Le Sang Rival

Le Sang Rival
Amy Blankenship
Étant de l'espèce des loups-garous, Jade a toujours pensé que les mâles Alpha n'étaient rien d'autre que des créatures égoïstes, des brutes sanguinaires et des machos, qui utilisaient les membres de la meute comme tremplin vers la place de roi de la colline. Elle devrait le savoir. Son frère, son fiancé, et son kidnappeur étaient tous des Alpha de la pire espèce. Détenant ainsi toutes les preuves désignant les Alphas comme de mauvais sujets, Jade jure de ne jamais faire confiance à l'avenir au moindre loup-garou… et encore moins de se sacrifier pour l'un d'entre eux. Elle lutte pour tenir cette promesse lorsqu'elle se voit secourue par un Alpha aux cheveux blonds, aux yeux bleus et au corps de dieu grec. Peu importe la difficulté de son combat, Jade redoute que ce même Alpha ne cause un jour sa perte.

Amy Blankenship, RK Melton
Le Sang Rival

Le Sang Rival
La Saga des Liens du Sang – Livre 10

Amy Blankenship, RK Melton
Traduit de l’américain au français par Virginie Eymard

Copyright © 2012 Amy Blankenship
Edition française publiée par Tektime
Tous droits réservés

Chapitre 1
Onze ans plus tôt, au sanctuaire de la propriété d’Hogo, Los Angeles.
Tasuki trouvait le silence de la maison assourdissant. Il avait l’impression que ça allait le rendre fou et n’arrivait pas à dormir. Se levant pour sortir de son lit, il alluma la lumière de sa chambre pour pouvoir regarder la photo placée sur le rebord du miroir, juste au-dessus du bureau, sur laquelle on pouvait y voir Kyoko, la sœur de son meilleur ami. Il l'avait piquée chez eux, quand personne ne le regardait.
Cette photo avait été prise au moment parfait : Kyoko se tenait sous le soleil, et on pouvait admirer ses beaux yeux vert émeraude. Ce jour-là, il devait y avoir du vent, parce qu'on aurait dit que ses cheveux s’envolaient autour d'elle, encadrant parfaitement son joli visage.
Jusqu’à maintenant, il n'avait jamais voulu de petite amie. Mais la jeune fille qui était sur la photo et qui le regardait fixement était celle à qui il pensait tout le temps. Il tendit une main pour toucher la photo, mais la laissa en suspens lorsqu'il vit quelque chose de blanc bouger dans le reflet du miroir. En se retournant, il alla jusqu’à la fenêtre pour regarder la maison d'à côté.
Il fronça les sourcils en voyant Kyoko vêtue d'une chemise de nuit blanche debout sur son balcon. Que faisait-elle dehors à une heure aussi tardive ? Il ouvrit sa fenêtre en priant pour qu'elle ne grince pas… le bruit risquait de réveiller son père. Il gémit un instant, parce qu’il réussit à la coincer et dut la pousser un peu plus fort pour qu'elle s'ouvre encore plus, ce qui causa un bruit sourd et fort.
Kyoko se tenait sur la petite terrasse en bois attenante à sa chambre, au deuxième étage. Elle venait respirer l'air frais de la nuit. Un vent léger faisait voleter sa chemise de nuit qui lui descendait jusqu’aux genoux et ses longs cheveux auburn semblaient flotter autour de son visage. Ses yeux d'émeraude fixaient les étoiles et ses lèvres formaient le genre de sourire que seule une jeune fille heureuse pouvait faire.
Il était presque minuit et elle ne pouvait pas dormir. Elle était trop excitée. C'était presque son anniversaire. Elle allait en effet bientôt avoir dix ans. Tous ses amis de l'école allaient venir à sa fête, même certains amis de son frère, Tama. Tama avait un an de moins qu’elle et pourtant, il était déjà beaucoup plus grand, mais cela ne la dérangeait pas, parce qu’elle l’aimait beaucoup.
Il avait pris sa défense, l'autre jour, lorsqu’ils rentraient à pied de l'école. Des garçons avaient commencé à l’embêter en prétendant qu'elle était élevée par un vieil homme fou qui disait à tout le monde que les démons existaient pour de bon. L'un d'eux était même allé jusqu'à dire qu'il avait entendu son père dire à sa mère qu'il ne faudrait pas longtemps avant que les gens de l'asile de fous viennent chercher son grand-père dans une camisole de force. Kyoko avait jeté son sac par terre pour le plaquer au sol en le traitant de menteur. Yohji avait vraiment été méchant ce jour-là !
Ces petites brutes n'eurent plus aucune chance quand Tama et Tasuki apparurent soudain. Tasuki l'avait écartée de la mêlée en la poussant derrière lui pendant que Tama s’était saisi d’un gros morceau de bois qu’il tenait comme une batte de baseball.
Yohji avait simplement ri pour ne pas avoir l’air d’une poule mouillée devant ses amis. Puis il accusa Tama d'être un monstre, tout comme sa sœur. Tama le frappa sur un bras, faisant en sorte que dans sa douleur, ce dernier tombe à genoux.
Quand le grand frère de Yohji s'avança pour riposter, Tasuki n'hésita pas : il écrasa le grand benêt en le faisant tomber en arrière sur son frère. Kyoko pensait que la bagarre était terminée et semblait satisfaite… mais Tama, lui, ne l'était pas.
Son frère s'était retourné face à Tasuki et lui avait crié :
– Je suis son protecteur… moi ! Pas toi !
Kyoko ricana en repensant au regard furieux de Tasuki. C'est ce regard qui avait vraiment fait fuir ces brutes. Elle avait dû intervenir pour mettre fin à la dispute entre son frère et Tasuki avant que tout soit fini. Ils étaient les meilleurs amis du monde, et elle n’avait pas du tout aimé les voir se battre comme ça.
Finalement, ils avaient tous les deux accepté d'être ses protecteurs à partir de ce moment-là. Ils étaient maintenant ses gardiens… ils avaient même fait un pacte de sang. Du moins, c'est ce que Tama lui avait dit.
Rien que de penser à ses gardiens suffisait à lui réchauffer le cœur. Elle pensait que rien ne pourrait jamais l'atteindre. Avec Tasuki vivant dans la maison juste à côté, ils faisaient tous les jours les allers et retours à pied ensemble jusqu’à l’école… et maintenant, on la laissait tranquille.
Son sourire s’étendit encore plus lorsqu'elle entendit le son du gros carillon de la vieille horloge du bas sonner douze fois : minuit passé. Ça voulait dire qu'elle avait officiellement dix ans.
Elle lança un regard du côté de la maison de Tasuki et sourit quand elle le vit l’observer depuis la fenêtre de sa chambre. Elle lui fit un signe pour le saluer, mais il regarda soudain derrière lui et la lumière de sa chambre s'éteignit une fois qu'il eut disparu de derrière les rideaux.
Kyoko se mordit la lèvre inférieure en se demandant s'il s'était fait prendre par son père parce qu’il était tard et qu’il n’était pas couché. Elle ne comprenait pas pourquoi Tasuki devait se coucher. Il avait douze ans et à ses yeux, il était grand, maintenant. Plus tard, ce serait lui, son petit ami… c’est même lui qui lui avait dit. Sa déclaration datait d’ailleurs d’aujourd'hui même.
Elle regarda l'étang qui se trouvait dans le jardin, à quelques pas de la maison de son grand-père, Hogo. Elle soupira doucement quand elle vit le reflet de la lune sur sa surface calme et tranquille. Elle inclina un peu la tête quand quelque chose de la maison du sanctuaire attira son attention et elle se demanda si son grand-père était levé. Elle avait pourtant juré qu’il était bel et bien couché.
Regardant fixement la maison, elle pouvait voir une lueur bleue venant de l'intérieur. Elle se mordit la lèvre inférieure en se penchant sur la rampe pour essayer d'avoir une meilleure vue. La lumière qui traversait les fissures du bois était… comme une lumière noire, mais bleutée. Ses yeux d'émeraude rétrécirent quand elle crut voir une ombre se déplacer à travers cette lumière, ce qui lui donna envie de descendre pour mieux voir.
Faisant une grimace, elle se balaya la frange des yeux en se souvenant de ce qu’il s'était passé la dernière fois qu'elle avait osé s'approcher de cette maison, qui était le lieu sacré du sanctuaire. Son grand-père était entré à l'intérieur et avait laissé la porte entrebâillée. Tout ce qu'elle était venue faire, c'était jeter un coup d'œil à l'intérieur, mais il lui fit volte-face.
– Je ne vois pas où est le problème… ce n'est qu'une statue de princesse, chuchota-elle.
Son grand-père lui avait répondu après avoir claqué la porte. Puis il l’avait cadenassée. Il avait l'air terrifié lorsqu’il s'était retourné et lui dit de ne jamais, jamais aller là-bas. De son côté, elle pensait qu’elle avait plutôt intérêt à suivre son conseil, parce que si son grand-père avait l’air d’avoir aussi peur… eh bien, elle ne voulait même pas savoir de quoi il s’agissait. Pourtant, cela s'était produit quelques mois auparavant, et sa curiosité commençait lentement à la ronger.
Souriante et espiègle, elle regarda par-dessus son épaule une fois qu’ils arrivèrent dans sa chambre, pour s'assurer que la voie était toujours libre afin qu’elle puisse grimper sur la rampe de l’escalier et glisser dessus, les jambes pendantes. Si quelqu'un s’était réveillé et l’avait vue, elle aurait eu de gros ennuis. Mais s'asseoir comme ça et glisser le long des escaliers en valait vraiment la peine. Oubliées, les leçons de morale sur la sécurité ! Et puis, de toute manière, avec tout ce qu'elle laissait derrière elle et qu’elle ne pouvait pas voir, s'asseoir comme ça lui donnait l'impression de flotter dans la nuit alors qu'elle regardait l’eau paisible de l’étang.
Son attention se tourna vers la maison du sanctuaire quand cette lumière bleue s’éclaira soudain comme une étoile naissante. En un éclair aveuglant, la lumière explosa sans bruit vers l'extérieur. La porte de la maison du sanctuaire tomba de ses charnières avec un bruit sourd suivi d'une éclaboussure qui semblait sans fin.
– Une éclaboussure ? se demanda-t-elle.
Elle tourna le regard vers l'eau scintillante de l'étang, voyant des ondulations grandir en cercles plus grands à partir de l’endroit où quelque chose venait de tomber. Sans penser à la hauteur, elle se retourna sur la rampe.
Dès que ses petits pieds touchèrent l'herbe, elle se mit à courir en pensant que son grand-père avait été poussé dans l'eau. Passant par le petit pont, elle en enjamba la barrière pour arriver dans l'eau afin de pouvoir atteindre le centre des ondulations. Sans penser à l’eau glacée qui la piquait comme des centaines d'épines, elle se fraya un chemin dans la partie la plus profonde de l'étang.
Elle savait bien qu'il faisait trop sombre pour voir quoi que ce soit, mais elle ouvrit quand même les yeux sous l'eau trouble. Son grand-père était ici et elle devait l'aider. Malgré tout, elle fut surprise de voir quelque chose… quelque chose de brillant… elle en fut presque aveuglée. Et juste là, au centre de toute cette lumière, il y avait un ange qui s'enfonçait lentement au fond de l'étang.
Tentant désespérément d’attraper sa main qui rayonnait de lumière et qui se tendait vers elle, elle sentit l'eau glacée se précipiter dans ses poumons. Il était beau et avait l'air de dormir. Des ailes… il avait des ailes argentées. Saisissant sa main, elle tira aussi fort qu'elle put, mais cela ne fit que de la rapprocher de lui. Elle essaya de crier pour qu'il se réveille, mais elle s’étouffa encore plus. Ça ne lui faisait pas mal, mais elle avait si froid… et elle était tellement fatiguée !
Elle sentit ses doigts se serrer autour d'elle et sa dernière pensée fut celle d’un ange l'emmenant au ciel pour qu'elle puisse être à nouveau avec son papa et sa maman.
Toya se mit à trembler quand il reprit conscience et il ouvrit les yeux. De l'eau ? Pourquoi était-il sous l'eau ? Il sentit quelqu'un lui toucher la main et tourna la tête. Il vit une jeune fille dont les cheveux, qui lui flottaient autour du visage, avait l’air douce comme tout. Ses yeux étaient fermés et ses lèvres, en forme de cœur, se séparaient lentement.
Réalisant ce que cela signifiait, il la prit dans ses bras et sortit si vite hors de l'eau qu'il laissa un joli tourbillon marquant son passage.
En regardant le paquet mouillé qu’il avait dans les bras, sa respiration s'arrêta… elle était si belle, si fragile. Dépliant ses ailes en l’air, il descendit sur un bout d'herbe moelleuse et l’y allongea doucement.
Posant sa main sur son cœur, il pria pour qu’il puisse le sentir battre. Ses yeux dorés s’élargirent et ses battements de cœur accélérèrent alors qu'il sentait son pouvoir de gardien s'accumuler dans sa paume. De chaudes larmes jaillirent de ses yeux, faisant nager l’image de la jeune fille dans le flou. Puis, il ressentit ses pouvoirs de gardien l'atteindre.
– Kyoko ?
Il pouvait sentir son pouvoir se mêler au sien, se centrer entre sa paume et son cœur. Il savait qu'il avait raison. Il l'avait enfin retrouvée, mais dans ce monde, elle n'était qu'une enfant. Il leva les yeux au ciel et supplia :
– Tu m'as amené ici pour une raison… n'est-ce pas ? S'il te plaît, dis-moi que ce n'était pas pour la regarder mourir à nouveau. Je ne pourrai pas… je n’en peux plus.
Comme il ne se passait rien et qu’elle restait toujours inerte, il la tira dans ses bras et son gémissement désespéré fit écho dans les environs. Il pressa son visage dans le creux de son cou en serrant sa poitrine contre la sienne pour pouvoir percevoir ses battements de cœur.
– Allez Kyoko, je suis là… réveille-toi !
Les nerfs à vif, complètement à bout, il cria :
