue ou qu’ils soient enfermés dans un chenil. C’est cette association qui a enlevé Book, mon chien, à son ex-propriétaire qui le battait et le laissait attaché chaque jour à un pieu avec une chaîne courte, sans abri ni eau.
Ils ont sauvé Book et je l’ai adopté déjà adulte, malade. Il ne se laissait approcher par personne. Aujourd’hui Book est le chien le plus gentil et câlin du monde. On dort ensemble et il ne me laisse jamais seule. J’aime ce chien et il m’aime. Il me manque terriblement et je culpabilise de l’avoir laissé à Seattle, même si mon père l’adore autant que moi.
– Je suis vraiment désolé réussis-je à répondre. Je n’avais pas compris qu’Alice était une fille si sensible et fragile.
– Et ce soir… au repas, tu n’étais pas là et nos parents voulaient nous donner des conseils pour l’université. Tout allait bien, jusqu’à ce qu’on parle de voitures.
– Mais tu n’as pas de voiture. Je savais que ce genre d’indépendance était important pour mon père.
– Je n’ai même pas le permis, ajouta-t-elle. Ton père m’a gentiment réprimandée pour ce manquement et a reporté la faute sur le mien, qui n’a pas fait le nécessaire pour m’aider.
– Il a toujours été doué pour dire les mauvaises choses aux mauvais moments je répliquai, nerveux et fâché. Je connaissais mon père et je savais à quel point il pouvait être humiliant et con sans même s’en rendre compte.
– Oui, mais la pire, c’est ma mère, qui lui a donné raison. Même si elle connaît certainement le pourquoi de ma décision, vu que je lui ai expliqué par email il y a des années.
– Et c’est ?
– Pendant ma première leçon de conduite avec l’instructeur, une voiture a perdu le contrôle et nous a foncé dessus. L’impact m’a fait exploser l’airbag au visage, et je me suis fait mal à cause de la ceinture de sécurité. Mon père m’a emmenée à l’hôpital pour un coup du lapin. J’étais tellement choquée et effrayée que je n’ai plus voulu toucher un volant. Dès que je m’assois à la place du conducteur, je commence à trembler de façon incontrôlée m’expliqua-t-elle, encore plus tremblante, comme si elle revivait l’événement.
– Eh, c’est fini. J’essayai de la tranquilliser, et m’approchai prudemment pour la prendre doucement dans mes bras.
Alice recommença à pleurer, plus fort qu’avant, et me fit mal au cœur.
– Tout va bien, je lui murmurai. Je lui caressais les cheveux et elle m’enlaça pour la première fois, comme si j’étais sa bouée de sauvetage.
Je pouvais percevoir sa douleur et je ne comprenais que trop bien sa sensation de ne pas se sentir aimée par celle qui l’avait mise au monde.
Depuis que ma mère était morte, mon père s’était raccroché à son travail et, si je n’avais pas eu mon frère aîné, personne ne se serait occupé de moi. Toutefois, ce sentiment de ne pas être accepté et aimé avait toujours été clair et évident pour moi. Au point de réagir avec colère et des gestes inconsidérés pour obtenir un minimum d’attention, et ne pas me sentir écrasé par l’attachement de mon père aux apparences, et par le faux paternalisme derrière lequel il se cachait.
J’attendis qu’Alice revienne à elle et quand elle arrêta de pleurer, je la lâchai.
– Excuse-moi. Je n’ai personne à qui me confier, même pas mon père. Je ne veux pas l’inquiéter… Et désolée si je m’en suis prise à toi ces derniers jours. Je n’aurais pas dû réagir de cette façon et te faire des sales coups.
– Ce n’est pas grave. Je laissai couler juste pour la voir sourire de nouveau. Elle avait un joli sourire mais ne le montrait jamais.
– On fait la paix ?
– Dès que tu auras payé pour le coup de la douche rouge sang. Je n’ai pas encore compris comment tu as fait, je répondis, la faisant éclater de rire.
– J’ai juste mis un tube entier de colorant alimentaire dans la pomme de douche. Maintenant que tu sais, on devient amis ? Elle cherchait à m’adoucir, avec une voix de petite fille, me regardant de ses splendides yeux vifs et malicieux.
