De Feu Et De Flammes
Elizabeth Johns
Quand deux personnes ont vécu l’épreuve du feu, l’amour peut-il les guérir et leur apporter l'aide dont ils ont besoin ? Découvrez ce qui se passe quand une soeur à la langue aiguisée rencontre un beau doctor à l’accent Écossais exquis.”
Rejetée par l’amour de sa vie, Lady Margaux Winslow, fille du Marquis d'Ashbury, n’est pas intéressée par les autres gentlemans de Londres. Malgré sa beauté, sa langue acérée la mène vite à acquérir la réputation d’être un dragon. Convainquant ses parents de la laisser trouver refuge dans leur domaine écossais, un foyer pour jeunes filles, Margaux sait qu’elle peut faire quelque chose d’important avec sa vie. Ne sachant plus quoi faire, ses parents croient que quelques mois en isolement lui apprendront à apprécier son existence privilégiée, et à accepter le prochain gentleman digne de son attention qui s’offre à elle. Margaux ne compte pas céder. Mais ni elle ni ses parents ne s’attendent à la proximité d’un bel Écossais aux yeux bleus sur le domaine voisin. Gavin Craig, satisfait de sa vie de médecin de campagne, est projeté contre toutes attentes dans le monde de la société aristocratique après les morts accidentelles de son frère et de ses neveux. Avec tous les devoirs que son nouveau titre implique, et l’adoption de trois orphelins, Gavin a désespérement besoin d’une épouse. De préférence, cela devrait être une Lady, formée depuis la naissance à gérer une maison, des servants et une famille noble. Son précédent dédain pour les mariages de convenance a rapidement été surpassé par la tâche colossale de tenir une importante baronnie écossaise. Une charmante candidate se trouve juste à côté... sauf qu’elle est inexplicablement déterminée à être vieille fille...”
De Feu et de Flammes
Copyright © Elizabeth Johns, 2016
Tous droits réservés
Conception de la couverture par Wilette Youkey
Édité par Tessa Shapcott
Contenu historique par Heather King
Traduit par Lena Mauveaux
Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée, copiée ou transmise sans l’autorisation écrite préalable du titulaire du droit d’auteur.
Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, personnages, lieux et incidents sont soit le produit de l’imagination de l’auteur soit utilisés de manière fictive. Toute ressemblance à des personnes réelles, vivantes ou mortes, établissements commerciaux, événements ou lieux réels n’est que pure coïncidence.
Dédicace
À mes sœurs
Prologue
« Nous allons être séparées pour la première fois », annonça Beaujolais tristement à ses triplettes, qui étaient assises avec elle sur un grand lit à baldaquin dans leur maison de ville londonienne. Elles profitaient de leur rituel consistant à se rassembler chaque soir dans la chambre de Margaux. Anjou, Beaujolais et Margaux étaient les sublimes filles triplettes du Marquis Ashbury et de sa marquise française.
« Ce n’est pas pour toujours, très chère, » dit Margaux d’un ton réassurant, passant la main dans les longues boucles d’ébène de sa sœur jusqu’à ce qu’elles soient lustrées et soyeuses. « Nous serons ensemble à nouveau. Il y aura des fêtes, et des vacances… »
« Cela allait arriver un jour ou l’autre. Je pensais que nous serions toutes mariées à cette heure-ci. Et pourtant, nous voilà, vieilles filles ! » s’exclama Beaujolais.
« Je suis ravie d’être une vieille fille si cela veut dire que je ne suis plus sur le marché du mariage ! Vous devez admettre que je ne sais plus retenir ma langue. Il vaut mieux que je parte avant de ruiner vos réputations à tous, » dit Margaux en riant.
« Oui, très chère, on le sait. Mais un couvent ? Pensais-tu vraiment que Maman l’autoriserait ? » demanda Anjou dubitativement, perçant sa sœur de ses brillants yeux bleus.
« Non. Au moins ils m’autorisent à me rendre aider l’orphelinat en Écosse, » répondit Margaux, apparemment satisfaite de son sort.
« Je serais prêtre à parier que Maman te fera rentrer ici en moins de trois mois, » persifla Anjou en entortillant ses cheveux autour de son doigt.
« J’accepte ce pari ! » Margaux tendit la main pour serrer celle de sa sœur, toujours ouverte à un peu de compétition entre sœurs.
« Assez, vous deux, » dit Beaujolais d’un air dégoûté. « Ne pourrais-tu pas être heureuse ici ? Ne pourrais-tu pas simplement supplier maman de te laisser rester à la maison ? »
Margaux secoua la tête. « Comme si notre maman, la plus majestueuse hôtesse du royaume, laisserait sa fille célibataire dépérir chez elle. Mais même si cela était le cas, ce ne serait pas suffisant. Je veux être libre, très chère. Peux-tu essayer de comprendre ? »
Beaujolais avait les yeux bordés de larmes, renforçant leur teinte violette. « Je suis désolée, Marg. J’essaierai d’être heureuse pour toi, mais je ne peux le comprendre. »
Margaux soupira. « Tu es celle qui est née pour être une duchesse, Jolie. Les mariages somptueux, je vous les laisse à toutes les deux. »
« Ne me taquine pas sur le fait d’être une duchesse. De plus, il n’y a que deux ducs célibataires dans le royaume. L’un est une antiquité, l’autre un ermite. »
« As-tu peur que nous te jetions un mauvais sort ? » Anjou rajouta, s’associant aux taquineries de son autre sœur. Depuis petites, taquiner Beaujolais avait été une source infinie d’amusement. Elle avait prétendu être une duchesse lorsqu’elles jouaient, enfants, et était celle qui agissait le plus telle une duchesse. Cela n’avait pas aidé que leur mère l’ait encouragé.
« Tu as au moins déjà rejeté un baronnet, un monsieur, deux comtes, et un marquis, » souligna Margaux avec obligeance.
« Aucun d’entre eux ne pouvait être pris sérieusement ! Et vous deux avez eu autant d’offres que moi, » insista Beaujolais pour sa propre défense.
« Pas moi ! » fanfaronna Anjou.
« Et aucune de nous deux n’a jamais prétendu être ouverte à un mariage de convenance, » ajouta Margaux.
« Car tu ne permets à personne de te demander en mariage, » rétorqua Beaujolais.
« Je ne peux envisager qui que ce soit d’autre, » dit Anjou, détournant les yeux.
Margaux prit sa main pour la réconforter. « Cela fait des années que nous n’avons pas reçu de nouvelles d’Aidan, Anj. Ne penses-tu pas qu’il est temps de l’oublier ? » demanda-t-elle gentiment.
Anjoua secoua la tête et laissa les larmes couler sur son visage. « J’ai besoin de faire quelque chose. Je ne peux attendre bien plus longtemps les résultats des investigations de Père. » Elle descendit du lit et commença à faire les cent pas tandis qu’elle essuyait ses larmes. Son amour, Aidan, était parti à la guerre anglo-américaine et n’avait plus donné nouvelles depuis la fin des hostilités.
« Que proposes-tu que nous fassions ? » demanda Jolie avec une moue.
« Je veux aller à sa recherche. »
« Aller à sa recherche ? » dirent ses deux sœurs d’une même voix incrédule.
Anjou hocha la tête. « Charles a accepté de m’aider. » Leur frère, Charles, et Aidan, avaient été meilleurs amis.
« Maman
et Papa
n’accepteront jamais cela. »
« Ils l’ont accepté et ils l’accepteront, » répondit Anjou à voix basse, sans regarder ses sœurs. « Dès que père aura fini d’enquêter. »
Beaujolais se mit alors à pleurer pour de bon. « Cela est vraiment la dernière fois que nous sommes toutes en ensemble ! »
Aucune des sœurs ne la corrigea, mais elles s’enveloppèrent les unes les autres dans une étreinte, se demandant comment leurs vies allaient changer sans leurs autres parties d’elles-mêmes.
1 En français dans le texte.
2 En français dans le texte.
Chapitre Un
Gavin observa la lettre dans sa main avec l’incrédulité la plus totale. Son cœur était en train de se briser en mille morceaux. Son frère, sa femme et ses enfants avaient été tués lorsque leur calèche était tombée du bord d’une falaise.
« Ce ne peut être vrai. » Il secoua la tête, retenant ses larmes.
« J’ai bien peur que cela ne le soit, Monsieur le Baron. »
« Monsieur le Baron ? Non. Je ne veux pas du titre. Je suis un simple médecin de campagne. Je vis une vie humble et j’exerce mon métier ici. »
« Je suis terriblement désolé pour votre perte, votre seigneurie. Mais vous êtes, de fait, le onzième Baron Craig désormais, et avez ainsi des propriétés plutôt importantes sous votre responsabilité. »
« Ceci n’était pas censé arrivé. Iain avait trois solides jeunes gaillards ! »
Le notaire avait l’air grave. « Peut-être, Monsieur le Baron, serait-il mieux que vous rentriez au Château Craig afin de voir par vous-même. »
Des yeux d’un bleu surprenant rencontrèrent ceux du notaire d’un regard vide ; un air qui était commun chez ceux qui avaient reçu de douloureuses nouvelles, mais qui n’avaient pas encore assimilé le changement de circonstances qui en résultait.
« Très bien. Je vous y rejoindrai dès que j’ai fait le nécessaire. »
Gavin suivit la procédure, fermant sa maison et laissant son cabinet entre les mains expertes de son apprenti, un diplômé de l’école de Lord Easton. Récemment, Gavin s’était rendu de nombreuses fois en Angleterre à l’école dans le Sussex et avait contemplé l’idée d’intégrer l’école en tant qu’instructeur à temps plein, mais n’avait jamais été capable de rompre ses liens avec l’Écosse. Comment pourrait-il exercer la médecine en tant que Lord Craig ? Il lui faudrait trouver une solution, tout en faisant de son mieux pour réaliser les projets de son frère au Parlement.
Gavin avait rencontré la mort plus souvent que beaucoup de gens, mais n’avait pas été préparé à la perte de son frère, ou de l’épouse d’Iain et de leurs enfants. Ils avaient été les derniers membres de sa famille encore vivants. Il n’avait auparavant jamais pensé gérer le vaste domaine du Château Craig, et espérait désespérément que son frère avait nommé un intendant de confiance.
Les nécessités les plus urgentes avaient été chargées dans sa calèche. Ses domestiques enverraient le reste de ses affaires avec celles de ses employés qui souhaitaient le rejoindre à sa nouvelle résidence. Il avait un ultime arrêt à faire avant de partir enterrer son frère et commencer sa nouvelle vie.