– S'il te plaît… laisse-moi la sauver, cette fois-ci !
Comme par instinct, il tourna ses yeux remplis de larmes vers le sanctuaire qui n’était qu’à quelques mètres de lui. Là… la statue de la jeune fille se trouvait juste à l'intérieur. Voyant le regard rayonnant du Cœur du Temps, il sentit sa colère refaire surface.
– Je me fiche de savoir si les démons arrivent et si tu vas l’avoir ou pas, ton putain d’cristal. Tout cela n'a pas d'importance à mes yeux… par contre, elle, elle en a ! Je l'aime. Je n'ai toujours aimé qu'elle. Ne t'avise pas à me la reprendre.
Les yeux luisants de la statue semblaient le regarder un instant puis ils libérèrent un éclat de lumière. Sans entendre de réponse, Toya réalisa quelle était la demande du Cœur du Temps. Il sentit un sentiment de calme dissiper sa colère et retira son regard de la statue pour contempler un instant l'enfant qui mourait dans ses bras.
– Très bien, dans ce cas. Si c'est comme ça que ça doit se passer, chuchota-t-il, prêt à tout sacrifier pour la garder en vie. Son petit corps commença à briller en même temps que le sien et la douce lumière bleue s'étendit autour d'eux. Abaissant ses lèvres au niveau des siennes, il lui donna une part de son souffle… scellant ainsi leurs destins alors que son cœur battait à nouveau en rythme.
Puis l'eau s'évapora de ses poumons lorsqu’elle inspira de l'air chaud. Elle lutta pour ouvrir les yeux en se rappelant de l'ange qu'elle avait essayé de sauver.
Tentant d’évacuer l'eau de ses yeux avec ses cils, elle attendit que la lumière bleue qui l’aveuglait s'éteigne. Quand celle-ci s'évanouit pour de bon, elle se retrouva dans les bras de l'ange qui la regardait. Sentant ses lèvres la picoter, elle les toucha avec émerveillement du bout des doigts.
Toya n'arrêtait pas de la regarder au moment où elle ouvrit ses yeux vert émeraude qui brillaient d’une curiosité et d’une intelligence chaleureuses. Il sentit sa poitrine se contracter douloureusement quand elle lui sourit. Il ressentit sa blessure toujours saignante alors qu'elle se tendait innocemment vers lui en pressant ses petits doigts contre ses lèvres comme si elle sentait qu'il l'avait embrassée.
– Qu'est-ce qui pourrait bien faire pleurer un ange ? demanda Kyoko en voyant des larmes couler sur ses joues.
Toya vit son sourire s'estomper et réalisa… qu'il pleurait.
– Je ne pleure pas, dit-il en clignant des yeux remplis de larmes tout en s’essuyant un bras sur la joue. Ne pouvant s’empêcher de pleurer, il dut cependant en essuyer encore plus. Promets-moi que tu ne retourneras plus jamais dans l'eau avant d'avoir appris à nager.
Il pouvait déjà sentir qu’il disparaissait de ce monde… mais si elle vivait, il s'en fichait.
Kyoko se dégagea de son emprise et se leva. Regardant l'étang, elle se retourna vers lui.
– J'avais oublié que je ne savais pas nager, chuchota-t-elle en se demandant comment elle avait pu oublier une chose pareille.
Toya pouvait voir la lueur de la statue au-dessus de son épaule et savait que le temps lui était compté. Les mains de la jeune fille se mirent à briller encore plus ; et de son côté, il pouvait entendre au loin les monstres de son monde qui essayaient de percer la brèche. La barrière entre les mondes a toujours été la plus faible à chaque endroit où elle se trouvait.
Puis, sans la prévenir, il lui prit la main et l'entraîna dans une longue étreinte. Frottant sa joue contre ses cheveux auburn, il chuchota avec des trémolos dans la voix :
– Il faut que je retourne de l'autre côté pour empêcher les démons de venir ici.
– Tu parles comme grand-père… il sait tout sur les démons, lui dit Kyoko en appuyant son oreille contre sa poitrine pour pouvoir écouter ses battements de cœur. Elle glissa un de ses bras autour de son dos et se demanda pourquoi elle ne pouvait pas sentir ses ailes alors qu'elle savait qu'elles étaient là.
La regardant en face pour contempler son air innocent, il lui prit le menton et tourna ses étonnants yeux d'émeraude vers les siens.
– Ne crains pas les démons, Kyoko… tu as le pouvoir de les envoyer hors de ce monde.
Après lui avoir fait cette confession, il jeta un coup d'œil sur la statue de la jeune fille. Il pouvait sentir les démons traverser le Cœur du Temps à un rythme dangereusement rapide.
Plaçant Kyoko sur l'herbe, il se leva et se dirigea vers la statue en jugeant bon de rajouter :
– Et je ne suis pas un ange… mais ton gardien. Je m'appelle Toya.
Toujours agenouillée dans l'herbe, elle se pencha en avant en le regardant entrer dans la maison du sanctuaire qui s'illumina d'une brume bleutée. Elle se mit à crier lorsqu'une paire de bras sortit soudainement de la lumière pour l’attraper, puis plusieurs démons apparurent autour d’elle. Alors que son cri et le rugissement de l'ange retentissaient dans la nuit, la lumière de la statue commença à imploser vers l'arrière, un peu comme si un aspirateur l’aspirait.
Kyoko entendit ensuite la porte arrière de la maison claquer, mais elle ne put quitter l'ange et les démons des yeux. Se levant, elle s'enfuit en courant vers la porte ouverte de la maison du sanctuaire. Elle entendit son grand-père et son frère l’appeler, mais c'était Tasuki qui se rapprochait d'elle.
Alors qu'elle tendait la main à l'ange, les bras de Tasuki l'entourèrent pour la porter en l'air… mais trop tard. Lorsque l'index de Kyoko frôla presque les mains tendues de la statue, de grands faisceaux de lumière se mirent à jaillir de ce même endroit. Pour Tasuki, c’était comme si un baril de poudre lui explosait en plein visage lors du feu d'artifice du 4 juillet.
Au même moment, un des faisceaux de lumière lui frappa le côté de la poitrine gauche, le faisant grimacer dans sa surprise. Stupéfait de constater que ce n’était pas cet impact qui lui faisait mal, il eut la sensation que quelque chose se précipitait sur lui pour l’envahir… un peu comme s'il avait raté quelque chose pendant toute sa vie et qu'il arrivait enfin chez lui.
Ses yeux s’élargirent lorsqu'il vit un joli ruban de lumière bleue fluorescente relier les mains de la statue des doigts de Kyoko. Puis il cligna des yeux quand, le temps d’une fraction de seconde, il vit un magnifique cristal tourner autour de ce ruban. Voulant empêcher Kyoko de s'en approcher, il trébucha en reculant et en la tenant fermement dans ses bras.
Le cristal fila ensuite de plus en plus vite jusqu'à ce qu'il explose, envoyant d'autres éclats de lumière jusqu’aux travers de la ville… comme une belle étoile dans la nuit noire.
Tasuki se mit à respirer plus fort. Quand il s’était faufilé près de la fenêtre de sa chambre, il avait vu un homme étrange avec Kyoko dans les bras, qui semblait paniqué en voyant son corps inerte. Il ne savait pas ce que cet homme lui avait fait, mais il ressentit de la satisfaction quand cette lumière l'aspira en emportant avec lui les démons aux yeux rouges.
– L'ange a besoin de notre aide, cria Kyoko en essayant de se dégager de Tasuki, mais en vain. Voyant son grand-père s'interposer entre elle et la statue, elle s'écria sans comprendre :
– Il y a des démons dans cette statue et ils vont lui faire du mal. Tu dois aller te battre contre eux… tu dois l'aider… s'il te plaît !
S’appuyant contre Tasuki, elle sanglota en voyant l’expression effrayante que son grand-père affichait sur son visage :
– Tu ne peux pas l'aider ?
Hogo se retourna pour regarder à l'intérieur du sanctuaire. Les parchemins qu'il avait placés de partout à l'intérieur de la petite structure étaient encore fumants, mais la plupart d’entre eux avaient été réduits en cendres. Reculant de quelques pas, il contempla un instant le jeune garçon qui tenait sa petite-fille et ressentit des frissons ramper le long de sa colonne vertébrale. Les yeux de Tasuki, qui étaient normalement d'un brun tendre, avaient pris une couleur améthyste alors qu’il semblait fixer la statue, l’air en colère.
En effet, son sang était devenu bien plus froid que la glace lorsqu'il se rendit compte qu’un lien avait été établi entre Kyoko et la statue de la jeune fille. De son côté, son grand-père avait compris que son temps était écoulé. Et si l'apparence du cristal semblait empirer de plus en plus, le fait de le voir se briser le terrifiait. Il avait aussi bien remarqué qu'un morceau de cristal avait carrément explosé contre la poitrine du jeune Tasuki.
– Ce que les manuscrits disaient est donc vrai, chuchota-t-il d’une voix rauque, en regrettant que ce ne soit pas un mensonge.
Hogo leva les yeux au ciel et envoya une prière silencieuse à toute divinité qui serait là pour l’écouter et le guider. Il fallait qu’il emmène les enfants loin d'ici et, surtout… il devait emmener Kyoko loin de Tasuki. Parce que sans aucune raison, ce garçon conduirait les démons jusqu'à elle, et les gardiens du cristal arriveraient très vite.
Tasuki trembla quand Kyoko lui fut arrachée des bras. Il tourna son regard améthyste vers celui qui lui avait enlevée… c’est-à-dire son grand-père. Il n’aurait pas dû la prendre comme ça par les épaules.
– Tasuki, tu n’as rien à faire ici en pleine nuit. Si tu ne veux pas que je réveille ton père, je te conseille plutôt de rentrer chez toi. Et tout d’suite ! lui ordonna-t-il d'une voix dure.
Il poussa Kyoko dans les bras de Tama et attrapa les épaules des deux petits-enfants qui lui avaient été confiés.
Tasuki fixa Kyoko, qui avait caché son visage dans la poitrine de Tama et qui continuait de pleurer pour l'ange qu'elle était sûre que les démons avaient tué.
– Kyoko, je t'attendrai demain matin, pour t'accompagner à l'école, lui déclara-t-il en lançant un dernier regard au sanctuaire avant de retourner chez lui.
Le vieil homme attendit qu’il rentre en rampant par la fenêtre de sa chambre. Il prit une longue respiration en pensant à ce que ses petits-enfants lui feraient une fois qu’ils auraient compris ce qu'ils allaient faire.
– Allez, les enfants… préparez vos affaires. Nous allons bientôt partir, leur annonça-t-il.
*****
Aujourd’hui… au château, quartier général de l’EEP.
Assis sur sa chaise, Storm était penché en arrière, les yeux rivés au plafond, perdu dans ses pensées. Il pensait aux gardiens et à cette légende qui racontait que leur origine avait débuté par une histoire d'amour bizarre dont la nature était paradoxale. Puis, sa curiosité s’accrut lorsqu’il trouva un lien entre cette histoire et un cristal très puissant plus connu sous le nom du Cristal du Cœur du Gardien. Cela n'avait pas été tâche facile, car la légende était écrite sur un papier ou gravée dans une pierre, et que les mots disparaissaient au fur et à mesure qu’on les lisait, ce qui ne laissait aucune preuve de son existence. C'était une énigme, même pour un Voyageur du Temps.
La plus vieille légende qu’il avait pu trouver au sujet de ce cristal inter-dimensionnel racontait l’histoire de deux gardiens qui étaient jumeaux. Ces deux immortels très puissants protégeaient les mondes humains parallèles afin qu’ils ne se chevauchent pas avec le royaume des démons.
Ils étaient tombés amoureux d’une humaine qui avait traversé une brèche entre ces dimensions grâce à un cristal que son père avait créé.
Les deux gardiens s’étaient battus pour elle, détruisant presque la protection temporelle qu’ils étaient censés protéger.
Un des jumeaux avait cherché à mettre fin à ce conflit dangereux en prenant le cristal et en le faisant fusionner avec l’âme de la fille par le biais d’une statue qu’il avait créée à partir du tissu qui séparait toutes les dimensions. Il pensait qu’en faisant fusionner les trois, elle apparaîtrait dans chaque monde parallèle qu’ils protégeaient.
Il pensait ensuite pousser son frère jumeau dans l'un de ces mondes parallèles et de l'isoler du monde des démons pour qu'ils puissent l'avoir tous deux. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Quand la fille, la statue et le cristal ont fusionné, la jeune fille a soudainement disparu du royaume des démons et la brèche s’est à nouveau retrouvée scellée.
Quand l'autre frère découvrit ce que son jumeau avait fait pour les séparer de la jeune fille, il s'enflamma de jalousie et le tua, brisant leurs deux âmes. Comme ils étaient immortels et qu'ils ne pouvaient jamais vraiment mourir, leurs âmes se sont reformées et cinq nouveaux gardiens sont arrivés en ressentant de l'attirance pour cette jeune fille, qui existait maintenant dans tous les mondes parallèles.
Et si Storm avait les yeux levés au plafond, c’était parce que ces cinq gardiens avaient élu domicile au troisième étage du château dans lequel il se trouvait.
L'énigme était difficile à comprendre pour Storm, car non seulement le cristal avait modifié l'espace et le temps, mais il avait aussi modifié les dimensions. De ce fait, il avait appris il y a longtemps à se tenir à l'écart des choses qu'un Voyageur du Temps n'était pas capable de manipuler. Avec les démons qui envahissaient Los Angeles et ses pouvoirs déjà en panne, ce n'était pas le meilleur moment pour lui de tenter sa chance… à moins qu'il ne veuille se retrouver dans un monde parallèle… et sans aucune chance d’en sortir, cette fois-ci.
Non… les gardiens aller rester seuls, sur ce coup-là.