Je la taquinai, la faisant de nouveau rougir :
– Tu as répondu à mon baiser avec trop d’ardeur pour que je te considère comme une amie. En plus, je ne te supporte pas.
– Moi non plus je ne te supporte pas et je peux t’assurer que ce qu’il s’est passé n’arrivera plus.
– Tu en es sûre ?
– Complètement. C’était juste un moment de faiblesse à cause de l’alcool. J’étais saoule. La petite menteuse était de retour ! Comme si elle pouvait avouer juste une fois qu’elle avait cédé à la passion parce qu’au fond je lui plais !
– Peut-être…
– C’est la vérité.
– Tu ne sais même pas ce qu’est la vérité, je lui murmurai à l’oreille en m’approchant. Mais je te garantis que je ferai mon possible pour te la faire sortir. Après, on verra si tu as encore le courage de me dire que m’embrasser était une erreur. Je lui en fis la promesse, me levai et sortis de l’eau. J’adorais les défis et Alice en était un de taille.
– Pauvre naïf.
– Tu regretteras de m’avoir provoqué.
– Tu as commencé ! se défendit-elle, vexée.
– Et tu m’as suivi de près je répliquai, la laissant stupéfaite. Elle savait que j’avais raison et ne pouvait pas dire le contraire.
Je souris, satisfait.
Je venais de gagner le premier round.
J’appelai Ant, euphorique.
– Appelle Logan et Ryo. Venez chez moi ce soir, on a une vengeance à planifier !
– Easton, je t’en prie. Ne me dis pas que tu en veux encore à cette fille ?
– Je veux lui montrer à qui elle a affaire.
– Demain est le dernier jour que vous passerez ensemble, allez.
– Justement, je dois en profiter.
– C’est dingue que tout soit toujours un défi ou un pari pour toi, souffla Ant en raccrochant.
5
EASTON
Le matin suivant, je me relaxais dans la cuisine devant une belle tasse de café fumant avec mes trois amis.
– Tu es certain qu’Alice se réveille à cette heure-ci ? me demanda Ryo entre deux bâillements.
– Oui, j’ai vu l’heure réglée sur son téléphone quand je l’avais.
– J’espère vraiment parce que là, j’ai juste envie d’aller dormir dans un lit confortable. Ton divan-lit m’a donné mal au dos.
– Au moins, tu as dormi. Je n’ai pas fermé l’œil parce que tu ronflais, se plaignit Logan.
– Tais-toi !
– Vous pouvez éviter de vous disputer maintenant ? Passer la nuit avec vous pour décider comment ruiner le dernier jour d’Alice dans cette maison m’a fichu un bon mal de tête, les arrêta Ant. Easton, je te trouve bien calme.
– J’ai planifié ce moment toute la nuit et ce matin, j’ai dû entrer en cachette dans la chambre d’Alice. Avec tout ce que je lui ai préparé, je me demande encore comment elle ne s’est pas réveillée je répondis tranquillement. C’était le calme avant la tempête. J’attendais de voir Alice passer le seuil de la cuisine pour soit exploser de bonheur parce que ma vengeance avait fonctionné, soit de nervosité pour n’avoir pas réussi à me venger comme je le voulais.
– De toute façon, si vous voulez partir, allez-y. Ce qui est fait est fait.
– Ah, non ! Après m’être cassé la tête sur tous les pièges possibles, je suis curieux de voir le résultat, s’agita Ryo, impatient de savourer la victoire.
J’allais répondre quand Alice arriva dans la cuisine.
Elle était horrible à voir et furieuse, les cheveux hérissés et couverts de crème, qui avait dégouliné sur son front, les joues rougissantes, les yeux brillants de colère et larmoyants, et les lèvres gonflées et rougies.
Pour couronner le tout, un faux rat en sang était attaché à son poignet gauche par un fil transparent et son short était mouillé entre ses cuisses.
On éclata tous de rire.
– Je devais m’y attendre. Vous êtes des enfoirés, s’exclama-t-elle rageuse. Mais elle avait dans le regard une étincelle d’amusement.
Je la provoquai.