La calèche passa le portail du prieuré d’Alberfoyle, une des propriétés de Lord Vernon qui servaient d’orphelinat. Il s’était attaché à une famille d’enfants ici ; le garçon était allé à l’école de médecine, mais les deux filles y vivaient toujours. Plus que quoique ce soit d’autre, cela le peinerait de quitter ces enfants. De fait, puisqu’il n’avait aucune famille, peut-être envisageraient-ils de lui permettre de les adopter.
« Dr. Craig ! » Maili Douglas le rejoignit en courant quand elle le vit et l’accueillit avec une étreinte. Il la prit immédiatement dans ses bras.
« Bonjour, mon cœur. Où est votre sœur ? »
« À la leçon de couture. »
« Pourriez-vous avoir la bonté d’aller la chercher ? J’aimerais vous parler à toutes les deux. »
Le front de la petite fille se plissa d’inquiétude, mais elle acquiesça et partit trouver sa sœur en sautillant. Elle revint avec Catriona, qu’il salua de la même manière.
« Bonjour, demoiselle. Vous avez encore grandi ! »
« Ne suis-je pas supposée grandir ? »
« Si, en effet. Mais pas trop vite. » La gorge de Gavin se serra en pensant à ses trois neveux, qu’il ne reverrait jamais plus, et qui ne pourrait jamais plus grandir…
« Pourquoi êtes-vous triste, Dr Craig ? » demanda Maili.
« J’ai appris que mon frère et sa famille sont décédés. »
« Comme notre maman et notre papa ? » Catriona inclina la tête pour le regarder.
« Oui, petite. Exactement comme cela. »
Catriona et Maili grimpèrent sur ses genoux pour le réconforter. « Êtes-vous tout seul comme nous désormais ? »
« Oui, et c’est en partie ce dont je voulais vous parler. Je dois partir vivre loin, et je ne pourrai plus vous voir aussi souvent. »
« S’il vous plaît, ne nous quittez pas ! » s’exclamèrent les petites.
« J’avais espoir que vous veniez avec moi, et Seamus, aussi, quand il sera rentré de l’école. Cela vous plairait-il ? »
« Vous seriez notre nouveau papa ? » demanda Catriona.
« Oui, je vous adopterais. Mais je n’essaierai jamais de remplacer votre papa ou maman. »
Les filles se jetèrent à son cou.
« Cela serait parfait. »
« Je reviendrai vous chercher après avoir tout arrangé avec votre tuteur et enterré mon frère. »
« Devez-vous nous quitter ? »
« J’en ai peur, oui, mais je serai bientôt de retour pour vous retrouver. » Il échangea des étreintes avec les filles et prit congé pour se rendre enterrer son frère et sa famille.
Gavin était assis dans le luxurieux carrosse armorié qu’il avait ramené de sa propriété pour récupérer les filles Douglas. Cela avait pris plusieurs semaines pour obtenir les papiers de tutelle du Duc de Loring, qui avait pris en charge les enfants sur l’ordre de sa fille, Béatrice. Elle s’était attachée aux enfants durant la courte période où elle avait été leur gouvernante au Prieuré d’Alberfoyle lorsqu’elle y avait été envoyée, dans la honte. Gavin était tombé amoureux de Lady Béatrice durant son séjour en Écosse, alors que ses fiançailles avec Lord Vernon avaient été rompues.
Gavin secoua la tête. Il avait été dévasté lorsque Lady Béatrice avait choisi Lord Vernon plutôt que lui, mais avec du recul, il essayait d’être reconnaissant. Peut-être n’auraient-ils pas été bien assortis en fin de compte, ayant des statuts sociaux si différents à l’époque. Il l’avait prise pour une dame connaissant des moments difficiles, plutôt que la fille d’un duc, alors qu’elle travaillait humblement en tant que domestique, puis gouvernante. Il était tout de même tombé amoureux d’elle, et il avait encore aujourd’hui de l’affection pour elle et lui souhaitait le meilleur. Mais il se rappelait souvent que tout avait une raison. Il ne s’attardait pas sur sa déception amoureuse, mais n’avait pas non plus donné son cœur facilement. Il promit silencieusement qu’il ne referait pas la même erreur. Hériter de la baronnie de son frère était, cependant, une toute autre affaire. S’il y avait un jour eu un homme qui ne désirait pas devenir un Lord et tout ce que cela impliquait, cela était lui.
Il aimait réellement sa vie de docteur. Il aimait son modeste cottage, situé dans un beau parc donnant sur les sommets des Lowlands. Son père avait tenu un foyer plus humble, mais Iain avait eu des écuries pleines et plusieurs véhicules, et Gavin était abasourdi de voir que de nombreuses modifications avaient été apportées à la propriété. Son frère avait apparemment trouvé un moyen de rentabiliser le vieux tas de pierres, mais Gavin n’avait pas encore eu l’occasion de se pencher sur les comptes du domaine. Il avait passé la majorité de son temps à organiser la garde légale des filles Douglas et à préparer l’enterrement de son frère et la réalisation de son testament, puis à organiser la reprise de son cabinet par son compétent apprenti.
Il ne souhaitait pas retourner au château. Le château qui, fut un temps, avait été son chez-lui, avait semblé froid et vide malgré un grand nombre de domestiques. Cela n’avait pas semblé juste d’être là sans Iain, son épouse et leur turbulente couvée de garçons. Gavin se demandait s’il s’habituerait un jour à ce fâcheux changement de circonstances.
Il atteignit Alberfoyle et rassembla les filles et une nourrice qui avait accepté de rester avec elles, et ils commencèrent leur voyage vers leur nouvelle vie. Il espérait que le château ne semblerait pas si vide avec les filles en son sein.
Catriona était assise dans un coin du carrosse, en larmes et silencieuse. Avait-il commis une erreur ?
« Avez-vous changé d’avis, ma petite ? Je ne veux pas que vous soyez malheureuse. »
« Non, je n’ai pas changé d’avis. Mes amis me manqueront, mais nous serons plus près de Seamus. Je suis reconnaissante d’avoir une maison. » Elle était assise délicatement dans le siège opposé au sien, ses mains jointes, tentant d’être courageuse.
« Je suis triste de quitter ma maison, moi aussi, » dit-il gentiment.
« J’ai tellement hâte, » s’exclama Maili innocemment. « Nous allons vivre dans un château, avec des bals et de jolies robes ! » Ses yeux étaient écarquillés et ses boucles rebondissaient de manière charmante.
Gavin eut un petit rire. Oh, comme il serait bon de voir le monde comme un enfant.
« Je ne suis pas sûr de cela, ma petite. Peut-être quand vous serez plus âgée. » Il se pencha et ébouriffa affectueusement une de ses boucles.
Maili fit une moue adorable, et il l’imagina en jolie jeune fille ayant des vingtaines de prétendants. Il redoutait ce jour. Catriona montrait déjà des signes de maturité et il savait que son temps viendrait sous peu. Il réalisa que les filles auraient besoin d’une gouvernante pour les aider dans leur éducation en tant que dames et se fit une note, intérieurement, de mettre une petite annonce en recherchant une lorsqu’ils seraient arrivés au Château Craig.
Maili bondissait de fenêtre en fenêtre et de siège en siège, escaladant quasiment les murs du carrosse comme un singe en cage que Gavin avait un jour vu. Elle n’était jamais calme, chantant ou papotant toujours. Il était certain qu’elle le garderait bien occupé, pensa-t-il. Il n’avait pas remarqué son enthousiasme auparavant, mais il ne s’était pas retrouvé avec elle dans un si petit espace pour de longues périodes. Seamus et Catriona étaient des enfants bien plus calmes.
D’un seul coup, Maili grimpa sur ses genoux pour lui faire un câlin. Plus tôt, Catriona s’était endormie sur son épaule. Peut-être devraient-ils s’arrêter pour la nuit. Lorsqu’il était seul, il ne s’arrêtait jamais, impatient d’être chez lui et n’étant pas fervent des auberges de bord de route. Il devrait adapter sa façon de penser, maintenant qu’il était père. Il préviendrait le cocher de ce changement de plan la prochaine fois qu’ils s’arrêteraient pour changer les chevaux.
Alors qu’ils s’apprêtaient à s’arrêter à côté d’une auberge, une Maili ensommeillée leva ses grands yeux gris vers lui.
« Papa Craig, quand aurons-nous une maman ? »
Sa gorge se serra quand il l’entendit l’appeler Papa. Il jeta un coup d’œil vers Catriona, qui l’observait avec des yeux remplis d’espoir, attendant la réponse à la question. Son cœur se serra dans sa poitrine.
« Je ne sais pas, ma petite. Je n’avais pas pensé prendre une épouse. »
Maili fronça les sourcils et replaça sa tête sur sa poitrine. Catriona détourna les yeux, déçue.
Le cœur de Gavin s’alourdit, et il espéra que les filles seraient assez heureuses avec lui. Fut un temps, plusieurs années auparavant, il avait rêvé d’avoir une femme et sa propre famille. Il avait toujours voulu une maison pleine d’enfants, qu’il adorait. Il était tombé amoureux une fois, rapidement et profondément, mais à l’échec de la relation, il avait renoncé à l’amour et au mariage. Pendant longtemps, cela avait été trop douloureux d’y penser, mais il avait enfin l’impression d’avoir atteint une certaine satisfaction. Cela ne voulait pas dire qu’il souhaitait à nouveau s’y soumettre. Il focaliserait son amour sur ces enfants.
Alors qu’ils s’arrêtaient à l’auberge, le carrosse fit une embardée, et Maili, contre toute attente, se mit à répandre le contenu de son estomac sur lui. Il soupira.
« Maili ! Je t’ai dit de ne pas manger toutes les dragées que Mme Millbanks t’avait données ! » gronda Catriona.
Maili leva les yeux vers Gavin, honteusement. Il était très dur d’être en colère face à petit visage.
« Je suis désolée, Papa Craig. Je ne le referai plus. »
« J’espère alors que vous avez appris votre leçon. Arrêtons-nous pour la nuit afin de manger, faire notre toilette et dormir. »
Après avoir accompagné les filles jusqu’à leur chambre avec leur nourrice et leur avoir commandé un dîner servi dans leur chambre, Gavin enfila une tenue propre et se rendit jusqu’au petit salon pour trouver à dîner et profiter d’un peu de temps pour lui. Il allait également devoir s’habituer à ce nouveau mode de vie. On lui montra où était le salon, mais il fut surpris d’y voir quelque de familier déjà assis.
« Lord Ashbury », dit-il alors que le Marquis se levait pour le saluer.