Chapitre 2
L’humeur de Tasuki ne s’était pas améliorée depuis son retour au commissariat. Pendant tout le trajet, il avait pu entendre d'autres officiers dire à la radio que des démons avaient été repérés à différents endroits. Ça lui rappelait la première fois qu'il en avait vu un… cette même nuit où Kyoko avait disparu.
Il toucha ses côtes à l’endroit où la lumière était entrée en lui cette même nuit, et fronça les sourcils en se rappelant la peur et la déception qu’il avait éprouvées quand il s’était aperçu que la famille d’Hogo était partie le lendemain matin. Il était venu pour aller à l’école à pied avec Kyoko, comme il l'avait promis, mais il avait trouvé la maison déserte.
C'était quelque chose qui l'avait longtemps poursuivi et il ne s'en n’était toujours pas remis. Il avait toujours le cadeau d'anniversaire de Kyoko. C'était une petite bague en or que sa grand-mère, Mme Tully, l'avait aidé à choisir.
Cela faisait depuis onze ans qu’il rêvait de Kyoko et des démons qu’il avait vus. Et curieusement, comme il avait grandi, elle grandissait elle aussi dans ses rêves, qui devenaient de plus en plus fréquents et très troublants. La savoir quelque part en danger l'empêchait de dormir la nuit.
Soupirant, il chassa Kyoko de son esprit et constata que quatre des cinq gardes de l'entrepôt qui avait été attaqué étaient emmenés de l'autre côté de la rue, au commissariat, pour qu’ils soient interrogés par Boris et son équipe.
Celui qui avait presque tiré sur Micah allait être placé dans la salle d'interrogatoire qui se trouvait ici même, dans le service du détective. Celle-ci avait été aménagée et renforcée juste au cas où une créature de type paranormal, voire même des démons de bas niveau, soient emmenés ici.
En regardant autour de lui, il pouvait presque sentir la façon dont certains officiers se comportaient : fiers d'eux, ils tapaient le dos des uns et des autres pour les congratuler, la poitrine gonflante.
Personnellement, la seule chose qu’il pensait qu'ils avaient bien fait était d’avoir sauvé trois femmes qui avaient été kidnappées et de capturer quelques gardes qui avaient plus de muscles que de cellules grises. Il n'envisageait même pas de fêter tout ça, à moins qu'un de ces gardes ne crache le morceau sur l'endroit où Lucca retenait d’autres prisonniers. Il doutait sérieusement que ces laquais sachent beaucoup de choses en dehors de leur propre travail et de leur prochaine cigarette.
Il s'appuya contre le mur en regardant la grande camionnette reculer dans le garage latéral de l'immeuble. Il pensait que Titus superviserait l'enlèvement de la louve-garou qui se trouvait à l'arrière de cette camionnette… parce que c’était lui l’Alpha. Si ça n'avait tenu qu'à lui-même, elle serait entrée dans l’immeuble sur ses deux jambes… ou les quatre… de toute façon, c’est elle qui aurait décidé de quelle manière.
Vu l'état actuel des choses, ses sauveteurs la gardaient prisonnière comme l'aurait fait n’importe quel marchand d'esclaves.
Tasuki regarda Titus sortir du côté du conducteur de la camionnette. Il claqua la porte le regard furieux. Son air furieux était certainement causé par la foule d'hommes qui attendait à l’arrière de la camionnette, pour tenter d'apercevoir cette soi-disant louve. Son attention fut attirée par Micah, qui arrivait de l'autre côté de la camionnette avec le cinquième garde de manière un peu trop brutale à son goût… il le tenait fermement au niveau du col de la veste et le poussait devant la camionnette.
Tasuki sourit intérieurement en voyant que le couguar semblait délicieusement se venger tout en poussant le loup-garou qui luttait devant lui, et qui avait les pieds enchaînés, ce qui entravait grandement sa manière d’avancer normalement.
– Tu t'amuses bien ? lui demanda Tasuki en s'approchant de lui.
– Pas encore, dit Micah en souriant et en tirant fort sur le col du loup-garou pour que le tissu de la chemise qui était sous sa veste se resserre davantage autour de son cou. Il fit un bruit de gorge et se leva en reculant. Mais je fais tout pour y arriver.
À cette réponse, Tasuki arqua un sourcil… mais il dut admettre que si quelqu'un lui avait mis une arme sur la tempe, il aurait agi de la même façon. Le garde le vit et grogna, montrant toutes ses dents d'apparence humaine et Tasuki inclina la tête en se demandant pourquoi le loup-garou trouvait ça effrayant.
– C’est ça, t’as bien raison… tu peux rugir, grogner et baver… tu resteras toujours un connard, lui envoya Tasuki sur un ton ennuyé.
Micah sourit face à la réaction de Tasuki face à un loup-garou en colère. Il se dit malgré tout que si une bagarre éclatait, il y avait de bonnes chances pour que Tasuki s'éloigne. Il y avait quelque chose chez ce jeunot qui l’incitait à se méfier… et un métamorphe n'ignorait jamais ce genre de pressentiment… c’était instinctif, et il ne pouvait pas l’expliquer.
Il poussa le garde devant lui vers la salle d’interrogatoire spéciale et lui donna un coup de pied au derrière pour en rajouter une couche. Le gardien trébucha en avant, se cognant sur le rebord en acier du montant de la porte. Un hurlement lui échappa des lèvres… on aurait dit un chiot battu, et non un loup-garou féroce.
– Oups, dit Micah, la voix dégoulinant de sarcasme. Ça fait mal ? J’aurais préféré être plus gentil, mais je crois bien que j’ai un problème avec ceux qui essaient de m’envoyer des balles dans le cerveau. Du coup, si j’ai l’air de mauvaise humeur, il faut le prendre personnellement.
Il se fit encore plaisir lorsqu’il jeta le loup-garou dans la pièce. Il soupira de satisfaction quand le mâle s’écrasa sur la table en titane qui était boulonnée au sol au centre de la pièce.
Arrivant derrière lui, Micah l’attrapa en le forçant à s'asseoir sur la chaise en titane assortie qui ressemblait plus à une chaise électrique que l’on utilisait dans les prisons pour les exécutions. Dès que le loup-garou remarqua de quel genre de chaise il s'agissait, il lui sembla avoir une autre poussée d'énergie et tenta de se battre. Il faut dire que Micah s'amusait beaucoup à lui coincer les poignets avec les attaches des bras de la chaise.
– Hé ! ? Commence pas à te ronger quoi que ce soit avant qu’on ait terminé… d'accord ? lui ordonna Micah en ignorant les injures qui lui étaient adressées.
Tasuki secoua la tête devant ses pitreries, puis il tourna le regard vers la camionnette où il pouvait voir le bord de la cage par les portes, qui étaient ouvertes. Le simple fait de savoir qu'il y avait une femelle à l'intérieur de cette cage le dérangeait, mais lui seul en comprenait l'ampleur.
Puis il s'éloigna du mur quand Titus arriva vers lui.
– Alors… tu vas faire quoi ? lui demanda-t-il tranquillement… mettre sa cage en cellule ?
Titus fronça les sourcils.
– Je vais plutôt ouvrir sa cage, et je la mettrai dans une cellule dans quelques instants. Mais on a surtout besoin d'un endroit où l’on puisse la laisser jusqu'à ce qu'on trouve une solution pour qu’elle ait l’impression d’être en sécurité.
– Pourquoi ne pas la laisser au Night Light avec les autres loups garous ? Au moins, elle serait sous surveillance, proposa Tasuki après avoir réfléchi en marchant près de lui.
Titus secoua la tête :
– Ça serait pire que de la mettre en prison.
Tasuki fronça les sourcils :
– Je comprends pas.
– Tu vois comment ils sont rassemblés autour de sa cage… lui indiqua Titus en jetant un regard désapprobateur à la foule.
– Ouais… ça me tape sur les nerfs, l’informa Tasuki.
Titus ferma les yeux et ressentit tout d’un coup un peu plus de respect pour cette nouvelle recrue.
– Dans ce cas, je vais arrêter ma visite guidée.
Micah choisit ce moment pour les rejoindre et les regarda fixement :
– Ouais ! Ils se comportent comme des chiens en chaleur.
Tasuki leva un sourcil à cette comparaison :
– Dans ce cas… c'est probablement ça.
– Ah ça ! Je le confirme, insista Titus qui se tourna face aux hommes concernés. Allez, les gars ! Retournez travailler ! C'est pas comme si vous n'aviez jamais vu de louve-garou auparavant !
Il fronça les sourcils en pensant que certains ne lui obéiraient pas… et que leur libido leur dicterait l’inverse de ce qu’il leur demandait de faire. Il n'était vraiment pas d'humeur à faire travailler ses muscles d’Alpha. Parce que pour lui, il n'était qu’un simple Alpha, de manière temporaire… mais Boris semblait penser qu’il était là de manière permanente. Avec Lucca comme seul autre Alpha de cette ville, il lui semblait que ce rôle temporaire n'était pas une option.
– Maintenant ! dit-il en faisant gronder un coup de tonnerre. Les hommes sursautèrent et se dispersèrent rapidement. Une fois qu'ils furent partis, il s'approcha de la porte de la cage et la déverrouilla pour pouvoir placer la louve dans une cellule de détention où elle serait en sécurité.
– Il n’y aurait pas un officier qui ne vive pas au Night Light ? Histoire que tu lui demandes et quelle ne soit pas enfermée dans une autre cage ? demanda Tasuki en sentant sa peau le piquer au fur et à mesure qu'il s'approchait de la cage.
– Il lui faut des barres d'acier pour la protéger de la meute à laquelle tu es si impatient de l'exposer, expliqua Micah en poursuivant : nous ne la gardons pas enfermée juste pour la garder prisonnière, mais pour la protéger. Une femelle loup-garou non accouplée est une chose très précieuse et Titus ne veut vraiment pas avoir à réprimander sa meute pour n’avoir pensé qu’avec ses parties inférieures… si tu vois ce que je veux dire.
– Et autre chose… qui ne facilitera pas la situation : on a trouvé des flacons et des seringues vides dans la poubelle qui se trouve à côté de sa cage, juste après ton départ… les étiquettes indiquent qu'ils lui injectaient des hormones.
– Des hormones ? demanda Tasuki avec l'impression que tout ce que Micah lui montrait lui passait au-dessus de la tête et qu’il en rajoutait toujours plus.
– Ils voulaient qu’elle soit en chaleur pour qu'elle puisse se reproduire, dit Titus d'un ton froid. Il continua : plus de soixante-dix pour cent des loups garous de la police sont célibataires et la plupart des mariés ont des compagnes humaines. Il ne faudrait pas grand-chose pour déclencher une émeute. Autant que je sache… c'est probablement la seule femme loup-garou de la ville qui est majeure et qui n'a pas de compagnon. Notre race a tendance à se battre pour les femelles bien avant qu'elle n'atteigne l'âge adulte.
Tasuki fronça les sourcils maintenant qu'il avait une vision des choses :
– Vu sous cet angle, je comprends mieux… mais ça craint quand même !
Micah lui frappa l’épaule :
– Y’a pas de mal. Il y a encore beaucoup de choses que tu ne sais pas au sujet des métamorphes, mais tu apprends vite. Dans peu de temps, tu pourras sûrement lire nos règlements sans sourciller.
– Trop cool, grogna Tasuki. Encore plus de lois à apprendre.
Titus monta dans la cage, mais quand il se pencha pour la prendre dans ses bras, il capta son odeur et la maudit. La dernière fois qu'il avait approché une métamorphe en chaleur, il s’était pris un coup de poing en pleine figure de la part d’un Dieu Solaire jaloux. Au moins, il apprenait vite.
– Hé Micah, tu n’aurais pas ton masqueur d'odeur avec toi ?
Il attrapa en plein vol le petit flacon de Spritzer qui s'approchait de lui en volant dans les airs. Il lui fallut quelques minutes pour vider le reste du flacon transparent avant de le glisser dans sa poche. Soulevant doucement la louve dans ses bras, il sortit de la cage.
Tasuki ne put s'empêcher d'admirer à quel point elle était belle quand Titus la sortit de sa prison. Sa fourrure était d'un noir magnifique et dès l’instant où elle l'avait regardé à travers les barreaux de l'entrepôt, il savait que ses yeux étaient d'une belle couleur dorée dans laquelle on retrouvait des taches de bleu et de vert.
– Je me demande quel âge elle a, s'interrogea tranquillement Tasuki qui ne voulait pas la réveiller même si on lui avait dit que le tranquillisant la ferait encore dormir pendant un certain temps.
– Boris pense qu'elle a une vingtaine d'années, vu la taille de ses pattes, répondit Micah d'un froncement de sourcils. On dirait qu'elle a eu des moments difficiles en captivité.
L'emmenant dans la cellule de détention vide, Titus la posa doucement sur le lit. Il avait écouté la conversation entre Micah et Tasuki et l'avait regardée de plus près.
Elle avait dû accepter son traitement sans rien dire lorsque Lucca s'occupait d’elle. Sa fourrure, qui semblait sombre et belle, était sale et emmêlée à certains endroits, ce qui indiquait qu'elle avait refusé de retrouver sa forme humaine pendant un bon moment. Les coussinets de ses pattes étaient égratignés et rugueux, et quelques marques de brûlures étaient également visibles.
Il savait pourquoi elle avait refusé de reprendre sa forme humaine et admirait son entêtement. S'ils l'avaient surprise sous sa forme humaine, c'est là qu'ils l'auraient violée. Elle avait utilisé la seule arme qu'elle avait contre eux : le fait qu'une femelle loup-garou ne puisse pas devenir enceinte sous sa forme animale. Si ce comportement montrait qu’elle avait beaucoup de volonté, il prouvait aussi qu’elle était intelligente.
Oubliant sa colère un instant, il sortit de la cellule et verrouilla la porte derrière lui. Quand elle se réveillera, la louve sera sûrement toujours en colère, mais au moins, cette cellule de prison était nettement bien mieux que la cage dans laquelle ils l'avaient mise.
– On ne devrait pas plutôt d’abord interroger le garde que nous avons, pour voir s'il sait où sont les autres otages ? demanda Tasuki en se dirigeant vers la salle d'observation.
Titus était sur le point de répondre quand l'un des officiers qui n’avait pas été sélectionné pour effectuer le raid se glissa par la porte d'entrée et commença à marcher du côté des cellules de détention.
– Philippe ? Tu peux m’dire où tu vas ? demanda-t-il.
L'officier, un des plus jeunes loups garous de l'escouade, se figea et sourit l’air piteux :
– Je n’étais pas au raid et je voulais voir si elle avait pris sa forme humaine.
Micah donna un coup de coude à Tasuki :
– Tu comprends mieux, maint’nant ?
Tasuki grogna et croisa les bras sur sa poitrine :
– Hélas, oui….
Le comportement de l'officier avait soulevé des signaux d'alarme dans son esprit, ce qui provoqua un retour en force de sa colère. Si la louve reprenait sa forme humaine, elle n'aurait plus aucune modestie parce qu'elle serait nue à ce moment-là. Cela montrait très clairement que l'avertissement de Micah au sujet de l'instinct des loups garous était correct.
Tasuki grogna auprès de l'officier avant d'entrer dans la salle d'observation :
– Elle… c’est un être vivant… comme toi ! Et on n’est pas au peep show !
– Ce gamin a du cran, je le reconnais, murmura Micah.
Titus arqua un sourcil en direction de Philippe :
– Je crois que tu as ta réponse. Jusqu'à nouvel ordre, tout le monde doit garder ses distances avec ce service… pigé ? Et d’ailleurs, pourquoi tu resterais pas devant la porte pour t’assurer que personne d'autre n'ait la même idée que toi ?
– Et qu'est-ce que je dirai ? demanda Philippe de manière assez stupide en faisant quelques pas en arrière quand Titus commença à se rapprocher de lui.
– … que j'ai dit que le premier idiot qui s’aventure sur le pas de cette porte se fera sauter la cervelle, tonna ce dernier. Il fixa Philippe du regard, qui trébucha presque sur ses propres pieds alors qu'il s'apprêtait à s'enfuir.
– On t'a déjà dit que tu faisais un sacré Alpha ? dit Micah en riant et en tapotant Titus dans le dos.
Titus secoua la tête et ajouta :
– On pourrait p’t’être même verrouiller toutes les portes et les fenêtres, au cas où il y en ait de plus audacieux. Je ne veux pas me laisser distraire une fois qu'on aura commencé avec l’idiot qu’on a enchaîné dans l'autre pièce.
– On pourrait p’t’être parler de la rotation des quarts de travail pour que quelqu'un soit toujours là pour veiller sur elle, proposa Micah. Mais pour l'instant, je pense que Tasuki deviendra fou si on ne surveille pas notre homme.
Titus arqua un sourcil :
– Pas faux.
Dans la salle d'observation, Tasuki saisit le dossier de la chaise et regarda le loup-garou de l'autre côté du miroir sans tain. Il ferma les yeux, incapable d'empêcher ce souvenir de revenir le hanter. C'était le dernier rêve qu'il avait fait d'elle… mais c'était la dernière fois qu'il avait dormi.
Cette fois-ci, il y avait une cage qui se dressait au milieu d'une grande grotte et Kyoko en était prisonnière. Sauf que dans ce rêve, c’est comme si elle avait été kidnappée par un monstre. Fébrilement, il se mit à faire le tour de la cage à la recherche du loquet qui la libérerait du monstre qui l'avait enfermée, mais il ne trouva que des barres de fer épaisses. Il lui avait promis qu’il la sauverait… mais comment aurait-il pu le faire s’il n'y avait même pas de porte sur la cage ?
Il concentra son regard sur Kyoko au moment où les mains sortirent des ténèbres et le poussèrent jusqu’à sa mort… il s’en souvenait très bien d’ailleurs.
Il ouvrit les yeux et ce souvenir s’effaça. Peu importe le nombre de fois qu'il avait fait ce rêve, ça se terminait toujours de la même façon… il mourrait et Kyoko restait coincée dans la cage. Il se passa la main dans la frange pour essayer de se ressaisir. Peu importe à quel point le souvenir de ses rêves semblait réel… tout se passait dans sa tête et c’est là qu’ils devaient rester.
Regardant le kidnappeur qui était dans l'autre pièce, il décida de se mettre en colère contre les vrais monstres qui adoraient enfermer les filles dans des cages. En même temps… il n'avait rien de mieux à faire.
Micah suivit Titus dans la salle d'observation pour trouver Tasuki appuyé contre une chaise en train de regarder le garde à travers le miroir sans tain. Si son regard avait pu le tuer, cet homme ressemblerait maintenant à une belle tache de graisse sur la chaise.
– On pourrait pas le faire griller sur sa chaise et le faire danser ? demanda Tasuki… histoire de rigoler un peu.
– Tentant, mais non, répondit Titus. La raison pour laquelle Philippe s’est pointé tout à l’heure m'a vraiment inquiété.
Tasuki acquiesça d'un signe de tête :
– Il faudrait trouver des vêtements à lui donner, au cas où elle se réveille et décide de se transformer en humaine.
Il regarda les deux métamorphes mais aucun d'eux ne réagit.
– Peut-être que la femme qui était dans le raid a des vêtements de rechange dans son casier. Tu veux que j'aille vérifier ?
– Non. À mon avis, elle doit être occupée à faire examiner les autres filles par un médecin, lui dit Micah, qui se frotta le menton lorsqu'une solution à ses deux problèmes lui vint à l'esprit. Mais j'ai une idée.
– Alors ça, c'est une grande première, dit Titus qui sourit quand Micah lui donna un coup de coude.
– Ha, ha, ha, grogna Micah. Comme je disais… laissez-moi appeler Alicia et lui demander d'apporter des vêtements.
– Alicia ? Qui est-ce ? s’enquit Tasuki.
– La petite sœur de Micah, l’informa Titus. Il est un peu lunatique depuis qu'elle est en couple avec un Dieu Solaire.
– Un Dieu Solaire ? demanda Tasuki en affichant une expression confuse.
Encore quelque chose de nouveau pour lui, mais il ne savait pas pourquoi il s'embêtait à avoir l’air surpris. On aurait même pu penser qu'il était immunisé par rapport à tout ça.
– Mais putain… arrête de dire à tout le monde ce que j'ai eu au petit-déjeuner, grommela Micah en sortant son téléphone portable.
En composant le numéro, il soupira en se disant que Titus avait raison. Il était définitivement à l’ouest en ce moment parce que sa sœur lui manquait et que Damon se comportait comme un crétin en la gardant cachée pendant des jours et des jours. C'était une excellente excuse pour la voir et savoir si elle était toujours heureuse avec Monsieur le Possessif.
– Tu serais pas en train d’appeler Alicia pour lui demander de venir jusqu’ici, tout ça pour lui demander de nous apporter des vêtements ?
Titus en rajouta en levant un sourcil :
– Désespéré à ce point ?
– Personne peut me dire ce qu’est un Dieu Solaire ? insista Tasuki, qui voulait vraiment le savoir pour pouvoir l'ajouter à sa liste de choses à mettre sur son mur mental des bizarreries.
Micah était sur le point d'appuyer sur la touche de son téléphone permettant d’appeler Alicia, mais il réfléchit vite parce que Titus avait remis en question la principale motivation de son appel. Il parvint très vite à trouver une meilleure excuse.
– En fait, je me suis dit qu'on pouvait faire d'une pierre deux coups, sourit-il. Alicia m'a dit que Damon lui avait appris à contrôler les gens, mentalement, je voulais dire.
Il montra du doigt l'homme qui était de l'autre côté du miroir.
– On pourrait certainement se débarrasser de cet idiot et ne pas en tirer autant qu'Alicia le ferait juste en lui posant des questions toutes simples. En plus, il lui dirait plus facilement la vérité à elle qu’à nous…
– OK, j’ai compris, soupira Tasuki en acceptant le fait d’être complètement ignoré. Je suis sûr que je finirai par le découvrir tout seul.