– On n’a rien fait. Ne nous accuse pas si tu fais encore pipi au lit comme les enfants.
– Ce n’est pas de l’urine. J’ai vérifié, rit doucement Alice malgré ses lèvres enflammées.
– Tu devrais prendre plus soin de ton hygiène personnelle, renchérit Ant en ricanant.
– Laisse-moi deviner. C’est ta faute, siffla-t-elle en touchant ses cheveux collants.
– Non, j’ai juste eu l’idée, se justifia-t-il.
– Une idée que quelqu’un a transformée en réalité, vu que j’ai pris une douche hier soir avant d’aller dormir et que tout allait bien.
– Alice, que t’est-il arrivé ? intervint Helena, sa mère, choquée de trouver sa fille dans cet état.
– Je ne sais pas, répondit-elle en feignant l’indifférence pendant que sa mère courait se faire un café avant de filer au travail. Elle commença à raconter :
– Je me suis réveillée comme d’habitude, je me suis étirée, me suis frotté les yeux et puis j’ai touché mes cheveux. Et je me suis retrouvée avec une montagne de crème fouettée sur les mains, que j’ai étalée partout. Je me débattais avec la crème quand j’ai levé le bras et que j’ai trouvé ce faux rat attaché à mon poignet. Ce qui m’a fait bondir du lit tellement vite que je me suis froissée un muscle dans le dos.
Mais sa mère ne semblait même pas l’écouter. Elle buvait son café rapidement en écrivant un email sur son smartphone. J’avais envie de lui prendre le téléphone et de le jeter dans la piscine ! C’était si compliqué d’écouter sa fille cinq secondes ?
– Et puis ? j’insistai, vu qu’Alice s’était arrêtée en voyant sa mère la saluer et partir sans même commenter ce qu’elle avait entendu.
– Et puis j’ai remarqué que quelqu’un avait voulu me faire croire que je m’étais fait pipi dessus de peur, mais ce n’est pas vrai. J’allais courir te chercher quand j’ai vu le plateau d’Oreo, mes biscuits préférés, sur la commode avec un petit mot : “Maintenant nous sommes à égalité. Bonne journée, Easton”. Stupide comme je suis, je t’ai cru et j’ai mangé un biscuit, pour découvrir que tu avais remplacé la crème à la vanille avec quelque chose de dégoûtant.
– Dans certains, j’ai mis de la mayonnaise. Dans d’autres du dentifrice à la menthe je lui expliquai, fier de mon génie.
– Inutile de dire que j’ai couru à la salle de bain me rincer la bouche et me laver les dents mais…
Et ce moment-là, on explosa tous de rire.
– … mais quelqu’un a sûrement passé ma brosse à dents dans du piment ou un truc du même genre parce que j’ai la bouche en feu. J’ai encore les larmes aux yeux de douleur et mes lèvres me font un mal de chien ! conclut-elle. J’allais me laver avant de descendre mais les parois de la douche étaient recouvertes de ce que je pense être du colorant alimentaire rouge, sans parler de la vieille marionnette étendue dans le fond comme si on venait de l’assassiner. Je ne peux même pas imaginer ce que la femme de ménage va penser de moi quand elle ira nettoyer ma chambre.
– On a fait un beau travail d’équipe, s’exclama Ryo enthousiasmé par le résultat.
– Ant a eu l’idée de la crème, Logan celle du rat, Ryo celle du piment. Le reste, c’est mon œuvre, j’expliquai à Alice triomphant. Elle vint vers moi et me frappa au bras. J’en renversai presque mon café.
– Ça, c’est pour avoir détruit mon histoire d’amour avec les Oreo, dit-elle furieuse. Elle me prit le visage et m’embrassa légèrement sur les lèvres. J’étais tellement abasourdi par son geste que je ne bougeai pas.
L’instant d’après je sentis ma bouche piquer et s’enflammer. Alice avait encore du piment sur la bouche !
– Merde ! je grognai douloureusement.
– Ça t’apprendra ! Donnez-moi de la glace ! J’ai hyper mal aux lèvres ! nous supplia-t-elle les larmes aux yeux.
– Oui, de la glace. Tout de suite ! j’ordonnai furieusement, en me nettoyant la bouche.