« Lord Craig. Je suis ravi de vous revoir. » Ashbury lui tendit la main et serra celle de Gavin.
Gavin avait fait la rencontre de Lord Ashbury et sa famille lorsqu’ils avaient visité le prieuré d’Alberfoyle quelques années auparavant. Lord Vernon courtisait alors l’une des filles triplettes du Marquis, Lady Margaux. Elle aussi avait été déçue lorsque Lord Vernon s’était marié avec Lady Béatrice. Mais Margaux était probablement mariée à quelqu’un d’autre à cette heure-ci.
« Vous avez entendu la nouvelle, alors ? » demanda Gavin, surpris d’être appelé par le titre de son frère.
« Oui. Mes condoléances. Vous joindrez-vous à moi ? Mes compagnons sont partis se coucher. » Ashbury désigna la table de la main. « Vous ne le savez peut-être pas, mais je connaissais votre père lorsque j’étais enfant. J’ai passé la majorité de ma jeunesse dans un domaine à proximité du Château Craig, et j’ai récemment bien appris à connaître votre frère. Lady Ashbury préfère vivre en ville, ou en France, nous sommes donc rarement en Écosse. J’ai récemment ouvert un foyer pour jeunes filles dans le douaire du domaine, et nous y passons de temps en temps. Nous sommes en ce moment même ici pour une courte visite, bien que j’y passerais volontiers l’été tout entier. »
« Voulez-vous dire Breconrae ? Je me souviens vaguement que le propriétaire du domaine avait pour nom Ashbury. Je me souviens qu’une douairière y résidait quand j’étais enfant. »
« En effet, ma mère. Elle est décédée depuis, mais une tante y vit toujours. Allez-vous au château seulement maintenant ? »
Gavin secoua la tête. « Je suis retourné à Alberfoyle. »
« Ah, oui. J’imagine que fermer votre cabinet et déménager prend du temps à organiser. Pouvez-vous vous joindre à nous pour diner la semaine prochaine ? Lady Ashbury sera déçue d’apprendre qu’elle vous a manqué ce soir, mais aura ma peau si je ne m’assure pas de vous avoir à dîner. Une soirée calme, je vous le garantis. »
« J’en serai honoré, merci. »
La groupe des Craig était à nouveau sur la route tôt le lendemain, impatients d’arriver au château tant qu’il faisait encore jour. Les collines ondoyantes et les vallées étaient parsemées de moutons broutant, et les chemins étaient étroits et escarpés. Les filles retinrent leur respiration plusieurs fois tandis que le carrosse montait puis descendait rapidement. La dernière partie du voyage, qui durait un certain temps, se faisait le long du fleuve Clyde, avant qu’ils ne passent finalement par l’énorme portail en fer du domaine Craig. Ceci était l’étape du voyage où, habituellement, Gavin exhortait son cheval vers l’avant, impatient de saluer sa famille.
« Sommes-nous bientôt arrivés, Papa Craig ? » demanda Maili pour la centième fois.
« Presque, ma petite. Nous sommes sur la propriété désormais, » dit-il avait patience. « Quand nous serons arrivés, nous traverserons un grand pont en pierre. »
« Tout ceci est à vous ? » demanda Catriona, les yeux écarquillés. Les deux filles regardaient avec fervent intérêt par la fenêtre.
« Oui. Au-delà des bois, le château surplombe le loch, et l’autre côté de la propriété est couverte de champs d’orge tout le long du chemin jusqu’au village, » indiqua-t-il et expliqua-t-il.
« Il y’a-t-il d’autres enfants à proximité ? » demanda-t-elle avec espoir.
« Je ne sais pas, ma petite. Je suis certain qu’il y en a quelques-uns au village. »
Ils contournèrent le bord sud du lac et un immense édifice en pierre apparut. Gavin y avait été élevé, mais cela semblait être une autre vie. Il n’avait aucune envie d’être le propriétaire d’un château ou de la responsabilité qui allait avec. Le bâtiment paraissait être de la même époque que Camelot. Il semblait médiéval, doté de tourelles et de meurtrières. Là, ils avaient avec Iain capturé leurs Guenièvres et massacré d’innombrables dragons et monstres du Loch Ness.
« Je ne peux y croire. Un vrai château ! » s’exclama Maili.
« Je vous avais dit que cela en était un, demoiselle, » dit-il avec amusement.
« Il y a-t-il un donjon ? » demanda-t-elle avec une ferveur effrayante.
« Bien sûr que oui. Ne sois pas stupide, » réprimanda sa sœur.
« Oui. Et nous y enfermons les vilains enfants, » dit-il avec un petit rire, secouant la tête.
Les yeux de Maili s’écarquillèrent, puis se plissèrent. « Me taquinez-vous, Papa Craig ? »
« J’espère que vous ne saurez jamais si c’est le cas, » dit-il avec un clin d’œil.
Maili pouvait à peine contenir son excitation tandis que le carrosse s’arrêtait. Les domestiques s’étaient alignés scrupuleusement pour accueillir les filles dans leur nouvelle maison. Gavin prit leurs mains et leur rappela d’être polies, puis les présenta au personnel.
« Mesdemoiselles Catriona et Maili Douglas, voici Tallach, le majordome, et Mme Ennis, la gouvernante. Ils connaissent plus de choses sur ce lieu que moi. »
Les filles firent la révérence et le personnel sourit. Ni Maili ni Catriona n’étaient habituées au faste d’une maison de cette importance. Ni lui non plus, désormais. Il dût refouler la déception qu’il ressentait et sourire aussi. Il tirerait le meilleur parti de la situation. Il comptait faire autant de bon en tant que propriétaire du domaine qu’en tant que docteur, une fois qu’il aurait appris comment faire.
Il observa affectueusement Mme Ennis mener les filles, qui étaient main dans la main, par les grandes portes de chêne. Tout irait bien, se rassura-t-il.
Chapitre Deux
Lady Margaux Winslow avait voulu entrer dans un couvent, mais ses parents avaient insisté qu’elle se retire plutôt dans leur nouvel orphelinat pour une courte période de bail. Elle était tombée amoureuse de l’Écosse quelques années auparavant, quand elle s’était rendue au domaine de Lord Vernon, au Nord de Glasgow, alors qu’ils se courtisaient. Malgré sa situation regrettable, elle aimait toujours l’Écosse.
Après que Lord Vernon avait eu épousé le vrai amour de sa vie plutôt qu’elle, sa famille avait tenté de la distraire au moyen de voyages à Londres, et en Europe continentale une fois Napoléon vaincu. Elle avait réalisé qu’elle était satisfaite toute seule. Elle avait toujours été la plus indépendante de ses sœurs, et avait décidé que les somptueux mariages pouvaient être laissés dans leurs mains expertes. Elle préférait certainement la vie de vieille fille au mariage de convenance. Elle se sentait satisfaite avec les orphelins, bien qu’elle n’eût que très peu à faire grâce au personnel compétent que sa famille avait nommé.
« À quoi réfléchissez-vous, ma chère
? » Margaux entendit sa mère demander.
« À très peu, Maman, » remarqua-t-elle, tandis qu’elles étaient assises, reprisant des chaussettes pour certains des enfants. Ses parents étaient restés avec elle, espérant la faire changer d’avis.
« Nous avons un invité à dîner ce soir. Quelqu’un d’intéressé par le don aux orphelins. »
« Très bien
, » dit-elle distraitement. Il était normal pour ses parents de recevoir des invités.
« Vous devriez porter la robe en satin émeraude. Cela vous donnerait un peu des couleurs, non ? »
« Si vous voulez, Maman. » Ce qu’elle portait importait peu à Margaux ces temps-ci.
« Allons-y. » Lady Ashbury se leva et indiqua à sa fille de faire de même. « Je vous verrai ce soir au dîner. »
Lady Margaux s’habilla automatiquement. Elle remarqua que sa domestique arrangeait ses cheveux d’une façon digne d’un bal. Elle devait admettre qu’elle traversait une petite mauvaise passe. Elle était certaine qu’une fois qu’elle aurait établi une routine à l’orphelinat, elle s’en sortirait. Elle n’avait jamais été du genre à bouder, mais elle avait besoin de trouver quelque chose d’utile à faire afin de s’occuper. Non, se corrigea-t-elle. Afin de commencer une nouvelle vie.
Elle se rendit à l’étage inférieur, déterminée à être joyeuse. Si elle pouvait convaincre ses parents qu’elle était heureuse ici, ils croiraient qu’elle était satisfaite.
« Ah, là voilà, Lord Craig, » dit Lord Ashbury quand il la vit.
« Dr Craig ? » dit Margaux, stupéfaite, croisant le regard du beau docteur qui avait été épris de Lady Béatrice.
« Désormais, il est Lord Craig, » corrigea son père.
Que faisait-il donc ici ?
« ‘Docteur’ me convient très bien, » ajouta Lord Craig en s’inclinant. « Comment allez-vous, Lady Margaux ? »
Elle fit la révérence. « Je vais bien, merci. Je présume que je dois donc vous présenter mes condoléances ? »
« Merci. Cela était très inattendu. Mon frère avait trois fils, » dit-il d’un air sombre.
« J’imagine que cela était donc bien inattendu, » compatit Lady Ashbury.
« Avec un peu d’espoir mon frère avait un bon intendant. J’ai rencontré l’ancien intendant il y a plus de dix ans, » remarqua Lord Ashbury. « J’imagine qu’il a été remplacé depuis. »
« Il est toujours là, et a au moins quatre-vingts ans. » Gavin secoua la tête.
« Gère-t-il tout de manière satisfaisante ? » Lord Ashbury semblait dubitatif.
« Je ne sais pas du tout si cela est le cas. Je n’y connais rien, à part concernant la réparation des cottages des métayers, » dit Gavin honnêtement avec un rire. « J’étais passionné par la médecine dès un très jeune âge. Je ne connais que très peu sur la gestion de domaines. »
« Mon Dieu
, » compatit Lady Ashbury. « Peut-être pouvons-nous vous aider. »
« Je ne suis pas sûr que quiconque puisse m’aider. » Gavin secoua la tête avec désarroi.
Lady Ashbuy prit son bras et commença à le mener vers la salle à manger. « Parlons-en plus amplement à table. La bonne nourriture améliore tout, non ? »
Lord Ashbury escorta sa vieille tante, Lady Ida, qui vivait aussi à Breconrae, et Lady Margaux les suivit en silence, se demandant comment la présence de Lord Craig dans la propriété voisine affecterait ses plans de vivre une vie paisible ici. Il était agréablement différent des hommes à Londres qu’elle avait fui.