Chapitre 3
Alicia venait tout juste de se faire son café quand son téléphone se mit à sonner. Se précipitant sur son sac à main, elle lut rapidement le numéro qui s’affichait. Puis elle répondit en le portant à son oreille, le sourire aux lèvres.
– Salut Micah, quoi d’neuf ?
– Serais-tu disponible pour passer du temps avec ton grand frère ? s’enquit Micah en tournant la tête pour que les autres personnes se trouvant dans la même pièce que lui ne puissent pas voir son expression soulagée : il pensait vraiment que c’est Damon qui lui répondrait.
Elle lui dit en haussant les épaules :
– Je pense que oui. Damon est sorti avec Michael et Kane. Et à mon avis, il ne rentrera pas de sitôt.
– Tant mieux, parce que j’ai besoin que tu me rendes un service, commença son frère. Nous avons sauvé une louve lors d’un raid sur la traite clandestine des esclaves. Elle n'est pas encore revenue à elle-même, mais quand elle le fera, elle prendra son apparence humaine et… elle aura besoin de vêtements de rechange. Est-ce que tu pourrais lui en apporter ? Ici, au commissariat ?
Elle regarda son placard rempli de vêtements avant de hocher la tête :
– C’est bon, je pense que je pourrai lui en trouver. Quand veux-tu que j’arrive ?
– Dès que tu pourras, répondit Micah. Elle peut se réveiller n’importe quand.
– J'arrive, dit-elle. Y aurait-il autre chose dont tu aurais besoin ?
– Content que tu me poses la question, dit Micah en souriant, sûr qu’Alicia entendrait son sourire. Il faudra que tu prennes un loup sous ton emprise pour qu'il réponde à des questions. Tu penses pouvoir faire ça ?
– Oui, je pense pouvoir y arriver, répondit-elle un peu trop vite. Laisse-moi juste le temps de m'habiller et de prendre quelques affaires pour cette pauvre fille et j’arrive.
Elle raccrocha avec un grand sourire aux lèvres, puis se hâta d’aller s'habiller. C'était bien, d'avoir quelque chose à faire pendant que Damon n’était pas là. Au moins, elle se sentait maintenant utile et avec un peu de chance, elle serait capable de lui prouver qu'elle pouvait vraiment faire les choses par elle-même.
Mettant son jean préféré et l'une des chemises noires de Damon, elle sortit un sac de voyage en cuir noir et extirpa des vêtements du placard : une tenue au cas où la jeune femme aime des choses douces et voluptueuses, et une autre qui lui donnerait plus l'impression d'exprimer sa personnalité. Pourquoi ne pas lui donner le choix ? Après tout, Damon avait stocké dans plus de la moitié de son placard des tenues assorties au bad boy qu’il était !
Après avoir mis les vêtements dans un sac, elle passa en revue certains des sous-vêtements neufs qu'elle n'avait pas encore portés, mais aussi des habits pour que la louve puisse dormir, puis elle les mit dans le sac. Elle se dit qu'après avoir été retenue prisonnière, n'importe quelle fille apprécierait des petites choses comme des sous-vêtements propres, une brosse à dents, et peut-être même un peu de maquillage.
Avant de quitter la pièce, elle jeta un dernier coup d'œil de partout afin de s'assurer de ne rien avoir oublié. Repérant sa panoplie de produits capillaires, elle prit un peigne, une brosse et des barrettes pour que la jeune femme puisse se coiffer si elle le voulait.
Puis elle sourit en mettant la sangle du sac sur son épaule en se dirigeant vers la porte de la chambre. Elle était contente de se dire qu'elle allait revoir Micah, même si cela ne faisait que quelques jours qu’ils ne s’étaient pas vus. Il lui avait manqué.
Elle appréciait aussi le fait qu'il l'ait appelée. Mettre quelqu'un sous son joug pour des raisons légitimes, et le fait que sa cible soit un loup-garou et pas seulement un humain était un défi pour elle.
Les humains étaient beaucoup plus faciles à placer sous son emprise parce qu'ils n'y étaient pas vraiment immunisés, à moins qu’il ne s’agisse de médiums, ou bien qu’ils aient été ensorcelés. Damon l’avait prévenue qu’il était beaucoup plus compliqué d’entrer dans les métamorphes, parce que leurs cinq sens étaient bien plus aiguisés. Malheureusement jusqu’à maintenant, elle n'avait pas encore eu l'occasion de tester son pouvoir sur des humains, Damon la laissant à peine sortir de sa chambre.
Elle redressa les épaules. Il s’agissait là d’une excellente occasion pour elle de s'entraîner vraiment sans avoir de distraction. Lorsqu’elle sortit de la chambre, Kane la surprit en prenant d'assaut la porte d'entrée.
– Quelque chose ne va pas ? s’enquit-elle.
Il ne semblait pas l'entendre et murmurait quelque chose au sujet d’une femme nommée Olivia. Soudain, il se figea et jura haut et fort :
– Et merde ! C’est pas Olivia… mais Victoria !
C’est à ce même moment que Michael et Damon entrèrent en ricanant face aux pitreries de Kane.
Elle faillit gémir devant le fait que Damon arrive pile au moment où elle partait. Même si elle était contente de le revoir, elle espérait qu’elle aurait eu le temps d'aller au commissariat et d’être de retour avant lui.
– Alors, comme ça, c’est toi, celui qui se souvient du nom de toutes les femmes avec qui il est sorti ? commença Damon.
– En effet, je m’en souviens très bien, grogna Kane.
– Alors Olivia, c’est qui ? poursuivit Michael.
– Va te faire foutre ! murmura Kane avant de se diriger en direction de sa chambre.
– Je suppose que c'est ça, sa réponse, déclara Michael en allant vers l’escalier. Puis il fit une pause en voyant Alicia debout près de la porte de sa chambre, comme si elle avait été prise en flagrant délit en train de piquer des cookies dans une boîte.
Kane ferma la porte de la chambre derrière lui et vit Tabatha debout là, les bras croisés sur la poitrine.
– Alors, dis-moi. Olivia et Victoria, c’est qui ? lui demanda-t-elle.
– Les ex de Damon et Michael, répondit-il sans hésiter en posant ses lèvres sur les siennes.
Dans la pièce principale, le regard de Damon fut instantanément attiré par Alicia et il faillit sourire quand il remarqua qu’elle portait une de ses chemises. Cependant, la façon dont elle se mordait la lèvre inférieure lui fit froncer les sourcils et il se mit à la regarder de manière plus intense. Ses yeux se plissèrent dangereusement quand il vit le sac ouvert qui était accroché à son épaule.
Elle cligna des yeux lorsque Damon apparut soudainement à moins de cinquante centimètres d’elle, lui bloquant le passage en plaçant une paume de chaque côté de l'encadrement de la porte… la piégeant efficacement contre la surface en bois. Il se pencha en avant et l'étudia sans dire un mot… son regard en disait long.
Elle se sentit un peu nerveuse et essaya de dissimuler son stress en souriant :
– Contente de te voir de retour.
– Vraiment ? demanda-t-il, incapable d'empêcher son côté obscur de lever la tête. Si j'étais arrivé juste quelques minutes plus tard, tu serais encore là à m'attendre ?
Elle ne résista pas à son instinct d’autoprotection et leva la main pour toucher le collier qui n'était plus autour de son cou. Elle se souvint soudain qu'elle l'avait donné à Nick et elle grimaça en remarquant que les yeux de Damon suivaient ses mouvements nerveux ; puis ils s’immobilisèrent sur elle d’un air sombre.
C’est à ce moment-là qu’elle sut qu'un mensonge risquerait de l'énerver, entraînant aussi beaucoup d’autres choses… sentant un chaud rougissement lui monter sur les joues, elle lui fit défi en levant le menton et en lui disant calmement la vérité :
– Non.
Elle soupira quand il tourna la poignée de la porte et la ramena dans la chambre. Elle perdit l’équilibre quand il claqua fortement la porte derrière lui. Un seul regard sur l'expression affichée par Michael suffit à l'inquiéter.
– Et… tu comptais aller où ? lui demanda Damon, qui s’était bien assuré de poser la question au passé.
– J'allais juste voir Micah, dit-elle avant de se retrouver les genoux à terre, le visage contre le sol.
– Ah bon ? Parce que tu pensais que tu irais passer la nuit avec lui ? lui demanda doucement Damon.
Un regard confus traversa le visage d'Alicia. Puis elle lança un regard rapide sur son sac ouvert, et vit que de jolis sous-vêtements noirs et que sa brosse à cheveux dépassaient, et elle se mit à soupirer. Bon, d’accord… elle comprenait tout à fait le point de vue de Damon, mais ça n'allait pas l'empêcher de lui enlever ses pensées perverses.
– Il a besoin de moi, commença-t-elle en grognant quand il la coupa immédiatement.
– Ohhhh ! Mais j’en suis sûr !
Il s'approcha d'un pas de plus en s'élevant au-dessus de sa petite taille. En fait, ce dont Micah avait vraiment besoin, c'était d'un prêtre pour ses funérailles.
– Tu sais quoi ? dit-elle lentement en levant les yeux pour lui faire face. Tu n’es… qu’un pauvre con.
– Si t'empêcher de me quitter fait de moi un pauvre con… alors c’est parfait, répondit-il.
– Non, je voulais juste dire que tu n’es qu’un idiot parce que tu croyais que j’allais te quitter, lâcha-t-elle en sentant sa propre colère grandir devant le fait qu'il était encore en train de tirer des conclusions hâtives. Ces vêtements… ils ne sont pas… pour moi… Damon, dit-elle en serrant les dents.
– Ah oui. Je suis sûr qu’ils iraient parfaitement à Micah, dit-il, qui se voyait déjà étrangler ce dernier portant la culotte noire en dentelle qu’il avait repérée.
Enervée, elle voulut grogner un coup, mais préféra s’abstenir parce qu'il y avait du verre dans la pièce. En fait, elle était fière de Damon, car il n’avait pas encore tout cassé. Elle trembla quand des petites fissures se mirent à parcourir le miroir de la coiffeuse… la loi de Murphy à son paroxysme.
– Mais putain, Damon ! Arrête d'être aussi bête ! siffla-t-elle en s'approchant encore plus près de lui et en saisissant le devant de sa chemise pour lui tirer le visage vers le sien. Elle avait appris à intimider le meilleur coach du monde… lui. Micah et son équipe de détectives ont sauvé une louve garou des marchands d'esclaves. Je lui apportais des vêtements pour qu'elle ait quelque chose à se mettre quand elle se réveillera. J'étais sur le point d'aller les retrouver au commissariat parce que je suis une grande fille, Damon, et parce que tout va bien se passer.
– Oh, tu crois ça, hein ? demanda-t-il en se disant qu'elle avait complètement oublié le fait que la ville était pleine de démons.
– En effet. Tu viens d'aider ton frère… maintenant, c’est à mon tour d'aider le mien. Et depuis quand est-ce qu’il m’est illégal d'aider ma famille quand on me le demande ? dit-elle en levant un sourcil pour le mettre au défi de lui dire non.
– Dans ce cas, ça ne te pose pas de problème si je viens avec toi ? Non ? grogna Damon, qui n'aimait pas l'image d'elle se tenant là avec sa valise de fortune, comme une petite fugitive.
Elle sourit :
– Parfait ! Et quand je te prouverai que ta première théorie est fausse… tu devras me laisser te menotter au lit.
– Ce n'est pas une négociation, lui déclara-t-il en croisant les bras sur sa poitrine.
– Non, tu as raison… c'est un pari, répondit-elle avec une expression arrogante sur le visage. Et si tu me suis jusqu'à cette porte, ça veut dire que tu acceptes l'accord.
Relevant le menton d'un cran plus haut, elle tourna autour de lui et passa la porte.
Il serra les dents et ses yeux se dirigèrent vers le miroir lorsque de nouvelles fissures apparurent à sa surface. Il calma sa colère, content d'avoir mal interprété ce qu’Alicia s’était apprêtée à faire. De plus, il dut admettre que la laisser le menotter au lit était une perspective plutôt intéressante.
Michael, qui ne pouvait plus supporter d’être enfermé entre quatre murs, se dirigea vers le toit une fois qu'Alicia et Damon disparurent dans leur chambre. Il grimaça lorsqu’il constata que la porte ne se refermait plus correctement : encore des réparations à prévoir ! Le début de la soirée promettait d'être frais et il ferma les yeux dans son bonheur.
Attiré par le bruit que fit la porte d'entrée en s’ouvrant, il avança jusqu'au bord du toit et regarda vers le bas. Il vit Damon et Alicia qui sortaient et Alicia faillit tomber sur le parking. Il sentit un sourire tirer ses lèvres quand Damon la rattrapa et lui prit la main.
Si ce n’était pas ce qu’il en avait pensé au départ, il en était certain, maintenant : Alicia était parfaite pour son frère. Elle savait comment gérer son tempérament et obtenir ce qu'elle voulait.
Il leva un sourcil quand Damon l’approcha de lui pour l’embrasser. Le couple prit un moment pour se retrouver, puis il leva les yeux en l’air, et, voyant son frère le regarder, il lui rendit son regard en levant à son tour un sourcil. Michael pencha la tête d’un côté et haussa les épaules. Comme s'il sentait ce qu’il se passait dans la tête de Michael, Damon serra Alicia dans ses bras et la poussa dans l'ombre.
Michael secoua la tête et laissa un sourire se former sur son visage avant de rentrer. Il s'arrêta à mi-parcours lorsqu'il sentit la passion de Tabatha et Kane monter de l'intérieur du bâtiment.
– Tant pis…, murmura-t-il en se tournant vers les grands immeubles autour du club rénové.