Logan courut au congélateur prendre deux sachets de surgelés. Alice et moi pouvions enfin nous soulager un peu.
***
ALICE
Après ce réveil de cauchemar, j’allai me laver.
Entretemps, les amis d’Easton étaient partis et il nageait seul.
Je le rejoignis.
– C’est incroyable, chaque fois que je te vois, tu es dans la piscine je lançai.
– C’est le seul endroit où mon père ne viendra jamais. C’est ma zone de sécurité, où je suis tranquille.
– Il a peur de l’eau ?
– Oui.
– Alors pourquoi il a fait installer deux piscines ? Celle-ci et la petite avec l’hydromassage.
– Parce que la société l’exige. Mon père est plus attaché aux conventions sociales qu’à son propre bien-être.
– J’ai remarqué qu’entre ton père et toi non plus tout n’est pas rose.
– Il n’y a rien du tout entre lui et moi. On s’évite. Tu n’as pas remarqué qu’il n’était jamais là ces trois derniers jours ?
– Même chose pour ma mère. Je pensais qu’elle voulait rester avec moi. C’est elle qui m’a demandé de venir en Oregon trois jours avant le début des cours pour être un peu ensemble et rencontrer son compagnon. Et en fait, elle me traite comme un effet collatéral à cacher ou à éviter.
– Tu as ton père au moins.
– Oui. Et toi ? Ta mère ?
– Elle est morte, je ne veux pas en parler.
– Désolée. Je ne savais pas.
– J’étais petit. Je ne me souviens presque pas d’elle.
– Mais tu as un frère. Moi, je suis fille unique et j’aurais aimé avoir une sœur.
– Je te le donne si tu veux. Je ne le supporte pas. Il a quatre ans de plus que nous mais c’est un idiot qui joue à l’adulte responsable. En réalité, il est parti pour Stanford à la première occasion et je ne crois pas qu’il reviendra en Oregon.
– Peut-être qu’il souffre lui aussi.
– Je ne sais pas ce que souffrir veut dire. Il coupa court et m’envoya un regard glacial qui me fit frissonner. Quelque chose en Easton arrivait toujours à me troubler. Comme le souvenir de la veille au soir.
Je n’arrivais pas encore à croire ce que j’avais fait.
En un instant j’avais enfreint au moins une dizaine de mes règles personnelles, notamment de ne jamais laisser un garçon qui ne m’aimait pas m’embrasser. Encore moins mettre mes jambes autour de sa taille et sentir son érection sous ses vêtements ou celle de ne pas pleurer ou me confesser auprès d’un semi-inconnu. Ou pire encore, auprès de quelqu’un qui me détestait et ne me supportait pas.
Rien qu’à y penser, je rougissais comme un coquelicot. Heureusement, Easton était trop occupé à nager pour s’en rendre compte.
J’étais fascinée par ses mouvements, par ses brasses et sa respirations parfaitement coordonnées.
Il était beau à couper le souffle et possédait ce charme dangereux et insondable qui lui donnait une aura séduisante de mystère et aurait tourné la tête de n’importe quelle fille.
Un pouvoir qui fonctionnait aussi sur moi, comme je m’en rendis compte avec déception.
J’avais été stupide de me jeter dans l’eau chaude du jacuzzi avec lui.
Je continuais à me répéter que ce n’était qu’un moment de crise, de faiblesse, qui m’avait déstabilisée et fait perdre le contact avec la réalité. Au point de prendre goût à ses baisers et à ses mains sur mon corps. Mais plus j’y repensais, et plus je sentais sa bouche sur ma peau. Personne ne m’avait jamais touchée de façon aussi impudique, sans ce que j’appelais des préliminaires indispensables, comme un dîner ou un film au cinéma. Un premier baiser chaste, un gage d’amour et autres choses ringardes et romantiques qui me faisaient presque honte.
Ses mais sur mes seins, ses doigts sur mes tétons durcis, m’avaient réveillée. J’avais ressenti des contractions agréablement douloureuses entre mes jambes et fait prendre conscience de ce que je faisais.
J’avais été submergée d’embarras pour cette faiblesse, avec mon ennemi juré en plus.