Gavin n’avait pas su que Lady Margaux serait là quand il avait accepté l’invitation de lord Ashbury. Elle était plus sublime que dans ses souvenirs, avec ses cheveux d’ébène, sa peau de porcelaine et ses yeux clairs. Pourtant, curieusement, elle semblait différente, plus sombre que la jeune fille spontanée qu’elle avait été quelques années auparavant, quand il l’avait rencontrée au Prieuré d’Alberfoyle. Cela semblait être une autre vie. Il ne pouvait prétendre avoir été rien de plus qu’une simple connaissance de Lady Margaux ou de ses sœurs lorsqu’elles avaient visité Alberfoyle. Il avait été complètement submergé par la présence des triplettes toutes ensemble.
Bien qu’il ait été élevé comme le fils d’un lord écossais, il était plus mal à l’aise en la présence d’aristocratie maintenant qu’il détenait un titre. Les attentes seraient différentes. Il savait qu’il se montrait injuste envers les dames Ashbury. Elles n’avaient été que très gentilles envers lui. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de se sentir incompétent face à leur beauté et sophistication. Inconsciemment, il baissa les yeux ses simples manteau et culotte noirs. Il lui faudrait se rendre chez un tailleur. Non pas qu’il souhaitait être un dandy, mais il savait qu’un homme de sa position devait se présentait de manière respectable d’une manière différente de celle d’un médecin campagne, qui s’habillait plus de manière pratique qu’élégante. Il ne sentait pas à sa place ici.
« À quand cela remonte-t-il, Monsieur le Baron ? »
Il leva les yeux et vit les sublimes yeux bleu-vert de Lady Margaux l’observant d’un air interrogateur. Lord Vernon avait eu un choix à faire entre elle et Lady Béatrice. Elle l’examinait impatiemment. Il aurait dû prêter plus d’attention à la conversation. Il avait été perdu dans ses pensées.
« Je vous demande pardon. À quand remonte quoi ? » demanda-t-il.
« À quand remonte l’accident », répondit-elle, les yeux tristes.
« Trois mois », répliqua-t-il, rencontrant son regard.
« Cela ne fait pas longtemps », dit doucement Lady Margaux.
« Non », convint-t-il sombrement.
« J’imagine que mon neveu Easton et sa femme ont été déçus de vous perdre. Ils espéraient vivement que vous les joindriez à leur école de médecine », dit Lady Ashbury.
« Et moi donc. Je n’ai pas encore déterminé comment j’allais pouvoir continuer à pratiquer la médecine désormais. »
« Peut-être pourriez-vous venir en aide aux jeunes filles ici de temps en temps », suggéra Lord Ashbury.
« Oui. Cela me plairait. Une fois que j’aurai tout organisé. Pour le moment, j’ai été débordé par mon nouveau rôle de père », répondit Gavin.
« Je ne savais pas que votre frère avait d’autres enfants vivants », dit Lady Ashbury, confuse.
« Non. Ce sont mes enfants », dit-il, légèrement amusé.
« Oh ? »
« J’ai pris trois enfants d’Alberfoyle sous ma tutelle. Ce sont les enfants d’un gentleman. M’étant énormément attaché à eux, j’ai décidé que je les adopterais. Le garçon faisait son apprentissage avec moi et est maintenant à l’école à Glasgow », expliqua Gavin.
« Seamus ? » demanda Margaux, reconnaissant l’enfant dont il était question.
« Je pensais qu’ils étaient devenus les pupilles de Loring ? » dit Lord Ashbury, réfléchissant à voix haute.
« Il les a aidés financièrement, mais ils ont décidé de rester à Alberfoyle. J’ai soutenu Seamus tout le long de ses études de médecin », expliqua Gavin.
« Et le reste du temps, vous étiez ici », remarqua Margaux.
Il acquiesça. “Je les voyais régulièrement quand j’étais à Aberfoyle. Je leur ai demandé de venir lorsque j’ai découvert que je déménagerai ici. J’espère ne pas avoir commis une erreur », dit-il tristement.
« Une erreur ? » demanda Margaux.
« Je n’ai pas la moindre idée de comment être père. Je pense qu’ils se sentent seuls. Seamus est à l’école. Les filles sont seules avec une nourrice. J’ai mis une petite annonce, à la recherche d’une gouvernante, mais nous n’avons eu que quelques candidates pour le moment. » Il observait un bout du mur au-dessus de sa tête, perdu dans ses pensées.
« Peut-être cela plairait-il aux filles de venir ici nous rendre une visite ? Ce n’est pas à plus de trois kilomètres de chez vous », suggéra Lord Ashbury.
« Oui
. C’est une merveilleuse idée », rajouta Lady Ashbury. « Cela les divertira, et cela nous donnera l’opportunité de rencontrer d’autres jeunes filles. »
« Je serai heureuse de les recevoir pour une visite, » sourit Margaux.
Gavin soupira de soulagement.
« Je vous en suis très reconnaissant. Je pense que cela leur plairait énormément. » Il leur sourit. « Elles sont un peu perdues dans ce grand château vide. Tout comme moi. »
« Tout est encore très nouveau et différent. Tout s’arrangera avec le temps », Margaux le rassura.
« Assez parlé de moi. Qu’en est-il de votre école ? » demanda Gavin au Lord Ashbury.
« Nous l’avons ouverte peu après l’ouverture de celle de Vernon. Nous ne prenons que des jeunes filles traversant une mauvaise période ou des jeunes filles ayant été exploitées », dit Lord Ashbury avec fierté.
« Qui n’ont pas forcément pour souhait d’entrer dans un couvent. » Lady Ashbury toussa et échangea un regard avec sa fille.
Gavin était perplexe, mais ne posa pas de question.
Il n’y avait pas de réponse polie possible à cela, il changea donc de sujet.
« Où passez-vous donc la majorité de votre temps, alors, si ce n’est pas à Breconrae ? »
« J’étais souvent ici avant mon mariage. Mes parents préféraient vivre ici. Après mon mariage, nous avons passé de nombreuses années en France avant la guerre. S’installer ici ne semble que peu intéresser mon fils, nous avons donc décidé de convertir le douaire en un foyer pour les moins privilégiés. Tante Ida y vivait avec ma mère jusqu’à son décès », répondit Lord Ashbury.
Ils se tournèrent tous pour regarder Tante Ida, qui mâchait sa nourriture mais regardait dans le vide.
« Nous divisons notre temps entre nos autres résidences », expliqua Lady Ashbury. « D’ordinaire nous sommes à Londres à cette époque. » Elle jeta un autre regard perçant dans la direction de Margaux.
« Vous n’avez pas besoin de rester ici pour moi. » Margaux sourit malicieusement à sa mère.
Lady Ashbury se leva, interrompant brutalement la conversation, signalant qu’elle se rendait dans le petit salon avec Margaux.
« Lord Craig, cela vous dérangerait-il si nous sautons le porto et nous joignons aux dames ? » demanda Lord Ashbury, sentant peut être qu’il aurait besoin d’intervenir entre sa femme et sa fille.
« Pas du tout. Moi-même, je n’apprécie pas vraiment le porto », admit Gavin.
Margaux sourit intérieurement en rentrant dans le petit salon. Son père n’avait pas complètement soutenu sa décision de vivre seule, mais il ne l’avait pas interdit non plus. Ils s’installèrent confortablement, attendant que leur thé soit servi.
« Combien de temps comptez-vous séjourner ? » demanda Lord Craig.
« Cela dépend de Margaux, » répondit sa mère.
Lord Craig avait un air curieux et jeta un coup d’œil vers elle avec ses yeux d’un bleu perçant. Une boucle de ses cheveux sombres était tombée sur son front, et elle dût se tourner pour ne pas la remettre en place.
« Je ne compte pas partir. » Elle regarde ses parents, légèrement défiante. « Je ne sais pas comment vous le dire autrement, je ne retournerai pas à Londres. »
Sa mère resta silencieuse. Elle semblait retenir sa colère.
« Très chère, je comprends ce que vous ressentez, mais peut être qu’après un peu de temps loin de Londres vous reviendrez sur votre position », dit doucement son père.
Margaux secoua la tête. Son père soupira. Lord Craig remua dans son siège. Il souhaitait probablement être n’importe où sauf ici à ce moment.
Margaux avait enduré d’être paradée devant des prétendants pendant des années, et n’avait jamais été intéressée par l’un d’entre eux ou ressenti la moindre connexion. Elle était souvent au centre des potins avec ses sœurs. Trois vraies triplettes françaises à l’apparence exotique tendaient à avoir cet effet. Au début, les gens avaient eu pitié d’elle. La société avait présumé qu’elle pleurait sa relation avec Lord Vernon. Puis, la société étant capricieuse, il avait été décidé qu’elle avait des idées trop particulières et que sa langue était trop aiguisée. Certains avaient même pris l’habitude de surnommer les triplettes Feu, Vent et Glace. Margaux était, bien sûr, le dragon souffleur de feu.
Elle avait été terriblement triste à Londres, ne rentrant jamais dans les cases, seulement acceptée à cause de son nom et sa beauté. Elle avait décidé d’abandonner sa recherche du grand amour. Il valait mieux être seule que ridiculisée.
« S’il vous plaît, Maman
. Acceptez mon choix. Retournez à Londres pour être avec Jolie », implora-t-elle.
Lady Beaujolais était une des triplettes à qui plaisait réellement la vie du ton, la haute société londonienne.
Sa mère secoua la tête et refusa de la regarder. Elle se leva brutalement.
« Pouvez-vous m’excuser ? », demanda Margaux. « J’ai besoin d’un peu d’air frais, il semblerait. »
« Puis-je me joindre à vous ? » demanda Gavin, la surprenant, puis jeta un regard à son père qui acquiesça. Ils sortirent sur la terrasse, où le soleil commençait tout juste à se coucher.
« Je suis désolée, Lord Craig. Vous n’avez probablement pas envie de devoir entendre parler de ma situation. » Margaux s’assit sur l’un des bancs en pierre de la terrasse, surplombant le Firth au-delà de la vallée.
« Il n’y a pas de quoi vous excuser », la rassura-t-il. « J’ai passé la soirée à déverser mes problèmes sur vous. » Il appuya son coude contra la balustrade de la terrasse. Il était très masculin, se tenant là, détendu ; si différent des nombreux hommes prudes qui avaient courtisé Margaux à Londres. Elle était conscience de sa masculinité, et était désarçonnée par la sensation du regard qu’il posait sur elle.