Il roula les épaules et le cou, sentant soudain une montée d'énergie refoulée à l'intérieur de lui. Son esprit se tourna vers Aurora et la passion urgente qu'ils avaient partagée lorsque leurs chemins s’étaient heurtés. Elle était comme une force de la nature qui l'endurcissait d'un seul regard. Il ferma les yeux, imaginant que ses dents s'enfonçaient en elle au fur et à mesure… le nourrissant alors qu'il prenait son sang.
Ce goût sucré persistait encore sur ses lèvres et il les humecta avec sa langue. Il voulait… non, il avait besoin d'être au fond d'elle pour goûter à nouveau son sang.
Ses yeux s'ouvrirent en reconnaissant sa dépendance. Secouant la tête, il décida que ce dont il avait vraiment besoin, c'était d'évacuer une partie de cette énergie qui coulait à travers lui. Cette adrénaline disparaîtrait-elle un jour complètement ? Ou bien était-il damné à l'idée d’avoir en permanence cette envie en lui-même ?
Il descendit du toit pour se diriger en ville, à la recherche de quelque chose… de n'importe quoi pour se libérer l'esprit de cette tentation. Il s'était battu contre Samuel pour donner à Aurora la liberté qu'elle voulait, mais il ne voulait pas non plus devenir son maître.
Il se souvenait de la façon dont elle tenait la main de celui qu'elle avait appelé comme étant son frère… Skye, un beau gosse. Elle le tenait doucement, un peu comme un enfant l’aurait fait… et non de la manière passionnée dont elle lui avait fait preuve. Il lui laissait volontiers l'amour de son frère. De son côté, il attendait qu’elle revienne vers lui en s'occupant comme il le pouvait.
Au fur et à mesure qu'il se déplaçait dans les rues, il commençait à sentir de plus en plus de démons… ceux qui sortaient tard dans la journée et qui s'attaquaient aux pauvres âmes qui s'aventuraient dans les ténèbres. L'envie de se battre l'emporta et il sourit en se disant qu'il pouvait aider à débarrasser le monde de quelques démons et peut-être même à se débarrasser d'une partie de l’excitation qui l’avait envahi… mais au moins, il avait trouvé une distraction.
Son instinct le conduisit dans les bidonvilles et son regard passait d'une personne à l'autre, à la recherche de la victime parfaite… un peu comme un vampire sans âme le ferait en quête d’un humain… sauf que pour lui, sa cible vivait plus du côté obscur. Il laissa passer quelques démons plus faibles, blottis les uns contre les autres au coin d'une rue. À priori, ceux-ci ressemblaient à un groupe normal, comme une sorte de gang de rue. Il les regarda droit dans les yeux en passant près d’eux.
Avant qu’il n’arrive vers eux, ils étaient agités et bruyants, mais plus il les approchait, plus ils se calmaient. Un coin de ses lèvres se redressa en sourire comme s'il leur disait en silence qu'il savait exactement qui ils étaient. Il ne prit pas la peine de faire demi-tour lorsqu'il entendit un bruit de pas derrière lui. Peut-être que les démons de bas niveau étaient plus intelligents que ce qu'il pensait.
Arrivé à une intersection, il regarda autour de lui les bâtiments et les rues sales. Il était sur le point de s'aventurer plus loin quand il sentit un pic d’adrénaline… pur, doux et dangereusement puissant. Il plissa le regard lorsqu’une odeur d'eau lui parvint dans les narines, dérivant à travers ses sens et l’emplissant d’une sensation étourdissante. Même si ce sentiment lui semblait léger, il était tout de même assez fort pour pouvoir l'étouffer.
Le bruit d'une clochette lui fit tourner la tête et son regard améthyste s'attarda sur une femme sortant du magasin de vins et spiritueux délabré situé de l'autre côté de la rue. Elle portait un haut en cuir et une minijupe courte en dentelle transparente avec des bas en résille et une paire de talons aiguilles noirs. Ses cheveux étaient d'une myriade de couleurs allant des teintes néon-vert au rose-violet, en passant du noir-corbeau au blond-platine.
Elle glissa une bouteille d'alcool hors de son sac et en dévissa le bouchon. Inclinant la bouteille, elle en but à peu près la moitié d'un seul coup, puis, hors d’haleine, elle s'essuya la bouche du dos de la main. Même si elle avait l’apparence d’une humaine, il pouvait voir le visage du démon qui se cachait dessous.
Il se détendit mentalement, mais aussi physiquement. La plupart des démons qu'il avait rencontrés dans le passé n'avaient aucune idée de qui il était vraiment… la plupart du temps, ils pensaient, et à tort, qu'il était un vampire. Ressentant un calme apparent l'envahir, il descendit du trottoir.
Le démon tourna la tête vers lui et lui sourit. Michael savait que, dans le passé, les démons étaient connus pour se nourrir de vampires… même Misery l’avait fait auparavant.
– Hello belle gueule, ronronna le démon en battant de longs cils.
Michael s'approcha de lui en lui frôlant l'épaule gauche de son épaule gauche, marchant autour de lui tout en gardant ce léger contact corporel.
– Hello, chuchota-t-il en jouant le jeu. Á qui ai-je l’honneur ?
– À la personne que tu veux que je sois, lui répondit le démon en chuchotant aussi.
– Je veux que tu sois toi, lui glissa Michael à l'oreille qui s’approcha encore plus pour lui faire face. Il laissa un lent sourire séparer ses lèvres et lui montra les crocs qui le confondaient toujours, lui et ses frères, avec un vampire.
Le démon inclina la tête sur le côté et sourit :
– Je vois.
Michael hocha la tête quand il détendit son sourire :
– Bien évidemment !
– Tu peux m’appeler Morgane, continua le démon en enroulant ses mains autour d'un de ses bras. Les deux hommes se mirent à marcher vers un vieux bâtiment d'un étage du bout du pâté de maisons.
Ils entrèrent dans le bâtiment et Morgane ferma la porte derrière eux. Michael regarda autour de lui et compta le nombre de cadavres qui traînaient un peu de partout. L'endroit empestait le sang pourri et la décomposition… un lieu tout à fait convenable pour un démon mangeur de chair.
– Tu aimes ma maison ? chuchota Morgane qui se retourna en riant afin d’évaluer son travail.
Michael haussa les épaules :
– Elle sera encore bien mieux une fois que ton corps sans vie sera couché parmi les autres.
Il se baissa juste à temps pour éviter les longues griffes de Morgane qui essayait de lui séparer la tête du reste du corps. Se tordant le torse, il lui enfonça le coude dans la partie médiane de la poitrine. Son poing se leva et se fendit sur son nez suffisamment fort pour l’envoyer en l’air.
Morgane atterrit à terre et le regarda, tordant son visage dans un masque grotesque montrant ses vraies couleurs. Ses yeux noisette s'allongèrent et devinrent rouges tandis que ses sourcils s'inclinaient et sa bouche, assez jolie quelques instants auparavant, s'étirait dans un sourire horrible rempli de dents mal assorties et déchiquetées. Sa longue langue glissa vers l'extérieur, léchant ses lèvres du sang qui s'écoulait de son nez carrément aplati
Michael fit une grimace… c’était vraiment écœurant. Il rendrait certainement service à la ville en la débarrassant de ce monstre. Une telle laideur ruinerait complètement le paysage urbain.
Morgane remonta en arrière le long du mur pour s'en servir pour prendre son élan et rebondir afin de se rapprocher de lui en faisant glisser ses griffes allongées en avant. Ces dernières lui prirent le pan avant de la chemise en y laissant quelques égratignures… superficielles, mais suffisantes pour le faire saigner. Il ferma le poing droit et l’envoya sur le visage du démon, ce qui lui fit basculer la tête d’un côté à l’autre. Rajoutant un coup de pied rapide qui arriva sur l’un de ses genoux, il entendit les os se briser et n’eut aucun remord en se disant que, de toute façon, le démon habitait déjà le corps d’un cadavre.
Quand ce dernier s’approcha encore un peu trop près de lui, il lui prit les cheveux. Le soulevant du sol, il s'arrêta une demi-seconde et ferma brièvement les yeux lorsque l'odeur du sang démoniaque le frappa enfin.
– Vous, les démons, n’êtes rien d'autre que de monstrueux hybrides, chassés par les morts qui vous ont engendrés, siffla-t-il, qui comprit soudainement ce qu'était vraiment un démon. Il n'avait jamais remarqué que de faibles traces de sang de Déchus se trouvaient dans celui des démons… mais maintenant, il pouvait dire quel goût ils avaient !
Finalement, les Déchus et les Dieux Solaires étaient semblables sur ce point-là… créant les monstres de leur choix. La seule différence, c'est la façon dont ils les concevaient.
Morgane prit le bras qui tenait ses cheveux et y enfonça ses griffes. Elle sursauta lorsqu'elle se retrouva brusquement en vol stationnaire au-dessus du sol et regardait vers le bas dans les yeux d'améthyste d’un Michael en colère. Ses talons aiguilles de piètre qualité tombèrent par terre et elle lui enroula sa main libre autour de la nuque dans l’espoir de lui couper la moelle épinière et de se libérer.
Sentant le regard d'améthyste la pénétrer, elle se sentit devenir toute molle… surtout qu’elle était maintenant suspendue à ses propres cheveux.
– Laisse-moi partir, chuchota-elle, tenaillée par la peur. Si elle était forte, et certainement l'une des plus fortes de cette partie du bidonville, ce vampire qu'elle croyait facile à tuer l’était beaucoup plus que toutes les créatures qu'elle avait rencontrées.
– Te laisser partir ? demanda Michael comme si ce concept lui était totalement étranger. Tu as tué tous ces humains et ces démons pour te nourrir et tu veux que je te laisse partir ?
– Je te donnerai tout le sang humain que tu voudras, siffla-t-elle en gémissant à moitié. J’attirerai les humains et te les amènerai.
– Je n'ai pas besoin d'aide pour attraper mon prochain repas, dit Michael avec sarcasme. Puis, sa voix s'adoucit brusquement : mais ma chère… je suis prêt à parier que les démons ont meilleur goût que les humains.
Morgane fut surprise de ressentir une douleur atroce et soudaine jaillir dans son épaule, et la sensation du vampire lui arrachant la vie lui fit émettre un gémissement inhumain. Renouvelant sa lutte pour rester en vie, elle s'agrippa à lui, mais la vraie obscurité commença à l’envahir.
– Mais qui es-tu ? murmura-t-elle dans un dernier souffle.
Michael tint bon et puisa dans la dernière goutte de vie de Morgane avant de la laisser tomber. Il sourit quand il entendit le bruit sourd de son cadavre cogner le sol. Qui aurait cru qu'il aurait pu tuer un démon en le vidant de la sorte ? Il était même sûr que même les démons ne connaissaient pas cette sensation, puisque les vampires sans âme n'avaient besoin que de sang humain.
Il regarda le démon difforme avec dégoût :
– Tu peux m'appeler Michael.
Il se posa doucement sur le sol et s'approcha de la porte. Puis il essuya avec ses manches les traces de sang qu’il restait sur ses lèvres et remarqua que c’était du sang noir… il était contaminé. Ouvrant la porte, il sortit sur le trottoir et remis sa veste de façon à ce que les déchirures de sa chemise ne se voient pas.
Il se retourna et reprit son chemin, remarquant qu'un groupe de démons assez conséquent s'était rassemblé près de l'entrée du bâtiment : certainement les sous-fifres de Morgane désireux de voir l'homme qui avait tué leur maître. Ces créatures ne montraient aucun signe de vie humaine, mais Michael ignora ce détail en passant calmement devant elles.
Il avait fait ce qu'il avait prévu de faire et aucune autre créature ici ne pouvait retenir son attention… il ne voyait pas l’intérêt de s’attarder sur toute cette puissance de bas niveau. Plus un démon avait du pouvoir, plus son sang avait le goût de celui d’un Déchu… il en était sûr.
Le sang de Morgane lui coulait maintenant dans les veines, lui apportant comme un élan chaud et duveteux, ce qui le réchauffa en intensifiant ses sens… il se rappelait que chaque fois qu’il buvait le sang d’Aurora, il ressentait la même chose.
Il se figea alors en réalisant toutes ces choses. La panique s'empara de lui immédiatement, et rien que de penser à Aurora lui emplit le ventre d’une peur atroce, à lui glacer le corps jusqu’au plus profond de ses os. Il se rappela Kane l'avertissant sur le toit. Il avait même informé Aurora des dangers auxquels elle l’exposait lorsqu’elle le laissait boire de son sang.
Essayant de trouver une bonne raison, il s'accrocha à ses souvenirs, lorsque Samuel se moquait d'Aurora en lui expliquant que les démons en liberté dans la ville étaient assez forts pour facilement tuer un Déchu… et tous ces démons présentaient un danger pour Aurora.... Samuel n'avait pas menti à ce sujet.
Un sourire caressa lentement ses lèvres. Il avait maintenant une raison valable de se nourrir des démons de Los Angeles. Non seulement il protégerait Aurora, mais il pourrait aussi combler son besoin de sang. En en prenant de si petites quantités, il pouvait garder un meilleur contrôle sur les effets secondaires indésirables comme les tremblements de terre, par exemple.
– Pas mal, comme scénario ! Comme ça, c’est du donnant-donnant, pensa-t-il en mettant les mains dans les poches tout en s’amusant à trouver sa prochaine victime.