À la gêne s’était ajoutée la colère et la rancœur envers ma mère qui m’avait encore une fois abandonnée pour aller à l’opéra avec Mitchell, me laissant seule avec Easton, et la crainte de ce qu’il avait trafiqué avec mon téléphone disparu depuis des heures. La culpabilité avait suivi, la sensation d’être incapable d’affronter la situation seule, surtout les comportements d’Easton, de ne pas être comprise, d’avoir commis une erreur en laissant mon père et Book…
Oui, j’avais pleuré. J’aurais préféré m’enfouir sous terre que de pleurnicher devant mon demi-frère mais il m’avait enlacée et consolée.
Je lui serais toujours reconnaissante de sa gentillesse. Je ne m’étais même pas fâchée pour ses blagues quelques heures avant, même si je pensais toujours que le choix le plus sage à l’avenir serait de garder mes distances avec lui.
Mais je l’ai embrassé ce matin ! Tu parles de prendre des distances !
Je voulais juste me venger pour le piment qui me brûlait les lèvres !
Je n’aurais jamais avoué qu’en fait, je voulais encore l’embrasser. Encore et encore.
J’avais vraiment aimé ça. Trop pour l’admettre.
Mais c’était décidé : à partir du lendemain, quand on serait à l’université, notre étrange relation s’arrêterait définitivement.
– À quoi tu penses ? me demanda Easton, me faisant sortir de mes pensées. Je le regardais pendant qu’il se séchait au bord de la piscine.
Quand mes yeux croisèrent les siens, puis descendirent sur sa bouche, le souvenir incessant de la veille m’atteignit comme une masse.
– À rien.
– Tu es toute rouge.
– C’est la chaleur. Il fait trop chaud pour un mois de septembre je mentis.
– Menteuse ! Avoue que tu pensais à hier soir et au fait que ça t’a excitée.
Sa manie de me provoquer et de m’énerver fonctionnait à merveille.
– Vraiment, je me demandais si ton quotient intellectuel était assez élevé pour en engagement aussi lourd que l’université. Plus je te regarde, et plus j’ai des doutes. Tu es sûr d’avoir un diplôme ? Un vrai je veux dire.
Cette fois, je ne me laissai pas avoir par son regard froid. Je savais que son calme apparent n'était qu’une fine couche de glace, prête à se briser en mille morceaux au premier faux pas.
Et c’était un énième faux pas.
Sans attendre sa réaction, je tournai les talons et courus vers ma chambre pour m’y enfermer, bien que je n’aie pas la clé.
– Tu penses vraiment que tu peux m’échapper ? hurla Easton derrière moi en me suivant.
Je ne me laissai pas distraire et continuai à courir mais à un pas de l’étage, je sentis ses bras m’attraper et me bloquer.
Je m’agrippai à la rampe des escaliers mais il prit mon poignet et me détacha.
– Allez, tu n’as quand pas mal pris ce que je t’ai dit ? Étant donné que je ne pouvais pas le chasser, je tentai de le raisonner. Je blaguais.
– Tes plaisanteries ont le don de réveiller mes envies de meurtre.
– Parce que tu ne sais pas te contrôler un minimum. Peut-être que le problème n’est pas ton quotient intellectuel mais ton incapacité à gérer…, allai-je répliquer. Mais il commença à me mordre dans le cou jusqu’à me faire mal et je me mis à rire et à hurler en même temps.
– Qu’est-ce que vais faire de toi ? me demanda-t-il sérieux, me tournant vers lui pour m’entraver d’un regard glacial.
– Aucune idée mais je sais déjà ce que moi je ferai. Je demanderai une ordonnance restrictive à ton encontre si tu n’ôtes pas tes tentacules de là.
– Je pourrais te tuer avant.
– Et finir en prison pour le restant de tes jours ? Mmh, laisse tomber. Ça n’en vaut pas la peine, homme de Neandertal.
– Tu crois ? J’en tirerais une satisfaction sans bornes.
J’éclatai de rire. C’était incroyable que tous nos échanges verbaux finissent toujours en menaces et insultes diverses.