« Pas du tout. » Elle leva le regard et lui sourit.
« Qu’est-ce qui vous dérange alors ? S’est-il passé quelque chose à Londres ? »
Il semblait inquiet, la regardant directement dans les yeux. Soudainement, tous ses problèmes semblaient ridicules. Elle réfléchit précautionneusement à ses prochains mots en tournant et virant, arrachant les pétales de la fleur qu’elle avait cueilli dans le rhododendron.
« Rien de particulier ne s’est passé. Mais j’en ai assez du marché du mariage. Je veux me faire un chez-moi ici, mais mes parents ne souhaitent pas que je devienne une vieille fille, Lord Craig. »
« Je suis sûr qu’ils veulent seulement le meilleur pour vous, demoiselle », dit-il d’un ton rassurant.
« Je suis en paix avec ma décision, mais ils ne le sont pas. » Elle arracha un autre pétale.
« Je suis sûre qu’avec le temps… »
« Ils ne partiront pas tant que je n’accepte pas de rentrer avec eux. » La tige n’avait plus de pétales, elle la jeta donc par-dessus la balustrade et retourna s’asseoir.
« Ne vous laisseront-ils peut-être pas pour un peu de temps ? » suggéra-t-il.
Elle sourit. « Je les ai menacés d’entrer dans un couvent, donc ils m’ont amenée ici, pensant que je changerais d’avis. Mais j’adore l’Écosse. »
Il eut un petit rire. « Un couvent ? »
Elle acquiesça. Personne ne la prenait sérieusement. « Pourquoi pas ? » demanda-t-elle, sur la défensive.
« J’imagine qu’ils pensent qu’un jour, vous aimeriez peut-être vous marier. »
« Travailler avec les filles ici me donne une raison d’être louable », souligna-t-elle, dans un ton qu’elle espérait être raisonnable.
« Peut-être voudrez-vous même avoir des enfants », continua-t-il.
« Avez-vous déjà été à Londres, Lord Craig ? Pendant la Saison des bals ? » Elle leva les yeux vers lui, désirant lui faire comprendre.
« Je n’ai jamais fait partie de ce monde », répondit-il.
« Vous êtes chanceux. Je me suis jurée que je ne me marierai que par amour, et que je ne me conterais pas d’un arrangement vide de sens. L’amour, celui que mes parents ont, est unique. Je veux un partenariat avec un respect mutuel. C’est une triste réalité d’être élevée avec de telles attentes. »
« Bien que vous et moi n’ayons pas eu de bonnes expériences en amour, cela ne veut pas dire que tout sera mauvais », raisonna-t-il avec douceur. Cela semblait lui être destiné à lui autant qu’à elle.
« Lord Craig, je suis satisfaite seule. Je ne comprends pas pourquoi personne ne peut accepter ma décision. Ma valeur n’est pas basée sur si je suis mariée. » Elle leva le menton avec défi.
« Bien sûr que non, demoiselle. »
« Pardonnez-moi. Je réalise que je suis chanceuse d’avoir un choix sur ce sujet. Je parle comme une enfant capricieuse. » Elle soupira. « Je ne devrai pas décharger mes problèmes sur vous. Merci de m’avoir écoutée. » Elle fit la révérence et retourna à l’intérieur de la maison.
1 En français dans le texte.
2 En français dans le texte.
3 En français dans le texte.
4 En français dans le texte.
5 En français dans le texte.
Chapitre Trois
Au petit-déjeuner, le lendemain, Gavin réfléchit au fait qu’il n’avait pas compté confesser sa situation à ses hôtes. Mais il s’était tenu là, à leur table élégante, discutant de la condition du domaine de son frère, et de sa décision de prendre sous sa tutelle les enfants Douglas et de les emmener vivre avec lui. Il avait été choqué du tour qu’avait pris la conversation, et de la décision de Lady Margaux de s’isoler au domaine écossais de Lord Ashbury. Son aide avec les petites serait définitivement la bienvenue, mais elle semblait être faite pour la haute société chic. Serait-elle vraiment heureuse, vieille fille, vivant dans un domaine éloigné de tout en Écosse ? Il secoua la tête. Il ne savait que peu de choses sur les dames et leurs goûts. Peut-être avait-elle subi une autre déception après Lord Vernon. Elle semblait vouloir honnêtement se retirer de Londres. Lui-même, la haute société l’attirait peu. Il avait une merveilleuse relation avec Lord et Lady Easton, mais il n’avait pas besoin de se mêler à la haute société pour cela. Il savait qu’ils n’étaient pas un exemple typique de ceux qui faisaient partie du beau monde.
Son frère Iain avait maintenu une présence à Londres. Les réformes sociales le passionnaient, tout comme créer des lois permettant de meilleures conditions pour la classe ouvrière pauvre. Gavin voulait continuer le travail d’Iain, mais il n’avait aucune idée de comment atteindre ce but. Si Lady Margaux restait en Écosse, peut-être cela ne la dérangerait-elle pas de le guider sur les subtilités de la société londonienne.
Il ne serait pas contre être ami avec Lady Margaux. Elle était intelligente et n’avait pas peur d’exprimer le fond de sa pensée. Elle avait certainement été franche avec lui la nuit précédente, au lieu de battre des cils comme tant de femmes avaient tendance à faire. À quoi pensait-il ? Ils ne pouvaient pas être amis, n’est-ce pas ? Il se devait de penser différemment désormais. En tant que docteur, il lui avait été permis un accès inhabituel aux maisons des gens, de brefs aperçus de ce qu’il se passait en privé. Désormais, toutes les règles avaient changé, et pas de manière positive.
Il se leva et se rendit vers le bureau, résolu à s’attaquer aujourd’hui aux comptes du domaine. Il ne pouvait plus le remettre à plus tard. Il avait probablement besoin d’envoyer le vieux Wallace à la retraite et d’engager un nouveau gestionnaire du domaine, mais d’abord il avait besoin de comprendre la condition et la magnitude de ce dont il était maintenant responsable. Lord Ashbury lui avait proposé son aide. Il accepterait l’offre d’Ashbury une fois qu’il se serait familiarisé avec sa propriété et la situation dans laquelle ils se trouvaient.
L’odeur du bureau et de vieux livres envahit ses sens avec nostalgie. Il se tint un moment immobile, se souvenant tendrement de l’enfance qu’il avait passé ici ; et, plus tard, des conversations captivantes qu’il avait eu avec son père et son frère. Il ignora son chagrin et s’avança vers le bureau : un bureau qui croulait sous un énorme tas de courrier jamais ouvert. Il secoua la tête. Son frère n’avait jamais été organisé, et apparemment les responsabilités de l’intendant ne comportait pas l’ouverture du courrier. Il s’assit face au bureau en chêne massif, ne se sentant vraiment pas à sa place. Il se souvint de son frère et son père, assis ici face à lui. Comme sa vie avait changé, presque en un battement de cil.
« Papa Craig ! »
Gavin entendit son nom résonner à travers la maison, suivi par le bruit de petits pieds dégringolant les escaliers et traversant le couloir, avant qu’une petite fée fasse irruption dans la pièce.
« Bonjour, Maili », dit Gavin, levant les yeux tendrement vers la petite fille.
Elle grimpa sur ses genoux pour le câliner et l’embrassa sur la joue. Les deux petites semblaient avoir un besoin constant d’être rassurées.
« Maili ! » entendirent-ils Catriona appeler, et elle descendit ensuite les escaliers en courant, cherchant sa sœur. Lorsque Catriona atteignit la porte, elle s’arrêta net à la vue de Maili, assise innocemment dans les bras de Gavin.
« Catriona. Je ne pense pas que vous devriez courir à travers la maison, criant sur votre sœur », réprimanda-t-il doucement.
« Mais… mais.. » Son menton et sa lèvre du bas commencèrent à trembler, et elle éclata en sanglots.
Oh, par tous les cieux. Il n’avait pas la moindre idée de comment s’occuper d’une jeune fille en pleurs. Il tenta de la réprimander gentiment.
« Qu’il y a-t-il, Catriona ? » demanda-t-il.
« M-M-Maili a coupé les cheveux de ma poupée ! » Elle brandit le jouet, qui avait le crâne couvert de bouts de mèches de cheveux, comme preuve.
« Est-ce vrai, Maili ? »
Il baissa les yeux vers Maili, dont le visage répondit pour elle immédiatement.
« Je pensais qu’elle serait jolie avec les cheveux courts », répliqua-t-elle naïvement.
« Ce n’est pas ta poupée, ce n’était pas à toi de décider ! » Catriona pleura à chaudes larmes. « Ma mère me l’a donnée, et maintenant elle est détruite ! » Elle s’enfuit, en pleurs.
Gavin ne pouvait pas la blâmer. Cela ne l’aurait pas dérangé de s’enfuir lui-même à cet instant. Il devait vite trouver une gouvernante.
« Maili, va dans ta chambre jusqu’à ce que je décide quoi faire. Tu devras offrir tes excuses à ta sœur. »
Tête baissée, la petite fille glissa de ses genoux. Elle le regarda avec des yeux bordés d’énormes larmes puis lui tourna théâtralement le dos pour suivre l’ordre qu’il lui avait donné. Il lâcha un lourd soupir et prit sa tête entre ses mains. Tous les parents se sentaient-ils aussi incompétents ?
Il décida qu’une visite à Braconrae serait une diversion bienvenue. Si les filles pouvaient trouver quelque chose d’utile à faire là-bas et peut-être même se faire quelques amis, cela serait une bénédiction.
Il y eut un coup à la porte, et son vieil intendant apparut devant lui.
« Bonjour, Wallace. »
« Bonjour, Lord Craig. Je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre ce qu’il s’est passé. »
« Oui, Wallace. Nous avons besoin de mettre plus de petites annonces cherchant une gouvernante. Même à Londres, si nécessaire. »
« Très bien. Mais ce dont vous avez besoin, Monsieur le Baron, c’est d’une épouse », Wallace répondit sans ménagement.
« Je vous demande pardon ? » Avait-il bien compris ?
« Vous devez vous ajuster à votre nouvelle vie. Vous marier. Avoir des enfants. Trouver quelqu’un pour vous aider. Je venais tout juste de prendre ma retraite quand, pas une semaine après, pauvre Lord Iain a eu son accident », dit Wallace tristement.
« Vous aviez pris votre retraite ? Pourquoi ne me l’avez-vous pas dit ? » Gavin leva les bras au ciel.