Chapitre 4
Micah soupira pour la centième fois depuis qu'il avait appelé Alicia. Et puis, jusqu'à maintenant, Tasuki était allé voir la louve au moins six fois, Titus avait fait fuir trois autres officiers dès qu’il avait vu que Phillip commençait à avoir du mal à les tenir à l'écart, et le garde captif s’était mis à se ronger le poignet pour essayer de sortir de la chaise.
Bien sûr, ce n'était pas tout à fait de sa faute s’il avait désespérément envie de s’échapper. Ils avaient commencé à s’ennuyer, au commissariat, et s’étaient mis à le narguer avec l'interphone, un peu comme l’aurait fait Lucca au moment où tout le monde aurait découvert que c’était lui, le mouchard.
– C'est pas comme ça que je pensais m’occuper aujourd’hui, se plaignit Tasuki.
– Je te comprends tout à fait, marmonna Micah en souhaitant qu'Alicia se dépêche. Elle avait dit que Damon n'était pas avec elle et cela lui donnait encore plus envie de la voir.
Tasuki jeta un coup d'œil à Micah :
– Je suis curieux de savoir combien il y a de couguars et de jaguars dans cette ville…
– Au moins quelques centaines, lui répondit Micah. Mais ils ne traînent pas tous avec la meute. Certains sont satisfaits de leurs camarades et essaient de vivre une vie humaine normale. J'en connais même plusieurs qui essaient d'être complètement humains… au point que leurs compagnons ne savent pas qu'ils sont des métamorphes.
– Mais vous n'avez pas de pulsions ou de trucs du même style ? demanda Tasuki dans un haussement d'épaules.
Micah sourit :
– Hélas, en effet… et c'est d’ailleurs une des rares choses qu'Hollywood a bien compris. De temps en temps, à peu près trois ou quatre fois dans l’année, il nous faut sortir de la ville et retrouver notre liberté sauvage. Par exemple, ce que les métamorphes qui prétendent être humains doivent faire, c'est de dire qu'ils partent faire de l'escalade le temps d’un week-end… ou autre chose du même style. On peut tout à fait très bien survivre avec de la nourriture et une vie normale, mais si on ne suit pas notre instinct pour prendre un peu de distance et aller courir de temps en temps, on a tendance à devenir un peu brusque… ou pire.
Tasuki sourit lui aussi :
– Alors, je suppose que ça fait un moment que tu n'as pas couru dans la nature.
La réplique de Micah mourut sur ses lèvres lorsque la porte principale s'ouvrit et qu'il entendit deux personnes entrer dans le bâtiment. Il se rendit jusqu’à la porte de la salle d'observation et l'ouvrit. Une partie de son excitation s'évanouit en voyant que Damon avait décidé de venir jusqu’ici.
– Ne te fais jamais d'illusions au sujet d’un Dieu Solaire qui t’inspire de la crainte… tu es sur le point d'en rencontrer un, dit-il avec une pointe de sarcasme. J'ai toujours l'illusion que c’est un synonyme de « Tête de gland ».
Tasuki leva un sourcil :
– C'est pas très malin de surnommer quelqu'un de cette manière.
– Tout dépend de qui tu parles, dit Micah en haussant les épaules.
Damon sourit en se demandant combien de temps le policier en uniforme qui se tenait derrière la porte resterait planté là. C'est juste ce que ce crétin était en train de dire à Alicia qui leur faisait perdre un temps fou. En voyant Titus se diriger vers eux, il se demandait en silence à quoi ressemblerait un loup-garou Alpha marchant sur les mains en train de donner des ordres à sa meute. Il soupira, trouvant qu'il s'ennuyait déjà.
– Alicia, content que tu aies pu venir, dit Titus qui fit un signe de tête ennuyé à Damon pour le remercier également. Il réprima son envie de se frotter le menton en se remémorant la force du coup de poing que ce dernier lui avait donné lors de leur première rencontre. Tournant son attention vers Alicia, il remarqua le sac de sport en cuir noir qu'elle portait.
– C’est ça, ce que tu lui as apporté ?
Alicia lui fit un signe de la tête en lui tendant le sac :
– Ouais, je lui ai même pris une brosse à cheveux et un peu de maquillage, au cas où.
Il sourit :
– Je suis sûr qu’elle appréciera. Je l'ai mise dans la cellule qui dispose d’une douche. Si on ne la considère pas comme une prisonnière, elle a tout de même montré qu’elle était sauvage quand on l'a sauvée. On a même dû la tranquilliser, dit-il en lui épargnant le fait qu'elle soit en chaleur. J'espère que quand elle trouvera toutes ces choses pour elle dès son réveil, ça la calmera. Laisse-moi les lui apporter, et on pourra commencer.
Les muscles de la mâchoire de Damon se mirent à sauter lorsqu’il serra les dents. Il regarda Alicia en se demandant ce que Titus voulait dire par « on pourra commencer ».
Elle se mordit la lèvre en se rappelant qu'elle n'avait pas parlé à Damon de l'autre raison pour laquelle elle avait accepté de venir. Voulant faire traîner les choses un peu plus, elle demanda rapidement :
– Je peux la voir ?
Titus haussa les épaules :
– Pourquoi pas…
Il la conduisit avec son imposant compagnon à travers la porte menant aux cellules de détention. Lorsqu'ils se rapprochèrent de celle de la louve, il sortit rapidement les clés et déverrouilla la porte. Plaçant le sac sur le sol à côté du lit, il recula avec précaution.
– Elle est vraiment très belle, chuchota Alicia en se sentant désolée pour elle. On dirait que ça fait depuis des semaines qu'elle a son apparence de louve… c'est pas dangereux ?
– Si, mais j'espère qu'elle se sentira suffisamment à l’aise pour reprendre forme humaine quand elle se réveillera, dit Titus.
– Elle a l’air si jeune… presque encore adolescente, observa Damon en glissant un bras autour d'Alicia quand il ressentit sa tristesse.
– Boris pense qu’elle doit avoir une vingtaine d’années, l’informa Titus.
– La pauvre, dit Alicia dans un souffle en se réjouissant de bientôt mettre un homme sous son emprise. Si c’était lui, le responsable… elle plissa les yeux une fraction de seconde en essayant de penser à une punition adaptée à son crime.
Micah sortit de la salle d'observation pile au même moment que le petit groupe. Il parvint même à feindre la surprise en ouvrant de grands yeux comme s'il ne savait pas qu’Alicia était déjà arrivée.
– Enfin !!! Voilà ma sœur ! dit-il d'un ton enjoué.
Il fut récompensé par une étreinte serrée. Sa sœur le libéra rapidement à sa grande déception, mais il se dit que Damon serait certainement jaloux s'ils restaient trop longtemps collés l'un à l'autre.
– Comment ça va ? demanda-t-il en balayant la frange blonde de ses yeux.
– Tout va bien, répondit Alicia, qui lança un regard sournois à Damon en espérant le mettre de meilleure humeur avant qu'ils ne lâchent leur bombe en laissant échapper l'autre raison pour laquelle elle était venue au poste de police.
Elle poursuivit :
– Désolée de ne pas avoir été là ces derniers temps, mais mon copain a tendance à me garder prisonnière…
Damon sourit en entendant ces paroles, puis regarda par-dessus l'épaule de Micah lorsqu'il remarqua un autre homme sortir de la pièce dans laquelle ce dernier venait d’entrer. Un léger froncement de sourcils croisa ses traits devant l'étrange aura de l'homme. Bien qu'il ne puisse pas lire les âmes comme celles des Déchus, il pouvait voir l'aura des gens s'il essayait, et là, il n'avait pas besoin de se forcer pour voir celle de ce type, car il brillait d'un bleu fluorescent de l'intérieur.
Micah lui présenta :
– Voici Tasuki, l’un de nos détectives humains. Trevor a accidentellement découvert qu’il connaissait l'existence du paranormal, alors il a rejoint l’équipe.
Un humain ? Damon sourit face à leur ignorance. Cet homme était tellement plus qu'un simple humain.
– Et toi, tu dois être Alicia, dit Tasuki avec un sourire désarmant, puis il tendit la main vers Damon après avoir entendu les divagations de Micah sur le tempérament de ce dernier. C'est un plaisir de vous rencontrer tous les deux.
Il fixa la main pendant un moment et finit par la serrer. Cet homme n'était pas une menace pour Alicia.
– Alors, où est ce fameux loup-garou que je dois faire parler ? demanda Alicia. Je suppose que c’est l'un de ceux qui a kidnappé la fille ?
Il regarda à nouveau fixement sa compagne.
– De quoi s’agit-il ? Tu ne m’as rien dit à ce sujet ?
– Tu ne m’en as pas laissé la chance, l’accusa-t-elle. Et pourtant, tu m'en dois une… j’dis ça juste comme ça.
– Je n'ai pas accepté ton pari, dit-il avec un sourire sournois.
– Comme c’est dommage… lui répondit-elle avec sympathie en riant presque quand elle vit ses yeux s’arrêter sur elle.
Son attention retourna dans le vif du sujet avant qu’il ne trouve un autre moyen de l'arrêter :
– Je vais faire chanter ce sale type comme un oiseau en cage si vous me montrez où le trouver.
Tasuki s'écarta et fit un geste en direction de la salle d'observation.
– Ta cible est juste là.
Elle entra dans la petite pièce avec Damon et Micah.
Tasuki envoya un sourire complice à Titus face à ce comportement protecteur, puis il les rejoignit à l'intérieur de la pièce.
Titus sourit simplement en secouant la tête. Ces deux-là ne changeraient probablement jamais, mais au moins c'était amusant de les regarder.
Ils observèrent un moment tous les cinq le loup-garou qui se trouvait de l'autre côté de la vitre depuis la salle d'interrogatoire, au travers du miroir sans tain. Ce maudit idiot essayait toujours de s’extirper de la chaise. Ses deux poignets étaient toujours entravés dans les attaches en titane, et ses chevilles coincées dans les pieds de la chaise. Il était simplement parvenu à desserrer les boulons du plancher de la chaise et il se balançait d'avant en arrière en essayant de la faire basculer.
– Cinq dollars qu'il va tomber et se cogner la tête, dit Tasuki sans crier gare.
Damon sourit à la tentative de cet « humain ».
– Dix dollars qu'il va tomber et tenter de se faire la malle, lança Micah.
Les deux hommes s’installèrent pour regarder la suite.
Le sourire de Damon s'élargit et il décida de… les aider. Quand le loup renversa de nouveau sa chaise, elle tomba et il se cogna la tête sur le sol… assez fort pour s'assommer.
Tasuki se mit à ronfler et tendit la main à Micah pour empocher ce qu’il lui devait.
– Ouais, ouais… sur c’coup-là, t’as eu d’la chance, dit Micah en sortant son portefeuille de sa poche et en lui sortant un billet de dix dollars.
– Ravi d’avoir pu faire affaire avec toi, dit Tasuki en empochant le tout. Tu veux parier sur combien de temps il restera dehors ?
De son côté, Alicia avait pris le temps d’observer calmement le loup-garou. Elle pensait qu'elle serait nerveuse mais étonnamment, cela ne se produisit pas. Se sentant forte, elle prit courageusement une inspiration profonde en se disant que Damon n'allait pas aimer ce qu'elle allait dire.
– Laissez-moi seule avec lui… juste quelques minutes, dit-elle au bout d’un moment.
– Alors ça, c’est pas sûr, grogna Damon, qui n’était plus amusé du tout.
Elle lui rétorqua immédiatement :
– Alors là, dis-moi comment tu veux que j'apprenne quelque chose si tu es toujours là pour m'aider ?
– Mais… je serai toujours là pour t'aider, rectifia-t-il.
– Ah oui ?
Elle mit ses mains sur les hanches en pensant que battre des cils n'allait pas lui apporter ce qu'elle voulait. Elle tenta autre chose :
– Et si on se séparait ? Hein ? Et si tu me laissais enfin faire face à quelque chose de dangereux… toute seule ?
– Mais, tu ne vas pas entrer toute seule dans cette pièce, insista-t-il en croisant les bras sur sa poitrine.
– Mais tu sais, ça serait bien qu'on me fasse confiance pour que je fasse quelque chose par moi-même pour une fois au lieu d'avoir une putain d’nounou. Elle lui tourna le dos. Tu es pire que mes frères.
Il plissa les yeux et Micah se mit à la regarder l’air blessé.
– On pourrait pas juste la laisser y aller seule avant d'essayer de l'aider ? demanda-t-il en pensant qu’il pourrait faire la paix avec Damon.
Alicia regarda ce dernier par-dessus son épaule en appréciant le compromis de son frère.