Je m’étais toujours considérée comme une personne épineuse et difficile mais gentille et prête à faire des compromis. Mais avec Easton j’avais toujours envie de lui faire courber l’échine et lui prouver que je n’étais pas une pauvre imbécile, victime de ses caprices. Mon côté combattif et moins diplomate ressortait toujours.
– Ok, tu m’as convaincue. Je promets que je ne t’embêterai plus si tu fais pareil avec moi. Je cherchais un terrain d’entente mais au fond de moi, j’aurais voulu que cette dispute ne finisse jamais. Ces altercations étaient amusantes et stimulantes.
– On ne s’est pas compris. Je veux que tu me promettes d’arrêter même si moi je te cherche.
– Oublie ! Je ne vais pas me soumettre à un type au cerveau plus sous-développé que celui d’un hamster narcoleptique, je répondis d’un ton sans réplique. Quand arrêteras-tu de jouer les dominateurs ?
– Avec toi ? Jamais, tant que tu n’arrêteras pas de m’insulter et de me provoquer !
– C’est toujours toi qui commences !
– Et tu me suis. Au fond, peut-être que toutes ces attentions te plaisent ? murmura-t-il mielleux à mon oreille. Ses mains parcouraient mon corps comme dans le jacuzzi et sa bouche glissait dans mon cou.
Je me débarrassai de lui fâchée. Tu ramènes toujours tout au sexe. C’est insupportable.
– Ce que tu ne supportes pas je pense, c’est l’abstinence. Dis-moi, depuis combien de temps tu n’as plus couché avec quelqu’un ?
– Ça ne te regarde pas, je balbutiai. Je me demandais à quel point Easton pensait que j’étais experte dans ce domaine. S’il apprenait la vérité, il se moquerait de moi et la prochaine fois qu’il m’embrasserait, il comprendrait qu’il suffisait d’aller au-delà de mes réticences initiales pour m’emmener dans son lit et me faire vivre une expérience dont je rêvais depuis des années. Depuis que ma camarade de classe en secondaire m’avait avoué qu’elle n’était plus vierge.
– Quand tu veux, ma porte est toujours ouverte.
– Je préfère encore entrer au couvent.
– Tu n’y resterais pas un mois me dit-il, mais je fis mine de ne pas l’entendre et allai dans ma chambre.
J’avais un besoin urgent de rester seule. Je ne contrôlais plus le trouble provoqué par Easton.
Alice, calme-toi. Demain, tu pars pour l’université et tout sera terminé !
6
ALICE
Le moment du départ était enfin arrivé !
J’étais au septième ciel. L’anxiété m’avait empêché de fermer l’œil de la nuit.
J’avais contrôlé ma valise, la liste des choses qui me seraient utiles à l’université… jusqu’à l’épuisement. Tout en fait.
Et sans être dérangée par Easton qui était parti s’amuser avec ses amis.
Au matin, j’étais heureuse et émue, avant de me retrouver prise dans une dispute entre Easton et son père.
– Je ne viens pas en voiture avec vous ! Je peux très bien y aller avec la mienne, continuait à répéter mon demi-frère, furieux.
– C’est une question de bon goût, et nous sommes une famille maintenant. Il me semble que nous devons arriver à l’université tous ensemble, dans mon SUV, et aller saluer mon frère qui a été très gentil d’accepter Alice après la clôture des inscriptions, tenta de lui expliquer Mitchell.
– Je m’en fous ! Je ne vais pas me ridiculiser en arrivant avec mon père et ma sœur à ma suite.
– Easton a raison. Ce n’est pas nécessaire, j’ajoutai. Mais personne n’écoutait.
– On fera comme je dis ou je prendrai des mesures. Souviens-toi que tu as été admis parce que tu es le neveu du doyen, et non grâce à tes notes au lycée, qui étaient mauvaises. Bien que tu sois doué selon tes anciens professeurs.
La dispute dégénéra davantage et personne ne réussit à temporiser, ni ma mère ni moi.
Easton fut finalement obligé de nous accompagner, assis à l’arrière avec moi.
J’essayai de le distraire tout le voyage en lui parlant des cours que j’avais choisis mais il se borna à me répondre qu’il étudierait l’économie, et que notre seul cours en commun serait la politique américaine.