« Je ne le pouvais. Mais je suis trop vieux pour être ici. Bouger me fait mal. Cela me prend des heures de sortir de mon lit le matin, votre seigneurie. »
« Je vois. Et Iain avait-il trouvé quelqu’un pour vous remplacer ? »
« Je ne crois pas. Je ne pense pas qu’il ait beaucoup cherché, cependant. »
Gavin murmura un juron et passa ses doigts dans ses cheveux.
« Ah, et bien, nous n’avons pas le choix, je suppose. Si vous pouviez avoir l’amabilité de tout passer en revue avec moi, je ferai de mon mieux pour vous trouver un remplacement. J’écrirai à mon ami, Lord Easton. Il héberge des soldats blessés jusqu’à qu’ils soient guéris et prêts à travailler. »
Wallace secoua la tête. « Je vous assisterai jusqu’à ce que vous trouviez quelqu’un, mais il y a certaines choses que je ne peux plus faire. »
« Je comprends. Je suis reconnaissant pour tout ce qui est vous possible de faire. »
« Je remettrai une annonce cherchant une gouvernante. Pour le moment, je vous suggère de faire le tour des métayers et de faire connaissance. Ils informeront votre seigneurie de ce qui doit être fait », suggéra Wallace.
Gavin acquiesça. Cela semblait raisonnable.
« Votre frère avait une très grande exploitation de whiskey et avait commencé à faire des récoltes pour l’entretenir. Le saviez-vous ? » demanda Wallace sceptiquement.
« Oui, je le savais. Je suppose que je ne comprenais pas tout. Il a mentionné se battre pour la légalisation d’une distillation sur une plus grande échelle », dit Gavin, sentant qu’il allait bientôt être à nouveau choqué.
« Oui. Il ne distribuait le produit qu’à quelques privilégiés, et pas publiquement, bien ce que cela ait été un de ses rêves. Il supervisait toute la fabrication de whisky lui-même », dit l’intendant avec une lueur de fierté dans son regard.
« Je ne souhaite pas m’impliquer dans quelque chose d’illégal », protesta Gavin.
« Je ne dirais pas exactement que c’est illégal. Certaines personnes seront très déçues si vous cessez l’exploitation de whisky, et un nombre important de vos travailleurs seraient sans emploi si vous souhaitiez en effet l’arrêter », dit Wallace. Sa voix était défiante. « Bien que certains seraient ravis de voir l’exploitation échouer. »
Gavin leva un sourcil, mais l’intendant refusa de donner plus de détails. « J’étudierai la question plus tard. Continuez. »
« Il y a ensuite le problème du bal du solstice. »
« Oui, cela a été une tradition dans ma famille depuis aussi longtemps que nous avons tenu la baronnie. »
« Et c’est la maîtresse de maison qui l’organise », lui rappela Wallace.
« Et je n’ai pas de maîtresse de maison », dit Gavin, grimaçant lorsque les mots quittèrent sa bouche.
« En effet. » Le vieil homme acquiesça comme si son élève avait enfin maîtriser ses leçons.
« Ce n’est que dans quelques semaines. Il y a-t-il quoique ce soit que nous puissions faire ? »
« Très peu. Peut-être demander l’aide d’une autre dame cette année », suggéra Wallace.
Gavin semblait stupéfait.
« L’épouse du pasteur ne serait-elle pas une bonne personne à qui demander ? »
Wallace railla : « Ah. Pas pour moi, mais je ne suis pas friand des feux de l’enfer et de soufre. Drôles de gens, le pasteur et sa femme, mais vous devez faire ce qui vous paraît le mieux. » Le vieil homme haussa les épaules.
« J’ai besoin d’une gouvernante pour mes nouveaux enfants, d’un nouvel intendant pour gérer le domaine, je dois aller saluer les métayers, j’ai besoin d’apprendre comment cultiver et faire du whisky, et j’ai un bal à organiser avant le solstice. Quelque chose d’autre ? » demanda Gavin avec dégoût.
« Une épouse et un héritier ne feraient pas de mal », lui rappela Wallace.
« Bien sûr », dit Gavin, ne tentant pas le moindre du monde de cacher son sarcasme.
Il y eut un coup à la porte. Gavin leva les yeux et vit le visage familier de la gouvernante de maison, qui avait été au château depuis son enfance.
« Entrez, Madame Ennis. »
« Monsieur le Baron. » Elle fit une petite révérence.
Gavin tripota sa cravate. Tout ceci était si inconfortable.
« J’ai besoin de passer en revue les menus et certains achats pour la maison avec vous, Monsieur » déclara-t-elle.
« Les menus ? » demanda-t-il, incrédule.
« Oui, votre seigneurie. Il n’y a pas de maîtresse de maison pour réaliser ces tâches… » Sa phrase resta en suspens.
Pas elle, aussi.
« Je suis certain que vous êtes tout à fait à la hauteur de la tâche, Madame Ennis. Vous en savez certainement plus que moi. »
« Non, Monsieur le Baron. Je ne pourrais me permettre. » Elle l’observait comme s’il l’avait insultée.
« Vous le pourriez. S’il vous plaît. Pour moi », implora-t-il. Si on lui donnait une tâche de plus, il en perdrait probablement la tête.
Elle avait l’air terrifié, mais dût voir quelque chose dans son expression qui la fit acquiescer et quitter discrètement la pièce.
« Wallace, combien d’autres responsabilités revenaient à votre maîtresse de maison ? » demanda-t-il, bien qu’il ne voulût pas vraiment savoir.
« Lady Craig supervisait toujours la maisonnée, les métayers, les enfants, le bal, les comptes… » Wallace comptait les tâches sur ses doigts rhumatismaux en parlant.
« Assez ! Assez ! » dit Gavin, se sentant submergé. « Ce sera tout pour aujourd’hui. Si cela ne vous dérangerez pas de vous occuper du courrier, j’ai rendez-vous avec quelqu’un. »
« Très bien, Monsieur le Baron », dit Wallace avec un lourd soupir.
Gavin fit savoir à la nourrice de préparer les filles pour partir dans deux heures.
Il fila par la porte d’entrée et se dirige avers les écuries. Il avait besoin de réfléchir. Il espérait qu’une courte promenade à cheval le calmerait, car tout ce qu’il souhaitait était de voyager jusqu’au bout du monde et oublier que les derniers mois étaient jamais arrivés. Faisant pratiquer à son cheval ses différentes allures, y compris un galop farouche qui faillit bien lui couper la respiration, il sentit sa colère s’apaiser. Il savait que sa mauvaise humeur était déplacée, mais il était en colère. Contre Iain. Contre Dieu. Contre ses enfants. Contre lui-même, et l’épouse dont il avait désormais besoin mais ne voulait pas.
Chapitre Quatre
Margaux décida que ce jour-là, elle s’habillerait en conséquence de sa nouvelle vie. Elle savait que cela mettrait sa mère en colère, mais plus Lady Ashbury la voyait dans ce rôle, plus elle s’habituerait à sa réalité. Sa mère était une force parmi la haute société ; organisant des fêtes extravagantes et menant le beau monde. Revêtant une charlotte pour compléter sa robe la plus sobre, Margaux se demanda si elle avait peut-être exagéré le costume de vieille fille pour le bénéfice de sa mère. Elle avait demandé à sa domestique de relever ses cheveux en un chignon sévère, et la mousseline et dentelle impeccables cachaient complètement ses boucles lustrées. Elle eut un peu rire et réfléchit qu’il lui faudrait retirer la charlotte une fois ses parents partis. Elle souhaitait peut-être une vie plus simple, mais cela ne voulait pas pour autant dire qu’elle n’avait aucun goût.
Elle se demanda si Lord Craig amènerait aujourd’hui les filles Douglas pour une visite, car elle prévoyait de se rendre au douaire afin de voir comment elle pouvait se rendre utile.
Elle s’arrêta un instant devant la porte quand elle entendit ses parents dans la salle de petit-déjeuner. Osait-elle les interrompre et recommencer la querelle depuis le début ? Ou devrait-elle rester dans le couloir avec le tableau de son grand-père la fixant du regard ?
« Où nous sommes-nous trompés, mon cher ? Anjou a filé avec Charles à la recherche d’Aidan, qui est probablement mort, et Margaux veut porter des charlottes ! » dit sa mère, exaspérée.
Margaux retira sa charlotte avec un sentiment de culpabilité. Elle devrait les prévenir qu’elle se trouvait là, mais ne pouvait se convaincre d’aller plus loin.
« C’est un crime que de gâcher sa beauté », dit sa mère d’un ton plaintif.
« Vous voulez qu’elle soit heureuse, non ? » raisonna son père.
« Bien sûr
! Comment pouvez-vous demander une chose pareille ? »
« Elle n’était pas heureuse en société. N’aviez-vous pas remarqué ? Peut-être devrions nous lui laisser un peu de temps. Une fois qu’elle sera loin de tout ce qu’elle connait et a fait une petite pause seule ici, elle changera peut-être d’avis. Je crois qu’elle n’est pas sûre de ce dont elle veut. »
Dieu merci pour son père, pensa Margaux. Elle doutait qu’elle changerait d’avis, mais elle voulait plus de temps sans les radotages incessants de sa mère. Une fois qu’ils verraient qu’elle était heureuse, ils auraient à l’accepter.
« Je comprends ce que vous dîtes, chéri
, mais je ne peux la laisser seule ici », protesta sa mère.
« Tante Ida est ici », remarqua son père.
Margaux pouvait imaginer l’expression de sa mère à cet instant. Tante Ida était sénile et plaisante, mais ne serait pas meilleure chaperone qu’un chiot.
« Oui
, elle fera une excellente chaperone », dit sa mère sarcastiquement.
Elle entendit son père rire. « Margaux est suffisamment grande et a une excellente tête sur ses épaules. Peu de choses pourraient lui arriver ici. »
Sa mère lâcha un soupir. « Peut-être pourrions-nous rentrer à Londres pour le bien de Jolie ? »
« Vous pensez que Yardley ou Summers vaudra quoique ce soit ? »
De l’avis de Margaux, le Duc de Yardley était horrible. Elle ne l’avait en réalité jamais rencontré, mais sa réputation lui faisait froid dans le dos. Il ne voulait que faire l’acquisition de Jolie, et non pas avoir une relatoin avec elle. Summers était plus âgé que son père. Mais Jolie s’en fichait. Elle avait toujours voulu être une duchesse. Margaux espérait que son père interviendrait.
« Il lui prête une attention particulière, selon ce que Lady Easton m’écrit. » Lady Easton était la femme du neveu de Lady Ashbury, et chaperonnait l’une des triplettes de Margaux pendant que Margaux et ses parents étaient en Écosse.