– Il nous faut le plus d’infos possible sur lui. Je sais pertinemment que les filles que nous avons sauvées ce soir ne sont pas les seules à avoir besoin de notre aide, proposa Titus comme pour l’encourager. Ce gars pourrait savoir où les autres sont cachés.
Damon soupira intérieurement en voyant un regard blessé traverser le visage d'Alicia. Il sentait qu’il lâchait trop de leste.
– Très bien Alicia. Nous allons tous les deux entrer dans la pièce mais le loup-garou est tout à toi.
L'expression d'Alicia changea et elle lui sourit avant de glisser ses bras autour de lui dans une douce étreinte reconnaissante. Certaines personnes ne le comprenaient peut-être pas, mais elle, oui… et elle l’aimait.
Tasuki conduisit le couple dans la salle d'interrogatoire et ferma la porte derrière eux. Il retourna rapidement vers Micah et Titus pour qu'il puisse regarder. Micah tira une chaise qu’il enjamba en croisant les bras sur le dossier. Titus s'appuya contre le mur à côté du miroir sans tain tandis que Tasuki se mettait à l'aise de l'autre côté.
– Et, elle va faire quoi, exactement ? s’enquit-il en regardant Damon.
– Tu sais comment les vampires hypnotisent les gens dans les films ? Ils leur font faire des choses qu'ils ne feraient pas normalement… lui demanda Micah.
Tasuki haussa les épaules :
– Eh bien, oui… peut-être… mais je me suis dit que puisqu'Alicia était une métamorphe comme toi, ça ne s'appliquerait pas. J'ai aussi renoncé à croire que les films étaient proches de la réalité.
– Alors, normalement, un métamorphe n'a pas ce genre de capacité, accepta Titus en ajoutant : mais Alicia est un cas spécial… s’accoupler à un Dieu Solaire a ses avantages.
Tasuki soupira :
– Et tu veux toujours pas me dire ce que c’est, un Dieu Solaire ?
– Quand on le saura, répondit Micah comme si cela résolvait le problème de la faim dans le monde.
Le loup-garou ouvrit les yeux et se pencha soudainement sur sa chaise en regardant Alicia et en grognant.
– C'est bien ma chance… ils m’ont envoyé une putain d’minette.
L'accent mis sur l'héritage félin d'Alicia fit réagir Damon et, avant que quiconque ne puisse cligner des yeux, il agrippait déjà son cou. À la grande surprise de tous, Alicia se mit entre les deux l’air renfrogné en fixant Damon.
– Tu me l’as promis, siffla Alicia. Et si je ne me trompe pas… ce sont les morts, les plus difficiles à mettre sous notre emprise.
Libérant le cou du loup-garou, Damon le contempla et ses yeux d'améthyste s'assombrirent.
Le loup-garou déglutit lorsque sa chaise se mit à trembler et que la table se tendit contre les boulons qui la retenaient au sol. L’un d’eux se détacha en émettant un son ressemblant à un coup de feu dans un silence de mort.
– Damon ! cria Alicia.
– Je voulais être sûr qu'il comprenne, dit-il en allant s'appuyer contre le mur, de l'autre côté de la table.
– S'il n'a pas compris, moi oui, chuchota Tasuki devant l'interphone inactif.
Alicia approcha l'autre chaise de la table et s'assit dessus, puis fixa le loup-garou du regard.
– Vous voulez quoi ? demanda-t-il en se disant bien que, de toute façon, qu’il parle ou non, il allait mourir. Ils pensent que je parlerai plus face à une minette comme celle-ci ?
Il se pencha un peu vers elle :
– Tu ne pourras rien faire pour que je change de camp. Et d’ailleurs, j'ai une bonne nouvelle pour toi, ma belle : y’a un putain de harem qui m'attend dehors.
Elle lui fit un petit sourire et se pencha encore plus près :
– Je n’en doute pas. Mais avant de partir, tu vas répondre à mes questions. Je cherche une de mes amies… elle a disparu et je me demandais si tu ne l’aurais pas vue, par hasard.
– J'ai vu tout un tas de femmes, dit-il en arborant un sourire vaniteux, sans se rendre compte qu'il était déjà sous l’emprise de son interlocutrice. Mais pas de puma depuis un bon moment.
– Il ne s’agissait pas d’une couguar, dit Alicia en penchant la tête d’un côté, se sentant étourdie en voyant la tête du loup l’imiter. Elle resta stoïque lorsqu'elle eut soudain en tête l’image d'une autre fille et réalisa que c'étaient ses pensées à lui qu’elle voyait.
En attendant d’avoir encore plus de flashes de mémoire de sa part, elle décida de les utiliser à son avantage.
– Mon amie est humaine, avec des cheveux blonds tirant sur le roux, des yeux verts, et elle a un tatouage au bas du dos : des mains tenant une boule de cristal.
Mécontent, le garde fronça les sourcils :
– Ouais… c’est vrai… on a eu cette chaudasse il y a quelques semaines. Lucca l'a gardée pour lui. Il prend toujours les meilleures.
Alicia inclina la tête dans l'autre sens et il fit de même.
– Où est-il ? demanda-t-elle doucement.
– J’en sais rien, répondit le loup, groggy. Il est intelligent, celui-là… il dit pas tout à tout le monde… on est tellement nombreux à travailler pour lui, à tellement d’endroits différents… et personne ne sait quels sont ces endroits. Comme ça, si on se fait prendre, on peut pas vendre les autres.
Les yeux d'Alicia s'élargirent, et ses pupilles s'agrandirent, mettant le loup-garou encore plus sous son contrôle.
– Où trouvez-vous les filles que vous kidnappez ? demanda-t-elle.
– Des fois dans les boîtes de nuit, des fois dans les quartiers mal famés, là où les sans-abris sont des proies faciles… personne ne se soucie de déclarer leur disparition.
– Les bidonvilles, songea Micah. C'est logique.
– Et pourquoi ? demanda Titus.
– Alicia a justement eu des problèmes à cet endroit y a quelques temps, répondit Micah en se souvenant de sa mauvaise expérience. Il repoussa ce souvenir. Ce n'est pas un super endroit… beaucoup d'activités liées à la drogue et à la prostitution. Pas mal de démons, aussi !
– Et mon amie ? demanda Alicia en se basant sur la vision d’une fille vêtue d’une robe de soirée ressemblant davantage à celle d’une fille issue d’un milieu aisé.
– Elle et cette louve dansaient ensemble au Night Light il y a plus d'un mois. Parker leur avait glissé une drogue dans leur verre.
Micah se leva d’un bond, faisant brusquement tomber sa chaise.
– Ça fait depuis un mois qu’elle est enfermée dans cette cage ! tonna-t-il, d’autant plus furieux que des filles aient été enlevées dans son établissement. Je m'en doutais bien. C'est pour ça que j'avais commencé à en parler à Anthony.
Titus leva la main en sa direction et appuya sur le bouton de l'interphone :
– Alicia, y a-t-il moyen de lui laver le cerveau ?
– Il y a beaucoup de choses que je pourrais lui faire en ce moment, dit-elle sans détourner le regard du loup-garou prisonnier.
– Il pourrait nous être utile plus tard, lui répondit-il.
– En fait, tu veux que je lui fasse un lavage de cerveau pour qu'il devienne gentil jusqu’à la fin de ses jours ?
Il arqua un sourcil :
– Ce n'est pas une mauvaise idée… convaincs-le qu'il fait partie de ma meute et que Lucca est notre ennemi. Puis, si ça ne te dérange pas, j'aimerais que tu fasses la même chose aux quatre autres gardes qu'on a trouvés.
– Tu pourrais le mettre dans ton camp, puis l’envoyer à Lucca comme espion, suggéra Damon sachant que Titus pouvait l'entendre.
Ce dernier hésita avant d’appuyer à nouveau sur l'intercom :
– Comment savoir si je pourrai lui faire entièrement confiance ?
– Alicia ? demanda Damon en souriant car il savait très bien qu'elle n’avait qu’une envie : de tout faire pour que le loup-garou s'arrache les yeux et avale sa langue.
– C’est bon, j’m'en occupe, lui répondit-elle avec un sourire forcé.
Titus sourit de satisfaction quand il vit qu’elle en rajoutait un peu plus : comme, par exemple, s’arranger pour que dans l’avenir il se rende plus souvent dans les bars de motards gays lors de ses soirs de congé, mais aussi pour qu’il ne soit plus jamais excité par une femme, quelle que soit sa race.
– Aïe, dit Micah en affichant un sourire qui allait d'une oreille à l'autre.
– C’est la première fois que je vois ça, chuchota Tasuki.
Il lui rétorqua :
– Bienvenue dans notre monde. Mais ça, c’est rien, comparé au reste.
– On dirait qu'elle a terminé, dit Titus, qui s'éloigna du mur au moment où la porte s'ouvrit.
– Est-ce que c’est tout bon pour toi ? demanda Alicia en souriant.
– C’est parfait… comme toujours, répondit un Micah enchanté.
– Je vais t'emmener ailleurs pour que tu puisses faire de même avec les autres, lui rappela Titus qui jeta tout de même un coup d'œil sur Damon afin d’obtenir son approbation.
Alicia s'avança et fit une nouvelle accolade à Micah :
– Merci de m’avoir laissé une chance de t’aider sur c’coup-là. J'ai vraiment apprécié. Du coup, si tu attrapes d'autres méchants qui auraient besoin qu’on les recadre, n’hésite pas à m’appeler. Elle lui glissa rapidement des bras et suivit Titus avec empressement jusqu'à la porte.
Micah sourit en la voyant partir, mais son expression se figea quand il vit Damon le regarder fixement. Avec un lourd soupir, il secoua la tête et roula les yeux avant de se détourner de l'homme, puis il se pencha sur le miroir sans tain pour mieux regarder le loup-garou et cligna des yeux lorsqu'une petite fissure apparut soudainement juste devant son visage.
Tasuki s'éloigna du couguar quand il vit une teinte dorée pointer au fond de ses yeux. Cela lui remémora l'homme aux yeux dorés que Kyoko avait traité d’ange. Les bruits dans le hall s'estompèrent et il balaya cette vision quand Micah cogna brusquement le miroir sans tain avec son poing. Il se brisa, surprenant le loup-garou toujours retenu dans la salle d'interrogatoire.
– Calme-toi, lui dit-il doucement.
Micah secoua la tête :
– Il garde Alicia loin de sa famille et pense que tout le monde est là pour la lui prendre.
Tasuki quitta la petite pièce et se dirigea vers la salle de repos, pour atteindre sa destination : la machine à café. Il avait l'impression qu'avec tous les flashes qu'il avait, dormir était probablement une très mauvaise idée. Jusqu’à présent, il avait passé deux jours sans dormir… un de plus n’allait pas lui faire de mal. Ce n'était pas comme s'il allait soudainement devenir fou… il devait rester sain d'esprit pour faire ça.
Au bout de quelques minutes de silence complet, il se dirigea vers les cellules de détention, mais il s'arrêta quand la porte d'entrée s'ouvrit sur un Titus tout sourire.
– Damon a l’air d’être pressé, alors il s’occupe de trois des gardes pendant qu'Alicia travaille sur le dernier, annonça-t-il.
– Des chiffres, cria Micah sarcastiquement depuis l'intérieur de la salle d'observation.
Tasuki préféra ignorer sa remarque :
– Qu'en est-il de celui qui adore les bars de motards gays ? demanda-t-il en penchant la tête vers la salle d'interrogatoire où le loup-garou était toujours enchaîné à la chaise.
– On va le transporter dans la grande prison de l'autre bout de la ville avec ses copains, les autres gardiens. Et c’est bien dommage, d’ailleurs. Parce qu'ils vont mettre le chauffeur sous leur emprise et s'échapper en chemin, répondit Titus avec un sourire en coin.
Il fronça les sourcils
– Et si Lucca les suspecte ?
– En ne laissant partir qu’un seul d’entre eux, tu as raison, Lucca aurait de quoi se méfier. Mais je préfère qu’ils s'échappent en groupe, qu’ils se battent pour sortir de la garde à vue. Lucca sera bien content… peut-être même qu’il leur donnera une belle promotion, répondit Titus en remerciant Damon en silence. Au fait, j'ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi.
– Dis-moi ? demanda Tasuki.
Il lui tendit un flacon de Spritzer vide :
– Passe au Brouet de la Sorcière et prends-lui un autre flacon de ce truc.
Tasuki le prit et constata qu’il était tout petit :
– Tu veux pas que j'en prenne plusieurs ?
– Humm… pourquoi pas ? répondit Titus en tournant la tête quand il entendit Micah grogner. Je ferais mieux d'entrer et de lui donner quelque chose à faire avant qu’il ne lâche ses frustrations sur ce pauvre gars.