– Je suis vraiment désolée, lui chuchotai-je à l’oreille quand je compris que je ne réussirais pas à lui faire oublier sa mauvaise humeur. Si je n’avais pas été là, rien de tout cela ne serait arrivé.
– Tu n’as rien fait, me rassura-t-il. Mais le ton de sa voix était froid et détaché.
Cela me faisait mal de le voir dans cet état et de ne pas pouvoir le réconforter, comme il l’avait fait avec moi quand j’avais fondu en larmes.
Triste et soucieuse, je m’éloignai et fixai mon regard sur la vitre, sans plus rien dire jusqu’à la fin du voyage.
Je ne pus même pas profiter de notre arrivée car Easton recommença à se disputer avec son père. Il voulait aller voir ses amis et se rendre au dortoir où se trouvait sa chambre au lieu de rester avec nous à attendre son oncle, Donald Carson, qui vint nous accueillir personnellement.
Je respirai enfin quand ma mère et Mitchell partirent, après m’avoir fait leurs dernières recommandations et demandé d’écrire de temps en temps.
J’allai au dortoir Sherman avec Easton et trouvai ma chambre, la 7A, à trois chambres de la sienne, la 10A, qu’il partagerait avec Logan.
Je le saluai timidement et il me fit un signe de la main.
Ma querelle avec Easton était terminée.
J’entrai impatiente dans la chambre, que j’allais partager avec une étudiante japonaise, Kira Yoshida, de Princeton, dans le Kentucky.
Une scène embarrassante m’attendait derrière la porte.
Kira était couchée sur le lit de droite, étendue sous un garçon qui l’embrassait et essayait de la déshabiller.
– Lucas, non ! Quelqu’un pourrait nous voir, gloussa-t-elle dans un rire cristallin.
– J’aime le risque, la provoqua-t-il en relevant sa jupe.
Je m’éclaircis la gorge, et toussai avant que les choses n’aillent plus loin.
En un instant, deux paires d’yeux me fixaient et un cri traversa la chambre.
– Oh mon Dieu, quelle honte ! Tu dois être Alice Preston, c’est ça ? me demanda la fille en s’approchant et en remettant sa jupe en place.
J’acquiesçai et la détaillai : traits orientaux, longs cheveux noirs soyeux et des yeux d’un vert intense. Elle était aussi grande que moi, ce qui me mit à l’aise, mais pour la beauté il n’y avait pas photo. Elle était superbe et dégageait de la pureté, de la délicatesse et de la douceur. Si Easton l’avait vue, il lui aurait fait vivre un enfer pour la mettre dans son lit.
Je regardai son copain. Et le souffle me manqua.
Si elle était éthérée et candide, il dégageait au contraire une aura violente, agressive, brutale et douloureuse, comme si un démon en lui s’apprêtait à déchaîner une guerre contre le monde entier.
Il avait une cicatrice au sourcil gauche.
Sa présence m’effrayait et ses yeux noisette, légèrement cachés par ses cheveux châtains, me scrutaient comme s’il m’évaluait : menace ou autre chose.
Kira se présenta avec un sourire timide et gêné : – Je suis Kira Yoshida et voici Lucas Scott, mon copain. Excuse-moi pour ce que tu viens de voir. Je te promets que ça n’arrivera plus.
Comment une fille aussi belle et douce peut sortir avec un garçon comme lui ?
– Vous êtes ensemble depuis combien de temps ? je demandai sans parvenir à me retenir.
– J’aime penser que nous sommes ensemble depuis nos neuf ans, me répondit-elle avec un grand sourire heureux tout en embrassant son fiancé qui lui sourit en retour.
Ce fut un sourire à peine esquissé mais son regard était plein d’amour quand il la regarda, me donnant envie d’être regardée de cette façon moi aussi.
– Wow ! je m’exclamai surprise.
Ma vie est fantastique !
Mon rêve d’aller à l’université devenait réalité et rien de ce que j’avais pu imaginer ne pouvait décrire à quel point cette expérience était merveilleuse.
Il n’y avait rien à critiquer ou mépriser.
Les cours étaient intéressants et les enseignants très gentils et disponibles.
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