« J’aimerais en savoir plus sur lui. Je pense qu’il serait sage que nous soyons présents pendant qu’ils se courtisent », dit Lord Ashbury. L’inquiétude dans sa voix était évidente.
« Cela me fait souffrir tout entière de laisser Margaux ici. Je ne peux être à l’aise avec cela. Cependant, si nous pouvons bientôt revenir, je partirai si c’est ce qui vous paraît le mieux », répondit sa mère. Margaux pouvait entendre la résignation dans sa voix.
« C’est le cas. Tout ira très bien pour elle. Peut-être que le bon docteur attirera son attention. »
« Il lui faudrait être aveugle pour ne pas remarquer ce bel et fort Écossais aux yeux bleus et à l’accent délicieux », soupira Lady Ashbury en acquiescement. « Très bien, mon ami
. »
Lord Ashbury rit. « En effet, je suppose qu’il est beau. »
Margaux faillit s’étrangler. Cela la propulsa dans la pièce.
« Bonjour, Maman
. » Elle embrassa sa joue. « Bonjour, Papa. » Elle fit le tour de la table et embrassa sa joue avant de remplir son assiette.
« Margaux, votre mère et moi avons décidé de rentrer à Londres pour le reste de la saison des bals. Nous pensons qu’il serait sage d’être avec Jolie. »
Margaux se tourna et leva un sourcil inquisiteur, essayant d’apparaître surprise.
« Cela ne veut pas dire que nous abandonnons, » déclara sa mère. « Nous vous donnons simplement un peu de temps pour réfléchir. Bien que cela fera jaser les commères. »
Margaux acquiesça. « Je serai très contente ici. Les filles au douaire me garderont occupée. »
« Mais qu’en est-il de vos propres enfants ? » demanda sa mère tendrement.
« Nous ne sommes pas tous chanceux en amour, Maman
. J’ai déjà joué à cela une fois et j’ai perdu. Je refuse de me marier simplement pour avoir des enfants. Vivre à Breconrae suffisait à Grand-Mère
et Tante Ida. »
Sa mère secoua simplement la tête avec perplexité.
« Et Tante Ida sera avec vous ici, pour les convenances », dit son père avec un clin d’œil conspirateur.
« Merci, Maman
et Papa, » dit-elle. Elle tenta de garder un visage impassible, ses lèvres tremblant.
Sa mère se leva. « Je vais aller dire aux domestiques de préparer nos bagages. Nous devrions partir aussi tôt que possible. »
Après le départ de sa mère, Margaux s’assit et discuta confortablement avec son père. Le majordome entra et demanda si elle était disponible pour des visiteurs ce matin.
« Qui est là ? » demanda-t-elle.
« Lord Craig, et les demoiselles Douglas. »
« Oui, bien sûr. Je les attendais. » Margaux se leva. « Menez-les au petit salon, s’il vous plaît. »
« Oui, Madame. »
Son père la suivit pour les saluer.
« Bonjour, Craig. » Il lui serra la main jovialement.
« Lady Margaux. » Lord Craig s’inclina devant elle. « Vous souvenez-vous de Mademoiselle Catriona et Mademoiselle Maili Douglas ? »
« Bien sûr. Bienvenue. » Elle fit la révérence aux petites filles.
« C’est l’une des princesses ! » s’exclama Maili en se redressant d’une profonde révérence.
« Je ne suis pas une princesse, Maili », dit Margaux avec un sourire, repensant à sa décision de s’habiller sobrement exprès ce matin-là.
« Vous ressemblez à une princesse. » L’admiration de l’enfant était évidente.
Margaux rit et prit les mains des petites filles. « Voudriez-vous rencontrer quelques-unes de nos jeunes demoiselles au douaire ? Je m’y rends justement. »
Les filles hochèrent la tête avec excitation et la suivirent avec émerveillement.
« Puis-je vous prendre un peu de votre temps ? » demanda Gavin à Lord Ashbury quand Lady Margaux et les filles furent parties.
« Oui, bien sûr. Je voulais aussi vous parler avant notre départ », répondit Ashbury.
« Départ ? » Gavin ne s’était pas attendu à un départ si rapide après les conversations du soir précédent.
« Allons dans mon bureau pour discuter du vif du sujet. » Lord Ashbury brandit le bras pour indiquer à Gavin de traverser le hall, puis ferma la porte derrière eux. Il fit signe à Gavin de s’asseoir.
« Nous avons décidé de rentrer à Londres, afin de faire meilleure connaissance avec le gentleman courtisant l’une de nos autres filles. J’ai convaincu ma femme de permettre à Margaux de rester ici pendant un petit moment. Peut-être Margaux verra-t-elle raison une fois qu’elle est loin de tout ce qui lui est familier. Je suis certain que rien n’arrivera à ma fille, mais puis-je peut-être vous demander de garder un œil sur elle de temps en temps et de m’écrire ? J’imagine que vous amènerez les petites ici de temps à autres, et cela me rassurerait de savoir comment elle se porte. »
« Je serai ravi de le faire si Lady Margaux est favorable à mes visites », Gavin le rassura.
« Merci, Craig. Je n’ai aucun doute que Margaux et vous vous entendrez bien. Puis-je vous offrir à boire ? Le meilleur de toute l’Écosse. » Avant que Gavin ne puisse répondre à sa remarque énigmatique, Ashbury lui tendit un verre de whiskey que Gavin reconnut instantanément par son arôme comme étant du whisky Craig. Son frère avait peut-être capitalisé la recette, mais elle avait été héritée de génération en génération.
« Vous êtes donc une des personnes que mon frère approvisionnait ? » demanda Gavin.
« Bien sûr… moi et la moitié de l’aristocratie qui ne sommes pas suffisamment chanceux pour avoir notre propre alambic en Écosse. Et ceux qui lui envient sa recette. »
« La moitié ? » Gavin leva les yeux, surpris.
« On trouve le whisky Craig dans les maisons les plus élégantes de Grande-Bretagne », dit Lord Ashbury en remuant le liquide doré dans son verre, le humant avec admiration.
« Je n’en avais aucune idée », dit Gavin, complètement stupéfait.
« Il ne faut pas, bien sûr, en parler publiquement tant que la législation n’est pas passée. Il est, pour beaucoup de distillateurs légaux, difficile de jouir d’une vaste distribution en raison des impôts qui leur sont demandées. Quand vous serez mieux installé ici, vous devriez penser à accepter votre position à la chambre des Lords et faire entendre votre opinion sur le sujet », conseilla Lord Ashbury.
Gavin acquiesça. « C’est ce que je planifiais, mais pour le moment je suis complètement débordé. »
« S’il vous plaît, dîtes-moi comment je peux vous aider », dit gentiment l’homme mûr.
« Je ne sais pas par où commencer. De mes habits à l’absence d’une épouse, rien ne va. Apparemment, il me faut aussi devenir un agriculteur désormais. J’ai un bal à préparer, mon intendant est à la retraite, et j’ai besoin d’une gouvernante. Si vous pouvez me conseiller sur quoique ce soit parmi tout cela, je vous serai éternellement reconnaissant. »
« Bonté divine. Je peux naturellement me renseigner concernant d’éventuels intendants pendant que nous sommes à Londres. Il y a toujours des deuxièmes fils de bourgeois qui seraient exactement ce qu’il vous faut. Lady Ashbury sera plus utile quand à vos autres dilemmes. En particulier concernant une épouse. »
Gavin tenta de ne pas s’étouffer. « Je pensais qu’Easton aurait un vétéran ou deux qui pourraient faire l’affaire. »
« Très bonne idée. J’en discuterai avec lui aussi », dit Lord Ashbury en sonnant la cloche, appelant sa femme. Elle arriva en courant quelques minutes plus tard.
« Lord Craig, excusez-moi
! Je ne savais pas que vous étiez ici. Comment allez-vous aujourd’hui ? » Lady Ashbury porta ses mains à son cœur quand elle entra dans la pièce et le vit.
« Très bien, Madame. » Il s’était levé à son entrée et s’inclina devant elle en guise de salutation.
« Lord Craig a besoin de votre aide. Vous serait-il possible de vous renseigner sur une éventuelle nouvelle gouvernante pendant que vous êtes en ville ? » expliqua Lord Ashbury.
« Oui
. J’en serais ravie. » Elle lui sourit.
Gavin la remercia, mais ne sentait toujours pas soulagé.
« Il y a-t-il quelque chose d’autre qui ne va pas ? Vous semblez inquiet, non
? »
« Malheureusement, rien sur quoi vous puissiez m’aider, Madame. Je dois maintenant aborder la femme du pasteur pour voir si elle peut m’aider à planifier la fête du solstice. Il semblerait que c’était une autre des responsabilités de feue Lady Craig. »
« J’imagine qu’ils ont laissé un grand vide à remplir dans une si grande maison. Peu de dames sont préparées à gérer un foyer si majestueux. Avez-vous envisagé prendre une épouse ? »
Gavin haussa les sourcils, mais ne répondit pas. Il avait en effet besoin d’une épouse, mais pourquoi était-ce si humiliant de l’admettre ?
« J’imagine que si vous demandiez de l’aide à Margaux, elle serait ravie de vous aider avec les petites. Je lui donne une semaine avant qu’elle ne meure d’ennui. Elle croit qu’elle aidera à l’orphelinat, mais aujourd’hui même nous avons plus de personnel que nécessaire. »
« Elle m’a déjà proposée d’enseigner aux filles », dit-il, comme s’il dérangerait Margaux et prendrait de son temps.
Lady Ashbury fit un geste vague de la main. « Elle a toujours été mon enfant la plus organisée. Elle a été impliquée dans la gestion de notre foyer depuis très jeune. Il faut qu’elle reste occupée, ou elle devient agitée. »
« Mais cela ne serait-il pas indécent ? Elle n’est pas mariée », questionna-t-il. Il ne voulait en aucun cas ruiner la réputation de Lady Margaux par association.
« Personne ne peut s’y opposer quand elle a sa tante pour la chaperonner. »
Gavin repensa à la tante qui avait été présente, et pourtant absente, au dîner, le soir précédent. Était-elle la duègne prévue ? Gavin était reconnaissant que leur fille lui soit confié à lui et non pas à un quelconque roué à la réputation scandaleuse.
« J’envisagerai de lui demander, madame, si la femme du pasteur n’est pas disposée à le faire. Je ne veux pas abuser de la gentillesse de Lady Margaux. »
« J’imagine qu’elle pourra vous être d’une grande aide jusqu’à ce que vous trouviez les personnes dont vous avez besoin. »
« Je vous remercie, je vais y réfléchir. Je vous souhaite un bon voyage. Je vous promets que je vous tiendrai au courant, Ashbury. Madame. » Il embrassa la main qu’elle lui offrait et serra celle de Lord Ashbury.