Chapitre 5
Jade ouvrit doucement les yeux et tressaillit en entendant comme un bruit de verre que l’on casse. S'attendant à voir les barreaux de la cage dans laquelle elle était enfermée depuis un mois, elle fut confuse un instant car elle était maintenant allongée sur un petit lit de camp banal. Elle avait encore été droguée… du moins, elle s’en rappelait. Elle se souvenait encore de la piqûre de la fléchette du tranquillisant qu’on lui avait injecté en lui tirant dessus.
Elle respirait lentement, testant l'air pour tenter d’y trouver des indices sur l’environnement dans lequel elle se trouvait. Les odeurs y étaient différentes… plus propres… pas aussi sales que l'entrepôt où on l’avait enfermée.
Lorsque les effets du tranquillisant se dissipèrent et que sa vue commença à s'éclaircir, elle remarqua que les barreaux étaient différents : ils semblaient plus éloignés. En restant immobile pour être concentrée au maximum, elle se rendit compte qu'elle avait raison : elle était dans une cellule de prison, et non dans sa cage habituelle. Elle se dit que si le changement n’était pas franchement fantastique, elle pourrait au moins s'éloigner suffisamment loin des barreaux s'ils venaient à nouveau vers elle avec leur aiguillon à bétail.
Elle pouvait entendre des voix, comme dans un brouillard lointain et restait silencieuse, attendant que tous ses sens se réveillent afin de pouvoir comprendre ce qu’il se disait. Elle reconnut l'odeur de l'humain qui avait voulu la libérer de sa cage et se sentit réconfortée de le savoir proche d’elle. À ce moment-là, elle ne sentait aucune pointe d’inquiétude s'échappant de ses pores. Elle était donc soulagée à ce niveau-là.
Elle plissa légèrement le nez lorsqu'elle sentit l'odeur d'un des gardes de l'entrepôt à proximité, mais ce n’était rien à côté de celle de l’Alpha qu’elle avait également captée. C’était indéniable. Elle avala un grognement en se rappelant qu’elle détestait les Alphas… c'était d’ailleurs la vanité de plusieurs d’entre eux qui l'avait mise dans ce pétrin.
Elle regarda au travers de ses cils : l'Alpha, bien sûr !
Il venait de sortir d'une pièce et passait devant sa cellule. Elle se souvint qu'il se tenait juste à côté du vieux loup-garou qui lui avait tiré dessus avec le pistolet tranquillisant. Encore une fois, elle dut s'empêcher de grogner face à son odeur puissante. C’était probablement lui qui avait donné l'ordre de la droguer.
Non loin derrière lui se trouvait un humain. Elle retint son souffle quand l'homme s'arrêta suffisamment longtemps pour la regarder. Puis il soupira et passa à autre chose.
– Tu peux le faire sortir d'ici ? demanda Titus. Assure-toi bien de ne pas t'embrouiller avec Damon s'il est encore là-bas. Lui et ta sœur nous ont été d'une grande aide.
Elle resta silencieuse pendant qu’il y avait du mouvement autour d’elle. Puis elle entendit murmurer que quelqu’un avait décidément besoin de prendre des vacances. Pour finir, elle entendit des pas se diriger vers sa cellule. Elle vit tout d'abord le félin… un homme à l'air fort, aux cheveux blonds et sales, qui avait d’étranges yeux bleus. Il marchait avec un des gardes de l'entrepôt.
Tout ce qui l’entourait criait le respect de la loi, mais pourtant, son tortionnaire était libre et elle, toujours enfermée dans une cage. Incapable de contrôler sa réaction, elle sauta du lit de camp et se précipita sur les barreaux.
– Non ! cria Tasuki quand il vit que la louve était réveillée et qu’elle se battait contre les barreaux pour s'en prendre au méchant devenu compagnon de meute. Calme-toi, lui dit-il en s'approchant prudemment de la cellule. Tu vas te faire mal.
Elle continua de grogner et de gronder après son ravisseur, essayant de passer entre les barreaux. C'était lui, le connard qui était toujours là pour continuellement lui dire ce qu'il allait lui faire une fois que les hormones qu'il lui avait injectées auraient fait effet. Si jamais elle en avait l'occasion, elle ferait tout pour qu’il perde la partie de son corps dont il s’était le plus vanté.
Le garde se figea et la fixa à travers les barreaux, sentant sa nouvelle conscience s'imposer tellement fort qu'il se sentit presque malade rien qu’en pensant à la façon dont il l'avait traitée. Il inspira fortement et se mit à redresser les épaules, déterminé à aider à sauver les autres filles pour compenser ce qu'il avait fait dans le passé.
– Allez, grogna Micah tout en continuant d’avancer, tirant le loup-garou derrière lui par le bras. Il espérait qu'une fois qu'ils seraient sortis du bâtiment, la louve se calmerait un peu.
– Contrôle-toi, ordonna Titus en grognant et en s'agenouillant de façon à être au coude à coude avec la louve. Tu es dans un lieu public et tu devras adhérer aux règles auxquelles notre espèce se doit d’obéir.
Elle grogna et lui montra ses crocs en s'éloignant des barreaux, sentant son pouvoir s'échauffer au point de lui chauffer la peau. Comment osait-il lui donner des ordres juste parce qu'il était un Alpha ? Elle ne le connaissait pas et il l'avait mise dans une putain de cage. Lui montrant toujours ses dents, elle plongea ses yeux dans les siens de manière furieuse et grogna longuement, comme pour lui lancer un avertissement.
Il plissa des yeux en voyant la haine briller dans son regard en se demandant silencieusement s'il avait eu raison de dire qu'elle était sauvage. S'il la laissait sortir maintenant, elle ne ferait que suivre son instinct animal. Elle attaquerait quelqu'un à tous les coups. Il ne pouvait pas laisser cela se produire… pas dans cette ville. La dernière chose dont ils avaient besoin, c'était d'autres attaques d'animaux dans les brèves des quotidiens. Déjà que les ventes d'armes à feu en ville étaient au plus haut point à cause de certaines histoires bizarres qui avaient été divulguées à cause des démons.
– J’essaie même pas d’imaginer ce qu'elle pense en ce moment, dit doucement Tasuki, qui ne voulait rien faire de plus que de lui ouvrir sa porte… parce qu’au moins, cette cage en avait une !
Titus le regarda avec curiosité :
– Parce que tu penserais à quoi ?
Tasuki haussa les épaules en regardant attentivement la femelle :
– Je penserais que nous serions en train de laisser partir un de mes bourreaux sans tenir compte de ce qu’il m’avait fait… ou bien, que Lucca avait finalement réussi à me vendre et que j’étais face à mon nouvel ennemi. En ce moment, je ne verrais probablement aucune différence entre toi et Lucca.
Jade ne put contrôler sa réaction et inclina la tête sur le côté, en balançant son regard vers l'homme à la voix douce. Cet humain était-il l'un des rares à pouvoir comprendre la psyché d'un autre ? Il avait tort de penser qu'elle avait été vendue… volée aurait été un meilleur terme. C'était juste un Alpha qui en volait un autre… même s'il se cachait derrière un badge pour le faire.
– Pourrais-tu prendre ta forme humaine ? demanda Titus.
La louve lui montra encore ses crocs. Dépité, il secoua la tête :
– Je suppose que non.
– Titus, laisse-moi résumer. Quand tu prends ta forme animale, tu peux encore comprendre les mots… c'est ça, hein ? demanda Tasuki. Ce que je veux dire, c'est… qu’elle peut comprendre tout ce que nous disons… alors, pourquoi ne pas lui expliquer pourquoi elle est toujours enfermée ?
Titus voyait où il voulait en venir et regarda la louve :
– Quand nous nous transformons, nous devons vraiment nous concentrer, mais oui… nous pouvons nous accrocher à l’humanité à proprement parler si nous sommes assez forts. L'inconvénient est que plus on attend, plus ça devient difficile.
Jade le regarda longuement. Laissons cet idiot penser qu'elle n'était rien de plus qu'une faible d’esprit qui se contentait de suivre ses instincts basiques. Peut-être qu'alors il ne serait pas aussi enclin à s'accrocher à elle et qu’il la laisserait partir.
– Tu pourrais pas aller demander au garde depuis combien de temps elle est comme ça et me laisser quelques minutes pour essayer de la comprendre ? suggéra Tasuki.
Voyant un regard intelligent se glisser dans ses yeux avant qu'elle ne puisse le cacher, Titus décida de tester son intelligence et de voir si ce n'était pas simplement de l'entêtement pur et simple auquel il était confronté.

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Le Sang Rival Amy Blankenship

Amy Blankenship

Тип: электронная книга

Жанр: Ужасы

Язык: на французском языке

Издательство: TEKTIME S.R.L.S. UNIPERSONALE

Дата публикации: 16.04.2024

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О книге: Étant de l′espèce des loups-garous, Jade a toujours pensé que les mâles Alpha n′étaient rien d′autre que des créatures égoïstes, des brutes sanguinaires et des machos, qui utilisaient les membres de la meute comme tremplin vers la place de roi de la colline. Elle devrait le savoir. Son frère, son fiancé, et son kidnappeur étaient tous des Alpha de la pire espèce. Détenant ainsi toutes les preuves désignant les Alphas comme de mauvais sujets, Jade jure de ne jamais faire confiance à l′avenir au moindre loup-garou… et encore moins de se sacrifier pour l′un d′entre eux. Elle lutte pour tenir cette promesse lorsqu′elle se voit secourue par un Alpha aux cheveux blonds, aux yeux bleus et au corps de dieu grec. Peu importe la difficulté de son combat, Jade redoute que ce même Alpha ne cause un jour sa perte.

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