Gavin se tourna pour aller chercher les petites et manqua le clin d’œil et grand sourire que s’échangèrent Lord et Lady Ashbury.
Pendant ce temps, Margaux avait fait visiter la maison pour jeunes filles abandonnées à Catriona et Maili. Elle commença par trouver la surveillante et lui présenta les petites.
« Madame Bailey, puis-je vous présenter nos nouvelles voisines, Mademoiselle Catriona et Mademoiselle Maili Douglas. Elles habitent désormais au Château Craig, et étaient auparavant à Alberfoyle. »
Madame Bailey, comprenant, acquiesça, et fit la révérence.
« Bienvenue à Breconarae, Mademoiselle Catriona et Mademoiselle Maili. »
« Lord Craig n’a pas pu obtenir une gouvernante pour le moment, donc nous pensions qu’elles pourraient peut-être profiter de nos leçons en attendant », expliqua Margaux à la surveillante.
« Très bien, Madame. Pourquoi ne les présentons-nous pas aux autres jeunes filles et voyons ce que vous en pensez ? » Madame Bailey sourit à Catriona et Maili, puis se tourna pour les guider à travers la maison.
Au premier abord, les filles étaient timides, mais cela ne leur prit pas longtemps avant d’être confortables dans la maison une fois qu’elles eurent réalisé qu’elle était très semblable à Alberfoyle. Catriona était devenue une gentille jeune demoiselle, et Maili était par nature curieuse et bavarde. Margaux observa les enfants prendre leurs repères et étudia la maison à la recherche d’endroits qui avaient besoin d’être améliorés.
« Il y a-t-il quelque chose dont vous avez besoin aujourd’hui, Madame Bailey ? » demanda Margaux curieusement. Elle n’avait jamais été dans un orphelinat qui n’avait pas besoin de quelque chose.
« Rien ne me vient là. Votre père gère la maison comme une machine bien huilée. »
« Aucun doute là-dessus. J’aimerais tout de même être utile. » Sa présence n’avait en aucun cas été prévue ici, il n’avait certainement pas été prévu qu’elle y travaille.
« Si quoique ce soit me vient à l’esprit, je m’assurerai de vous le faire savoir », dit Madame Bailey avant de partir.
Elle était congédiée. La surveillante présumait sûrement que ce n’était qu’une lubie de Margaux et lui disait seulement ce qu’elle pensait devoir lui dire. Elle allait devoir faire ses preuves. La beauté des orphelinats que Lord Easton avait lancés était qu’il était enseigné aux enfants les compétences nécessaires pour être indépendants à leur sortie de celui-ci. L’orphelinat fonctionnait plutôt comme une école et les filles apprenaient tout en aidant. Il n’y avait pour elle peu de choses à faire, à part quelques tâches de couture ; et même cela été principalement exécuté par les orphelins.
Il lui fallait trouver quelque chose pour s’occuper, mais elle ne s’en inquiéterait pas trop pour le moment. Elle était certaine qu’elle serait utile d’une manière ou d’une autre avec le temps. Elle parlerait à la femme du pasteur et rendrait visite aux villageois. Peut-être personne ne s’était-il occupé d’eux depuis un certain temps, au moins depuis le décès de sa grand-mère, si l’état actuel de Tante Ida était un quelconque indicateur.
Elle observa les filles de Lord Craig. Elles semblaient confortables dans cet environnement, peut-être plus que le seraient de jeunes pupilles d’un Lord dans un vaste château. Cependant, il serait attendu qu’elles soient élevées pour devenir des dames de la haute société, et auraient besoin d’une sorte d’éducation différente de la plupart des filles de leur école. Elle pouvait travailler avec Catriona et Maili jusqu’à ce qu’une gouvernante leur soit trouvée. Peut-être d’ici là aurait-elle trouvé une manière louable de remplir ses journées.
Une fois qu’elle considéra que les filles avaient passé suffisamment de temps au douaire pour se sentir confortables et se faire de nouvelles amies, Margaux les ramena à la maison principale. Elle pouvait discuter avec Lord Craig de ses idées et voir s’il était d’accord.
« Excusez-moi, Madame », Madame Bailey l’arrêta sur le chemin du retour vers la maison et la fit s’écarter des filles. « Pardonnez-moi de vous le dire, mais je ne pense pas que cela soit une bonne idée, madame, de les éduquer avec nos filles. Si elles doivent être éduquées comme les filles d’un baron, elles auront besoin d’apprendre des choses plus distinguées. »
Madame Bailey avait presque lu ses pensées, mais elle n’aimait pas le ton de sa voix.
« Tels que la danse, la musique, les langues et l’art ? » Margaux tenta de ne pas paraître amère. Elle avait peu bénéficié d’une telle éducation.
Madame Bailey hocha la tête.
« J’imagine que vous avez peut-être raison. J’en parlerai à Lord Caig. J’avais espéré que cela serait acceptable pour un temps. »
« Mais si vous les mettez ici, elles ne voudront pas arrêter. Il vaut mieux leur faire commencer leur éducation comme elles la continueront plus tard, » insista la femme.
« C’est à Lord Craig de décider, » dit Margaux fermement.
« Très bien, Madame. » Madame Bailey fit la révérence et partit d’un bon pas.
Merveilleux. Elle avait irrité la surveillante quand elle avait désespérément besoin de trouver sa place ici. Bien sûr, ils la toléreraient quoiqu’il arrive, puisque le domaine appartenait à son père, mais ce n’était pas la même acceptation. Pourquoi exprimait-elle toujours son avis si ouvertement ? Cela avait dissuadé de nombreux hommes à Londres qui ne voulaient qu’elle ne soit qu’une poupée en porcelaine à parader à leur convenance. Apparemment cela n’était pas acceptable qu’elle soit belle et aussi capable de réfléchir.
Elle rejoint les filles le long du chemin.
« Cela vous plairait-il d’apprendre de nouvelles choses ? » leur demanda-t-elle.
« Quelle sorte de nouvelles choses ? » demanda Catriona prudemment.
« Jouer au pianoforte, et chanter ou peindre, ou apprendre à parler français ? » suggéra Margaux.
« Mais je veux apprendre à danser », protesta Maili.
« Bien sûr. La danse est une partie essentielle de l’éducation d’une jeune fille. »
« Allez-vous nous apprendre comment faire ? » demanda Catriona suspicieusement.
« Si Lord Craig le considère acceptable », ajouta Margaux.
Les deux filles se jetèrent sur elle pour l’étreindre avec excitation, et ceci fut la scène que découvrit Lord Craig tandis qu’elles arrivaient à sa hauteur sur le chemin.
« Papa Craig ! » s’écria Maili avec une élation non contenue. « La Princesse va nous apprendre à danser ! »
« Ah oui ? » demanda-t-il, l’amusement réchauffant sa voix alors qu’il regardait Margaux avec ses yeux implorants. Il y avait quelque chose dans ce regard qu’elle ne pouvait pas lire.
« Je serai ravie de leur enseigner les talents des dames distinguées jusqu’à ce que vous trouviez une gouvernante, si vous le désirez », proposa Margaux.
« Je vous serai éternellement reconnaissant de votre aide, Madame », dit-il à voix basse.
Elle acquiesça et leurs regards se croisèrent. Ils marchèrent en silence pendant quelques instants.
« Lady Margaux, vous rendrez-vous à la soirée musicale qui aura lieu chez Squire McDouglas ? »
« Je… » Margaux hésita et fronça les sourcils. « Je ne pensais me rendre à aucune des soirées mondaines ici. »
« Cela ne sera pas du tout comme une soirée musicale à Londres, bien sûr. »
« Je…» Elle hésitait toujours.
« Vous et votre tante, bien sûr. » Ses yeux brillaient malicieusement.
Leurs regards se croisèrent à nouveau et ils rirent tous les deux.
« Très bien. Je serai ravie de rencontrer nos voisins. »
Gavin regroupa les filles et les fit monter dans la calèche. Maili était déjà en train d’essayer de s’entraîner à faire ses pas de danse dans le petit véhicule. Catriona était perdue dans ses pensées. Gavin osait espérer que sa situation s’améliorerait grâce à l’aide de Lord Ashbury et sa famille.
« Papa Craig, pourquoi certaines des filles étaient-elles si grosses ? » Maili brandit ses bras pour mimer leurs ventres.
Gavin prit une profonde inspiration. Il avait su que ceci arriverait, mais n’était toujours pas sûr de comment leur répondre.
« Elles vont avoir des bébés, Maili », dit-il, ne voyant aucune raison de ne pas être honnête.
Les yeux de Maili s’élargirent. « Mais elles ne sont pas mariées ! » protesta-t-elle.
« Non, ma petite. Il n’est pas nécessaire d’être mariée pour avoir un bébé. »
« Papa Craig, d’où viennent les bébés ? » demanda-t-elle.
Cela était naturellement la question suivante la plus logique. Il aurait du également voir ceci venir. Peut-être serait-ce moins douloureux de sauter de la calèche que de répondre.
« Cela arrive quand un homme couche avec une femme. Mais vous n’avez pas à vous en préoccuper pour le moment. »
Maili et Catriona restèrent silencieuses pendant quelques minutes tandis qu’elles réfléchissaient à cette information. Il attendait la question suivante qui demanderait pourquoi les filles étaient enceintes. Mais cette fois-ci elle n’arriva pas.
« Papa Craig, la Princesse n’est-elle pas la plus belle fille que vous ayez jamais vue ? » dit Maili d’un ton songeur.
Gavin hésita. « Oui, je suppose. »
« Elle devrait être notre nouvelle maman. »
« Maili ! » la gronda Catriona.
« Mais pourquoi pas ? » demanda Maili. « Elle a besoin d’un mari. J’ai entendu sa maman le dire à son papa. »
« Est-ce donc le cas ? Vous ne devriez pas écouter les conversations des autres, jeune fille », la réprimanda Gavin.
« Mais ce n’était pas de ma faute. Ils discutaient et je les ai entendus. Je n’essayais pas de les entendre. » Elle fit la moue.
« Très bien, ma petite. » Il lui tapota la tête.
« Son papa a dit qu’il comptait sur le charme du bon docteur. J’espère qu’il parlait de vous. »
Gavin ne put trouver une réponse pour exprimer ses sentiments de manière satisfaisante.
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